« Et bien… laissons ton charme faire le reste ? J'ai pas de casque par contre alors… je t'en bidouille un en matière noir, dis-moi ce que tu veux. »
Euh… Ouais. « Euh. Non, c’est d’la merde. J’vais avoir l’air de quoi moi avec ton casque magique là ? » Non ouais. Franchement va pas dire qu’y a pas de différence. Un vieux casque rouillé, tu l’vois, tu l’sens ! Ca, un truc de ténèbres tout pété, non y avait juste zéro chance que j’porte ça, on allait m’griller dans la s’conde. Bon. J’enfile le pantalon d’maille et d’cuir, noir et violet, au-d’ssus d’ma propre salopette pasque faut pas déconner. Puis le haut… Purée, t’appelles ça une armure ? C’t’ait juste deux grosses épaulières, l’une en plaques, l’autres en cuir noir, donc ça allait zéro, hein. Cette armée de clochards, c’t’était dingue. Bon. M’fallait un truc pour pas rester torse nu. Pasque ouais, chuis fier de cette œuvre d’art mais là autant dire que j’changeais quasi pas d’tenue, quoi. « Sérieux… » qu’j’ai dit dans ma barbe. Franchement Surkesh, t’avais un boulot et tu m’ramènes l’équip’ment du nudiste d’la Coa, j’t’en prie ! Non mais s’y voient tous mon tatouage, ça va leur évoquer des liv’d’histoires, des albums panini, chais pas quoi. Y vont forcément penser à moi ! Dans la piaule, j’ai trouvé une vieille tunique noire, franch’ment… elle sentait la mort, elle était tachée, mais elle était aussi parfaite ! J’l’ai mise sous les deux épaulières ! Bon et… c’est l’début du printemps, j’ai jamais dit qu’mon personnage d’garde noir était pas frileux ! J’ai quand même glissé la tunique sous l’pantalon, j’me suis inspecté, j’ai… retroussé mes manches pour qu’on voit quand même mes bras. Ralala… Soit c’est d’la merde et Surkesh est un connard. Soit ces gardes noirs sont vraiment des mongols, pasque ça, là, c’est pas un équip’ment. Putain chuis toujours à poile mais quand j’étais à l’armée, moi, j’avais un uniforme et j’le portais !
« Bon. » J’ai pris la radio et j’l’ai accrochée à la ceinture du pantalon. « Tu vas voir c’que c’est qu’passer pour un gros con. » ‘Fin. Dire ça à Surkesh, c’est bizarre pasqu’en théorie du gros con, c’est quand même le champion. Mais il avait pas ma sagesse et mon savoir-faire. Tu veux t’faire passer pour un gard’noir, t’as la moitié d’la ville à traverser ? Déjà j’étais l’rôle incarné. Franch’ment, me dis pas qu’ils ont pas pensé à moi quand ils ont réfléchi au job, pasque garde noir, c’est Jecht, mais en moche. Alors bon. Non mais donc. J’ai r’gardé dans la piaule et j’ai cherché le premier truc encombrant, mec, le premier, qu’avait l’air d’valoir plus d’quarante munnies au bon coin. Alors va pas t’faire avoir par une télé. Tout l’monde en a un dans c’putain d’monde. C’est l’seul divertiss’ment qu’ils ont, ces fils de pute. Nan, faut être subtil. Et là j’la vois, une putain d’table basse qui f’sait genre fausse porcelaine ou chais pas quoi, avec des motifs de fleurs d’or chais pas quoi. Ca sentait l’faux, mais quand tu t’mets dans la peau d’un garde noir, tu vois ça et tu t’dis : « Vindiou, c’t’est pas ma p’tite poupouille d’épouse qui va bien adorer c’cadeau en marbre et en or massèf. J’vais lui prendre et lui taper, comm’èl’s’ra contente. » Mais ouais. Bien sûr. Alors j’ai dégagé c’qu’y avait dessus d’un bras, elle était tachée mais c’pas grave, et d’mes deux mains j’l’ai soul’vée. Chuis sorti. Déjà. Personne va s’étonner d’voir sortir un gros con d’garde noir d’une maison, s’il a ram’né un souv’nir. Ensuite ? Bah j’ai avancé. Putain de direction de place des fêtes. J’ai pris une ruelle et j’ai descendu, ma table à bout d’bras, en la r’gardant comme la prunelle d’mes yeux.
Et allez, c’est l’moment d’tester. J’croise des gens qui m’évitent, déjà c’est bien. Puis... Deux gardes noirs en patrouille. Ils montent, moi j’descends. On s’croise. Ils m’ont r’gardé. « Un peu plus haut, les gars, j’ai défoncé la porte. ‘Pouvez vous servir. » Et c’est passé. Bah ouais. Tout est dans l’attitude ! Chuis pas sensé êt’seul, c’est débile, de base ! Un garde ça s’promène pas seul, si ? Alors si j’suis seul, bah qu’les gardes y vont s’dire « pourquoi qu’il est seul ? » et ils vont v’nir m’parler. Et même s’y s’disent pas ça. S’y voient qu’j’fous rien, comme j’suis désarmé, mais… ils vont s’demander pourquoi !
Là. Dans mes mains, y a juste la réponse à toutes leurs questions : j’ramène une table basse à la maison. Et voilà. Personne suspecte jamais le mec qui porte une table basse, dans les films. Vas-y, trouve un contre-exemple, connard, ça existe pas.
J’tais l’maître d’l’infiltration, le seul véritable songe dans la ville du crépuscule tout ça !
Un moment, j’m’arrête brusquement. Ca f’sait quand même pas mal de temps qu’j’avais pas entendu Surkesh et j’commençais à prendre trop d’plaisir à ça donc… ah. Non parfait. Une tape sur l’épaule, le retour de l’enfant pas tant aimé qu’ça, et me r’voilà en route.
Et on y était. Place des fêtes. Putain… C’était là qu’tout avait commencé. J’avais lancé mon premier banc sur un mec ! J’avais rencontré Cissneï en lançant un banc sur son pote ! J’avais… pour la première fois grugé l’monde en disant qu’j’étais d’la Coa et r’garde où j’en suis ! Je… j’progresse à mon rythme dans ma vie, ouais. Putain. Mais ouais, tout d’suite j’remarque qu’la déco a changé. C’est plus l’arène, là, c’est… ‘fin si, en fait, c’est une arène. La même chose mais vue par ton voisin pédophile, hein. Une putain d’cage, avec dedans un monstre. Bon le monstre on s’en fout mais en gros t’as autour d’la cage des grilles, des pièges à loups, des armes suspendues. ‘Fin. Franch’ment, un délire. Y avait tell’ment d’trucs qu’j’comprenais bof comment on était censés y voir un truc. Puis en fait… voir quoi ? Nan pasque à part que c’est sans doute là qu’a été él’vé c’petit connard de Ioan, j’vois pas c’que c’est, à quoi ça sert, c’que…
« Oh ! »
J’regardais pas où j’allais, y a un truc qui s’est heurté à ma table. J’ai r’gardé. Une meuf avec son fils. Y se sont immobilisés, genre pétrifiés, t’sais. Merde. J’ai r’gardé derrière moi. Y avait des gardes noirs, six. Carrément une patrouille, quoi. Certains me r’gardaient alors qu’j’avais l’impression qu’y vérifiaient un peu tous l’endroit. Ils z’allaient pas partir, ça c’tait sûr. Putain.
« Euh. » J’hésitais trop. Putain. « Hey ! » qu’j’ai crié à la femme comme si elle était à cent mètres. Elle a sursauté. « Tu viens d’abimer ma table basse là ?! » Putain, j’avais comme ce sentiment d’dire beaucoup plus de fois table basse en dix minutes que dans toute ma vie… Puis c’était quoi cette phrase de merde, là. Tu viens d’abimer ma table basse ? Personne dit ça, c’est nul.
« Pardon, non, je ne l’ai pas fait exprès. » Elle baissait les yeux. Elle a quand même pris son fils et l’a mis derrière elle. « Moi j’crois qu’tu l’as fait exprès. » J’ai posé la table. Putain, du coin d’l’œil, j’pouvais voir les gardes s’approcher. Ok. Fallait qu’j’règle ça vite mais dur. Si elle était encore là quand eux s’raient là, ça pourrait dev’nir tendu. Je me suis approché. J’avais aucune idée. Franch’ment, les vraies seules pistes que j’avais, c’était d’lui d’mander d’me montrer ses loches mais c’tait tendu. Puis c’tait pas l’moment. Et puis fallait faire vite. Pas qu’j’étais très exigeant sur la durée d’montrage de loches hein. Enfin bref, pas de loches. Enfin pas maintenant. « Euh… » Mais merde, l’impro de nul. « Bah tu vas m’rembourser son prix. Y a pas l’choix. Sinon, c’est… » j’allais dire encore un truc par rapport à ses seins, j’me suis ret’nu. « c’est… » J’ai toussé. Elle m’a r’gardé, l’air de m’supplier. Roh quelle merde. « C’est pas d’la merde en plastique, cette table. 120 munnies… ça suffira. » Putain j’me détestais d’faire ça, just’pasque c’était… ouais. Non mais j’m’en fous, ça m’dérangeait pasque c’était une femme, hein. Ca aurait été un homme j’aurais pris plus. Mais j’avais la technique. « File-moi ta bourse. » J’ai glissé une main dans mon pantalon pour aller chercher des pièces dans ma propre bourse, technique de malin, ça. J’ui ai arraché la sienne des mains, j’pouvais limite sentir la présence des aut’gardes derrière moi. Et j’ai mis ma main, déjà pleine, d’dans. J’ai fait semblant d’trifouiller puis j’ai r’ssorti ma main pleine d’mes propres munnies. J’ai compté. « 200. Ouais, ça suffira. Casse-toi. » Elle s’est r’tournée, p’tite claque sur les fesses mais hey. Garde noir.
J’me suis r’tourné, l’air malin, vers les gars. Y en avait qui m’souriaient, puis deux d’entre eux, pas trop. « Et hop dans ma poche. » J’ai rigolé grassement. L’un s’est approché d’ma table.
« Tu l’as d’où ? »
« T’as pas d’armes ? »
« J’l’ai prise dans une maison, un peu plus haut. Et nan, moi j’me bats aux poings, mec.»
« … T’as volé ma table basse ? »
« Hein ? »
Putain, ça. J’l’ai pas vu v’nir. L’mec était vénère à crever, brusquement. Il avait déjà un pistolet à la main, qu’il pointait sur moi. Franch’ment, ça aurait été un aut’que moi avec cette table, ça s’rait jamais arrivé mais ouais, moi, bien sûr qu’un truc comme ça c’est… J’ai pris son poignet d’une main et j’l’ai tordu vénère. Il a hurlé, son flingue est tombé, le coup est parti.
« Ta table basse ?! » qu’j’ai hurlé comme un fou. J’ai donné un coup d’pied, balayette, il est tombé en avant, moi toujours son poignet dans la main. Les autres ont commencé à réagir. Mon aut’main a pris l’pistolet et l’a pointé vers eux sans les r’garder. « Vous mêlez pas d’ça ou j’me charge de vous. »
L’propriétaire de mes couilles avait la face contre terre, en train de rager d’douleur. « Ta table basse ?! C’qui est à toi est à moi, p’tite merde. » J’ai lâché son poignet et j’l’ai forcé à s’retourner, tout en mettant l’pistolet à ma ceinture. J’me suis assis sur le ventre du mec. « Et c’qui est à moi est à toi ! Regarde… mon crachat… c’est… » J’l’ui ai enl’vé son casque, j’l’ai forcé à ouvrir sa bouche avec mes doigts, en les mettant entre ses dents. J’ai fait c’bruit dégueulasse avec ma salive et j’lui ai craché dans l’gosier. « Ton crachat ! » J’ai fermé sa mâchoire. Les autres s’éloignaient et d’vaient vraiment m’prendre pour un cinglé. « Allez avale ! » J’ai commencé à forcer contre sa mâchoire pour lui faire mal, l’forcer à faire c’que j’disais. Puis j’lui ai donné une petite claque sur la joue droite. « T’as compris ? » Il a ragé en hochant la tête, les yeux fermés. J’me suis rel’vé, j’ai pris son casque. « T’es comme un frère. » J’ai mis son casque sur ma tête, un genre de barbute dégueu, noire et mauve mais surtout laide. J’ai r’gardé les autres en r’prenant l’flingue, en vidant les munitions au sol et en l’laissant tomber à terre. J’ai souri. « J’peux passer ? » J’ai r’pris ma table, et j’ai continué. Putain. Quelle affaire. Franchement des cinglés, ces connards-là.
On a quitté la place, là. Quelques ruelles et on arriv’rait au centre-ville.
Mar 16 Avr 2019 - 4:00