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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Distille-moi une vodka

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Au moins, il fait moins chaud dans cette partie de l’univers ! Et c’est pas les centaines de fontaines d’la ville qui vont m’contredire. Qu’est-ce que ça fait du bien d’rev’nir au Jardin Radieux. Du moins, d’y revenir en coup de vent. Là, dans l’fond d’ma poche, il y a l’invitation d’Aqua à la rejoindre à la Contrée du Départ. Enfin, j’ai juste le temps d’me balader avec l’gamin et lui présenter mon atelier ! Ensuite, disons que, j’vais p’tet le confier à Ulthane le temps d’me rendre voir mon maître.

C’est pas comme si j’allais partir et n’jamais revenir ! Voyons, ce serait cocasse comme situation.

Bref, là, nous v’nons de poser pied à terre et j’laisse deux minutes à Ioan de découvrir la ville. Généralement, la première fois que tu t’ramènes au Jardin Radieux, tu t’rends compte de l’influence du Consulat sur ce monde.

Il y a pas un endroit moche ou un sale mioche qui laisse trainer l’emballage de son goûter. Limite, l’seul truc que nous avons à reprocher, c’est l’immense soleil qui a été peint par Arthur au sommet du dôme en pierre. Bon, d’accord, il y avait l’visage de Roxas avant ! Mais bon, c’est un peu comme pousser la poussière sous l’tapis.

Enfin, v’là le Jardin Radieux ! Tu verras, c’est cool et il ne fait pas trop gris dans c’monde, sauf les jours de pluie… Enfin… Tu m’comprends.
Ouais, j’suis pas tellement inspiré que ça. Au final, c’est juste la visite qui doit marquer l’gamin ! Sauf qu’ici, j’suis un peu l’vieux d’la vieille. Est-ce que j’vais commencer à lui montrer chaque coin de rue en contant un bout d’histoire ?

Ce serait vachement long. Il y a vraiment beaucoup d’rue dans cette ville et d’truc à raconter. Sans oublier les artistes ambulants qui s’amusent avec leurs trucs.

D’ailleurs, j’emboite le pas et j’évite soigneusement d’marcher sur un dessin à la craie à même le pavé d’la ville. Ce serait mentir d’vous dire que j’sais de qui sa vient, il y a tellement d’originaux dans c’monde que j’suis incapable d’en citer la moitié. Il y a déjà certains noms qui sont capables de franchir ma bouche ! Mais j’vais pas directement balancer le gamin en direction du Poète. Il aura vite fait d’le noyer sous un flot d’parole.

Déjà que j’ai parfois du mal à saisir c’qu’il raconte.

Bon ! J’me perds encore et c’est pas comme ça que j’vais faire avancer les choses.

Après l’voyage en vaisseau et la glace qui commence à s’faire lointaine, il commence pas à s’faire faim ? Si tu veux, il y a de quoi faire chez moi. C’est pas d’la gastronomie ! Mais tu risques pas d’mourir de faim. À moins que tu préfères que l’on s’arrête pour prendre un truc en chemin ?
Depuis l’temps que j’suis ici, j’peux vous faire la carte complète des boulangeries et des autres commerçants. Et puis, j’connais les meilleurs. De plus ? Un p’tit emblème à l’effigie du Consulat et j’ai la certitude de pas recevoir le pain d’la veille. Et puis, les restaurants et p’tit revendeur de rue, ils me connaissent plus que c’que j’les connais. Dans l’idée, j’dois surement être leur meilleur client.

Surtout la pizza de la place voisine de ma brasserie. En même temps, l’gars reste ouvert jusqu’à vingt-trois heures !

Alors, le soir, quand j’sors de l’atelier pour m’changer les idées, autant vous dire que j’sais où aller ! L’gars, il doit avoir gagné des concours ou utiliser des ingrédients spéciaux. À côté ça, l’chef du Sommet des Arts, il te sort pas des pizzas comme lui il fait. Tout ça pour dire que, un soir sur deux, j’me retrouve dans mon fauteuil à bouffer la pizza dans l’plus grand des calmes.

Dans l’doute, j’vais pas lui en parler maintenant, ce sera une surprise pour plus tard. Genre, ce soir à vingt-deux heures pour la fringale de minuit.


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Si différent. Tout était si différent ! Pour sûr, l’inattentif aurait rétorqué que bien des demeures ici se paraient des mêmes pierres blanchies que les maisonnées de la Costa del Sol. Mais quelle erreur !

C’eut été oublier les originales, grises et orangées.
C’eut été oublier les charpentes de bois que certaines exposaient sans honte.

Surtout. C’eut été ignorer la fierté pompeuse qui les gardait droites et hautaines, pour la plupart, bordant en un défilé rigoureux la place que l’enfant et son ami traversaient.

— Ioan avait-il seulement le droit d’en voir tant en une journée ? N’était-il pas trop ambitieux ? Pouvait-il espérer en découvrir tant et plus chaque jour, et ne jamais avoir fini de parcourir les étoiles ? Il n’osait imaginer parvenir au terme de ce périple, que ses rêves n’avaient pu lui offrir. « Tout c’que tu voudras ! » lança-t-il après trois enjambées excitées, suivant le mouvement de deux pigeons s’envolant ! Avait-il faim ? Non, tout au moins ne le ressentait-il pas. Mais si le Père Noël le désirait, quel nouveau plaisir rencontrerait-il à le suivre ? Quels mets pouvaient satisfaire son monstre généreux ? Seraient-ils sucrés, comme la mélodie dont s’enivrait le violoniste, de garde dans la rue qu’ils avaient quitté ? Seraient-ils amers, semblables aux tristes vers du poète, criant son âme depuis sa fenêtre ? Peut-être épicés, tels le piquant vif des peintures qu’une artiste exposait là ? — Une jeune demoiselle dont les apostrophes, adressées aux passants, relevaient l’attitude énergique. Ou alors, tout ceci à la fois ? Ou toute autre chose ? Le garçon était, pour sûr, curieux. Il lui suffisait, afin de satisfaire cet intérêt, de tenir bon face à son nouvel adversaire.

Le Soleil, las de le poursuivre, laissait l’enfant se perdre dans les rues qu’il veillait depuis le Sommet des Arts. Si Ioan se félicitait d’avoir réussi à tenir face à l’agacement manifeste de l’astre… sur son épaule, sa fatigue tapait du pied. Irritée, elle s’accrochait à ses tempes avec toute la volonté des mondes ! Mollement, elle se laissait traîner, pesant de ce qu’elle avait de poids, sans ménagement. Ne lui avait-il pas promis qu’il s’y laisserait aller, plus tard ? Il trichait ! Il veillait bien trop ! Déjà, dans le cocon de métal à la traîne de feu, il ne lui avait pas accordé d’attention. Il avait regardé dehors, de lointaines constellations s’imprimant sur ses rétines — Ioan n’avait pourtant jamais été connu pour sa grande endurance. Alors pourquoi luttait-il aujourd’hui ? N’aimes-tu pas t’asseoir au bord du lac, et sentir la brise légère caresser tes joues alors que tes rêves dansent devant tes yeux ? N’aimes-tu pas t’effondrer au côté des jardinières et regarder le ciel, simplement ? N’aimes-tu pas écouter le chant des gens et des jours, spectateur silencieux et respectueux ? demandait la fatigue. Alors pourquoi te presses-tu ? N’es-tu pas déjà venu dans ce monde ? — Si, cela était bien vrai. Alors, la ville s’était parée de mille costumes. Elle s’était couronnée d’un labyrinthe aux figures de roses et valsait sur les têtes des passants. Alors, ses plus beaux trésors chantaient des contes d’hommes effrayants, de lapins pressés, et de créatures dînant aux chandelles. Ses toits couvraient une forêt sombre, et ses ruelles dégageaient l’odeur du houblon.

Désormais, la ville se montrait telle qu’elle aimait être au naturel. Cela, Ioan voulait le découvrir. Alors oui, promettait-il encore, il se laisserait tomber au sommeil, lourdement.
— Mais plus tard. Pour le moment, l’enfant bondissait légèrement, au rythme des balles du jongleur, et glissait entre les badauds comme l’archet sur les cordes du violon, humant l’odeur des fleurs. Jaunes, blanches, rouges ! — Elles s’étendaient en tapis sur la place que le monstre généreux et lui-même rejoignaient. Là, s’affairaient chanteurs de rue et danseurs en quête de public. Relevant la tête, le garçon s’arrêta, muet, devant un tableau mouvant et brillant, sur lequel les images se succédaient sans s’interrompre. Quelle était cette merveille ?! Surtout… ce qu’il entendait, ou croyait entendre, correspondait-il à ce qu’il voyait ? Il ne pouvait pas le rêver ! Les lèvres de ce monsieur sévère bougeaient, et il était certain d’entendre quelqu’un parler comme si cela venait de lui ! Comment était-ce possible ?! Il n’avait jamais vu de peinture s’animant ainsi, c’était étrange. Mais merveilleux ! Intrigué, il se tourna vers Chen…

… Chen ?

Où était-il..?
Pas là.

Pendant une seconde, le reste du monde s’effaça.
Puis il entendit sa voix.

Suivant le pétale d’une fleur bleue, dessinée par les pavés, Ioan se hâta. Voilà bien un ami qu’il ne désirait pas perdre. Et il n’eut guère de mal à trouver l’imposante créature, dépassant d’une tête la plupart des inconnus qui honoraient la place. Rapidement, encore secoué, peut-être, par sa presque-perte, l’enfant saisit des deux mains la patte du Père Noël. Souriant finement. Après un instant, il avisa la toile parlante et mouvante, les yeux brillants de curiosité. « Dis-moi, comment ils font ça ? » questionna-t-il.
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Oh, on dirait pas comme ça, mais ça m’fait un bien fou d’avoir Ioan à mes côtés. Pas pour dire que, j’aime avoir un faire-valoir ou un apprenti. Plutôt que, de l’voir s’émerveiller à chaque coin d’rue ? Il y a un élan d’nostalgie qui s’installe en moi.

Enfin, j’suis pas comme l’gamin ! À son âge, j’étais plutôt l’gars qui s’arrêtait pour demander une glace à la place de m’interroger.

Nah. L’truc, c’est simplement d’voir ses yeux pétiller d’joie. Un peu comme un gars qui a abusé d’la bière, à la différence qu’Ioan est pas en train de vomir ou de provoquer la moitié d’la ville. Ça m’fait penser, il faudra éviter d’lui faire goûter les alcools. Il est forcément trop jeune pour vivre cette expérience. Lui, j’le retrouve dans cinq ans. À ce moment, j’vais pouvoir être le tonton qui offre la première bière.

En attendant c’moment, ce sera ceinture pour l’gamin ! Et v’là qu’il m’file une nouvelle question et une réponse à trouver.

Ça ?!
La tête qui s’lève sur l’écran d’la télévision, ou du moniteur comme apprécie l’dire l’mec qui a installé ces machins.

Attends, tu viens d’quel monde déjà… Hum… C’pas important. Donc ! Il s’agit d’un téléviseur. M’demande pas comment ça marche exactement, j’en ai pas la moindre idée.
Oh, j’me souviens, il y avait les images du concert des sirènes qui passaient en boucle il y a encore deux ans ! Après, il y a eu les journaux télévisés de l’Éclaireur et finalement les avis d’recherche sur Ukiyo, Roxas et Kefka. Ah, il y a aussi eu l’attaque du dragon sur l’Domaine Enchanté. P’tet que j’vais éviter d’lui dire.

Tout c’que j’peux te dire, c’est que cette machine est capable de retransmettre des images qu’une autre machine capture. L’but ? C’est simplement de montrer et d’faire entendre c’qui se passe ailleurs. Ici, ça ressemble à un reportage sur la Cité du Crépuscule… Non. J’ai envie d’dire que c’est Grimm ! Oui, c’est ça. Ou p’tet Illusiopolis. Enfin, il te suffit d’regarder et écouter pour comprendre.
V’là le bonhomme. Si avec ça, il comprend pas l’utilité du bouzin, j’suis prêt à lui offrir une nuit à l’hotel le plus en vogue de la Costa ! Ou pas. Ouais, j’ai pas un portefeuille avec budget illimité et j’suis pas du genre à taper dans les réserves du Moulin Rouge. Il m’reste ma dignité. Sinon…

Alors, comme j’me retrouve à choisir, on fonce directement à la brasserie ! Inutile de t’faire languir plus longtemps. C’est par là.
Au milieu d’la foule, il m’suffit d’lever le bras et d’pointer la direction à suivre. Pas moyen d’avoir si c’est vraiment utile parce qu’il risque d’me suivre, sauf que c’est juste pour la forme. En route !


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En route, oui ! — Ioan était à la Lune. Il accompagnait son monstre généreux, tenant sa patte d’une main. L’enfant comprimait un sautillement excité comme bienheureux. Il s’interrogeait : à quoi pouvait bien ressembler l’atelier de son ami ? Sa brasserie ? Que reflèterait-elle de lui ? Le lieu aurait sûrement bien des histoires à lui conter. L’enfant ne pouvait pas attendre, il voulait savoir ! Et pourtant… il n’aurait guère su s’y transporter instantanément.

Qu’importe ! Il y avait, sur le chemin, tant de merveilles à contempler, petites et grandes ! Il ne verrait pas le temps passer — le temps. Le temps qui s’écoule et s’échappe ; le temps qui s’arrête et se tord ; le temps qui s’en va mais s’en revient… Le temps, sur lequel il n’avait jamais eu d’emprise. Le garçon ralentit, son regard glissant sur les jardinières peintes qui paraient les fenêtres. Le tableau parlant qui l’avait tant prit fuyait sa considération, au profit d’autres trouvailles enchanteresses.
Souriant, Ioan s’amusait des scènes que les poteries jouaient pour lui : les ciels bleus des enfants, les motifs abstraits mais travaillés des adultes — les plaines fleuries des uns et les épisodes héroïques des autres. Elles avaient toutes, pour lui, un charme fascinant. Un éclat singulier. De l’excellence technique des plus abouties, au cœur des plus innocentes.

Il s’y serait arrêté, nul doute, si le bras de son monstre généreux n’avait pas agi comme la laisse d’un animal trop curieux. En deux enjambées maladroites, prenant garde de ne pas estropier les pavés les plus fatigués, il revint au niveau de son ami, relevant la tête vers lui. Son regard croisa ses massives épaules. Il y avait trôné, tantôt. Le monde était si différent pour les géants ! se souvenait-il. Il y avait tant de choses qu’ils pouvaient voir, et lui non ! C’était là toute une perspective. A quoi ressemblait cette rue, vue du haut de cette tour poilue ? Les chapeaux des passants étaient-ils le flot d’une rivière calme, reflétant les couleurs du soleil ? Les jardinières qu’il admirait composaient-elles une envoutante mosaïque de vie, que seule une vue d’ensemble pouvait révéler ? Les demeures qui l’encadraient se suivaient-elles ici sagement, ou tentaient-elles chacune de paraître plus avenante que leur voisine ?
— Tiens, coupa-t-il lui-même ses pensées, comment avait-il fait pour ne pas repérer ce chemin ?

Là, celui qui commençait à gauche d’un chat redressé bien droit dans ses bottes ; qui continuait en bifurquant près du landau d’agate et de tourmaline ! Puis, qui semblait se perdre, jusqu’à un banc aux planches réservées du matin au soir.
Le garçon ne pouvait voir plus loin, mais la voie était claire.
Il s’y engouffra.

Prenant les devants, il entraînait Chen sur son propre sentier : une route peu lisible leur offrant passage malgré l’agitation ambiante. De sa main libre, l’enfant indiquait à son ami ce qui les attendait, dessinant un périple sans réel danger, dans une ville couvée par le soleil. Le banc, enfin ! Chargé, bien évidemment. La suite du chemin… où était-elle, la suite ?

Les maisonnées se penchèrent pour mieux l’entendre, et leurs fenêtres brillèrent par anticipation.

Quand réaliserait-il, oui, qu’il n’y avait plus de voie à suivre ? — Pourquoi ? Il y en avait toujours, pourtant.
L’enfant se stoppa net.

Où aller ?

Il examinait calmement l’endroit, en quête d’inspiration.

Non.

Il désirait examiner l’endroit, en quête d’inspiration.

Il le désirait.

Mais d’un coup bref, la foule bougeait ! La foule remuait ! La foule venait se presser contre lui ! Le flot tranquille de la rivière se jetait dans l’océan, et il semblait prit, perdu. Ioan coulait sans se noyer, emporté — mais il n’était pas seul.

Ainsi plutôt que de sombrer, son dos rebondit contre le ventre dodu de son monstre généreux. D’un air confus, Ioan l’avisa, ses lèvres s’étirant finalement en un sourire étincelant. Il ne put retenir un léger rire. « Merci ! » s’exclama-t-il simplement. D’un geste sans heurt, le Père Noël lui désigna la bâtisse à laquelle ils faisaient face.

C’était donc pour cela qu’il n’y avait plus de chemin.
Ils étaient arrivés.
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Ouais, là ? C’est mon moment. J’le regarde avec l’plus beau d’mes sourires en m’frottant l’bout du museau.

Show must go on, comme ils disent au Moulin Rouge.

Donc, j’balance ma grosse patte on fond d’ma poche et j’tourne dans celle-ci. Alors… Les piécettes, emballage de carton, carte de visite, dépliant qu’une dame m’a donné à Costa Del Sol et… Voilà ! Un peu comme s’il s’agissait d’une victoire sur l’humanité, j’dresse ma patte avec la clé d’ma brasserie.

Bon, j’en fais p’tet un peu trop. Bom, j’enfonce la clé dans la serrure et il me faut deux tours à gauche pour ouvrir la porte devant l’gamin.

Si Votre altesse veux m’faire cet honneur…
Hop, j’tends l’bras dans la demeure et j’invite Ioan à s’y glisser en premier . Bon, j’suis pas pingre, j’laisse quand même mes doigts effleurer l’interrupteur pour qu’il puisse voir à l’intérieur.

Bon, après, j’vais vous dire, c’est pas l’grand luxe. L’entrée de l’atelier ? C’est rien d’plus qu’une grande salle avec des futs percés pour les visites et les dégustations, c’est l’côté rentable de l’faire. J’me contente pas d’avoir mes cuves et d’envoyer mes cuvées jusqu’au Moulin Rouge. Donc, il y a les brochures, les chaises et les chopes de dégustation jusqu’à mon « bureau » qui sert surtout à noter c’que j’dois faire. Un escalier sur la droite, pour ma chambre et un autre sur la gauche jusqu’au cave.

Pour ceux qui s’pose la question du pourquoi dans les caves, c’est pour une raison très simple. Moins il y a d’interférence du type « solaire », mieux la cuvée se portera ! Le brassage, ça requiert de faire ça dans l’noir.

Ouais, j’avoue, c’est pas l’plus intéressant, il te suffit d’prendre l’escalier qui descend et c’est la qu’la magie opère… C’est une expression, j’souffle pas l’vent dans ma cave.
J’ai fini par l’comprendre, il vaut mieux éviter les quiproquos.

Donc, s’il descend, il verra quelque chose d’unique ! Déjà, mes cuves de brassage, elles sont par trois. Et puis ? La dizaine d’alambic qui y tourne.

Là, c’est la folie !

Ouais, s’il me l’demande… Et même s’il me demande pas… J’peux en parler des heures et des heures.

Car, c’que j’fais ici, c’est de l’art. Bon, pas autant que l’ébéniste qui t’fou trois castors et cinq colibris sur une tête de buffet. Mais moi, j’te fais des choses que les gens apprécient. Ils se retrouve avec ça dans leurs gobelets ? Ils sont contents et ils en demandent encore.

Alors qu’un buffet ? Ils en ont besoin que d’un.

Enfin, j’me perds. J’vais laisser l’gamin avancer et voir c’qu’il veut voir. Au final, c’est lui l’gars d’la visite. Pas moi.


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Il l'avait d'ores et déjà vu commander au vent, mais voici que Chen dirigeait la lumière. Invitée en ces lieux, elle s’ajoutait aux éclats diurnes par de petites orbes jaunies, pendant ça et là. Ioan en avait aperçu de similaires à la Costa del Sol. Cependant, l’aura de ce lieu ne les rendait que plus chaleureuses ! Il le sentait : il aimait déjà l’endroit. Après un hochement de tête docile, remerciant sans un mot son nouvel ami, il prit ses premières marques.

Tout y transpirait la présence de son monstre généreux : de grands fûts arrondis et joyeux, comme le propriétaire de l’atelier ; un bois rayonnant, comme ses yeux safrans, mêlés de mimosa ! Se déroulaient, aussi, quelques étoffes rouges cousues d’or, apportant leur lot de noblesse silencieuse, mais intrépide.

Les tonneaux s’exposaient devant une assemblée de chaises, frémissantes mais patientes, désireuses d’accueillir leurs premiers partenaires de la journée. Les chopes, quant à elles, se serraient dans un coin, rongeant leur frein. Plus, peut-être, que tout client ou curieux, c’étaient elles les supportrices inconditionnelles de Chen Stromstout, le célèbre brasseur. Les premières à célébrer chaque dégustation, chaque nouvelle commercialisation ! Si leur bois gardait en mémoire toute boisson qu’elles avaient chéri, elles s’attardaient à donner leur meilleur, pour que chacune des nouvelles créations de leur idole et artisan ait sa part de gloire.

Nul n’aurait pu rêver plus fidèles alliées. L’enfant espérait que son ami en était conscient.

Allant de curiosité en errance, le garçon s’interrogeait quant aux quelques cicatrices du parquet : un objet lourd traîné ici, et là ; plus loin, un mauvais coup de marteau sur un clou trop résistant. Son regard se leva finalement sur le bureau, simple mais de bonne qualité. Y reposaient quelques papiers colorés amoncelés en tours, aux inscriptions savantes. En retrait, une imposante chaise, sur laquelle trônait un coussin moelleux, surveillait le rez-de-chaussée.

Son attention piquée, Ioan saisit l’un des feuillets délicatement, bien peu désireux de faire tomber ces œuvres architecturales, toutes de papier qu’elles fussent. Avisant le prospectus, il fronça légèrement les sourcils, concentré. Les lettres y étaient aussi belles que régulières. L’enfant ne put retenir un soupir attristé. Quel dommage. Elles semblaient avoir plus à lui dire, que de lui montrer leur belle chorégraphie sur le papier. Pourtant, il peinait à en saisir tout le sens. Ioan revint à Chen avec un sourire gêné, d’abord ; mais il s’illumina bien rapidement.

Ne lui avait-on pas, après tout, annoncé quelque merveille au sous-sol ? Un lieu où la magie opérait, disait son ami — qui disait aussi que ce n’était qu’une expression.

Ioan n’avait jamais été doué pour attraper ces dernières.

« Je suis prêt ! » déclara-t-il, bien trop curieux par anticipation. Sans attendre Chen, qui évoluait encore entre les chaises du rez-de-chaussée, il prit les devants. L’enfant laissa néanmoins reposer un regard ennuyé sur les marches allant vers l’étage. Plus tard. Plus tard, il découvrirait ce secret-ci. Convaincu et résolu, le garçon dévala les escaliers d’un pas hâtif, laissant sa main effleurer les murs peints jusqu’à l’antre de son monstre généreux.

— S’en dégageait une odeur presque familière.

Mais la porte était close.

Ioan s’arrêta. Si ce qu’il sentait l’intriguait, il ne se pensait pas avoir l’autorité de forcer ce passage-ci. L’atelier n’avait qu’un maître, et ce dernier descendait d’un pas lourd et tranquille. Le garçon se retourna, l’observant venir à lui. Il demandait, ingénu : « Tu vas me montrer comment tu travailles ? Je pourrai essayer ? »
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Ouais, c’est l’moment du patron ! Là, j’le regarde en passant ma patte sur l’museau pour ensuite m’mettre devant la porte.

Pas d’surprise, j’vais pas laisser la porte de l’atelier ouverte.

Consigne de sécurité, il faut qu’la porte soit close quand j’suis pas là.
Hop, j’prend l’trousseau au fond d’ma poche j’laisse la clé en fer rentrer dans la serrure. Un quart de tour sur la droite et deux sur la gauche pour que l’loquet m’offre la vision sur l’atelier ! Tiens, j’devrais p’tet lui dire que j’ai monté la porte à l’envers et que c’est une bizarrerie. Oh, ce s’ra pour plus tard.

Donc, patte sur la poignée et j’pousse. L’bois grince contre le sol, une erreur de moi, celle de fermer la porte avec le haut de celle-ci et pas la poignée. Donc…

Un coup à droite et voici qu’la lumière soit 

Les néons s’éclaire et affiche la totalité de l’atelier, mes alambics en bronze aligné contre le mur et les grosses cuves dans l’fond d’la pièce.

Pour le reste ? Pas d’mystère.

Il y a mon bureau avec mes notes et mon carnet de recette, mes outils d’travail qui se résume à… Soyez pas pressé… Mes couteaux, ma louche, mes doseurs, un canneleur, des cuillières torsadé, des filtres à glaçons, des pipettes de deux mètres, un potentiomètre, un chalumeau, une chope de bois et finalement un frigo. Bon, j’ai fait un résumé ! Il reste pas mal de truc et j’ai pas l’courage d’innonder l’gamin avec ça.

Mais il y a aussi plein d’autres trucs ! V’là un temps que j’ai cesser de compter les marchandises. Les herbes séchées, les fruits frais, l’orge et le seigle et sans oublier les alcools artisanale que j’prépare à l’avannce ! Ouais, c’est tout une mise en place.

En attendant, c’est un beau bazar ! Une chatte n’y retrouverait pas ses p’tits. En même temps, j’pense pas qu’il y ai d’chat chez moi. A moins que, ça expliquerait la disparition des noix. Attends, j’suis bête, ça mange pas d’noix, les chats. Ou ce sont les chiens ? Oh, trop compliqué, ce sera pour plus tard. Quand j’aurais le temps d’y réfléchir.

Alors, est-ce que c’est pas mignon ?! Bon, j’avoue qu’il y a un poil trop d’poussière et qu’il est temps de respecter les mesures d’hygiène, mais c’est mon p’tit atelier. Mon père, un grand gars, il a un truc six fois plus grand que ça, la fierté d’la famille. Enfin, j’te laisse découvrir ou…
Oh, j’me disais bien que j’avais oublié un truc.

Viens là, il y a un truc à faire.
Hop, j’vais vers la troisième cuve et j’invite Ioan a attraper un tabouret pour rejoindre. Il est temps de remuer l’tout !

On fait ça, vite fait, et j’te laisser regarder. Là, utilise ton nez.
Hop, j’ouvre la trappe et v’là que la pièce s’innonde des vapeurs de la cuve ! Tournée spéciale. Orge, pointe de pomme, quelques poires et assez d’sucre pour faire oublier l’alcool aux filles d’la ville. Tiens, si j’ajoute de la framboise. Il faudrait essayer.

Tiens, passe-moi l’grand bâton et nous allons remuer la bouillie. Enfin, ça porte pas l’nom, mais c’est pour que tu vois. Tu comprends ? Le bazar est chauffé et c’est pour permettre au goût d’se mélanger à l’eau. Dans une heure ou deux, on s’ra bon pour filtrer !
Ah, j’ai réellement bien fait de revenir.

Tu veux essayer ?
P’tet qu’il a de p’tit bras, mais ça l’aidera à être grand et fort !


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Le garçon saisit l’épais bâton. Il voulait essayer, bien évidemment. Ioan eut un sourire fugace, puis il tâcha de reproduire, au mieux, les mouvements amples mais fermes de Chen. L’exercice demandait une certaine force, que l’enfant ne possédait pas. Aussi, ne parvint-il pas à retranscrire la fluidité, tissée d’habitude, qui émanait de son nouveau mentor.

Cela ne l’empêchait guère de s’appliquer, fronçant momentanément les sourcils ; de concentration, comme d’effort. Régulièrement, il ajustait sa position. Il tentait de retrouver la posture stable et vigoureuse, forte sur ses appuis, qu’il avait observée chez son ami.

Entrer dans cette pièce l’avait brusqué. Ioan s’était perdu sur chaque objet que son regard avait pu saisir ; certains, aux formes connues, et pour d’autres improbables et curieuses. Ce que Chen considérait comme un chaos à arranger, était pour lui un trésor empli de promesses. Même sa fatigue, qui reposait lourdement sur ses épaules, n’avait pu s’empêcher de le quitter, faisant probablement son propre inventaire des lieux. Les joues rougies, piquées d’intérêt, l’enfant avait commencé à errer, de-ci, de-là, avant que le monstre généreux ne le rappelle à l’ordre.

Désormais, les odeurs sucrées — rondes et agréables — qui se dégageaient de la cuve l’enivraient. Le garçon se laissait porter, tranquillement, par quelques doux souvenirs, guidé par les senteurs distinctes des pommes qui infusaient le mélange. S’il peinait, agrippé à l’ustensile dont il se servait avec une force ridicule, on ne pouvait lui enlever, pour la tâche qui lui avait été confiée, son investissement.

« Tu dois faire des choses avant de tout mettre là-dedans ? Il faut faire quoi, après avoir filtré ? » s’enquit-il, marquant quelques pauses afin de se concentrer. « Et… il faut forcément que ce soit chaud, pour que ça se mélange ? »

Répondre par l’affirmative ne l’aurait trop surpris : les gens et les lieux, pour ce que Ioan en avait observé, étaient similaires. Ceux qui rayonnaient, chaleureusement, tendaient à attirer. Les autres, au contraire, étaient souvent moins fréquentés, ou avec plus de retenue. Autrement dit : l’on se mélangeait plus aisément, semblait-il, avec ce qui était « chaud. »

L’enfant esquissa une moue légère. L’idée ne lui était pas si douce.

Ceux qui se trouvaient être plus froids, il le pensait, avaient aussi beaucoup à dire.

Le garçon vacilla légèrement, déstabilisé par la brève résistance que lui offrit l’épaisse préparation. L’une de ses mains glissa sur le bois lisse qui composait son outil du jour. Un bois clair, net, et sans aspérités. Simple et nu ; le vaillant lieutenant du brasseur, l’instrument de son œuvre… et pourtant, inconnu.

Ses yeux y demeurèrent un moment.
Peut-être Chen le laisserait-il l’orner de quelques parures.
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Dans l’doute, j’reste pas trop loin. Dans l’sens où, j’suis à portée pour l’rattraper dans l’cas où il passe par-dessus l’entrée d’la cuve ! Une patte pour le gamin et la seconde pour l’bâton !

Parce que, une fois, j’ai fait tomber l’bâton dans la cuve. Ça a été une histoire dingue pour l’récupérer.

Aussi, j’ai eu l’malheur d’avoir une bière au goût d’hêtre. Alors, c’était une expérience ! Mais c’était pas bon. D’ailleurs, j’y pense, va pas falloir qu’il mélange trop longtemps au risque de contaminer la préparation avec c’que j’viens de raconter. Dans l’pire des cas, il fait encore cinq tours et j’l’invite à l’en extraire.

Avant d’mettre les ingrédients ?! Alors, là, il y a de quoi faire. Déjà, il fait préparer et nettoyer les ingrédients, c’est très important. Même si nous faisons généralement bouillir les cocotions dans de l’eau à plus de quatre-vingts degrés, il faut éviter un maximum de contamination.
Ouais, les règles sur la propreté ! Vous pensiez pouvoir y échapper ?

Prends une pomme. Si elle vient d’un verger en Terre des Dragons ? Il y a peu de risque. Alors que si elle vient d’une serre d’Illusiopolis ? Il utilise des désherbant ou d’autres trucs et machin. Alors, on rince les fruits avant d’le découper pour qu’il soit bien propre. Le mieux, avec de l’eau de source ou de l’eau légèrement salé pour dégager le plus d’impureté.
V’là, c’est déjà une question de répondu. Il peut attaquer l’gamin, j’suis paré à tout ! Enfin, j’crois.

Dans l’ordre, une fois que nous avons filtré, il suffit de laisser le produit refroidir afin que les arômes se calme. Il faut généralement attendre plusieurs jours, selon la quantité et… Attends, encore un coup et tu enlèves le bâton… Et donc ! Il faut aussi goûter ! Et garder la bouilli pour en faire d’autre chose. Par exemple, ici, tu peux les malaxer afin d’en extraire un jus très concentré et le mélanger à un alcool déjà distiller et créer ainsi un bitter.
Attends, j’suis pas en train d’aller un peu vite en besogne ? Au pire, j’peux répéter. Et même donner exactement la même réponse.

n bitter est très amère mais extrêmement fort en goût. Ainsi, tu peux l’utiliser pour aromatiser n’importe quoi. Comme des pâtisseries !
V’là que j’me donne faim.

Enfin, on mangera plus tard. Là, j’vais l’aider à enlever le bâton et refermer la cuve derrière nous afin de l’inviter à reculer un peu. Mine de rien, il fait chaud ici et ce serait pas l’premier à tourner de l’oeil ;

Et tu demandais pourquoi ça doit être chaud ? La réponse est simple, gamin. Souvent, avec la nourriture ou les épices, c’est la chaleur qui dilate les pores et expriment les ingrédients. Imagine de la cannelle. Un bâton à une odeur très forte. Alors, soumet celui-ci à une forte chaleur et ce sera multiplier par deux ou trois ! Par contre, l’inverse, ça casse un goût. Prends une mûre. Si celle-ci gèle, elle perd toute odeur et cela de manière irréversible.
Pour l’explication, j’me suis un peu reculer et j’me suis poser avec lui. En soit, c’est du lourd c’que j’raconte. Moi, mon père à répéter l’histoire cinq fois et avec des dessins pour que j’arrive à capter.

On appel ça la torréfaction, le but d’exprimer en arôme en le brûlant. Tu vois l’idée ?
Ouais, j’ai un four qui traîne, j’vais pouvoir l’allumer et lui montrer l’idée. Si jamais. Rien n’est trop coûteux pour exprimer une idée.


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Que de nouveaux mots ! Ioan pensait avoir saisi ce que son ami tâchait de lui transmettre. Pourtant, une brève confusion le traversait : l’enfant était plus sensible à la démonstration, qu’à l’explication seule. Il tournait et retournait les phrases dans sa tête — leur sens. Il essayait de s’imager les procédés qu’on lui donnait en lettres. Il en caressait la signification, en frôlait la compréhension globale… tout en peinant à en appréhender les subtilités. Ces dernières s’étiolaient et se dilataient, s’enivrant de chaleur, comme les arômes que le garçon poursuivait du nez. Il les perdait, n’en captant qu’un ensemble flou, mais, il lui semblait, harmonieux.

Ioan dodelina de la tête, les sens titillés puis assommés, sinon l’inverse, par les odeurs et la chaleur. « Torréfaction. » Il s’en souviendrait. Assis sur l’une des chaises grinçantes qui tenaient compagnie au bureau de Chen, son attitude traduisait une certaine attente, teinte de curiosité : ses pieds balançaient et raclaient contre le sol ; ses mains, resserrées sur le siège, s’impatientaient ; et ses yeux, posés sur son monstre généreux, s’aiguisaient d’attention. Il en voulait plus !

— Mais son ami s’était tu. Les habitants de l’atelier en profitaient déjà ! Chaque seconde se faisait mille tentations, que l’enfant repoussait avec difficulté : un objet brillant au coin de son œil, ou une forme sombre, dissimulée derrière une étagère. Un bruit étrange dans son dos, peut-être.

Ils l’appelaient, piquant son regard, et tirant le bout de ses oreilles. Il faillit y céder ! Mais, le rattrapant une fois encore, son ami s’écarta de lui pour s’approcher d’un immense coffre de métal rutilant, paré de becs et de manivelles. Ioan savait désormais où accorder toute sa considération. Aussi, se concentrait-t-il sur les mouvements de son camarade, inscrivant dans sa mémoire chacune des étapes qu’il semblait suivre. Qu’était-ce ? Le torse de l’apprenti se bomba d’un intérêt contenu.

Bientôt, il le saurait.

Le garçon prit une inspiration. Sa gorge se chargea d’un air lourd et chaud. Ses épaules se raidirent. Il espérait secrètement que Chen reprenne — que s’anime, encore, le bois blanc de ses crocs. Mais rien. Ses doigts, agrippés à la chaise, se relâchèrent le temps d’une effluve sucrée, avant de s’y contracter de nouveau. L’enfant se conforta dans le toucher agréable d’un bois imparfait. Il hocha la tête, tâchant de réaffirmer sa compréhension, même indistincte, avant d’oser quelques notes sur la symphonie d’enseignements qu’on lui prodiguait : « Dis Chen, tu voudrais bien qu’on en fasse ensemble, depuis le début ? »

Sa voix se faufila jusque dans ses chaussettes, timide, et ses pieds se rentrèrent vers l’intérieur. Il voulait essayer ! Il voulait tant essayer. Ioan comprendrait mieux, ainsi. Il s’en imprégnerait. Ses pensées s’arrêtèrent sur le bitter — et, immédiatement, il sentit un picotement descendre de ses omoplates jusqu’à ses mains, qui frétillaient à la simple promesse d’un peu d’activité. Le garçon s’imaginait déjà les plonger dans l’appareil compact qu’il avait remué avec difficulté. Il se projetait dans la sensation que cela lui procurerait, au toucher. Les odeurs qu’il sentirait, ressentirait. Mais aussi, peut-être… « Oh ! Et... je pourrai goûter ?! » se coupa-t-il. « Ca fait envie. »
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L’gamin, il sait comment m’parler. V’là qu’il ouvre la bouche et qu’la mienne lui arbore ma plus belle rangée de crocs. Dans l’sens positif, bien entendu.

Oh, tu veux essayé. Il te manque juste un truc pour ça…
Hop, demi-tour et j’vais vite à l’une des armoires à l’entrée de l’atelier. Pas la peine de perde du temps, j’chope mon tablier que j’glisse à mon cou et attache à l’arrière de mon dos. L’étape suivante ? J’prends le tablier, taille gamin, et j’vais l’tendre à Ioan.

Déjà, nous allons protéger ta tunique avant d’nous lancer à l’assaut d’une préparation ! On dirait pas, comme ça, mais les taches de houblons sont les pires à r’tirer.
Direct dans les mains du gamin. Ah, j’dois aussi lui dire un truc.

Sinon, pour goûter ? J’ai rien contre. On va juste éviter d’te refiler d’alcool, histoire d’éviter à c’que la ligue des familles s’retrouve à hurler devant mes portes et qu’il enlève ma licence.
V’là que j’suis accusé quand trois gamins à l’académie s’retrouve à boire trois bière à une soirée d’étudiant, alors j’imagine même pas c’qui se passera à l’instant où ils apprendront qu’un gamin s’retrouve avec dix gouttes d’alcool dans l’gosier. Et puis, c’est une mauvaise idée. Il y a une p’tite voix au fond d’mon coeur qui m’incite à n’pas l’faire.

Donc. Four à torréfaction ? Check. Gamin en tablier ? Check. Un alambic de propre et dans un coin ? Check au carré. Il reste plus qu’à préparer l’reste de l’histoire !

Alors, on commence les choses dans l’ordre ! On va d’jà nettoyer les fruits et les aromates pour la création de ton choix, à moins que tu préfères suivre une recette. D’mon point de vue, c’est quand on avance à tâtons que l’on apprend le plus, comme nous risquons de faire des erreurs ! Et c’est pas en faisant c’qui marche que nous parviendrons à en faire. Donc, fait ton choix.
Hop, j’me retrouve avant d’préparer l’reste et j’lui montrer un vieux livre relié en cuir. Pas la peine d’vous faire un dessin, il y a mon nom d’ssus ainsi que l’emblème du Consulat.

Là, c’est mon libre de recette et tu y trouvera tout c’que j’y fait depuis l’moment où cette brasserie est à mon nom. Alors, fait ton choix ! Et dans l’armoire, juste là… Tu trouvera les ingrédients et aromate pour faire c’que tu veux. Nous allons commencés à bien tout rincer. Toi, tu fais ton choix et moi ? J’vais préparer l’reste.
Donc, j’vais lui filer une grosse bassine d’eau pour nettoyer les ingrédients et pour l’reste ? Ahaha ! J’ai au moins dix minutes à le laisser seul et à faire mes affaires. On commence par démarrer l’four avec quelques buches et du charbon, ensuite on rince l’alambic avec de l’eau claire avant l’passage des ingrédients et finalement… l’passage à l’acte !!!

Tiens, est-ce que j’ai bien donné c’qui faut pour le nettoyage. Ah, oui ! Il faut aussi que j’préparer un couteau pour la préparation. Ça ira. Il y a c’qui faut. Maintenant, laissant l’gamin s’exprimer, se torréfier devant cette expérience !


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L’armoire ouverte, l’enfant resta silencieux.

Il n’y avait guère, il ne lui semblait, plus que lui, et les caisses empilées dans l’imposant meuble. Ses yeux en exploraient les recoins ; grossièrement, d’abord. Puis, le garçon s’accroupit. Il souhaitait découvrir tout ce qui était stocké là, de bas en haut. Calmement, attentivement. La curiosité l’avait mordu, repoussant la fatigue qui, une fois de plus, promettait vengeance. Elle avait, aussi, écarté une idée fébrile que le garçon avait eue : celle de consulter le livre mis à disposition par son ami. Il n’aurait su, en tout état de cause, le comprendre.
Alors, tout naturellement, il se laisserait porter.

Il y avait, ici, des aliments de toutes les formes, de toutes les couleurs ! Petits, grands ; tassés, allongés, ronds ; des plantes et des fruits ; des fruits et des légumes ; des choses qu’il ne savait comment nommer. Il reconnut les pommes empilées sur sa droite. Vertes, pour certaines. Rouges, pour d’autres. Les premières lui étaient faciles à atteindre. Aussi, en sortit-il quelques-unes, qu’il trouvait aussi rondelettes qu’appréciables, et qu’il déposa à ses côtés. Il peina, ensuite, à soulever leur cageot, afin d’atteindre leurs cousines : de superbes reinettes étoilées, d’un cinabre profond et constellé.

Elles lui rappelaient le marché, tel qu’il était la première fois qu’il avait vu la Grande Ville. La première fois qu’il s’aventura au-dessus des eaux claires la bordant, par le chemin de pierre qui les survolait ; la première fois qu’il passa sous la bienveillante arche de grès, à la toiture plus bleue que le ciel, surplombée d’une couronne de fer sombre.

Ioan se souvenait des pavés orangés et inégaux qui tapissaient l’avenue principale, remontant vers la grand-place. Son regard s’arrêta sur une boule ronde, posée dans l’une des caisses dissimulées dans l’armoire. Elle avait une teinte similaire. Il s’en saisit. La chose avait la taille d’une petite balle, comme celles dont jouaient les jongleurs, et une peau robuste. L’enfant sourit, satisfait de ce que cela lui évoquait. Il la déposa, de même que l’une de ses sœurs, près des pommes. Il y en avait d’autres, constatait-il. La même circonférence, à peu de choses près, mais la peau douce, tirant du jaune au rouge. Comme elles étaient agréables au toucher ! Sans s’interroger plus, il en isola quelques unes, qui rejoignirent sa petite famille fruitée. Son regard parcourut les autres cageots de l’étagère du bas, mais il ne vit rien qui l’inspira.

Prenant garde de ne pas écraser ses futurs collègues, le garçon se redressa. Immédiatement, il fut intrigué par un ensemble de légumes à la peau lisse, brillante, et aux couleurs variées : jaune, rouge, vert, orange ! Leur queue s’y accrochait encore fermement, et ils semblaient s’être ratatinés aux extrémités. Cachés sous d’autres caisses, Ioan ne put, dans un premier temps, que glisser ses doigts afin d’en apprécier la texture.

Il lui en fallait.

L’enfant jeta un œil à ses nouveaux camarades. De peur de les blesser d’un geste maladroit, il les accompagna jusqu’à la table, avant de revenir à son labeur. Concentré, la mine déterminée, il convoquait en lui toute la force d’un souvenir — celui d’un homme puissant, qui lui avait laissé forte impression. Il prit une profonde inspiration, avant de soulever le premier cageot lui interdisant l’accès à ses légumes. Ce dernier se faisait aussi lourd que possible, manifestement fâché qu’on le dérange ! Il luttait, et luttait, menaçant Ioan d’échardes perfides. Le garçon relâcha son emprise, soupirant : il n’avait pas pu le faire bouger d’un pouce. Il se prit, dès lors, d’intérêt pour les énormes sphères qui assistaient le cageot dans sa lourdeur. Elles avaient la taille d’un ballon, et la surface verte et craquelée, striée de lignes plus sombres. Que pouvaient-elles renfermer ? Interrogateur, Ioan se saisit de l’une d’elles, l’inspectant sous tous les angles. Il y avait, là où les stries se rejoignaient, le reste d’une queue — mais aucune ouverture qui lui permette de jeter un œil à l’intérieur. Son appétit insatisfait, l’enfant la transporta jusqu’à la table : il apprendrait ce secret.

Il observa brièvement son monstre généreux, encore occupé. Mais de nouveau devant l’armoire, le garçon dû réfléchir à une solution. Le cageot ne voulait guère bouger, et ses acolytes n’aideraient pas l’apprenti.

Une idée lui vint ! — Ioan s’illumina d’un large sourire. Prestement, il prit en main l’une des sphères, et la déposa délicatement au sol ; puis il répéta l’opération plusieurs fois. « Désolé monsieur, » murmura-t-il à son adversaire lorsque, privé de ses complices, il ne parvint plus à lui résister. « Je vous remets à votre place tout de suite. » L’enfant ne tarda pas à emprunter, à son voisin du dessous, deux légumes d’un vert bouteille. Il hésita, il est vrai, à en choisir plus… mais il se figura que du jaune, du orange, ou du rouge, feraient ombrage aux autres ingrédients qui l’avaient attiré. De ce vert-ci, profond, il n’en avait pas. Content, il replaça ensuite avec attention, le cageot qui le maudissait, et ses amies.

Une odeur provenant des hauteurs l’intrigua. Aidé par un tabouret au port impeccable, délaissant tout le reste, le garçon s’éleva, avisant l’étagère supérieure. Une main sur le meuble, il s’assurait une relative stabilité.

Lorsqu’il vit ce qui s’y trouvait, ses yeux se plissèrent de joie ! Se tenaient, entassées sous son nez, quelques lavandes.

Leurs senteurs le renvoyaient, loin ; à la première maison qu’il avait aimée, et connue. Une vieille maison, entourée de fleurs, et aux fenêtres rieuses.

Ioan ferma les yeux — et pourtant, il voyait.

Il voyait le soleil entre les arbres, et les chemins de terre que seuls leurs passages avaient tracé. Il voyait le lac, et les biches qui s’y abreuvaient. Il voyait un autre temps, un autre lieu. Guère meilleur — mais différent. Ses doigts effleurèrent les fleurs légères.

Puis un bruit. Derrière lui.

De nouveau, Ioan se trouvait dans la brasserie.
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La discrétion, c'est clairement pas ma passion. Ouais, tu l'comprends à l'instant où j'fais tomber le couvercle de l'alambic et que ça fou un bordel pas possible.

Ahaha ! Tu es prêt ? Parfait !
Faire croire que c'est normal, première étape. Du coup, j'pose le couvercle et j'vais pour me mettre pas trop loin et j'dégaine mon couteau pour la suite des opérations.

Alors qu'est-ce que tu nous réserve, petit chef...
Donc, qu'est-ce que nous avons là... Mmmh... Pomme, orange, pêche, melon et des poivrons verts ! Touche du jardon avec de la lavande. Tiens, j'ai pas souvenir d'avoir mélanger des trucs comme ça. Du moins, pas avec du poivrons !

Alors, avant d'continuer, nous allons nous faire une idée des goûts à la bouche. Tu as déjà eu ça à manger, non?
Plus rapide que l'éclair, j'dégaine le couteau et j'prends la planche à découper. D'un geste minutieux, j'vais pour prend un bout de tout et j'fais l'étale sur la planche. Rien de grave, on va surement pouvoir utiliser tout ça dans pas trop longtemps. Il manque juste la p'tite étape intermédiaire que j'ai plus fait d'puis v'là le temps !

Bien, c'que j'te propose maintenant et de prendre un morceau de c'que tu viens d'amener et d'passer au stade dégustation. Il faut, qu'avant d'faire un truc, ça te donne envie. Tu vois l'idée ? Alors, vas-y, c'est l'panda qui régale alors n'hésite pas. Est-ce qu't'imagines que la pêche et l'melon vont bien donner ensemble ? Et l'poivron, alors !
Bon, ça fait un peu salade de fruit... Jolie jolie... Mais c'est l'idée ! Dès que l'gamin à c'qui lui fait envie, on embraille sur la suite et ça laisse le temps au four de ce lancer.

Surtout, garde bien en mémoire les gouts et les ingrédients. Ici, t'es un chef d'orchestre qui écrit sa partition. Un do, c'est plutôt cool, alors s'il est suivi d'un fa ? C'est encore mieux. Donc, maintenant, compose ! Ensuite, nous écouterons ça ensemble.
Attends, ça m'trotte dans la tête. Du poivrons ?! Mais, ça doit être dingue. En dégager son acidité, c'est facile. Mais le goût propre ? Ouah, j'ai envie de lancer un deuxième alambic sur le côté. Et dans l'pire des cas, faire un sirop de poivrons. Il doit y avoir un truc à exploiter. Oh, non. Ça me rappel mon essai avec le radis, c'était pas dingue.


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Le garçon observa ses fruits et légumes — ou plutôt ses notes, suggérait son ami — un à un. Il ne savait par où commencer ! De fait, comment composait-on en cuisine ? 

Ioan se figurait des harmonies de goûts avec les papilles pour mesures. Une mélodie de saveurs, trottant sur la langue, et des accords plus lents, s’installant discrètement avant de se laisser remarquer.

Voilà qui était loin de ce qu’il maîtrisait. Cela ne l’en rendait que plus curieux ; son regard s’illumina d’une avidité toute innocente, et ses doigts se crispèrent d’anticipation.

Dans un premier temps, il tendit les mains jusqu’au poivron expertement découpé par son monstre généreux. Ioan n’en connaissait pas encore le nom, mais demeurait intrigué par ce légume à la peau lisse, décliné en robes variées. Sans plus y réfléchir, peut-être impatient, il le mit en bouche. Tout aussi empressé, le poivron parut bondir sur ses papilles ! Amer, marqué d’une touche d’acidité, son goût s'agrippait fermement jusqu’au palais du garçon. Un légume aux désirs de grandeur, désireux de se faire remarquer. L’enfant sentit ses orteils se resserrer dans ses chaussures. Il ramena machinalement ses jambes vers lui, désormais assis en tailleur sur sa chaise.

Il n’en pouvait soudainement plus, de les laisser se balancer mollement.

Le garçon se chantonnait quelque mélodie maladroite et silencieuse, tout en appréciant le numéro fougueux qui se jouait dans sa bouche. Il peinait à retenir un sourire excité. Du bout des doigts, il saisit un morceau de melon qu’il invita à rejoindre son camarade. A peine le fruit avait-il rejoint la scène, que sa douceur sucrée vint apaiser les ardeurs de l’impétueux poivron. On ne sentait plus guère ce dernier qu’en arrière-goût, éclipsé par la voluptueuse délicatesse d’un melon mûr à souhait. La pomme, il le découvrirait, s’efforçait de reproduire ce tour de force — cette entrée en matière remarquée et gracieuse — mais hélas, ses occasionnels sautillements sur la langue la rendaient plus prononcée ; moins douce, moins aimable.

L’orange, pour sa part, ne s’encombrait pas de tels efforts, mais elle était décidée à être ressentie par-dessus tous les autres. L’enfant ne s’en méfiait pas — et croc !

Vite ! Ioan ramena les mains à sa bouche, pris de court par l’explosion pulpeuse dont les éclats juteux nimbèrent son palais ! En un instant, elle emporta tout : le poivron, le melon, la pomme… ne restait qu’un picotement s’élevant jusqu’au bout de ses oreilles, et la puissante orange. Quoique… était-ce vrai ? Ne sentait-il pas revenir leur goût ? Ne ressentait-il pas une légère acidité, qu’il avait perçue en croquant à la pomme ? Ne percevait-il pas l’amertume, bien que vacillante, du poivron, et le sucré rassurant du melon ? Gloups — la bouche aux limites de sa contenance, le garçon avala tout ce qu’il y avait engouffré, avec peu de grâce, les sourcils froissés de perplexité.

L’expérience lui était amusante, mais tous ces fruits et légumes ne lui donnaient pas l’impression de vouloir travailler ensemble.

Leurs différences enchantaient Ioan, de goût comme de texture ! Mais, s’ils ne voulaient s’accorder, fallait-il les y forcer ? Il n’en était pas certain.

La pêche, à laquelle il accordait enfin son audition, ne le rassura pas à cet égard. Forte, voluptueuse, moelleuse… ne chercherait-elle pas, elle aussi, à faire disparaître les autres ? Il se prit à quelques tentatives de médiation ; mais comme l’orange, elle voulait une scène à elle seule… et ses camarades s’en trouvaient relégués au rôle d’arrière-goût. Ioan ne pouvait s’appuyer sur la seule consistance des aliments, et ce que leur contraste provoquait : une fois apportés à la boisson, l’on ne ressentirait plus le croquant des uns, et le fondant des autres.

Sa tête lui parut s’alourdir, et l’enfant la laissa tomber avec un soupir défait. Comme l’orange était coriace ! Il sentait encore sa présence, tandis qu’il passait la langue sur son palais à la recherche de quelque réminiscence fruitée. « Chen… » bredouillait-il, « comment tu sais ce qui va bien ensemble ? Je ne suis pas sûr qu’ils veuillent… » Il aurait pourtant aimé leur offrir, à chacun, une place de choix dans la composition à quatre mains que devait être ce breuvage.
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Alors, j’ai plus grand-chose à fraficotter dans l’ensemble. Là ? Ouais, j’attends l’gamin pour la suite. Est-ce que j’le presse… Nah ! C’pas très utile. Plutôt, j’me pose en arrière et j’observe. Histoire qu’il soit pas dans l’stress, j’fais semblant d’rien et j’en reviens même à siffloter en frottant des trucs.

On dirait carrément une parodie, mais l’chef d’orchestre est en plein travail.

Par ailleurs, j’peux décrire c’qu’il est en train de ressentir en goûtant ses ingrédients. Sauf que ? C’est pas mon travail ! Et puis, j’ai clairement pas envie d’le déranger dans sa découverte. Surtout qu’il a un mélange étrange et qu’il doit tout garder en tête avant mon intervention. D’autant qu’un rôle m’incombe, celui d’le guider vers de nouveau horizon ! Enfin, ce sont d’grand mot pour une chose précise : rincer sa bouche.

Hop, on arrête de frotter des trucs et on s’en va dans un coin. Une baguette, un peu de beurre et un verre d’eau. Avec ça, il sera prêt pour le second essai.

Il faut pas croire, on s’lance pas dans l’inconnu ! Bon, d’accord, j’viens de lui faire goûter les histoires avant d’écrire le conte. Sauf qu’il faut préparer la seconde partition et écouter ça en repos. Bon, il faut pas croire, j’ai pas l’oreille musicale. Mais j’sais faire la distinction entre du sucré et du salé !

C’est simple, Ioan.
J’reviens avec le p’tit en cas et j’le pose devant lui.

Dans ce que nous faisons, tous ce que nous faisons est affaire de goût. J’en suis un parfait exemple. En tant qu’animal, j’ai la fâcheuse tendance à préférer les herbes. Tu me donne du romarin, du thym ou de la citronnelle ? Il y a énormément de chance à ce que j’adore. Par contre, quand il y a trop de sucre ou de fruit, ça me donne moins envie. Alors qu’Arthur Rainbow ? Il adore tout ce qui est fruité et beaucoup moins l’amer.
J’attrape le tabouret et j’suis maintenant à côté du gamin. Aussi, je l’invite à se servir pendant que j’me pince le menton.

Avant de chercher l’équilibre ou être arrangeant avec tes ingrédients, il faut que ça te plaise. Pour moi, c’est la règle primordiale dans cet art.
Hop, en un éclair, j’attrape un morceau de poivron et de melon que j’glisse directement sur ma langue. Première étape, le jus et j’regarde ce que le mélange annonce. Déjà, l’melon prends le dessus et j’ai juste la peau qui me prépare à la suite. Après ? J’croque et c’est l’explosion de saveur. Ça décoiffe et j’le pense pas parce que l’gamin vient d’le trouver. C’est inédit !

Ensuite, il faut être arrangeant avec tout le monde et comprendre ce qu’il veulent. Tu as du le comprendre, l’orange anéantie pas mal de goût. Alors, il faut en mettre moins. Le poivron offre une touche qui se mélange avec le melon, il faut trouver la proportion qui n’éteint pas le goût de l’un et submerge l’autre. Il faut sortir son crayon et ses papiers pour les calculs.
Hop, la patte sur l’épaule pour l’encouragement et il peut commencer à réfléchir. Du moins, après ce léger repas.


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Ioan devait comprendre ce que les aliments voulaient. Il pensait les avoir sondés ; tout l’art serait désormais de pouvoir accorder leurs désirs. Mais comment ?

Si l’orange aimait avoir le devant de la scène, une moindre quantité de celle-ci permettrait-elle réellement de rendre sa performance plus humble ? Et si la pêche avait un comportement similaire — quoique son goût fut fort différent — comment doser l’une et l’autre afin qu’elles ne se chamaillent pas, au risque de faire disparaître, de nouveau, leurs camarades ? L’enfant appréciait le numéro du poivron, s’éclipsant derrière le melon pour ensuite ressurgir ! Il l’amusait, piquait son intérêt ! Pourtant, il craignait que d’autres danseurs plus charismatiques ne lui volent ce moment de lumière. La mine ennuyée, le garçon collait et décollait ses doigts sucrés. Ioan était partagé : il avait choisi ces fruits et ces légumes. Il voulait tous les voir ensemble.

Il savait aussi, pourtant, que toutes les couleurs ne se mariaient pas au mieux, et qu’il fallait parfois réserver ses matériaux pour une œuvre future.

Ses questions et considérations s’enroulaient et se déroulaient à l’intérieur de son crâne, faisant dodeliner sa tête de droite à gauche. L’air chaud de la pièce pénétrait ses poumons avec une lourdeur qui tenait son cœur. « Je vois ce que tu veux dire. C’est pas facile, » commentait-il, ses yeux glissant sur la table. Il saluait silencieusement ses camarades de jeu, sautant du regard par-dessus chacune de leurs formes, découpées sur la planche. L’enfant tendit finalement les mains pour attraper le morceau de pain beurré que son ami poussait vers lui, lâchant un petit « Merci » poli. Pensif, ailleurs, il croqua machinalement dedans.

— Comme cette mie était moelleuse ! Bien plus que celle du pain noirci auquel il était habitué. Le garçon sourit largement, les joues pleines, lavant son palais de quelques goûts, et son esprit de soucis. Aussi, il reprenait après avoir dégluti, plus léger. « Je ne sais pas s’ils sont tous faits pour travailler ensemble. Tu vois… » Le garçon reprit une bouchée de pain, avant de reposer ce qu’il restait de son morceau sur la table. « Le poivron par exemple, il tourne autour du melon, donc tu le sens plus à un moment. Et paf ! — il revient un peu après. Et j’aime bien. Mais s’il y a de l’orange, elle risque de le cacher, non ? On peut en mettre moins, mais elle ne risque pas de totalement faire oublier son retour quand même ? Ce serait un peu triste… » — La pomme était bien plus accommodante, pensa-t-il brièvement.

Il observait son monstre généreux, attendant d’être abreuvé et rafraîchi de quelques sages paroles.

Comme il avait une grande bouche, se disait-il. Comme ce bois blanc de dents semblait profond ! Et… « Est-ce que, comme tu as une langue plus longue, tu sens plus de choses dessus ? » se permit-il de demander, soudain curieux. « Ca t’aide dans tout ça ? »

Ses doigts encore collants s’entremêlèrent alors que d’autres interrogations lui vinrent, qu’il ne retint pas.

« Et, si toi tu as une raison qui fait que tu aimes les herbes, est-ce que c’est pareil pour les autres ? Arthur, pourquoi il préfère ce qui est sucré ? Comment tu sais ce qui plaît à qui ? »

Ioan se redressa sur son assise, et relâcha ses jambes afin qu’elles remuent l’air sous sa chaise, canalisant ses envies de mouvement. Chen lui répondrait, sûrement, mais son esprit regagnait déjà ses musiciens et danseurs comestibles.

Peut-être devait-il écarter l’orange — mais la pêche, elle, se marierait éventuellement avec le melon plutôt que de l’effacer, s’il en réduisait la taille. Leurs goûts sucrés ne s’entendraient-ils pas ? Si, il s’en convainquait. L’enfant devait cependant faire quelques nouveaux essais avec la pomme, dont il peinait à trouver la place exacte dans cette composition. Elle devait, pourtant, avoir son espace, si elle était invitée. Il n’en doutait pas.

Il revint à la pêche, dont il devait, il le croyait, amoindrir la présence. A quel point ? Son ami lui avait bien dit qu’il lui faudrait sortir un carnet afin de faire des calculs, mais le garçon n’en n’avait jamais véritablement réalisés. Est-ce que cela s’apprenait vite ? Il s’en allait poser la question, quand son regard fut appelé par les grandes cuves au-dessus desquelles il s’était penché plus tôt, et dont l’odeur avait piqué ses narines.

Il avait tant envie de pouvoir goûter l’une des œuvres de son monstre généreux… Ses mains se raidirent doucement sur son tablier.
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Mince, c’est qu’il en pose des question de gamin. C’pas un mal, j’pense l’avoir déjà dit tôt. Sauf que là ? J’me rends seulement compte du nombre de réponse que j’viens de donner !

Ioan est vraiment quelqu’un de spécial… En bien !

Pour c’qui est du goût ! Attends, j’vais te montrer.
P’tet que c’est pas l’meilleur moment alors qu’il grignote son pain. Mais bon, il vient d’poser une nouvelle question et c’est mon devoir d’y répondre ! J’dresse un pouce victorieux avant d’attraper le bout d’ma langue et la tirer en dehors de ma gueule. Pour l’image, c’est un peu comme un store que tu déplies. Sauf qu’ici, il est rose pâle et baveux, il y a aussi un morceau de poivrons qui traîne.

Alors pu vois, sais simple. Sur sa lanque, il y a quatre saune four le goût. Issi, sur le pout, sais le sucre que tu goûtera sait nul part ailleurs. Suite à côté, au côté du sucré, sais le salé.
Avec mon autre main, j’montre les zones en question. Donc, le bout que j’tiens avec ma main droite. J’remonte légèrement, genre, quatre centimètre après la zone sucré pour montrer le salé.

Sais pour sa que le sucré et salé sont des goûts direct et appréssé. Après, zuste au-dessus du salé, ta lanque shentira l’acidulé comme l’oranche. Et finalement, sur ta langue et zuste avant la gorge, l’amer est concentré.
Encore un schéma visuel et j’range ma langue dans la bouche. Est-ce qu’il m’a bien compris ? Pas certains. Bwarf, au pire, il me demandera de l’faire sans être un pitre.

Donc, la suite.

Tu vois, Ioan ? Tu goûtes tout avec la langue et celle-ci se divise pour maximiser ta façon de découvrir un aliment. Donc, quand tu croques dans une pomme, c’est avec le bout que tu peux savoir si elle est bien sucré ou en mâchant, si elle est trop acide. Mais, surtout, comment savoir ce qui plaît à qui ? Impossible de savoir. Il faut connaître les personnes ou simplement faire des essais. Comme toi, qui vient de goûter les ingrédients. C’est en forgeant que l’on devient forgerons ! Donc, il faut essayer pour apprendre.
Sourire de circonstance, tape sur l’épaule et rouler jeunesse !

Est-ce que j’ai bien répondu à toutes les questions ? Pas certains. En attendant, j’peux pas faire plus. Là, il y a pas de secret et j’viens de lui donner la meilleur façon. En ayant l’air d’un pitre.

Maintenant, le meilleur moyen qu’il te reste pour découvrir le tout, c’est de faire des essais ! Alors, maintenant, il te faut suivre ton instinct et créer tes mélanges et nous allons faire une infusion à chaud. Ainsi ? Tu pourras goûter le mélange et faire ton avis. Et identifier les goûts sur ta langue.
Bon, j’prépare les alambics à eaux et j’attends de voir les mélanges de notre bon Ioan. Ensuite ? On chauffe vingt minutes, on refroidis et on goûte ! Ah, oui, bien lui indiquer de tout noter pour le moment où il faudra reproduire la recette.

Diantre, ça faut beaucoup. Il est quelle heure, là ? On a encore la journée devant nous !!!


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Et il était parti. Le garçon suivit Chen du regard ; sa démarche lourde, ses gestes amples. Il l’observait s’affairer autour de bulles et de cylindres cuivrés, guettant chez son monstre généreux chaque mouvement, chaque tressaillement, chaque hérissement de poils. De dos, on eut bel et bien dit un chef d’orchestre. Les lèvres de l’enfant frémirent d’excitation. Une infusion à chaud. C’est ainsi qu’ils travailleraient la boisson ! Ioan ne pouvait s’empêcher de penser au verre. Or, il aimait travailler le verre. Il aimait ses couleurs ; brûlantes comme rafraîchies. Il aimait la dextérité que le manipuler demandait — les gestes auxquels il s’était habitué. Il aimait la chaleur du four, qui ne l’étouffait que lorsqu’elle l’enlaçait… au contraire du soleil, qui l’avait battu et essoufflé, à force de le poursuivre.

Est-ce que, si on mettait le soleil dans un grand bocal, celui-ci rougirait ? Est-ce qu’alors, il ferait comme nuit, un bref instant ? Tant que le verre serait opaque, avant que sa prison ne fonde et ne s’effondre, le soleil deviendrait-il une lune rouge-orangée ?

Voilà qui serait bien étrange.
Voilà qui lui donnait envie.

Il laissa sa main caresser le bois, pensif. S’il avait eu un four à pot…

Oh. Un champ de mimosas, baignés de miel. Son ami s’était retourné. Il le regardait, le couvait un moment. Pourquoi ? — Ses danseurs ! Ioan se raidit avant de descendre de sa chaise d’un petit bond maîtrisé. Trois pas hâtifs pour contourner la table, et il se trouvait où Chen s’était assis jusqu’à présent, à portée de tous ses fruits et légumes. Ne lui avait-il pas parlé de mélanges ? Il pouvait en faire plusieurs ? Poussé d’un peu de joie, le garçon bascula de la pointe de ses pieds à ses talons — et retour : il pourrait prendre l’orange à l’essai !

Il fallait, d’abord, réunir les ingrédients tels qu’il s’était imaginé les arranger : le premier bataillon comestible de l’enfant était en formation. Il appelait d’abord le poivron, toujours. Il en disposait les morceaux devant lui, qu’il entourait de doux melon. Ce fut la pêche qu’il amena ensuite — quelques tâches éparses dans sa composition. Pas de trop, afin de ne pas écraser le goût de ses camarades. Il se risqua à ajouter certains quartiers de pomme, pour compenser le sucré de son ensemble, que le poivron ne contournait qu’en arrière-goût.

Le tout resterait certainement très doucereux en bouche. Par curiosité, Ioan formait un second mélange, dans lequel il amoindrissait les rangs de melon, et leur préférait la pomme.

Il voulait rassembler un troisième groupe — il n’avait point oublié l’orange — mais ses ressources venaient à manquer.
La déception affaissa ses épaules.

Puis, Ioan releva le nez de ses préparations, humant l’air. Comme tout ceci était prometteur. Malgré la petite difficulté qu’il rencontrait, il ne parvenait pas à faire taire son sourire. Sa fatigue, en revanche, avait été laissée pour compte depuis trop longtemps, à son goût. Mécontente, elle l’épiait, dans l’attente d’une demi-seconde de relâchement, d’inattention ; d’un battement de cils trop long. Elle crut sentir, dans l’alourdissement de ses bras, un signe ! Elle se mit en position, prête à attraper ses paupières… mais il se relevait d’une impulsion légère. D’un pas curieux, il longeait les étagères, touchant quelques ustensiles étranges, comme pour mieux les appréhender. Il leur laissait du bout des doigts, pour certains, de fines traces sucrées. Mais il ne semblait guère s’en préoccuper, trop accaparé par l’expérience de formes nouvelles, faites de matériaux pourtant connus, et dont il s’imaginait l’usage.

Rapidement toutefois, il atteignait sa destination : l’armoire. Celle dans laquelle il avait trouvé ses acolytes de découverte.

Ioan savait comment procéder désormais. Il savait où poser son regard. Il savait quels gestes reproduire. Il ne lui fallut que peu de temps pour se procurer les nouveaux membres de sa compagnie, qu’il choyait d’une berceuse rassurante, dans le creux de ses bras, avant de les déposer sur la table.

Là, il les apprêtait. Il taillait leurs corps avec habileté, pour leur unique prestation.

Ils étaient silencieusement prévenus : il était question de donner son instant de gloire à la belle orange. Ils devraient l’aider. L’enfant réduisait l’effectif de pêche, pour que celle-ci n’entre pas en compétition avec la première danseuse — et ceux de la pomme, afin qu’elle n’appuie point son acidité à l’excès. Le melon serait un bon allié, équilibrant la boisson de sa délicatesse. Quant au poivron, il apporterait, fidèlement, sa touche de surprise.

Content. Le garçon retint une exclamation enthousiaste. Son ami reviendrait à lui bientôt — vite, très vite, il l’espérait. Que les secondes se tassent, que les minutes s’embrassent ! Combien de temps devrait-il attendre avant de pouvoir goûter ces préparations ? Il anticipait le bruit de l’eau bouillante, et les odeurs qui s’échapperaient des mélanges qu’il avait composés. Ioan sentit un picotement impatient parcourir son visage.

L’explication que lui avait donné Chen sur le goût avait été bien complexe. Il pensait avoir compris, mais tout ceci prendrait plus de sens lorsqu’il passerait à la pratique. Comme toujours.

Mais ne le pouvait-il pas ?

Il interrogea ses danseurs du regard, à la recherche d’un volontaire, et un morceau de pomme l’attrapa d’une forme originale. D’un geste il s’en saisit, le logeant dans sa bouche. Le garçon n’était pas certain… il tentait de se concentrer sur ses papilles. Isoler ce que ressentait chaque partie de sa langue, indépendamment les unes des autres, était plus complexe qu’il ne le pensait ! Ou était-ce que, excité, il baladait la pomme avec trop de hâte ? Ioan fronçait les sourcils, songeur.

Mais son monstre généreux revenait, et ses pensées s’effilèrent. Il glissait vers lui des feuillets nus, et un crayon décoré d’inscriptions que l’enfant ne pouvait comprendre. Le froncement réflexif de ses sourcils se fit confus, puis ennuyé. Il avait cherché, et il se souvenait : de notes, Chen lui avait bien parlé au moins une fois. Et pourtant… « Si je dessine les mélanges, ça va aussi ? Si je dessine les morceaux qui font les mélanges, » compromit-il.
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Ah ! V’là que tout il est prêt pour que nous entamions la première cuvée du gamin. Bon, j’dois encore ajouter l’alcool au processus. Sauf que ça, il ne l’sait pas encore. P’tet que j’vais pas l’faire. Comme ça ? Il va r’tourner chez lui avec les bras chargés de bouteille et avec sa propre limonade !

Parce qu’ici, faut dire c’qui est, dans l’processus que nous empruntons ? Il suffit de zapper la partie « bière » et nous nous retrouvons avec une boisson superbement rafraîchissante.

Avec ça, d’ailleurs, j’éviterais de me taper les gonzesses qui n’arrêtent pas d’se plaindre auprès de l’académie de mes distributions trop « excentrique » d’alcool. Pardon, mais j’peux pas empêcher les étudiants d’profiter des bienfaits d’une p’tite binouze !

Mince, v’là que j’parle comme mon oncle. C’est que j’me fais vieux.

Donc, il vient pas trop loin d’moi avec les ingrédients ! Marrant la façon dont l’tout est disposé. On croirait presque une palette de couleur qui s’offre à nous, avec chaque nuance qui s’écarte correctement d’un côté et de l’autre.

Que tu dessines ?
Là, j’ai la truffe qui passe d’un endroit à l’autre en prenant l’soin d’verifier les ingrédients et la tête du gamin. Et ça m’frappe comme une migraine à la veille du lendemain.

Bref calcul mental et disposition d’la taille du gamin par rapport à moi.

Ouais, c’est clairement possible qu’il soit pas encore capable d’écrire et qu’il est en train de marchander avec moi dans l’but d’avoir de quoi garder une trace à sa façon.

Ahaha ! Mais attends, j’vais plutôt m’charger de la partie « scribe » pour que tu puisses te mettre à fond dans la réalisation.
Hop, problème esquivé et j’passe pas pour un monstre à m’moquer du gars qui sait pas écrire. Et puis ? J’ai une très jolie écriture. Il sera bien content de garder ça chez lui et de montrer à ses propres gamins qu’il a une fois eu le privilège de trainer dans la brasserie du grand Chen Stormstout.

Ouais, j’suis plutôt en train d’arrondir les angles façons rabot de chantier.

Donc, lance-toi ! Moi, j’copie c’que tu m’dis et on y regarde après. Donc… Tu plonges le tout et tu m’dis c’que tu ressens ! C’est important pour la suite.Alors… Plume, encore et papier. J’suis paré !


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Les lèvres du garçon s’étirèrent tant qu’elles purent lui fendre les joues ! Eut-il été assis, Ioan se serait levé d’un bond ; mais il était déjà debout, et se contentait donc d’un sursaut enthousiaste. Il se saisit du récipient qu’on voulut bien lui tendre, la prise sûre mais raidie par une débordante anticipation. « Alors, d’abord il y a celui-là, » dit-il tout en désignant le premier mélange. Ses doigts allèrent accompagner poivron, melon, pêche et pomme jusqu’aux coulisses. Pour chaque, il comptait le nombre de morceaux — « Un, deux, trois, quatre… » — un à un, comme on le lui avait sommairement appris. Si le poivron et le melon étaient tout particulièrement mis à l’honneur, la pêche et la pomme se présentaient en petits nombres, en notes discrètes.

Le garçon laissait son monstre généreux goûter et écrire, suivant son tracé d’un regard attentif. La mine glissait et s’effritait sur le papier. Elle laissait derrière elle un long soupir satisfait. Chaque boucle et chaque pointe, couchées par l’auteur qu’elle servait, étaient autant de marques qui demeureraient, longtemps après que des taillades successives n’aient fini de l’éreinter. Ioan l’écoutait avec tranquillité. Il ne pouvait s’en empêcher. Il l’écoutait tant qu’il n’entendait plus le reste. Son sourire s’estompait au profit d’un calme presque cérémoniel.

Il se tut.

Les soupirs cessèrent, finalement. Un frisson le parcourut jusqu’aux épaules, et ses yeux remontèrent vers Chen. Son ami avait fini d’écrire.  Ioan sourit de nouveau.

Il répétait l’opération avec les deux autres mélanges. Le second se reposait sur une formation de fond de langue, l’acidité de la pomme et l’amertume du poivron contrebalançant le sucré du melon et de la pêche, laissés en piètres quantités. Le troisième, quant à lui, reprenait la composition du premier tout en y ajoutant l’orange, et en réduisant encore les effectifs de pêche. C’était là un appareil dont Ioan espérait qu’il sautille sur les papilles, donnant toute sa place à l’orange que les deux premiers numéros avaient écarté.

Ceci fait, le maître de l’atelier put poser son crayon et se relever, marchant d’un pas lourd qui suivait le balancier de son ventre rebondi. Il fallait désormais faire chauffer le mélange, faire se rejoindre les saveurs dans la chaleur ! La torréfaction. Le garçon partit après lui, l’œil curieux. Il suivit le grincement du parquet jusqu’aux alambics qu’il détaillait avec insistance. Ioan les inspectait sous tous les angles, et tournait autour d’eux comme un prédateur ferrant sa proie.

Vingt minutes, disait Chen. Vingt. C’était loin dans ce qu’il savait compter. Ca allait faire beaucoup.

Mais ensuite, il pourrait goûter.

La hâte pressait entre les doigts du garçon un verre imaginaire. Il resserra ses mains sur son tablier.

« Dis Chen… le temps que ça finisse de se mélanger… » hésitait-il, distrait, ses yeux traînant sur de grandes étagères chargées — « … tu me raconterais comment tu as choisi de faire tout ça ? »

Dans l’air se baladait une douce odeur fruitée, confortable.
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V’là, il y a tout qu’est noté dans l’carnet. On lance l’histoire, il y a l’tout qui chauffe et nous allons pouvoir en profiter bientôt. L’pouvoir du travail accompli, j’pose mes deux poings sur les hanches et j’regarde le gamin et l’alambic à tour de rôle.

Ouf…
Ioan qui pose la question.

Dans l’doute, j’passe ma main sur mon crâne et j’frotte deux ou trois fois. En soit, c’est simple comme réponse, mais qu’est-ce que j’dois dire ? Oh, dans l’pire, j’vais digresser. J’suis doué dans c’domaine.

Du coup, j’me pose sur une chaise en face d’lui et j’fixe le plafond de longues secondes.

Ici… Ici ? Dans l’Consulat ou à l’instant où j’ai vraiment commencé.
Ouais, c’est une question qui n’attends pas réellement d’réponse. Maintenant, j’me gratte le menton d’mes griffes et j’prépare la diatribe. Ouais, il y en a pour un p’tit moment.

L’histoire est pas très original, tu vois ? C’pas pour me vanter, mais ma famille à une brasserie depuis quelques générations. Mon père m’a appris, comme il a appris à mon frère et comme mon grand-père avant lui et… Oui, j’peux durer longtemps.
J’ricane comme un enfant, une grande histoire de famille ! C’pas comme si j’avais caché l’histoire. Sauf que l’on ne m’a jamais trop posé la question.

Donc, ouais. J’crois que j’fais tout ça pour respecter la tradition d’la maison. Après, j’aime c’que j’fais. Mon père m’a transmis sa passion, v’là l’idée. Pas une seule fois j’ai eu l’impression d’être obligé d’faire ça ou d’autres histoires d’esprit torturé. Enfin, il y a juste eu un p’tit problème…
V’là que j’deviens nostalgique. J’repense à toute l’île ! La brasserie, les amis, la famille, … Mince, j’commence à m’faire vieux en racontant l’histoire. En attendant, j’ai pas eu trop de nouvelles de chez moi. En même temps, j’suis parti et j’ai pas laissé d’adresse.

J’viens d’une île, en réalité. Mais, c’est pas ce à quoi tu t’attends. En fait, nous vivons sur le dos d’une tortue gigantesque ! Et notre île, elle est constamment en mouvement. Une île ? C’pas très grand. Surtout quand on est sur le dos d’une tortue. Alors, un matin, j’ai pris mes affaires et j’suis parti. Baluchon sur l’bras, j’ai pris un bateau et j’ai ramer jusqu’au large . D’fil en aiguille, j’me suis retrouvé à rejoindre le Consulat pour faire profiter de mes talents !
En disant ça, j’lève les épaules et j’me présente. Tu parles d’une histoire.

C’est Genesis qui m’a offert ma chance, aujourd’hui ? C’est la brasserie Stormstout qui à trouver une succursale au Jardin Radieux ! Mon père s’rait content, j’imagine…
Bon, bon, bon… Il y a encore un peu de temps.

Et toi, tu viens d’où, exactement ? Il n’y a pas un papa ou une maman qui t’attends ?
Ouais, c’est sympa de demander ça après l’avoir trainer dans l’univers.


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« Je sais pas je crois pas » évacua-t-il rapidement. « C’est à dire d’où je viens ? Comment je dois choisir ? Si c’est à partir du moment où je t’ai trouvé, je venais de juste devant une piste avec un défilé de peluches. » Ioan ne put attendre les réponses à ses questions. Ses épaules s’érigèrent d’une inspiration passionnée : les panoramas qu’il s’imaginait retenaient bien trop son intérêt !

« C’est une tortue grande comment ? Vous logez à beaucoup dessus ? » interrogeait le garçon, piqué à vif. « Est-ce que tu peux me dire où c’est ? Je voudrais voir ! » Il le voulait, oui ! D’abord, voyager par bateau, et laisser l’embarcation chahutée par les eaux. Il verrait le lever du soleil sur un horizon plat et sans nuages, après la tempête. Ensuite, repérer l’île — ou, plutôt, la tortue : son immense tête et ses pattes imposantes, brassant la mer ou l’océan avec la force des géants, des maisonnées entassées sur sa carapace !

« Mais ! » interrompit-il cette procession imaginaire de baraques accrochées à de gigantesques écailles. « Si vous vivez sur le dos d’une tortue, comment les gens de ta famille ont fait pour faire comme tu fais ? Il faut beaucoup de choses qui viennent de la terre ou des arbres non ? »

Il réfléchissait, la mine pensive. « Y’en a pas sur les tortues. » Comment faisaient-ils, alors ? Gagnaient-ils la terre ferme régulièrement, abreuvant les pêcheurs et les fermiers des ports de la superbe de leur tortue-monde ? Quel spectacle ce serait, pensait-il, que de se lever un jour et de voir poindre au bas de chez soi une telle créature ! Il restait cependant une autre possibilité, qu’il n’écartait pas. « Mais si celle-là en a — des arbres et des champs — elle peut pas aller sous l’eau alors ? » Son regard s’échappait d’alambic en alambic, suivant le chemin de la fumée et des gouttes. Est-ce qu’une tortue était obligée d’aller sous l’eau ? Ioan ne savait pas. Il ne leur avait jamais posé la question.

Une rapide réflexion le ramena à son monstre généreux, moins d’une seconde après son dernier assaut !

« Quel fil tu as suivi jusqu’ici, dis ? Et c’est quoi le Consulat ? »

Les mots d’un épouvantail d’or lui étaient revenus, comme un écho lointain. « Une grande famille » avait-il dit. Le garçon se souvenait s’être interrogé à ce propos — mais ni celui qui avait évoqué la question, ni le Père Noël, ne lui avaient répondu. Il en était donc resté à cette image séduisante de gens qui se peignent l’âme, pour qu’elle s’égaie de quelques couleurs.

Ses mains se resserrèrent.

« … Et, Père Noël… est-ce que je suis toujours gris et triste ? »
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Olalala ! Trop de questions d’un coup, est-ce que j’dois répondre à c’qui m’arrive ou est-ce que j’vais sélectionner les choses unes à unes…

Aqua m’dirait surement de suivre mon cœur.

Dans l’doute, j’vais juste à côté et j’pose un genou à terre. Avec ça ? J’suis à sa hauteur, juste ce qu’il faut. Dans la suite de mouvements logique, j’pose ma patte sur son épaule avant d’prendre la voix la plus douce que j’ai en réserve.

Hey, Ioan…
Phrase d’accroche, j’attire le regard et j’fais mon plus beau sourire.

Tu n’es pas gris ou triste, t’es le seul garçon que j’connais avec autant d’émerveillement dans les yeux. Ceux qui sont tristes, ils ont des grosses cernes et il les bras ballants… Tout l’contraire de toi.
Ouais, j’vais m’improviser prêtre de Notre-Dame. En attendant, j’vais pas faire semblant de rien et inventer l’excuse du paquet de clopes afin d’disparaître et n’pas avoir à gérer l’gamin. Et puis, là, ça va. C’pas le cas le plus compliqué a géré.

Qui est-ce qui va te faire croire ça ? D’accord, la vie n’est pas toujours facile et c’est parfois compliqué. En attendant, c’pas aux autres de dire que tes gris ou colorés. Il n’y a que toi qui à l’droit d’le dire et d’le crier sur tous les toits ! Si j’étais quelqu’un d’irresponsable, j’te prendrais sur l’épaule et nous irions sur le toit d’la brasserie pour le dire.
Du coup, j’tourne le regard et j’observe l’matériel dans notre dos.

Sauf qu’avant d’faire ça, il faut terminer ce que nous avons commencé.
Hop, j’me relève et j’vais éteindre tout l’bazar. Avec cette histoire, ça a eu le temps d’chauffer et d’infuser. Dans la théorie, il faudrait que nous laissions refroidir l’histoire afin d’avoir une bonne idée d’la chose. Sauf qu’ici ? J’pense qu’il a bien envie d’y goûter.

On attrape, on ouvre, on verse dans un p’tit tonneau de cinq litres et on s’retourne vers Ioan avec une louche en bois.

C’est l’moment !
Hop, j’trempe et j’amène. Ah, oui, j’peux lui parler d’un truc.

Sinon, j’peux te dire ce qu’est le Consulat. C’est juste l’un des groupes qui pullule dans l’univers, à la différence que nous cherchons simplement à faire vivre l’art et les artisans plutôt que de dominer les peuples. Tu connais le Moulin Rouge, hein ? J’en suis l’ambassadeur et c’est moi qui créer toutes les boissons pour les différents évènements. D’une certaine façon, j’apporte un peu de joie à l’aide du Consulat.
… Ah ! Oui.

Bon, donne-moi ton avis. Chef.


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Il ne comprenait pas. Le Consulat était donc un ensemble de personnes dédiées à l’art et à l’artisanat, et non pas « la domination des peuples. » Cette idée lui provoquait un léger malaise. Pourquoi fallait-il donc le préciser ? Y en avait-il tant qui l’étaient ? Le dernier concept — la domination des peuples — lui paraissait difficile à appréhender. Il était vague, inquiétant. Ioan ne comprenait pas, mais il ne put le dire. Il ne trouvait pas les mots. En silence, il tendit les mains pour guider la louche à ses lèvres. Son regard s’était terni, et ses épaules alourdies. Ses pieds s’étaient enracinés dans le parquet qui, ayant perdu la mesure de ses sautillements et basculements, ne jouait plus sa petite symphonie de grincements.

Personne ne pouvait dire s’il était gris, ou coloré.

Etait-ce que l’épouvantail avait menti, alors ? S’il l’avait fait, ne pouvait-il donc pas lui colorer l’âme ? Ne pouvait-il pas le faire rayonner des reflets du ciel, ou du reste ? L’enfant en ressentait une étrange déception. L’idée lui avait plu. Quelque chose en lui voulait le retrouver. Il voulait lui demander. Il voulait — peut-être — savoir ce qu’il avait vu, ce jour-là ; car l’épouvantail avait été le maître d’orchestre d’une farandole de fées, de couleurs et de rires, et qu’il avait un regard que les autres ne partageaient pas.

Le bois de la louche était poli et verni, apparat d’un serviteur fidèle — encore. Chen savait se faire aimer. Il dégageait une aura chaleureuse et enivrante, que reproduisait tout son atelier. Certains n’étaient parfois jamais à leur place. Ils dénotaient dans le paysage, leurs aspirations et leur être jurant avec l’étui dans lequel ils s’exposaient et s’enfermaient… mais pas son monstre généreux. Il semblait être où il s’intégrait parfaitement, là, entre ces cuves, ces alambics et ces étagères — mais cela avait aussi été le cas dans les rues qu’ils avaient arpentées, et sur la plage qu’ils avaient fui. Tout semblait s’adapter à ce grand et tonitruant Père Noël. Tout semblait lui renvoyer les lueurs qu’il dégageait. Ioan laissa ces images et ces idées flâner en sa tête, ses paupières bercées par le souvenir des vagues, et il bu.

Le bout de sa langue fut frappé d’un vif goût sucré — talon de la pêche, du melon, de la pomme ! La traîne du poivron se laissait attendre, courant finalement une douce amertume en fond de bouche. Le garçon ne put s’empêcher un sursaut surpris. Une complexe procession remontait sa bouche et nimbait son palais ! Il resta les joues pleines deux longues secondes avant de déglutir. Un frisson le parcourut ; de la pointe des orteils au bout des oreilles, picotant les extrémités de ses doigts, ses pommettes, et… il releva sur Chen des yeux rouges. Eux aussi s’étaient sentis transis par cette sensation nouvelle, ce goût inconnu. Les épines que la fatigue leur lançait depuis tantôt ne les avaient guère aidés à faire montre de retenue. « C’est… » commençait le garçon, hésitant. Sa langue marqua trois fois le contour de ses dents, et apprécia ce qui lui restait du numéro des danseurs, partis depuis dans les coulisses. « Sucré. Très sucré. »

« Le melon, la pomme, la pêche… » reprenait-il, « viennent tous en même temps. Du coup ça se sent beaucoup, mais… » Ce n’était pas ce qu’il avait imaginé, devant ses morceaux de fruits et de légumes. Un élément était venu perturber la chorégraphie qu’il avait cru mettre en place. Les goûts si distincts qu’il avait ressentis s’étaient, bien que magnifiés, comme estompés les uns les autres, trompant toutes ses attentes. Ses yeux suivaient les tâches du tablier de Chen. Intriguant. Il devait y réfléchir autrement. Les mouvements des danseurs… leurs gestes, leurs astuces, leurs numéros… c’était là qu’il s’était trompé. Lui qui n’avait jamais rien su de cet art, avait été trop impatient. Le garçon demeurait interdit. Une autre approche… une approche qu’il saisirait — il s’égarait. Il y avait le bois qu’il aimait caresser, le verre qu’il faisait courber…

… et les couleurs dont il savait les parer.

Un léger sourire revint au coin de ses lèvres. Tout avait toujours été dans les couleurs. Les goûts n’étaient que des pigments que l’on imposait à la langue plutôt qu’au regard. Perçus ainsi, il était évident que la torréfaction avait tout changé. Son ami l’avait dit, pourtant. Elle les avait unis, les avait fait s’embraser et s’embrasser. Elle avait gommé leurs bords plus anguleux, les polissant d’une légère étreinte : c’était donc pour cela qu’il n’avait que peu ressenti le doux melon, dont les morceaux épars, à l’état brut, parvenaient à prendre quelque place à la forte pêche — et la pomme, qui n’était pas assez sucrée pour rivaliser. Il n’en restait que de petites touches ; des détails élégants mais aisés à manquer, une fois l’impression d’ensemble passée. Le poivron, lui, profitait de l’arrière de la scène pour s’exprimer sans compétition. Le garçon repoussa doucement la louche vers le maître des lieux. « Tu crois qu’on sent pas assez la pomme et le melon ? J’avais pas pensé que la torréfaction ferait comme ça. »
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Oh, il m’semble un peu maussade le gamin. Généralement, quand on boit sa première boisson, on fait une autre gueule. P’tet que j’aurais dû mettre un peu d’alcool avec, il aurait préféré.

Fort heureusement, ma crainte s’fait bien rapidement écarter.

Alors, Ioan, c’est l’moment où on commence à jouer au p’tit alchimiste.
Sauf qu’il n’y a pas de réchaud, de fiole et d’autres machins du genre. Ici, c’est d’la cuisine à l’ancienne ! On va pas s’perdre avec les bidules de jeune.

Tu vois, il y a un p’tit aspect qui arrive à la fin du travail. Sur l’papier, c’est simplement chercher à équilibrer les goûts ou à faire ressortir certains arômes. Par contre, ici, j’vais pas te laisser tâtonner dans l’vide. C’est d’la connaissance pure et dure, alors j’vais expliquer tout ça.
Hop, on transporte le tout. L’gamin, l’tonnelet et moi-même. Direction l’armoire à épices, ou plutôt le bureau à côté et on s’y installent. L’gamin sur la chaise, moi la tête dans l’travail en récitant les trucs et astuces du parfait petit brasseur.

Bon, c’qu’on va faire ? C’est tricher. Enfin, pas tellement. C’est une façon de corriger ses erreurs… Mmmh… Ça sonne faux. Disons plutôt que nous sommes là pour embellir notre création ! Alors… Il y a quelques trucs à savoir. Comme par exemple, l’équilibre. Ici ? Tu m’dis que c’est trop sucrée…
J’prends deux citrons verres, j’cale les agrumes dans l’creux de mon coude et j’vais vers l’atelier.

Tu contrebalances avec de l’acidité ! Ici, l’élément le plus acide est le poivron, alors… En ajoutant du jus de citron ? Il reprendra une place bien à part, écartant le sucré. De plus, il y a de la pêche dans ton mélange ? C’est un fruit avec sa pointe d’acidité, en y ajoutant le jus, tu renforceras son goût.
C’est un peu comme du Voodoo, mais les morts-vivants en moins et en plus amusant.

Il y a plein d’ingrédient qui possède cette force. Par exemple, le gingembre. Il a un goût tel qu’il parvient à relever l’amer d’une recette, on l’utilise souvent pour donner l’illusion qu’il y a plus d’alcool dans la boisson. Ou, encore, la lavande. En l’utilisant, ça donne une sensation de « fumée » dans une boisson. Pour bien comprendre, c’est comme si la boisson sentait un feu de bois… Tu vois l’idée ?
Voilà, on va d’jà commencer avec le citron et goûter après.

Enfin, on commence déjà à ajouter un peu d’acidité et on goûte à chaque fois. Pour que tu trouves l’équilibre. Pour la suite ? Hésite pas à m’demander, j’connais les trucs.
Pour le melon, j’pense qu’il faudrait utiliser un peu d’romarin. Rien que ça, ça doit contrebalancer le végétal et remettre le goût au jour. Ensuite, on verra bien. Reste plus qu’à voir s’il a une bonne langue.


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