A côté de moi, debout à côté du bureau, une grande silhouette d'humain est en train d'examiner quelque chose posé sur le meuble. Les paroi de ma prison déforment un peu ce qui m'entoure. Je suis obligée de m'approcher et de coller un œil tout contre la paroi de verre pour voir un peu mieux.
"-Hey mais c'est ma lettre ! Et mon billet de vaisseau !" Je tâte après mon tube porte-lettre que je suis sensée porter en bandoulière. Disparu !
"-Vous me les avez pris, rendez les moi !"
Ma voix résonne dans le bocal et attire l'attention de mon geôlier. Il tourne la tête vers moi et son expression affiche une légère surprise. Il s'approche du bocal et se penche sur moi. C'est un grand dadais longiligne avec un costume à queue de pie. Des cheveux roux qui frisottent sur son crâne dissimulent mal un début calvitie. Il n'a pas l'air méchant, juste très embêté.
"-Bonjour petite demoiselle ... hum ... votre ..." Il cherche ses mots "... suite est elle confortable ?"
Sa voix me parvient un peu déformée par ma prison, mais j'arrive à comprendre ce qu'il dit. Il a l'air presque aimable, ça m'encourage à lui crier de plus belle !
"-Laissez moi sortir s'il vous plait ! C'est une erreur ! Vous m'avez pris mes papiers, ils sont importants !" Je tambourine de mes petits poings la paroi de verre et montre avec instance les papiers. Le domestique affiche une moue contrariée.
"-Navré mademoiselle, je ne suis pas en mesure de vous comprendre ..." Il hésite un bref instant. "... Monsieur Picsou et moi même sommes navrés de vous imposer ce contretemps fâcheux . Mais voyez vous, il y a plusieurs points que nous nous devons d'éclaircir avant de vous rendre votre liberté, vous comprenez ?"
J'ai cessé de parler pour l'écouter. Et je le regarde avec un air un peu ahuri. Non je ne comprend pas ...
"-Vous êtes mademoiselle "Neige", c'est cela ? Et vous venez du pays imaginaire ?"
Je hoche la tête, deux fois. Il parait satisfait de ma réponse.
"-Nous avons eu à lire votre correspondance ... hum ... privée. Mes excuses pour cela mais les circonstances de votre "visite" chez nous l'ont imposé ... Je vais contacter le Consulat afin de clarifier la situation, d'accord ?"
Il sourit d'un air aimable. Étrangement, même si je suis enfermée, j'ai l'impression que cet homme ne me veut pas de mal. C'est rassurant. Du coups je hoche de nouveau, un sourire apparaît même sur mon visage. Oui contacter le consulat, c'est exactement ce que je voulais ! J'applaudis l'idée et lève les deux pouces. Le majordome se détourne et ramasse sur le bureau un genre de grand croissant noir, relié à un boitier par un grand fil entortillé. Il porte le croissant à ses oreilles, tripote un peu le boitier et commence à parler dedans. J'imagine que ça fonctionne un peu comme les gobelets que les bricoleuses relient par des ficelles pour parler à quelqu'un de loin.
"-Allô ... ? Oui ? Ici Baptiste, de la résidence Picsou. Monsieur Picsou souhaite vous demander si vous n'auriez pas par hasard perdu une fée ? ... Oui très bien, j'attends ..."
J'entends pas très bien. J'essaye de me redresser sur la pointe des pieds pour approcher mon oreille d'un des trous d’aération de mon bocal. Baptiste patiente, il tortille le fil de l'appareil de communication entre ses doigts et m'observe pensivement. Soudain, une lumière rouge s'allume sur un autre boitier posé sur le bureau. Une voix tonitruante retentit soudain.
"BAPTISTE ! VOUS AVEZ RÉGLÉ LE PROBLÈME DE CETTE CHAPARDEUSE ?? JE VEUX QU'ON ME REMBOURSE JUSQU'AU DERNIER CENTIME CE QU'ELLE ET SON COMPLICE M'ONT VOLÉ ! J'EXIGE RÉPARATION !!! ET FAITES VITE, IL Y A ENCORE TOUT LE COULOIR A NETTOYER, IL Y A DE LA COLLE PARTOUT. DÉPÊCHEZ VOUS ET NE FROTTEZ PAS TROP FORT, CELA USE LES SERPILLIÈRES. ET DOUCEMENT SUR LE SAVON. CE SERA RETENU SUR VOTRE SALAIRE SI VOUS GASPILLEZ LE MATÉRIEL."
Baptiste a une moue contrariée. Il tend le doigt et appuie sur un bouton, répondant avec un ton conciliant.
"-L'incident est en voie d'être réglé monsieur Picsou. N'ayez crainte."
Une voix émane du croissant noir. Lointaine, je n'entends rien du tout. Baptiste se hâte de porter l'appareil à son oreille, de nouveau.
"-Ah oui allo ? Oh c'est vous ? Vous vous en occupez , vraiment ?" Difficile de voir si Baptiste parait soulagé ou contrarié de là où je suis ...
"-Oui c'est cela ... Neige ... On a trouvé des papiers ... Oh oui beaucoup de problèmes ... Oui ... Beaucoup de dégâts ... Puisque vous en parlez, monsieur Picsou aurait quelques réclamations à porter à ce sujet ... Oh oui il est très fâché ... Une partie de ses actifs sont gelés d'ailleurs ... Ah non ce n'est pas métaphorique ... La fée à ... hum ... tout gelé quand on l'a neutralisée. Une explosion de gel oui ... On est en train de faire fondre pour débloquer les fonds ... Quoi ? Non non elle va bien ! ... Allons non ! Nous ne sommes pas des monstres ! ... Oui ... Et un petit diable rouge, il ne serait pas à vous aussi par hasard ? Non ? ... Ah bon ? ... Non pour rien ... Très bien nous vous attendons. Faites vite".
Baptise raccroche l'appareil de communication. Il me regarde un moment et hoche la tête.
"-Je pense que ... Quelqu'un va venir pour vous mademoiselle. Puis-je vous demander de rester calmement ici ? En attendant mon retour ... S'il vous plait ?"
Il y a quelque chose d'un peu suppliant dans sa voix. Je n'ai pas le cœur de le contrarier, alors je hoche de nouveau la tête. Je lui promet d'être sage ! L'air satisfait, Baptiste se dirige vers un placard qu'il ouvre en grand. Il en sort un grand balais, une serpillière, un seau et visse sur son crâne dégarni une casquette usée sur laquelle est écrite l'inscription "Entretien".
"-Monsieur Picsou a un peu rogné sur certains budgets ... Que voulez vous ? On doit être polyvalent de nos jours ..."
Je ne sais pas vraiment si Baptiste s'adresse à moi en disant ça. Dans le doute je hoche la tête avec un air compassé, même si je n'ai aucune idée de ce à quoi peut bien ressembler un "Polyvalent". Le Majordome quitte alors la pièce ... Qui sans lui devient très vide et très ennuyeuse.
L'idée d'essayer de m'enfuir me traverse l'esprit ... Mais bon ... D'une part ce bâtiment tout piégé ne m'a pas trop porté chance jusqu'à maintenant, l'idée de m'y balader seule ne m'enchante pas trop. Et d'autre part, quelqu'un du consulat devrait pas tarder à venir, ce serait bête de le louper !
Alors je m'assois au fond de mon bocal. Pour passer le temps je fais appel à mon pouvoir ... Je fais quelques beaux flocons que j'envoie voleter en soufflant un peu dessus. Ça m'occupera le temps que ça m'occupera ...