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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Mansuétude

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S'ouvrent les portes des geôles, lourdes et sonores, pour que s'y déploient deux paires de gardes à la lueur des néons : la première va immédiatement stationner devant la prison de Lenore et la deuxième devant celle de Narantuyaa. Les ordres sont simples, les consignes sont clairs. Ils ont à surveiller les mercenaires, en restant à bonne distance, pour s'assurer que rien d'inconsidéré ne soit tenté. Loin des barreaux pour qu'on ne puisse pas les attraper mais aussi, loin les uns des autres autant que faire se peut. Les captives ont prouvés maitriser quelques pouvoirs surnaturels… ce sera beaucoup plus difficile de toucher en même temps d'un sort, ou d'une quelconque attaque, deux personnes qui se tiennent un minimum éloigné. Plus difficile mais pas impossible, hélas. Parmis les consignes, il y a aussi celle de ne pas interagir avec les prisonniers tant que ceux-ci ne sortent pas des cellules. Un incident a déjà eu lieu mais il est hors de question que ça se reproduise sous les ordres Jack ; qu'une mercenaire s'amuse à jeter des trucs à travers ses barreaux n'est pas une raison pour lui donner une occasion de s'échapper. Et qu'elles jouent de provocations non plus.
Le chef veut ses gardes noirs silencieux comme des ombres, plus impassibles que des gargouilles.

Jack Inèrsse s'engouffre dans les cachots à son tour comme s'enfonce le surin d'un assassin entre deux côtes, simplement vêtu : un treillis noirs, des rangers aux pieds et d'une chemise blanche froissée. Lui-même est décoiffé, les yeux cernés de violets, le teint pâle d'un insomniaque mais les yeux pourtant vivaces, nerveux. Son pas est préssé, un peu anxieux, tandis que sans ralentir ni s'arrêter, il inspecte d'un oeil inquisiteur les cellules sur sa route. Les portes sont toujours grandes ouvertes, le transfert doit se faire de manière aussi fluide que possible dans l'intérêt de tout à chacun.

Les Princesses de Coeurs… belles comme au premier jour, même au fin fond du cachot… et jusqu'ici, très tranquille. Ont-elles abandonnés l'idée d'un jour s'évader ? Pourtant, on attendrait de ses femmes au coeurs de pur lumière qu'elles ne perdent jamais espoir. Sur sa route, Jack sent un malaise l'envahir à passer près d'elles… comparable à la chaleur d'une maladie, une sorte de fièvre le fait se sentir mal dans ses baskets. Lui qui a le coeur si sombre peine à supporter la lumière qui s'en échappe. Qu'est-ce qui garantit qu'elles ne peuvent pas faire s'évanouir les coalisés, si sombres de coeurs, d'un flash ou d'une autre saloperie magique ? Au moins les secouer.
Il y a aussi Lenore… et pour que Death veuille la garder… dans le meilleur des cas, il a encore des informations à en tirer. Or, pour tenir à ce point à vouloir les lui extorquer personellement… elle doit être incroyablement dangereuse.

Finalement, Jack arrive devant la cellule de Narantuyaa qu'il s'empresse de détailler de la tête aux pieds ; qu'il scrute jusque dans le moindre détail. De longues secondes silencieuses, presque jusqu'à la minute, sans une fois cligner des yeux. La pauvre, vraiment. Couvertes de blessures de la tête aux pieds, pas tout à fait fraiches mais pas refermés non plus. On devine pourtant encore l'athlétisme de sa carcasse dérrière toutes ses blessures. Le Chien Noir avait mal rien qu'à la regarder. Et à cette vision, s'il ressent un peu de pitié, c'est surtout la déprime qui l'envahit. Le voilà qui se frotte plus que les yeux, le visage tout entier… y passe ses mains lents et insistants, à s'en tirer la peau, de haut en bas comme pour en laver la fatigue. Crevé d'avance, Jack eut été prévenu que la détenue serait en mauvais état… mais à ce point-là... ?
Désespéré, Jack soupire résigné de voir qu'il a bien plus de travail que prévu.

Tout ce qu'elle a pu souffrir… tout ce qu'on a du lui faire subir… tout ça ne peine pas Jack, ne lui arrache pas la moindre compassion. Tout ça ne fait que le désespérer, fatigué d'avance face à la tâche qui l'attend. Son dur labeur semble saisir chaque opportunité pour s'alourdir ; ce qui n'empêche pas l'aiguille de tourner.

« Bonsoir Narantuyaa… » Le regard du jeune homme se plisse soudain. Ces stigmates, cicatrices et hématomes sont certes horribles mais… ne surjoue-t-elle pas un peu ? Après tout, plus vulnérable parait-elle, moins vigilants seront ses geôliers. Raison pour laquelle Jack se tient à bonne distance des barreaux. « Pour que tu le saches, à condition que tu coopères sans faire d'histoires, ta situation ne peut que s'améliorer. J'en connais une autre… » Et très rapidement, Jack jette un vague regard dans la direction où se trouve Lenore, sans s'arrêter de parler. « …qui ne peut pas en dire autant. C'est le moment où tu réalises la mansuétude de la Coalition Noire envers ceux qui savent quand s'arrêter. »

Est-ce bien vrai ? A vrai dire, Death n'est pas le genre de personne à qui l'on se permet de poser des questions. Jack craint pourtant qu'il ne veuille bien plus que des simples informations venant de Lenore. Se pourrait-il qu'elle le manipule, d'une quelconque façon ? Ou même qu'il veuille carrément la recruter ? Après tout, le Chien Noir dirigeait la Garde Noire en ayant tuer son prédécesseur… et un certain "Kuro" venait de rejoindre la Coalition Noire, justement en tuant un garde noir.
Dans un autre soupir, entre lassitude et agacement, Jack reporte son regard sur la mercenaire, l'air toujours aussi soucieux.

D'ordinaire, il tâche de ne louper aucun détail de son environnement, d'être à cent pour cent attentif… mais a tellement d'autres choses à penser que ca en devint impossible. Quid du dirigeable rose à Agrabah ? Quid du remplacement du garde noire mort des mains du nouvel arrivant ? Et de celui que Death a foutu en cellule ? Comme s'il suffisait de secouer un arbre pour qu'en tombe des gardes noirs ! Sans parler de sa prochaine mission au Domaine Enchantée, honnêtement, il n'aura jamais le temps de tout faire ! L'idée de ne pas pouvoir être complètement, à cent pour cent, concentré sur la situation présente le terrifiait au plus haut point. Son visage s'en fait agacé comme si un mouche venait l'ennuyer ; comme si une migraine le hantait ; comme si une rage de dent l'habitait. Ce transfert va prendre du temps, peu importe l'énèrgie avec laquelle on s'y attèle.

Et même… si ses yeux restent rivés sur Narantuyaa, la présence de sa collègue, il ne peut pas l'ignorer à partir du moment où les deux coopèrent. Difficile de dire à quel point les autres prisonniers sont découragés mais… lequel, honnêtement, ne sautera pas sur une occasion de s'enfuir ? Ou juste de nuire ? Plus particulièrement les rebelles et autres opposants, de toute façon destinés à finir en cobaye pour Salazar, ils n'ont plus grand-chose à perdre. Quand aux deux mercenaires, elles ont prouvés ne craindre aucune répercussion, allant jusqu'à se rebiffer face au grand patron lui-même. A partir de là, on sait d'avance qu'elles saisiront la première opportunité de s'échapper et… pour réussir sa mission, Jack n'aura pas le choix que d'en fournir, des opportunités.

« Ta coopération sera plus qu'apprécié. » Dit-il, neutre… un peu morne, sans vie ni énèrgie. Surtout saoulé d'avance par la journée qui l'attend. Préssé d'en finir, désireux d'allez droit au but. « Tes mains bien en évidence plaqués sur le mur au fond de ta cellule, je te prie. »  

Dès que ce sera fait, Jack ouvrira la cellule… et les deux gardes noirs qui la surveillent y entreront pour menotter la prisonnière -poignets et chevilles- puis l'escorter jusqu'à la sortie du manoir. Le Chien Noir restera en retrait, c'est bien la meilleure position pour intervenir en cas de problème. Il pourra voir la prisonnière mais elle ne pourra pas le voir.

« Si tu ne coopères pas, on utilisera bien évidement la force. » Et c'est bien la dernière chose que veut Jack : rendre cette mission plus compliqué qu'elle ne l'est déjà. Un somnifère venant de Salazar aurait été apprécier mais trop pris par ses expériences, celui-ci n'est pas disponible pour le moment, hélas. « Je suis même disposé à te dire ce qui est prévu pour toi mais uniquement en-dehors du manoir et seulement si tu coopères. »

C'est un appât comme un autre que d'essayer de la rendre curieuse. D'après le fichier de la Shinra sur les mercenaires, Narantuyaa serait une arbalétrière originaire de la Terre des Dragons mais… rien de plus. Rien de bien intéréssant Et concernant Lenore, pas tellement d'infos non plus… la Coalition Noire elle-même étant plus informé, c'est dire. Par contre, il est précisé dans le fichier que ni l'une, ni l'autre, ne maitrise la magie, le psychisme ou la symbiose. Ca veut bien dire que ce fichier n'a rien de fiable et qu'il faut rester incroyablement vigilent.

« Puisque je ne peux pas te forcer à coopérer de ton plein gré… à toi de voir si tu veux la jouer cool ou non. »

Les six gardes habituellement en postes dans les sous-terrains qui n'ont pas bougés… les quatres qu'a ramené Jack depuis la Cité du Couchant… et Jack lui-même, ca fait onze. Un total de onze gardes noirs pour gérer une prisonnière au bout de sa vie… qu'elle coopère ou non, en théorie, ça devrait passer. Pourtant, le Chien Noir reste… tendu, les nerfs à vifs. S'attend au pire… s'attend à tout et à n'importe quoi… jusqu'à fixer Narantuyaa, refusant jusqu'à cligner des yeux pour être sûr de ne louper aucun détail.

Elle… plus Jack la regarde, plus il se dit que quelqu'un d'ordinaire ne peut pas survivre avec de telles blessures… lui-même ne pourrait pas. Se méfier… toujours se méfier… même d'une mercenaire à moitié-morte en cage ? Surtout d'une mercenaire à moitié-morte en cage.
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Son sang battait plus vite à ses tempes.
Quelque chose l’avait tiré de sa torpeur.
Mais quoi ?


La douleur se ravivait peu à peu, aussi traînante que son esprit fatigué.
Il lui fallut quelques instants pour se rappeler de l’essentiel. Le haut, le bas. Comment respirer, comment déglutir avec des muqueuses prises de sang séché.
Puis Narantuyaa – elle se souvenait maintenant que c’était son nom - put commencer à analyser sa situation.

Des mots. Des phrases, même.
Elle réfléchit. Son cerveau progressait par halte.
Le ton était inquisitif. Méfiant. Mais… Il n’avait pas le dédain de son précédent tortionnaire. Pas les mêmes tournures, pas la même arrogance.


Une première conclusion s’imposa lentement à son esprit : Elle subissait la conversation d’un inconnu.
Une possibilité.
Vu sa situation – la douleur diffuse lui rappelait peu à peu la prison, Death, la balle qui lui dévorait la cuisse – Une conversation semblait tout à fait incongrue.

Qui pouvait bien vouloir lui causer ?
….

Naran ouvrit un œil.


La lumière aveuglante de nouveau néons lui arracha un grognement. Une demi-douzaine de silhouettes troubles… Des gardes. Encore.
Et l’un d’entre eux qui lui parlait toujours.

Son œil se referma.
Elle était occupée.
Qu’ils reviennent plus tard.


Mais les ombres devant sa porte ne bougèrent pas d’un pouce.
Pire, leur meneur continuait son absurde discours.

Pourquoi ?
Il n’était pas mielleux.
Mais il voulait quelque chose.
Sans avoir la force de lui cracher à la gueule, Naran tenta de lever un sourcil.

Tâche difficile, vu sa situation.
Sur sa face droite, un énorme hématome alourdissait son arcade déjà sanglante. La blessure la marquait depuis son arrivée dans les geôles, comme si l’intégralité des invités du bal l’avaient piétiné là dans leur fuite. De ce sourcil-là, Naran imaginait qu’il ne restait qu’une poche bleuie encroutée de sang.
Sur son côté gauche, son visage avait gardé un semblant de cohérence : Seuls deux bleus sanguinolents tailladaient ses pommettes blanchies par l’anémie. Mais, abusé par la douleur et les vertiges, ses muscles faciaux restaient peu coopératifs…
Ainsi, son sourcil se leva que très péniblement, déchirant au passage les coupures à demi cicatrisées qui maculaient son front et ses lèvres.

Il n’y eut, dans sa sombre audience, aucune réaction.


Ils voulaient quelque chose d’autre, donc.
La Mercenaire frissonna. L’odeur du sang frais attirait déjà, de toutes les parts de son corps, des atomes d’énergies pure qui sapaient sa force et se pressaient pour réparer ses nouvelles égratignures.

Vite, qu’ils la laissent en paix, qu’elle puisse dormir et reprendre ses forces…


Mais ils ne partaient pas.

Frustrée, Naran essaya de comprendre ce qu’ils exigeaient d’elle.
Laissant sa cervelle analyser les syllabes de son interlocuteur, elle en décrypta quelques bribes.
Ses mains. Il voulait ses mains ?

Enfin, elle comprit. Il avait peur qu’elle s’échappe ?
Naran eut un rire. Un rire qui, avec ses côtes cassées, fut plus proche d’un renâclement gras… Mais un rire tout de même.
Ahh, ça faisait du bien, de rire. Même de si peu…


Adossée qu’elle était au fond de sa cellule, elle se demanda un instant où étaient ses fameuses mains.
Elle les trouva là où elle les avait laissés : Au bout de ses bras tombés de fatigue, à quelques centimètres du torchon qu’elle avait noué autour de sa jambe.

Un torchon ?
Ah. Ses guenilles, déchirées en un linge de fortune.
Elle avait donc renoncé à la pudeur pour éviter de perdre sa jambe. Un choix logique… Quoique la présence de si nombreuse compagnie lui fasse presque regretter.

Suivant les éclats de douleurs, elle trouva aussi l’une de ses cuisses, étalées sur le sol, aussi immobile que possible. L’autre, presque valide en comparaison, s’était recroquevillé autour d’elle en un dernier rempart.
Derrière cette maigre protection, elle aurait aimé avoir caché une arme, un arc, un bâton de dynamite, ou ne serait-ce qu’un couteau de fortune… Mais elle n’avait rien d’autre que son corps lacéré, boursouflé, repeint de brun rougi et de bandes de lin.


S’ils entraient, serait-elle capable de bondir ? De filer d’un à un, de frapper menton et abdomen pour les mettre tous à terre ?
Naran aurait bien voulu y croire… Mais la réalité s’imposait à elle comme une enclume : lourde, et inévitable. Pas en sa condition actuelle, en tout cas.

Son œil s’ouvrit à nouveau.
Son visiteur la fixait du regard.
Le fixant à son tour, elle retourna péniblement ses mains, le laissant apercevoir ses paumes noircies.
C’était tout ce qu’elle pouvait, pour l’instant. Il n’aura qu’à s’en contenter.
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C'est sortit tout seul avec la plus profonde lassitude.

« Oh putain. »

La prisonnière, complètement à l'ouest, a à peine l'air de vaguement comprendre ce qu'on lui raconte. Et pire que ça, pas foutue de se déplacer par ses propres moyens. A chaque seconde supplémentaire où Jack la regarde, celui-ci se rend compte avoir sous-estimé l'ampleur de la tâche et avec, le temps que ca va lui prendre de la rendre un minimum présentable. C'est que… il n'a pas que ça à foutre non plus, encore une fois. Sérieusement, quel intérêt de la foutre dans un état pareil ?! Et qu'on ne lui parle d'en soutirer des informations alors qu'elle n'a même pas l'air capable de parler ! Va vraiment falloir que l'intendant dresse ses putains de geôliers et leur inculque un peu de retenue. Ou alors c'est Death qui s'est amusé avec ? Pourtant, c'est surtout Lenore qui l'obsède en théorie, pourtant en moins mauvais état. A moins que Narantuyaa ait cherché la merde ? Si c'est ça, bon dieu qu'il lui en veut. De toute façon, à cet instant, Jack en veut à plus ou moins tout le monde, profondément exaspéré du temps que ça va lui prendre de la remettre en état.
Il redevient impassible, cependant, observant la prisonnière d'un oeil attentif de longues secondes. Le coeur empli d'espoir… même là, il reste une chance que tout ça ne soit que de la comédie, un savant jeu d'acteur destiné à le piéger.

Désespéré, le Chien Noir plaque une main sur son front, au bout de sa vie en comprenant finalement qu'elle est en aussi mauvais état qu'elle en a l'air. Lentement, il jette un regard à la prisonnière entre ses doigts… puis détourne son regard en laissant son bras ballant, lâchant un bruit en râle et soupir. Ses yeux sur elle de nouveau, Jack a l'air peiné et pour de vrai, il l'est. Au final, quand bien même la mercenaire lui fait un peu pitié, c'est surtout pour sa propre personne qu'il se lamente. Ca va prendre un temps fou avant de la remettre en état.

« Laissez tomber les menottes, on l'embarque comme ça. » Des bruits métalliques se font entendre alors que la clef pénètre dans la serrure et que la grille s'ouvre, laissant les deux gardes noirs s'y engouffrer attrapés la mercenaire quasiment inerte… et là, c'est le drame. Déjà que la prisonnière est un sacré boulet, voilà que ces imbéciles de larbins y vont avec toute la douceur d'un béhémot en rage berzerk. « Putain ! Faites gaffe un peu ! » S'agace Jack, grinçant des dents avant de souffler furieux entre ses dents, parlant soudain à voix plus basse comme pour se convaincre qu'il se calme. « Et merde. »

L'intendant se mord l'index, tâchant de calmer sa soudaine anxiété pour clarifier ses pensées. Pas que la situation soit hors de contrôle mais… un peu névrosé, Jack avait prévu tout un plan et ce boulet de mercenaire, en si mauvais état, perturbe un peu touts ses projets. Après avoir été rendu présentable -et donc reçu un minimum de soins-, il est prévu que Narantuyaa arrive au spatioport. Là-bas, elle doit être propre… mais même si Death ne l'a pas précisé, il parait évident qu'elle doit pouvoir marcher toute seule et parler, au minimum. Or, le spatioport se trouve à la Cité du Couchant et c'est aussi là que se trouve la caserne de la garde noire, disposant de sa propre infirmerie.
Donc… quitte à la soigner, autant le faire le plus tard possible, le plus proche possible de la destination finale.

Ce qui implique de traverser la forêt puis une partie de la ville pour ensuite prendre le train jusqu'à la cité du couchant pour enfin rejoindre la caserne, y rendre la mercenaire présentable, puis finalement l'emmener au spatioport. Mine de rien, tout ce chemin ne se fait pas en deux minutes. C'est tentant de la trimballer telle quelle -comateuse- sans avoir à se soucier qu'elle ne s'échappe tout le long de cet interminable itinéraire. Sauf que là… Jack n'est même pas sûr de pouvoir lui faire traverser la forêt sans qu'elle ne lui claque entre les pattes. Le dilemme est le suivant… prendre le risque de l'abimer encore plus, jusqu'à potentiellement la perdre en suivant le plan de base… ou prendre le risque qu'elle ne s'échappe durant le trajet après l'avoir soigné directement à l'infirmerie du Manoir.
L'index de l'intendant se met alors à saigner. Les deux gardes noirs attrapent la mercenaire, plaçant ses bras par-dessus leurs épaules et la soulevant, plus ou moins, que ses pieds trainent un peu par terre n'est plus si important au point où on en est.

Qui aurait cru qu'avoir à gérer une prisonnière à moitié à poil et à sa merci serait si peu excitant ? Bien au contraire, la pauvre a tant subi qu'elle en devient incroyablement repoussante. Finalement, elle recevra un minimum de soins directement au manoir, dans l'infirmerie habituellement réservé aux exécutants. Ainsi la mercenaire remonte le long du couloir des prisons, portés par deux gardes et suivit de près par Jack, pas tellement jouasse. Ce n'est qu'une fois que celui-ci aura dépassé la cage de Lenore que les deux autres larbins emboiteront le pas.

« Comme si j'avais que ça à foutre… » Marmonne haineux Jack en se frottant la tignasse à s'en brûler la peau du crâne. « …j'espère vraiment pour les geôliers que c'est Death qui l'a foutu dans cet état-là parce que sinon, ca va chier des bulles. » Puis, il semble perdre toute énèrgie en lui, s'exprimant comme d'une voix trainarde et plaintive, un sourire fatigué aux lèvres… son maigre réconfort, c'est d'avoir des sous-fifres pour manutentionner Narantuyaa à sa place. « Ainsi va la vie. »
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Lenore serrait son couteau sombre dans la main en surveillant le petit manège de ses ennemis. Ils l’avaient réveillé bruyamment, la terrorisant au sortir d’un cauchemar. Ils s’étaient postés, sûr d’eux et renfermés, fuyant son regard. Prêts à tout et visiblement là pour une chose particulière. Mais pas pour elle à son grand étonnement.

Un homme à l’allure débraillée semblait être le donneur d’ordre en ce jour… cette nuit ? Elle avait perdu le fil du temps depuis un moment, ses repos étaient effrités par des angoisses de plus en plus violentes.

Cet inconnu n’avait d’yeux que pour Naran. Mais que lui voulait-il ? L’abuser ? La tuer ? La récompenser ? La tenter en lui promettant récompenses et gentillesse ? La rousse n’avait pu retenir un rire à cette pique volontaire. « Ceux qui savent s’arrêter » elle n’en faisait clairement pas partie. Elle espérait que sa collègue n’en ferait pas parti non plus. Pouvait-elle succomber ? Peut-être… Elle espérait réellement qu’elle résisterait, qu’elle les enverrait dans les choux par fierté mercenaire.

Puis l’homme fatigué par l’anticipation de sa tâche laissa glisser des mots intéressants. Ils l’emmenaient en dehors du manoir ? Lenore posait sons front contre les barreaux pour mieux y voir et s’approcher d’eux. Ils l’emportaient dehors. C’était inattendu. Elle allait se retrouver seule ici. Sans aide aucune.

Une angoisse de plus s’accumulait.

La mongole était enfin en vue et dans un état vraiment déplorable. Le feu reprenait dans les veines de la rousse. De la voir si fragile, si malmenée. Par sa faute ? Par la faute de Death ! Et l’autre homme, qu’allait-il encore lui faire malgré son apparence blasée et épuisée? C’était trop dangereux de les laisser faire. Elle ne pouvait pas se permettre de la perdre !


« C’est le maton d’avant qui l’a tabassée. Mentit-elle pour causer quelques remous auprès des gardes. Si l’un d’eux pouvait se faire tabasser gratuitement, elle ne pouvait qu’en profiter. Vous comptez lui faire quoi ? Vu son état, je dois pouvoir le faire mieux qu’elle. Pas vrai ? Fit-elle avec un clin d’œil pour le garde le plus proche. Toi tu le sais bien. » Elle sourit de le voir froncer les sourcils mais se retenir de bouger, parler voir respirer sans ordre.

« Vous feriez mieux de la laisser là le temps qu’elle se repose. Le patron ne va pas être très content. Il a l’air de nous inviter pour un moment.» Elle grimaça à sa propre phrase, si impatiente de s’échapper, retrouver le ciel et les étoiles, l’air, la liberté.

Elle penchait la tête de côté observant de haut en bas le supérieur sans convictions. S’ils ne réagissaient pas à ses provocations qu’allait-elle pouvoir faire ? Ils étaient loin, hors de portée. Mais ils avaient la clé.

Comment allait-elle empêcher les cinq hommes de passer la porte ? Elle chercha son souffle, son énergie, sa magie potentielle. Si elle pouvait les faire étouffer… les faire s’évanouir... leur faire peur comme la panique qu’elle avait vu dans les yeux d’un précédent.

Si seulement Naran pouvait reprendre du poil de la bête et les fracasser, en faire tomber au moins un près de sa grille ! Ils avaient eu la bêtise de ne pas la menotter.

Elle plissait les yeux, respirant un peu plus profondément, laissant son agacement, son mépris alimenter sa volonté. La clé de son psychisme. D’une façon ou d’une autre, ni Naran ni cette clé ne sortiraient de la pièce à cet instant.
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Posté à la même distance que ses gardes chargés de la surveiller, relativement neutre et froid quoique l'air un peu renfrogné, Jack inspecte la rousse d'un oeil soucieux tout en écoutant son baratin. Du blabla qui ne l'intérèsse pas vraiment, en vérité. Il reste surtout préoccupé par ses capacités surnaturelles dont il n'a eu que de vagues échos jusqu'ici. Instinctivement, l'étreinte de sa main se resserre sur son trousseau de clef que l'intendant range dans sa poche, sa main avec. Au final… quand bien même c'est risqué, ce serait peut-être plus productif de voir ce dont la mercenaire est capable de ses propres yeux plutôt que de rester là à se le demander. Il lui parait évident, cependant, que ses talents de sorcières ne peuvent rien contre sa cage elle-même, c'est la seule affirmation que se permet le Chien Noir.
Puisqu'ayant les couilles de s'opposer à Death, de loin le plus puissant de la Coalition Noire, difficile de croire qu'elle n'aurait pas tordu les barreaux ou fracasser les murs si ça lui était possible.

« Tu es invité pour un moment. Elle ne l'est pas. » Répond-il enfin, sans avoir cligner des yeux depuis le début de la conversation. « Peut-être pour ça qu'elle est en si mauvais état que ça et pas toi ? » Et honnêtement, Jack pose autant la question à Lenore qu'à lui-même.

« Chef, je te jure que… »

« Si c'est bien Death qui a mis Narantuyaa dans cet état, il ne s'en cachera pas. » Coupe-t-il sèchement. « Et ce n'est pas comme si j'allais vous fracassez sur les dires d'une prisonnière. Ce qui ne veut pas dire que je ne vous fracasserais pas au besoin non plus. » Ca lui semble important de le préciser, pour rassurer un minimum ses hommes et… peut-être les détendre. Death va voir rouge si on touche à son dernier jouet et quand bien même les geôliers en paieront le prix, puisqu'étant leur responsable, Jack en paiera le prix aussi. Autant faire au possible pour éviter les petites vengeances inutiles pour des histoires d'égo à la con. C'est pour ça que le Chien Noir, bien que faisait la gueule, ne réagit pas plus que ça aux dires de Lenore : il tâche de montrer l'exemple quand à la conduite à tenir.

« Concrètement, on se débarrasse d'elle… tu ne peux pas vraiment le faire à sa place, malheureusement. »

Jack ne se serait pas permis de lâcher la rousse trop longtemps des yeux, jetant néanmoins un bref regard en direction de la pauvre Narantuyaa. La paire de gardes chargés de la manutentionner vont vers la porte pour y attendre que Jack les rejoigne avant de sortir de la prison, et d'un geste de la tête, l'intendant intime au deux derniers de faire de même. Du sang-froid, bon sang. Il s'agit juste de se rappeller qui est de quel côté des barreaux… comprendre qui est définitivement dans la merde quoiqu'il arrive et qui pourrait ne pas l'être, à condition de réfléchir un minimum. Au final, Jack pourra toujours revenir essayer de matter la dernière mercenaire des cachots plus tard, en attendant, il est venu ici pour Narantuyaa et rien d'autre.

« Je suis curieux de voir quels genres de pouvoirs magiques tu possèdes mais j'ai du boulot. Ciao. »

Sans un mot de plus, notre homme ferme la marche et se dirige lui aussi vers la sortie… se tordant le cou pour garder Lenore à l'oeil.
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« PERSONNE »

Elle se concentrait sur sa respiration, faisant monter l’énergie en elle. Ses yeux ne clignaient plus et restaient figés dans ceux injectés de sang et de fatigue du chef des gardes. Ses mains serraient la grille à s’en faire blanchir les mains. Il avouait vouloir tuer Naran et son sang n’avait fait qu’un tour. Est-ce que l’histoire se répétait comme l’avais ironiquement rappelé Death ? Sa camarade allait mourir pour l’avoir accompagnée ? Juste parce qu’elle était au mauvais endroit au mauvais moment.

«  NE PART »

Son souffle s’accélérait. Sa voix se faisait rauque et haineuse. Son sang s’accélérait. La chaleur parcourait ses veines et battait dans ses tempes. Le feu s’accélérait attisant ses angoisses, ses émotions négatives, son impatience. Ils gagnaient la porte, emmenant Naran loin d’elle, emportant la clé des cellules. Et elle que pouvait-elle faire ? Enfermée sans rien d’utilisable, sans aide, avec sa seule alliée qui disparaissait sous ses yeux. Oubliée de tous dans ce trou sombre et sordide.

« SANS MOI ! »

Elle sentait une brûlure dans ses yeux, un picotement acide qui grignotait leur centre. Elle refusait de laisser partir cette occasion. Elle lâcha la tension dans son cœur et son corps, cédant à cette force grandissante en elle, concentrée sur ses cinq hommes dont le souffle précieux était volé par la mercenaire. C’était sa seule solution. Elle l’avait déjà fait à Death ici même. Elle imaginait dérouler un ruban, tirant dessus de sa seule volonté pour que l’air quitte leurs lèvres, leurs poumons, de plus en plus vite. Elle leur volait leur souffle. L’air autour d’eux se troublait, se faisait épais. Mais ils étaient nombreux et elle devait se concentrer entièrement.

Ils hoquetèrent d’abord. Pris par la surprise, essayant de respirer plus vite pour pallier au manque d’oxygène. Les yeux du chef des gardes rivés sur elle s’arrondirent plus encore. Leurs gestes se faisaient lourds, plus lents. Ceux portant la mongole perdirent leur force devant le poids inerte de celle-ci.

Continuer.
Elle gardait l’esprit focalisé sur l’air les entourant et même Naran sembla respirer plus difficilement.

C’était la seule solution.
Les faire asphyxier, s’effondrer au sol, mourir. Ils ne devaient absolument pas quitter la pièce.

Elle refusait de rester seule, abandonnée.
Les deux soldats libres cherchèrent leurs armes, commençant à plier sous l’effort de rester debout, le souffle toujours plus rapide. Mais leur chef les pressa de sortir.

Non !
Elle accentua sa concentration mais déjà la porte s’ouvrait.

NON !
Ils fuyaient, passaient le chambranle avec le soutien de ceux restés derrière celle-ci. Ils glissaient entre ses mains comme du sable fin.
Elle perdait son emprise, sa concentration, pestant contre la grille. Elle avait encore échoué, n’avait encore pas eu assez de force pour ses ambitions. Le sang coulait de son nez.
La porte se referma et le silence lourd qu’ils laissèrent derrière eux, fut brisé par les chocs violent et répété du crâne de la rousse contre la grille. Furieuse. Elle n’avait plus aucun moyen de contrôler cette rage qui l’envahissait.

Son souffle était court et son cœur battait la chamade, meurtri, étouffé par un hurlement douloureux qu’elle retenait difficilement pour ne pas LUI faire ce plaisir. Elle cessa de se frapper la tête contre les barreaux mais la douleur était trop grande. Elle ne put retenir son cri déchirant plus longtemps en se laissant tomber au sol. Le feu dans ses yeux fut alors noyé par ses larmes.

Elle avait encore une fois tout perdu. IL lui avait encore une fois tout arraché.
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La porte s’était déjà ouverte.
Ses pieds ne touchaient plus terre.

Avant qu’elle ait le temps de s’en rendre compte, Naran survolait le sol de sa cellule, écartelé par deux gardes noirs. Chacun tenait fermement l’un de ses poignets, tirant ses bras le long de leurs étranges armures pour la hisser sur leurs épaules.


Elle ouvrit l’œil, distinguant pour la première fois le visage méfiant de son interlocuteur.
Qu’est-ce qu’elle pourrait dire de ce petit homme ? Petit, parce qu’elle le contemplait portée par deux plus grand qu’elle… Mais petit aussi par son ton, ses manières, son anxiété furieuse. Petit aussi parce que replié sur lui-même, prêt à attaquer ou à fuir… Pourquoi était-elle la prisonnière, alors que lui semblait bien plus emprisonné qu’elle ?
Décidément, l’anémie lui présentait de plus en plus de pensée loufoque.

Mais son hôte la fixait toujours, détaillant ses blessures avec dégoût.
Il avait raison de s’inquiéter. La lumière blafarde des geôles soulignait les hématomes, les plaies ouvertes, les griffures et ecchymoses qui maculaient sa carcasse : Soulignait, en somme, que son temps était compté. Bien sûr, il ne pouvait pas voir les flux d’énergie qui la traversaient ; ni la magie dans ses veines, ni sa conviction acharnée, qui ensemble repoussaient tant bien que mal l’inévitable.

Tout ce qu’il pouvait voire étaient ses bandages, desserrés dans son ascension. Les bandes usées ceignaient mollement son épaule, ses côtés, laissant son sang couler le long de ses cuisses, jusqu’au sol nu des cachots.

C’était le moment où elle se redressait, fière comme au premier jour, et le mettait par terre d’un seul mouvement bien choisi.
Le coin de ses lèvres fendues se releva légèrement. Belle fantaisie.


La voix de Lenore la réveilla un instant.
Comme dans un rêve, ses piques et hurlements se mélangeaient dans son esprit.
Elle était encore là ?
Naran l’avait rêvée morte. Ou triomphante… Elle ne se souvenait plus.
Ses hurlements restèrent avec elle un temps.



Elle les entendait encore, alors que deux serres d’acier plongeaient dans sa cuisse.

Des sangles la maintenait à son lit métallique… Elle était passée à l’horizontale. Les gardes n’étaient plus là – ou, si, mais seulement à la lisière de sa perception.

La douleur la secouait, plus puissante, réveillée par l’antiseptique et les pinces qui trifouillaient dans sa chair.

Ce n’était pas Lenore qui hurlait. C’était Naran elle-même.
Elle s’étonnait d’en avoir la force…



Les délires se succédaient sans cesser. Un dernier, rappel de nuits d’hivers d’une prison si similaire, la fit se relever en sursaut.

Naran avait ouvert les yeux. Pas qu’un seul : Non, les deux.
Elle voulut se passer la main sur le front, toucher sa peau qui avait perdu sa lourdeur… Ses mains étaient toujours liées à son lit.

La surprise, la panique, la fureur s’accumulaient dans son souffle hagard, et pourtant ses poumons tenaient bon. Ses côtes, bien que douloureuses, ne menaçaient plus de craquer.
Sa jambe… Sa jambe la cinglait toujours, par vague ; mais ne menaçait plus de fondre en lambeaux purulents.


Ils l’avaient soignée, donc.
Pourquoi ?
A nouveaux, Naran ouvrit ses yeux. Savoura le détail, la profondeur de son regard. Puis le posa sur l’un des hommes qui tenaient sa garde.
Sa bouche asséchée gronda, tant bien que mal, une question étouffée.
« Pourquoi ? »
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Les quatres gardes et l'intendant… attendent… jusqu'à l'ennui, une quasi-léthargie... pourtant, au premier signe d'agitation de la prisonnière ; au premier instant de son réveil, ils furent comme arrachés des bras de Morphée par un électrochoc. Enfin quelque chose à faire ?! Cela les emplit tous d'énèrgie, le Chien Noir inclus. Déjà, à la voir un peu plus vivace, capable de s'exprimer, le quatuor s'empresse de lui menotté les poignets. Un zèle que Jack regarde… curieux… plus que rassuré, agréablement surpris. L'idée lui est venu immédiatement. Et si sa paranoïa devenait contagieuse avec le temps ? Après tout, sortit de nulle part, il eut soudain tuer le chef actuel de la Garde Noire -de base le pire d'entre tous, donc- alors que… un nouveau venu, d'accords… mais un pauvre exécutant là depuis des années ?
Bref, que son sourire s'efface pour laisser place à cette face sérieuse, rendu sombre par l'appréhension maladive. Comme le prouve sa propre histoire, il n'y a pas que Narantuyaa à surveiller… soit ses gars sont mauvais et c'est la merde pour lui, ils ne font pas le taff, ça lui retombe dessus. Soit ils sont bons… donc susceptibles de prendre sa place.

Qu'ils essayent, pendant que son quatuor enferme Narantuyaa dans son propre lit, la contraignant avec professionnalisme -bon dieu ?!-, Jack les a tous en visu et même l'infirmière qui se retire dans un coin pour s'effacer. Pour tous les voir, il ne faut en regarder aucun… et ainsi, bien qu'une lueur inquiète dans les pupilles, ces dernières restent immobiles, semblant perdus dans le vide mais cherchant à tous les englober.

« A chaque crime sa punition, on va dire. Ton cas est différent celui de Lenore, raison pour laquelle l'on t'accorde un peu de clémence. Plutôt que de te laisser pourrir dans nos cachots… » …et gâcher des ressources, du temps d'attention des géôliers en surveillance… « …et estimant que tu as suffisement souffert pour tes crimes… » …et parce que Death a une obsession pour Lenore, pas pour toi… « …nous avons destiné de te transférer dans les prisons de la Shinra, ravie d'accueillir des mercenaires à notre place. » Un gage, un cadeau. Une preuve que la Coalition Noire elle-même ne peut pas tout avoir par la force brute et les démonstrations de pouvoirs démentes ; le Faucheur a prouvé par deux fois -Agrabah et le Palais des Rêves- son goût des machinations. Sans doute le Boss le plus subtil depuis… toujours ? « Ils ne peuvent pas traiter nos prisonniers pire que nous, j'imagine. Et puisqu'on ne peut ni te refiler à nos ennemis, ni au Consulat trop clément, ni laisser quelqu'un d'aussi dangereux que toi libre… » Pour un mercenaire, c'est un compliment, non ? Peut-être que nourrir son égo sur ce point là n'est pas si malin ; bref c'est trop tard. « …on a plus d'autres choix que de te laisser au bon soin de la Shinra. »

Au final, tout ça n'étant que du boulot, autant que ça se passe bien. La véritée ne peut pas faire de mal, ici. Bien au contraire, elle ne peut qu'apaiser Narantuyaa… que la rassurer sur son sort… et qui sait, peut-être la décourager, ironiquement. Lui enlever un peu de cette énèrgie du désespoir que le Chien Noir sait si prenante, par moment. De la véritée, un peu et beaucoup d'hypocrisie. Pour l'apitoyer ? Faire passer la pilule ? Après tout ce qu'elle a vécu, on peut s'attendre à ce que la moindre gentillesse devienne du pain béni ; un répit bien pire qu'un repos. Au moins, on ne pourra pas dire que la Garde Noire n'a pas essayé la méthode douce, pour une fois.

« A la toute fin, tu arriveras quoiqu'il arrive au transport Shinra. Que je t'y emmène, évidement mais même si tu t'évades, va bien falloir y passer à un moment ou à un autre, non ? Le seul choix qu'il te reste, c'est de décider si tu y vas toute seule en sale état… ou si tu y vas escorter par la Garde Noire. En sachant que ces pauvres bougres te veulent "présentable". » Ou alors c'est Death qui le veut ? Peu importe, les implications pour le groupe… mais surtout pour notre coalisé… restent les mêmes. Encore une fois, il se retrouve à devoir faire avec l'alliance ambigüe entre les deux groupes. « Ce qui veut dire, au minimum, capable de parler et de marcher en étant un minimum propre. En bref, pour tes intérêts comme les miens, je veux que tu arrives au transport Shinra par le fait de la Garde Noire, qu'on ne finisse pas en non-mort, sans-cœur ou que-sais-je-comme-monstruosité-damné à cause de toi. »

Pourtant confiant, toujours méfiant, sa proposition reste plutôt alléchante selon lui. Si elle coopère à son transfert, la Garde Noire coopèrera indirectement à son évasion. Ca apprendra à la Shinra à faire des consignes à la con qui rajoute du travail à l'intendant et ils ne pourront rien dire puisque la demande vient d'eux-mêmes. Après tout, on s'attend qu'un cadeau de la Coalition Noire soit empoisonnée, surtout face à un autre groupe qui prétend silencieusement dominer le jeu. Qui le domine sans aucune. C'est pour l'arranger et faire ça en douceur, sans heurts, aussi… quoiqu'avec les échos de la véhémence mercenaire, ca serait vraiment convenable qu'elle joue le jeu. Confortable, probablement trop et trop beau pour être vrai. Au moins, Narantuyaa sait désormais un peu mieux à quoi s'en tenir. D'ailleurs, accord ou non, elle pourrait toujours mentir. Que peut-on lui infliger comme souffrances et humiliations de plus, de toute façon ? En sachant qu'il faudra la remettre en état après ?

Jack regarde vite fait l'horloge, le visage agacé qui s'enlaidit d'impatience. L'envie l'envahit face à la Shinra. Que ce soit Death ou Rufus qui le demande… le fait est que la Coalition Noire se sent obligé -ou l'est carrément- de faire plus que nécéssaire. Tant que la mercenaire est en vie, ca devrait suffire non ? Non ! Il faut la soigner, la retaper et carrément la laver ! Quelle connerie ; très égoïste sur ce coup, Jack n'aurait certes pas autant la haine si ce n'est pas lui, aussi travailler qu'un paresseux, qui en pâtissait. Bref, son taff est fait et la Shinra paiera le prix de ses "standards".

« Pour que tu le saches, la forêt est minée comme pas permis… soit tu t'y fais exploser et ça ne m'arrange pas du tout, soit on te rattrapera puisque connaissant l'emplacement des explosifs par coeur. » Ca parait évident que peu importe sa vitesse, que Jack présume dans cet état relativement faible pour l'instant, la mercenaire ne pourra pas distancer ses assaillants si elle doit faire attention à chaque pas. Pas si eux peuvent se déplacer sans se demander quel pas sera fatal ou non. Cependant, après avoir défier Death en personne, que Narantuyaa prenne le risque de se faire exploser ou simplement rattrapé n'aurait rien d'étonnant. Et que dirons-nous de ces capacités magiques ? Ca inclue des capacités régénératives. Sans parler que… probablement joue-t-elle, incroyable actrice, ca ne peut pas être exclus. Si on rajoute des illusions à ça ? Bordel, Jack ne supporte pas le surnaturel, ca ouvre une infinité de possibilité. Un corps simple, sans pouvoir chelou, ca n'offre pas les mêmes embranchements. Bof, au final, si le mec peut tordre le metal ou fracasser la pierre, c'est la même merde.
Mais au moins y a moins à réfléchir.

« De toute façon, on y va maintenant, tes soins s'achèveront le plus tard possible et surtout, le plus proche de notre destination. Si t'es un minimum maligne, tu attendras au moins qu'on soit sortit de la forêt pour tenter ton évasion. » Ca parait évident que peu importe sa vitesse, que Jack présume dans cet état relativement faible pour l'instant, la mercenaire ne pourra pas distancer ses assaillants si elle doit faire attention à chaque pas. Pas si eux peuvent se déplacer sans se demander quel pas sera fatal ou non. Cependant, après avoir défier Death en personne, que Narantuyaa prenne le risque de se faire exploser ou simplement rattrapé n'aurait rien d'étonnant. Et que dirons-nous de ces capacités magiques ? Ca inclue des capacités régénératives. Sans parler que… probablement joue-t-elle, ca ne peut pas être exclus.

Finalement, Jack se résout à regarder Narantuyaa et qu'elle seule, les yeux dans les yeux… on dit que ce sont les miroirs de l'âme, non ? Quitte à être bloqué dans cette situation, autant la rendre plus rapide et fluide… peut-être un peu plus intérèssante.

« Nos raisons peuvent ne pas te sembler clair mais les miennes sont d'en finir au vite et au mieux. Je ne relâcherais pas ma garde, cependant. Par contre… tu as à y gagner, clairement. Ce que tu feras une fois entre les mains de la Shinra ne me regardera plus en rien. »

Est-ce qu'elle va s'obstiner à vouloir faire chier ? Punir Jack pour les horreurs infligés par Death ? Probablement. Si au moins on peut gagner du temps.

« Puisque la forêt est minée, tu as besoin de nous pour le traverser… on va dire qu'une fois en ville, tu me donnes ta réponse ? Bref, on y va. »

Et sans attendre, quitte à devoir lui servir de béquille, quitte à devoir la porter, les quatre gardes noirs entament de l'escorter. Dans l'idéal, si elle se décide à marcher elle-même, y en aura deux devant, deux derrières et Jack en retrait, de là où on voit le mieux. Si elle se débat ou ne coopère pas, ça sera clef de bras, prises de catchs et compagnie.
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Elle cligna des yeux.
Lentement.

C’était un long discours.
C’était, surtout, un discours dont elle avait du mal à comprendre le sens.

Naran dégluti. L’air était toujours empli de cette lumière froide, éblouissante. Elle plissa des yeux.
Sa peau, épongée jusqu’à une presque propreté, ne se déchira pas. Elle avait dû être désinfectée, grossièrement débarbouille du sang séché, ou peut-être, vu les picotements, frottée et récurée avec du papier de verre.
Tout son corps, de fait, avait l’odeur et la consistance d’une guenille couverte de boue passée entre les mains d’une trentaine de lavandière.

Mais ce n’était pas ce qui importait.

Ce garde… Quel que soit son nom… venait de lui détailler les protections du Quartier Général de la Coalition Noire.
Après l’avoir rafistolé.
Avant de lui expliquer son plan, et même, de la supplier de ne rien tenter.
Au moins jusqu’à la station Shin Ra. Où il alludait qu’elle pourrait probablement lui échapper.

Naran en restait sans voix.
La plupart des matons qu’elle avait connu l’avaient soit ridiculisé, soit frappé, soit pire. Voir celui-ci se tortiller devant elle l’aurait presque fait rire… S’il n’était pas encadré par quatre gardes bien moins arrangeants.
Elle se souvenait avoir dû gérer un prisonnier encombrant, il y a quelque temps… A la fois puissant et fragile… Est-ce que c’était comme ça qu’ils la voyaient ?

Mais alors, pourquoi la soigner, s’ils avaient si peur d’elle ?
Surtout, pourquoi l’avoir à nouveau menotté, alors qu’elle était déjà liée à son lit par de large bandes de cuir ?
Il y avait plus d’une anguille sous le rocher. On pouvait même compter deux trois buffles, vu l’air parano de son interlocuteur.


Son menton se raidit. Elle était prête à faire face. L’esprit clair, enfin. Libéré de cet effort constant pour se garder en vie. Libre… Pas encore, certes. Ni même remise de ses blessures. Mais l’air était déjà plus frais, dans cette infirmerie.
Et, qui sait…
Elle avait un long trajet devant elle.

Aussi noblement que son état le permettait, Naran s’adressa à son hôte.
« Je te laisse ouvrir la voie… »
Sa voix était encore rocailleuse, mais coulait sans difficulté hors de ses lèvres. Elle n’avait aucune envie de se plier aux propositions de son interlocuteur, ni de garantir ses propres actions. Elle se refusait à quémander quoique ce soit... Et il devrait donc se contenter d’une sobre sommation.
Ironique, vu sa position… Mais c’était bien lui qui lui donnait le choix, après tout.


Relevée par les gardes, fermement encadrée, elle posa le pied sur le sol gris de l’infirmerie. Le second suivi, affaibli. Son premier pas fut vacillant ; le deuxième lui coupa le souffle.
Mais le troisième était stable, presque assuré malgré sa jambe boiteuse.
Naran tenait debout. C’était simple, mais c’était déjà une victoire.

Un pas de plus, et elle faisait face à son interlocuteur. Les gardes, surpris, se resserrèrent autour d’elle, tirant sur ses menottes pour lui rappeler sa place…
Elle toisa son hôte, amusée de voir un être si craintif manier autant de pouvoir.
Il pouvait faire le fier, avec ses chiens de garde…

Elle lui sourit. A cet instant, Naran ne désirait rien au monde de plus qu’un tête à tête avec cet homme, poing contre poing.
Idiot, en soi. Il avait la posture fuyarde d’un mage, ou de quelque chose d’encore plus vicieux. Rien n’était dit qu’elle aurait le dessus… Et pourtant, il serait au combien cathartique de pouvoir plonger son poing dans son visage creusé de névrose.
Cette intention, elle ne doutait pas une seconde qu’il pouvait la lire, tant dans la fureur de ses yeux que la férocité de son sourire.

C’était un défi… Une question, aussi.
Qu'est ce que tu vaux?
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« Trop aimable… » Lui répond Jack, le temps où son regard croise celui de l'insolente mercenaire, cynique au possible. Ses pupilles noirs de haines, noyés dans ces deux océans de blanc parcourus de veines ensanglantés, se font si petites alors que ses pupilles se retractent. Bien que singeant l'amabilité sur le ton du sarcasme, l'intendant est sur les nerfs, d'eux-mêmes, ses poings se serrent. « …mais les dames d'abords. » Sa voix tranche alors comme un ordre.

Les quatre gardes noirs continuent leurs chemin à travers le manoir jusqu'à l'extérieur, et ainsi Narantuyaa. Fermant la marche, le Chien Noir garde un oeil sur l'escorte. Il suit… sur les nerfs, doit forcer ses mains à s'ouvrir et contracter ses doigts en serres mouvantes pour tenter d'en évacuer le stress. Le groupe arrive dans la cour, envahis par de la végétation non-entretenue sous l'oeil apathique du tyrannosaure… celui-ci fixe la détenue, d'habitude, les prisonniers sont pour lui. Si seulement, pense Jack, en adressant un bref regard désolé à la créature enchainé au cou, tenu en laisse comme un vulgaire chien. Le tyrannosaure ne bouge pas d'un pouce… pas tant qu'on ne vient pas mettre un pied dans sa "zone" ; là où il peut croquer sans que ses liens ne le retiennent. Et relativement habitué, presque blasé, les gardes noirs ne font pas plus attention au monstre d'écailles.
Très vite, l'escorte pénètre dans la forêt… et avance, ralenti par les mines qui force le groupe à bifurquer. De la façon dont sont placés les explosifs, il y a plusieurs "itinéraires" que seuls les gardes noirs et coalisés qui vont et viennent du manoir connaissent.

A part ça, les bois sont calmes… silencieux… absents de toute vie. C'est surtout ça qui permet de la piéger, sans craindre que des bestioles viennent déclencher les mines. Et un vent frais, presque glacé après l'été, vient annoncer l'automne aux conifères. La cour parait abandonné… d'où le nom du manoir, personne n'empêche le lierre de s'y dévelloper. De même, personne n'entretient la forêt ou ne la déboise, celle-ci vierge de toutes activités humaines, sinon les mines. On y croise des souches ou troncs d'arbres, des branchages et fourrées, de la végétation dense, envahissante. Quelques papillons volètent, ici ou là… et peut-être quelques oiseaux aux yeux jaunes… mais rien de plus. Si paisible. Paisible et sombre, d'un silence à apaiser les morts. Soucieux, Jack n'a pas dit un mort, Narantuyaa non plus… les gardes noirs non plus… au moins, l'on profite du calme de la forêt, ainsi.

La forêt ne fait pas un bruit jusqu'à ce que l'on marche sur une mine. Et c'est pareil pour cette escorte, à cinq minutes à peine de la ville. Jack attrape la radio à sa ceinture, réglé sur le canal numéro un, celui réservé aux différents responsables. Après avoir porté l'émetteur-récepteur à sa bouche, l'intendant y parle… soucieux, des yeux nerveux toujours braqués sur Narantuyaa.

« Jack pour Skinner. Si je ne suis pas arrivé à temps pour prendre le prochain train, considère que je suis mort et que la mercenaire s'est échappé. Tu fermeras la gare, préviendras la Shinra et toute la garde noire se mettra en traque de la prisonnière. »

Une voix déformée par le talkie-walkie répond alors positivement. C'est… une assurance. Que Jack soit plus utile à Narantuyaa en vie que mort. Sans lui, elle ne pourra pas rejoindre la Cité du Couchant autrement qu'à la nage et le transport Shinra avec. Quand bien même elle irait là-bas par la route des poissons, tout le monde sera à sa recherche.

« Du coup, il n'y a plus de mines ici et un peu plus loin, c'est la ville… t'essayes de t'échapper ou pas ? Ou ce feu dans tes yeux n'est que pour le spectacle ? »

Parce qu'elle va de toute façon essayer, l'a quasiment avouer… et Jack préfère savoir de quoi elle est capable au plus vite, plutôt que de simplement marcher dérrière en se le demandant. Stoïque autant que possible, sur les nerfs et plissant les yeux comme pour rendre sa vision plus net, l'intendant range sa radio. Il lui offre ce même regard que lorsqu'elle était à moitié morte dans les cachots… l'inspecte, la scrute du regard… ce n'est plus la même personne depuis qu'on lui a redonné un peu de force.

L'escorte ne s'arrête pas… et Jack, tendu, reste prêt à bondir à tout moment, alors même que leurs pieds foulent les pierres que le soleil noir teinte de nuances violacés.
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Il recule. Comme un chien de manchon, il a les gènes d’un prédateur mais les manière d’un laquais. Naran sourit. Ses yeux sont vicieux et viciés, comme toute cette cité crépusculaire… Pas encore jaune, pourtant. Noir et cerné… Peut-être même similaire aux siens.
Gracieusement, la Mercenaire laisse son hôte fermer la marche. Il viendra dans son dos, elle le savait maintenant. C’est donc sans peur qu’elle le laissa scruter ses omoplates.
Qu’il vienne.
Elle n’attendait que ça.


En attendant, elle avait la vue libre pour explorer le dédale que lui faisaient parcourir ses hôtes. Et quelle vue !
Rien que le monstre qu’ils tenaient attaché dans leur basse-cour l’avait laissé bouche bée. Le râtelier meurtrier qui lui servait de dentition était déjà démesuré : Une de ses dents dépassait aisément l’avant-bras de la Mercenaire. La créature entière devait mesurer plus de dix pieds de haut, et au moins le double de long.

Pourtant, le prédateur rongeait son frein dans une arc de cercle misérable, comme un vulgaire coq de combat.
Pathétique.
Est-ce que tous les membres de la coalition étaient matés de cette façon ? Trop abattu pour casser leurs chaines, trop soumis pour lever la tête…

Naran en serait presque tentée de tester l’alliage de sa garde rapprochée. Mais rien ne les différenciait : Ni leur coupe courte, ni leur expression uniformément fermée. Finalement, le petit raton apeuré qui l’avait accueilli avait au moins le mérite de lui offrir une forme de conversation…
Elle lui glissa une œillade. Le pauvre affranchi l’ignora, guettant plutôt les bois avec un air de paranoïa profonde. Les mines, donc, prenaient préséances.

Etonnamment, personne n’insista pour cacher à ses yeux ce mystérieux chemin d’entre les bois piégé. Poussées par les quatre gardes qui l’encadraient de près, Naran s’avança donc dans la masse feuillue.
Ses pieds nus s’enfoncèrent dans la terre meubles. Très meuble. Peut-être que les mines étaient régulièrement déterrées puis réenterrés ?
Naran frissonna sous ses nouvelles guenilles – Par ailleurs remarquablement hygiéniques, comparées aux précédentes… Mais pas suffisante pour garder la chaleur à l’ombre des arbres de plus en plus sinistres.


A mesure qu’ils s’avançaient, le manoir disparaissait à l’horizon.
Le vent sifflait d’entre les troncs. Le ciel, aquarelle de rouge et de jaune, se dissimulait derrières les branches biscornues. Leur périple se déroulait sans un mot, si ce n’est le frémissement des feuilles mortes.
Puis…

Puis ils s’arrêtèrent.
La Mercenaire, menton toujours fièrement relevé, sentit une sueur froide couler le long de son échine. C’était habituellement le moment où les choses tournaient mal.
Le moment où elle en prenait pour son grade…
Le moment où elle trouvait de quoi se faire la malle, aussi.


Le crépitement de son hôte la fit presque sursauter.
Il échangeait quelques mots dans leurs satanées machines. Qui l’écoutait, perdue dans cette forêt noircie ?
Il essayait de se rassurer, comme un enfant perdu. Un peu âgé pour ça… Et puis…
C’est pas tes collègues qui viendront à ton secours, tu le sais.

Un autre temps, un autre monde, Naran aurait joué de ce petit lieutenant dépassé. Peut-être avait-il quelque chose de plus que sa carcasse creusée, après tout. Ou peut-être même que sa fébrilité angoissée pourrait se révéler utile pour une revanche sur les coalisés, après quelques encouragements...
Mais ce n’était ni le jour, ni l’endroit.
Naran était liées, tant à ses poignets que par les mines qui les entouraient… Par cette menace de fermer la station, aussi. Elle n’avait pas le temps de jouer. Pas maintenant, alors que l’air frais lui ouvrait enfin les bras.


Alors, peut-être que le moment de sa fuite approchait. Ou peut-être pas. Mais ce colonel impatient serait certainement le dernier prévenu.
En attendant ses yeux détaillaient les branches cassantes, les troncs, les traces, les remous indistincts qui marquaient le sol de ce bois miné.

« Un vrai spectacle se mérite. »
Sa voix devenait de plus en plus naturelle. Naran arrivait même à reprendre le ton arrogant de sa belle-mère. Charmant, de se savoir près d’elle en une heure si grave.
« On m’avait promis une station. Je ne vois ni vaisseaux, ni tarmac… » Dédaigneuse, la Mercenaire en profita pour scruter une dernière fois la clairière.
« Donc, à moins que tu n’ai prévu tes propres festivités, tu peux te contenter de reluquer ma nuque jusqu’à la gare… »
Maintenir sa façade hautaine était un effort presque insoutenable. Pourtant, il était essentiel que rien ne trahisse que son corps, compressé par les chaines et les gardes, était tendu comme un arc.

D’un moment à l’autre, ils allaient commencer à frapper. A lui faire payer ses arrogances, à défouler leurs frustrations, à jouir de leur pathétique pouvoir… Après tout, c’était le rôle de tout bon maton, non ?
Et, dès qu’ils lèveraient la main…


Naran sentait l’excitation monter au plus profond de ses tripes.
Rien ne lui assurait de gagner. Enchainée comme elle l’était, elle devrait au moins neutraliser le porteur des clés de ses fers pour progresser. Sans parler des mines, de la fermeture de la station…

Mais après tout. Elle avait survécu à Death.
Elle avait survécu à l’entité qui avait annihilé le bal.
Elle avait survécu à neuf ans de prison han.
Elle n’allait pas mourir ici, à quelques minutes de la liberté.
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« Je ne vois pas trop ce que je pourrais reluquer d'autres... » Crache Jack, mauvais perdant, aussi amer que frustré de ne rien réussir à tirer de la mercenaire si confiante et arrogante. Cette attitude ne le vexe pas… ne l'énerve pas… mais le stress au plus haut point. A la voir si fière, à l'entendre si sûre d'elle, on jurerait qu'elle a un plan. Son attitude n'est pas celle d'une prisonnière, à peine celle d'une femme enchainée. Et même au moment de déclarer son attention d'attendre d'être arrivé à la gare Shinra, le Chien Noir ne la croit pas. Ne peut juste pas. Et son coeur s'agite sous la peur, bat un peu plus fort, irrégulier, tandis que le convoi reprend sa route à pas préssé.
Elle lui fait peur… ce n'est pas normal d'être aussi… sereine que ça dans sa situation, aussi impassible. L'intendant voudrait la tuer, s'en débarrasser, l'effacer une bonne fois pour toutes.

Ce qu'il ne peut pas faire sans avoir à en répondre devant Death.

A l'ombre du soleil noir, le convoi s'enfonce plus en avant dans la ville, éclairé par de vieux lampadaires tordues et la lueur jaune de quelques fenêtres allumés. D'un relief impressionnant, Jack maudit sa mission, son monde et son groupe alors que cherchant à joindre le point culminant de la ville, il gravit pente sur pente sur escaliers. Un vrai labyrinthe… facile de s'y perdre quand on est pas habitué, tout aussi facile d'y semer des poursuivants. Les rues vont et viennent, en différentes tailles, des virages abruptes, quelques culs-de-sac mais beaucoup plus d'échappatoire. Une jungle urbaine où règne les gardes noirs. Si c'est à la cité qu'on trouve le plus grand nombre de garde noire, c'est aussi la zone la plus vaste à couvrir… le terrain de jeu favoris des rebelles ; que l'usine d'armement se trouve là n'est qu'heureuse coïncidence. C'est la topographie des lieux qui attire ici les rebelles plus qu'autre chose.
Une ville en clair-obscur… les principaux axes sont extrèmement éclairés de lumières jaunes intenses mais les ruelles, elles, restent si sombres. Là où s'embrassent des boulevards et des ruelles coupes-gorges assumés.

Très rapidement, le convoi passe par la place des fêtes, offrant à la mercenaire de voir le labyrinthe qui contient en son centre un béhémot en cage et la "roue de l'infortune", l'attraction conjointe de Kuro et Jack. Mais aussi de l'exécutante Milla, cette dernière ayant ramené le Béhémot. Encore une effroyable monstre enchainé. A l'image du dinosaure ou des gardes noirs. Jack… a la laisse… et bien trop fatigué de s'inquiéter, marche à la suite de sa prisonnière avec l'entrain d'un chien dépressif en laisse qu'on emmène se faire castrer. Pas jouasse, pas motivé. Particulièrement inquiet, trop fatigué pour s'agiter, un sombre regard adressé à la mercenaire si hautaine et imperturbable. Comprenant enfin, peut-être, pourquoi les geôliers ont autant de mal à garder leurs sang-froid face aux prisonnières. Elles ont… un certain talent, subtile, pour la provocation. Quoique la tentative de la rousse au cachot lui aurait paru pathétique si elle n'avait pas manqué de l'asphyxier avec ces pouvoirs de sorcières.
A cette pensée, la distance entre Jack et la prisonnière s'agrandit d'un ou deux pas.

« Non, c'est stupide… » Dit-il pour lui-même, venant cette fois accélérer le pas pour se rapprocher. Parce que… les sorcières… aiment mettre de la distance, non ? Et celle-là avait une arbalète avec elle, d'ailleurs. Si en plus c'est une tireuse, se rapprocher est définitivement la meilleure option. Pour ce que ça change… au final… quand elle essaiera de s'évader, le meilleur l'emportera et puis voilà.

Ca prend un certain temps, la ville étant tout particulièrement vaste mais le convoi arrive à destination, le point culminant de la Cité du Crépuscule ; la tour de la gare. Avec une vue imprenable sur toute l'entièreté de la ville, de là, l'on peut carrément apercevoir le Manoir Abandonné et l'îlot qu'est la Cité du Couchant. Sur la terrasse capable d'accueillir une petite foule, quelques gardes noirs sont présents, comme d'habitude… pour surveiller le seul accès autre que la nage ou le vol entre les deux villes. Y attends aussi une femme aux longs cheveux noirs, noués en dizaines de tresses pour ne pas obstruer sa vue. Immédiatement, ses yeux jaunes de faucons filent vers Jack et décroisant les bras, elle s'avance nonchalamment vers le convoi. Son armure la différencie des autres, plus légère mais surtout rapiécé, composé d'un patchwork de pièces éparses récupérés sur différentes victimes.
Et contrairement à la plupart, ce n'est pas une arme à feu qu'elle manie en plus de sa lame mais une arbalète. Pas n'importe laquelle, soit-dit en passant. Celle-là même qui appartenait à la mercenaire actuellement enchainé. Si c'est Skinner qui la possède, c'est parce que l'arbalète a été mise en jeu lors d'un concours de tir interne à la garde noire. Une belle arme qui ne pouvait revenir qu'à la plus fine gâchette de la garde noire.

« Salut Jack. » Lâche Skinner avant d'observer quelques secondes Narantuyaa avec curiosité… et finalement recroiser les bras avec un air déçu. « …je ne vois vraiment pas ce que Death lui trouve. »

« Rien du tout, c'est l'autre. »

« Ah. Puisque tu es là, je peux retourner vaquer à mes occupations ? »

« Ouais c'est bon, on prends le train. » D'un geste, continuant sa route sans s'attarder sur Skinner, Jack se saisit de sa radio. « Jack pour Zoot. Si je ne suis pas arrivé à temps à la Cité du Couchant, considère que je suis mort et que la mercenaire s'est échappé. Tu fermeras la gare, préviendras la Shinra et toute la garde noire se mettra en traque de la prisonnière. Prépare un comité d'accueil, au cas où. »

Et sans un mot de plus, Jack n'étant pas d'humeur et Skinner le comprenant bien, le convoi pénètre dans le train complètement vide qui part sans tarder. L'intendant s'assoit sur une banquette, un pied sur celle-ci et les mains jointes sur son genou, l'air peu heureux, perdu dans ses pensées alors qu'il continue de reluquer la mercenaire. Que le train fil sur ses rails, par-dessus l'océan, ni les gardes noirs, ni Narantuyaa ne son autorisé à s'asseoir. Ca a quelque chose de rassurant… ce chemin de fer est une ligne droite et jusqu'à être arrivé à la Cité du Couchant, Narantuyaa ne peut définitivement pas s'échapper. Reste à voir ce que vaut cette femme en combat rapproché dans un espace clos. On se laisserait presque bercer par les remous du train si tout le monde n'avait pas sa vie en jeu ici. Et finalement, Jack s'adoucit un peu… toujours avec cette tronche de dépressif pas jouasse, il se détend pourtant un peu.
Son regard se braque vers Narantuyaa… et confiant, il est persuadé qu'elle ne lui échappera pas.

« JACK ! LA MERCENAIRE S'EST ECHAPPEE ! »



Le coeur du Chien Noir se fige sous le choc ; il s'arrête pendant dix secondes et laisse Jack plus pâle qu'un mort, presque incapable de respirer face à la nouvelle et… les quatre gardes noirs sont dans le même état. Soudain en panique, le Chien Noir bondit de son siège pour se saisir de sa radio et hurler dedans.

« Rattrapez-moi cette sombre pute avant que Death ne s'en mêle ! Skinner, verrouille la gare ; que touts les gardes noirs de la ville et du manoir fasse de la mercenaire une prioritée absolue ! »

A cet instant, dans le train… si apeuré du sort que Death leur ferait subir… ils en oublièrent un instant Narantuyaa. Et ironiquement, c'est ce même train qui empêchait Jack de repartir au manoir. L'intendant, nerveux, se met à faire les cents pas en se grattant le crâne comme pour y déterrer une idée. Lui-même ne peut rien faire… et à part donner ses consignes, il est impuissant. Si Death se charge de Lenore avant la garde noire… cette dernière va en prendre pour son grade. Et en plus, si elle s'est échappée, ca veut dire que Salazar s'est fait marcher dessus… sachant que Death le veut en vie, ca craint s'il est mort. Quand à sa survie, ca va impliquer de devoir faire avec les humeurs d'une ordure pour qui les gardes noirs n'auront plus aucune crédibilité.

Cette simple pensée le ramena à Huayan ayant littéralement "joué" avec un de ses hommes… Cranston et Abigail étaient visiblement de terribles chefs pour que la Garde Noire soit à ce point ridicule. En un éclair, Jack a vrillé, jetant des yeux vides morts et livides, si sombres, à ses gardes noirs présent dans le train. Ses doigts crispés et tendus, bien plus que les serres d'un rapace. Parce que… Death, Salazar… s'amuseront bien à punir, tourmenter ou ridiculiser la garde noire… mais le Chien Noir n'aura pas ce luxe. Pour peu qu'il ne finisse pas en sans-cœur ou en undead après ça, ça sera à lui de faire de ces tâches de véritables guerriers.
Et ca va demander énormément de cruauté. De temps. D'efforts. Son dur labeur est bien partit pour durer tout le reste de sa vie, peut-être plus encore. Jack a donc ce sourire nerveux, celui des gens qui n'attendent plus rien de la vie. Un rictus qui finit bien vite en grimace, ne tient juste pas en place alors que continue les cents pas par dizaines et que du sang s'écoule de sa tignasse tant il la gratte avec acharnement.

« B-bordel... » Balbutie-t-il, parlant très vite, bégayant sous l'effet du stress. « …un-un p-plan. I-i-il me f-faut un plan. »

Le problème n'est pas d'attraper Lenore, la garde noire contrôle toute la ville et a un otage… le problème, c'est de l'attraper avant Death. Et ça… ? Ca n'est juste pas entre les mains de Jack, ca ne dépend que de ses soldats. Sauf que… après tout ça… ce n'est pas comme si l'intendant leur faisait confiance.
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Les gardes l’encadraient à travers un dédale de ruelle. Les bâtisses s’enchevêtraient en une ville biscornue, marquée par ses volets fermés et, çà et là, des impacts sur les murs, des affiches arrachées, ou des bâtisses laissées à l’abandon.
Ce n’était pas une ville en paix. La nervosité accrue des gardes confirmait ses soupçons, et Naran guetta plus avidement encore le moment idéal.

Les gardes noirs n’avaient pas la faiblesse des matons qu’elle avait connu. Ses provocations n’avaient pas fait effet… Mais peut être qu’autre chose, dans cette ville silencieuse, lui donnerait son opportunité. En attendant, elle détaillait leurs armures, et détendait ses poignets encerclés de métal.
Bientôt.


Les marches se succédaient, bientôt sans discontinuer. Le rythme nerveux de ses gardes devenait difficile à suivre. Naran peinait à maintenir son calme alors que ses flancs encore blessés se réveillaient sous l’effort.
Tant bien que mal, elle suivait leurs pas militaires et leurs larges enjambées… Jusqu’à ce qu’enfin, ils atteignent le firmament de la cité clair-obscur : La gare. Passé l’atmosphère inquiétante des ruelles, la tour de l’horloge en est presque rafraichissante.

Il faut dire que l’architecture de la cité du crépuscule, loin du gothique assombri qu’on aurait attendu de la Coalition Noire, tournait plutôt autour du style coquet de la Costa del Sol. Même les quelques meurtrissures d’éclats de balle ne suffisaient pas à refléter la nature de Death, ou de son groupe. La tour, elle, avait au moins le mérite d’être imposante. Et puis, même sans gargouilles, c’était un repère de plus dans ce dédale.
Qui sait, Naran aurait peut-être bientôt à refaire tout ce trajet…

La plateforme de la gare était bien moins réconfortante.
Naran repéra son arme immédiatement, et voir les mains d’une autre autour de sa crosse lui hérissa le poil. Pas le temps de cogner l’usurpatrice ; Déjà sa garde rapprochée la forçait dans un wagon vide.
Les portes se ferment en un claquement métallique, et Naran se tendit davantage. Le roulement familier du train vrombit sous ses pieds. Son regard vole sur les fenêtres, où défile le paysage urbain qu’ils viennent de traverser.

Pas d’issue. Un train en marche.
Seule avec sa garde…


Son regard se posa sur le petit lieutenant, à demi accroupi sur la banquette. Pour une fois, elle peut le regarder de haut. Mais, étonnamment, voilà que lui aussi osait lever les yeux vers elle. Le voir si confiant avait quelque chose de dérangeant.
Attaquer maintenant serait, véritablement, bien trop prévisible. La Mercenaire rêvait pourtant déjà une centaine de prise, d’approche et d’acrobatie. Elle savait se battre menottée : C’est comme ça qu’elle avait appris ; entre deux bastonnades, dans la neige de la Chine intérieure.
Et, ici…
Elle avait peut-être une chance de gagner.

Elle s’en était presque convaincue, que la radio du roquet se mit à grésiller.
Les mots hachés se distinguèrent, lentement.
Le visage défait du petit lieutenant aurait été un plaisir à admirer.
Mais Naran était déjà passée à l’action.


Pliant sa jambe gauche, la Mercenaire tomba au sol. Les gardes se resserrèrent autour d’elle, mais déjà elle en fauchait deux d’une balayette longuement réfléchie.
Sa jambe heurta les bottes renforcées des soldats, lui arrachant une grimace. En plus du choc, le trou qui perçait sa cuisse lui sembla exploser.
Pas le temps de larmoyer : Naran repris l’assaut. Prenant appuis sur sa jambe valide, elle s’élança sur un garde encore debout. Ses mains menottées vinrent le prendre sous la gorge : Une vrille plus tard, et ses deux pieds percutaient un quatrième garde, pendant que les chaines et le poids de son corps achevaient d’étouffer sa prise.

Quelques secondes. Quelques secondes extrêmement satisfaisantes, malgré la douleur qui lacérait ses membres.
Naran sauta.

Le soldat qu’elle avait asphyxié s’effondra au sol. Les trois autres s’approchaient, armes sorties, et la Mercenaire se sentit enfin libre.
Personne ne tenait ses menottes, qui chantaient entre ses poignets et chevilles.
Et, apparemment, elle n’était plus la seule Mercenaire libre sur les terres de la Coalition.
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De son point de vue, Jack vivait là une double-évasion simultanée des mercenaires, complètement dépassé sur l'instant. Non seulement il n'avait personne capable de garder efficacement les geôles et en porterait injustement la responsabilité mais surtout : obsédé par les pouvoirs surnaturels de Narantuyaa qu'il craignait tant, celle-ci lui offrait une démonstration purement martial.
Menottée, elle dominait quatre sous-fifres réguliers à elle toute seule ? En tuait un au passage ? Bien plus puissant que ses larbins, Jack se demandait s'il l'était encore suffisamment.

Seule et si agile, cette grande guenon avait l'avantage dans ce couloir qu'était le train. Trop nombreux -ou mal positionnés- les gardes noirs à l'assaut s'encombrait les uns les autres, empêchant Jack de prendre part au combat. Empêchant Narantuyaa d'atteindre l'intendant en contrepartie ? A-t-elle seulement essayé ?

Ce feu dans ses yeux n'était définitivement pas juste pour le spectacle. Et à l'idée de l'avoir défié ? Jack se sentait stupide en plus d'un combattant fébrile. On ne lui a laissé que les jambes de libres... et saisissant cette once de liberté, la voilà qui n'a plus rien d'une prisonnière sinon un peu de ferrailles à ses poignets. N'ayant jamais réellement considéré le Centurio, Jack développa soudain une peur panique à l'égard des mercenaires.
Celle sous ses yeux paraissaient parfaitement ingérables, en tout cas. Et contrairement aux membres de la Coalition Noire, visiblement impossible à dompter.

Les trois gardes noirs se jetèrent de nouveau au combat sans réfléchir ni attendre les ordres, semble-t-il désireux d'une seconde raclée. Combien s'en relèveraient ? Incapable de passer au travers de ses propres boucliers humains, Jack ne put que profiter de l'occasion pour récupérer la lame du sous-fifre à terre. Mort ou inconscient ? A cet instant, beaucoup plus urgent le préoccupait, alors il n'y pensa même pas.
En apnée, il avait inspiré tout l'air qu'il pouvait emmagasiné dans ses poumons.

Un train... de touts les endroits et moments pour une évasion... elle a choisi le seul endroit où le combat lui sera inévitable ? Cette provocation, pire qu'une insulte, effraya Jack quand à son rôle d'intendant de la Garde Noire ; sa place ne pardonnera aucune faiblesse. S'il n'était pas le plus fort... alors il était mort. Et l'idée le paniqua, le rendant fou comme une bête acculée.

Dès que Narantuyaa acheva de s'essuyé pour la deuxième fois de ces sombres tocards, le Chien Noir souffla de toutes ses forces. L'air ambiant du train fut alors momentanément secoué par un brusque vent violent ; celui-là aurait aisément stoppé flèches et boules de feux.
Jack se jeta alors sur la mercenaire comme à la poursuite de son propre souffle, espérant avoir suffisamment secoué sa prisonnière pour que son attaque réussisse.

L'intendant déchaîna une estoc de sa lame, filante et meurtrière, pour se replier immédiatement d'une course effrénée à reculons. Trop pressé et paniqué pour savoir si on attaque avait touché, son corps mit en mouvement par un stress électrique repartit à l'assaut. Le Chien Noir avait mis à profit le temps de son repli comme de sa charge pour inspirer autant d'air que possible.
Bien décidé à tenter une nouvelle fois de lui estropier au moins une jambe de son épée, Jack déchaînera son souffle juste avant de frapper...

Et la Shinra, peu importe ses caprices, prendra la mercenaire en état.
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Le vent l’avait balayé comme une poupée de chiffon.
Naran était déjà faible sur ses appuis blessés, mais ce salopard de lieutenant l’avait surpris en pleine voltige. Seules ses chaines, à nouveau enserré sur le cou d’un des gardes, lui avaient évité de s’écraser sur la vitre du train.


D’un coup sec sur ses menottes, elle s’était projetée sur le garde qui lui servait d’appui, brisant sa nuque au passage. Satisfaite, elle atterrissait enfin-

A peine son pied avait touché le sol qu’une pointe d’acier fila vers elle.
Rapide, si rapide qu’elle peinait à le voir –
Sa retraite fut marquée d’une gerbe de sang
Le sien.


Sa jambe valide était maintenant ornée d’un sillon rouge, et Naran enrageait.

Le roquet cachait bien son jeu. Il n’était pas aussi incompétent que son air terrifié laissait paraitre… Arme dégainé, enfin sérieux, enfin braqué sur elle…

Ça faisait presque plaisir de voir de la crainte plutôt que de la pitié dans ses yeux noircis.
C’était aussi une menace de plus.


Elle ne pouvait plus compter sur l’effet de surprise : Les deux autres soldats étaient maintenant dument préparés à ses assauts. Armes levées, garde impeccable… Ou presque. Et puis, dans l’espace étroits du wagon, leurs lames n’étaient pas aussi efficaces qu’en plein air.

N’empêche, trois contre un, ce n’était pas un ratio favorable. Surtout avec deux jambes blessées. Naran pris un pas de recul.
Il était temps de voir si Tengr était toujours avec elle.

Elle inspira.

Ses bras, ses mains formèrent une garde aussi défensive que possible ; ses chaines une dernière ligne de défense.
« Alors, petit lieutenant ? » Déjà, la pointe de ses doigts frémissait. Engourdis par cette force étrange… « Prêt pour un vrai spectacle ? »


L’épée d’un des soldats s’abattit sur son épaule gauche.

Naran la vit descendre sur elle, si lente, et s’empara aisément du poignet... Puis commença à tourner. Quelques pressions, et l’homme lâchait son arme dans un hurlement de douleur.

Naran continuait pourtant sa dance, et, quand une deuxième, puis une troisième coup épée fendirent l’air pour l’atteindre, elle les évita sans peine. L’air autour d’elle se chargeait des mêmes étincelles qui précédaient sa magie ; Et tout son être tourbillonnait, protégé par l’air et l’électricité qui emplissait l’atmosphère.
Peut-être qu’encore… Elle pourrait accomplir un miracle.


Et, à mesure que Naran tournait, l’atmosphère électrique repoussait tous les assauts, envoyant valser tant le second estoc du lieutenant que celui de ses derniers soldats.

La Mercenaire s’épuisait sur ses jambes déchiquetées. Elle le savait : Son sang tachait les banquettes, elle était peu à peu forcée de prendre appuis sur les barres qui parsemaient le wagon et ses sièges…
Mais quelle jouissance, de pouvoir les repousser un à un !


Pas la peine d’attendre que la chance tourne. Elle n’avait qu’une cible, qui pour l’instant ne la touchait que du bout de la lame…

Tournoyant toujours, elle reprit.
« Faites un effort… » Elle masqua son essoufflement par un coup de pied virevoltant. « Divertissez moi donc...» UJn coup de plus, mou mais ciblé vers le jarret d'un des soldats.
« Au moins jusqu’au prochain arrêt! »

Et les étincelles qui virevoltaient autour d’elle se rassemblaient lentement, répondant enfin à son appel.
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L'estoc de l'intendant fut impitoyable dévié ; au point qu'il crut se disloquer l'épaule à retenir son arme qui avait décollé sur le côté. Les jambes à son cou à reculons après ça, Jack se figea à bonne distance de Narantuyaa et put sentir le choc électrique, presque indolore, qui lui engourdissait encore le bras.
Une toupie d'air électrifiée en forme de dôme… ou un truc du genre… mais quoique fut cette sorcellerie, personne dans ce train ne passerait au travers ! Pas par la force de brute en tout cas.

Cette toupie magique avait nullifié son attaque et fait volé ses sous-fifres - l'un d'eux jusqu'au plafond- pour éclabousser tapis et banquettes d'un peu de garde noire. Pire que ça, ça avait foutu momentanément l'éclairage en l'air… en faiblissant la lueur ou la faisant plus brillante que jamais.

« Jusqu'au prochain arrêt. » Un frisson parcouru Jack… il n'eut jamais été aussi préssé d'arriver à destination. Tout son plan, désormais, consistait simplement à gagner du temps. S'il pouvait l'avoir pacifiée d'ici le prochain arrêt, tant mieux ! Sinon, tant pis, Jack n'avait qu'à survivre jusqu'à ce que le train s'arrête ; au prochain arrêt, tout un comité d'accueil attendait Narantuyaa. Avec un officier en cadeau avec.
Son regard pourtant rivés sur Narantuyaa plutôt que sur sa montre, le pauvre intendant n'avait aucune idée du temps qu'il lui restait à tenir. Et à ses yeux grands ouverts -injectés de sangs, braqués sur la mercenaire-, le temps passerait de toute façon bien trop lentement.

Mais il n'attaquerait pas, pas le premier. L'électricité, plus que partout ailleurs dans le train, restait présente sur Narantuyaa elle-même. Et il fut hors de question pour Jack de s'en approcher. Le Chien Noir attendait, à distance, les jambes fléchies et l'oeil rivé sur la sorcière, tâchant de décrypter une situation qui lui échappait alors complètement. Toute cette magie… le fit virer pâle, nerveux, désireux d'abattre la sorcière au plus vite… mais bien trop intimidé pour oser faire un pas en sa direction. Incapable de prendre quelconque initiative, l'intendant resta figé, soucieux et inquiet, ne pouvant le dissimuler. Ne cherchant même pas à le faire tant trop de pensées l'agitaient ! Du temps. Tout ce que voulait Jack à cet instant, c'était gagner du temps.

Dire que tout ça amusait la captive… enfin, pour peu qu'on puisse encore l'appeller ainsi. Jack se sentait prisonnier, lui, par contre… enfermé dans une cage sur rail avec un fauve dont il n'osait pas s'approcher.

Des ampoules volèrent  en éclat autour de Narantuyaa, l'ombre l'encerclait soudain et pourtant, auréolé de magie, on la percevait dès lors plus distinctement qu'en pleine lumière. Puis c'est l'éclairage tout autour de Jack qui vola en éclat à son tour ; un nuage apparu, très brièvement, au-dessus de sa tête. Incapable de lâcher son adversaire des yeux, l'intendant se préparait à esquiver ou parer un sort, bien sûr… se l'imaginait déjà tendre sa main vers lui pour que le bout de ses doigts lui crachent des éclairs.
Et voilà pourquoi, plus que tout, Jack haïssait la magie : pour son imprévisibilité.

Du plafond comme d'un ciel en carton s'abattit la foudre ! Un éclair, fin et rapide, qui traversa Jack aussi facilement que de l'eau. Malgré qu'il ait vu le geste de la mercenaire, qu'il ait compris qu'un sort allait partir… il n'imaginait pas un seul instant que le sort lui tomberait littéralement sur la tête. Le temps du bref passage de l'éclair, l'on pu admirer Jack incapable de hurler ou de respirer, tétanisé jusqu'à ses organes. Pourtant la bouche grande ouverte, ne demandant qu'à hurler toute sa douleur, l'on put momentanément admirer l'intendant se transformer en silhouette noir dont on voyait les os blancs.

Pour l'admirer ensuite, toujours debout, figé comme une statue ; les jambes fléchies, la bouche comme les yeux tétanisés et bloqués grands ouverts. Des brûlures étaient apparus, ici et là, rendu visibles par des trous sur ses vêtements carbonisés. De la fumée s'échappait de son corps comme d'un poulet bien chaud tout juste sortit du four.
Narantuyaa allait lancer un autre éclair… il pouvait le voir de ses yeux en feux effectué le même mouvement que précédemment… mais son coeur, après s'être momentanément figé, ne repartait toujours pas.

Se pensant mourir, Jack jura qu'il ne partirait pas seul et a chargé sans réfléchir, ne visant même plus les jambes ; fou furieux mais silencieux. Mais au dernier, son coeur repart, pas certain de faire le poids… incapable de savoir ce qu'elle allait sortir… et pas encore mort finalement, le Chien Noir ne put s'empêcher de se replier de reculons, une nouvelle fois. Pris de peur de panique, l'intendant se refusait de toute façon à attaquer. Seul à seul, il ne pouvait pas vraiment se permettre d'erreurs… l'éclair, déjà passé, continuait de le hanter en l'assaillant de crampes et de douleurs.
Ils étaient bien plus rigides à cause ça, moins rapide et habile à manœuvrer ; n'avait plus aucun sous-fifre pour la distraire et lâcher une attaque surprise.

Maintenant qu'il savait pour la foudre, ca ne serait pas si dur d'esquiver… et au fait de la toupie meurtrière, il ne se fera pas avoir à se jeté à l'assaut comme un débile. Au final, la seule chose que Jack craignait véritablement désormais, ce serait de la voir se jeter sur lui au corps à corps.

Dans un sursaut, Jack jette son épée en direction de Narantuyaa, profitant du temps de sa parade ou esquive pour récupérer celle d'un garde noir à ses pieds et la jeter à peine celle-ci en main. Profitant à nouveau de la courte fenêtre, d'un long pas agité, l'intendant s'approche de deux gardes noirs étalés sur les banquettes et tend le bras pour se saisir de leurs armes. L'instant d'après, il se préparait à danser à Narantuyaa… son allonge étant meilleure, il devrait pouvoir la tenir à distance le temps d'arriver à destination. Et si au courant des éclairs, doit pouvoir les esquiver aisément.
En véritée, le Chien Noir attendait surtout qu'elle tourbillonne à nouveau… pour l'attaquer dès que ça se terminerait, espérant qu'elle soit vulnérable comme il le pense à ce moment.

Pourtant, il n'osait pas allez la chercher pour la pousser à l'erreur… bloqué sur la défensive, esclave de sa prudence.
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« Froussard. »

Naran s’arrêta brutalement de tourner. Une dernière courbe, et elle attrapait au vol une épée qui filait vers elle.
Malgré son aplomb, un bon observateur aurait vu ses jambes chanceler alors qu’elle finissait son tournoiement mortel.

Evitant une autre lame, elle se tint droite face à son dernier adversaire.


Naran s’était perdue dans son tourbillon. La magie lui avait embrumé l’esprit, presque aussi euphorique que l’alcool ; Le tournis, l’épuisement et la douleur avaient achevé de lui faire perdre la tête. Mais, dans le chaos, elle avait bien réussi une chose…

Les quatre gardes gisaient à terre.
Deux devant elle. Un encore bleu. Un taché de sang.

Puis deux autre, qui avaient valsés un à un contre une fenêtre. La tête de l’un s’était fracassée contre une vitre, laissant entrer un courant d’air hachuré. L’autre gisait sur la banquette, arrosé par la cervelle de son compagnon d’arme.
Parfait.


Elle se concentra, autant que possible, pour faire taire la douleur. Pour garder le dos droit et digne, pour sourire à son adversaire malgré ses mollets ruisselant de sang.

« Un duel, maintenant que tu as sacrifié tes hommes ? »
L’imbécile n’avait pas eu le bon gout de mourir suite à son éclair. Mais, contrairement à Death, il avait eu au moins la décence de ralentir ses assauts.
Mais Naran, elle, était à bout de souffle. A bout de tout, après ces quelques minutes d’efforts intense. Peut-être… Peut-être que son interlocuteur se laisserait tenter par un instant de calme.

« Avant de commencer, tu pourrais au moins me donner ton nom. » Elle baissa sa garde, laissant le fil de son épée descendre jusqu’au sol tremblant du wagon. « Après tout, c’est toi qui m’a tiré de ma cellule... » Le souffle cours, encore. Elle inspira aussi calmement qu’elle pouvait oser, gardant un œil sur le paysage qui défilait aux fenêtres.
« J’aimerai pouvoir te remercier comme il se doit. »
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« Jack Inèrsse, Intendant de la Garde Noire. » Désireux de gagner du temps, même quelques secondes, Jack ne cracherait pas sur l'opportunité que lui offrait Narantuyaa. Juste… quelle idée de lui avoir donner une épée ?! Elle n'était déjà pas assez dangereuse comme ça ?! Alors oui, en théorie, manier une lame ainsi menottée paraissait… parfaitement improbable… mais le Chien Noir n'oserait pas décrire cette mercenaire comme étant "probable". Pourquoi l'affronter en duel ici ? Au prochain arrêt, il aurait une dizaine de gardes noirs, dont un officier, pour l'aider à s'occuper de son cas.
A cause de ça… le Chien Noir parlait… très lentement… allongement doucement ses mots, jusqu'aux lettres, au maximum.

« Tu ne dois… qu'à Death, d'être sortit de ta cellule. Si ça n'avait tenu qu'à moi… ? » Un sourire amer se dessina sur les lèvres de Jack, le misérabilisme de l'impuissance rendait alors sa voix, son ton et tout son être… déprimé, résigné. Désespéré. « Je vous aurais tué dès que possible. »

Après qu'un petit rire jaune lui échappa, à la sonorité de pleurs étouffés, l'intendant pointa le bout de ses lames en direction de ses gardes noirs… vaguement… puisque ses yeux restaient rivés sur la mercenaire.

« Difficile de m'en vouloir quand on observe le résultat. Death peut peut-être vous gérez comme si de rien n'était mais… il a oublié l'écart de puissance entre lui et nous. Ou peut-être que ce n'est là qu'un autre de ses jeux macabres, va savoir. » Ca serait bien son genre, d'ailleurs, de sciemment imposé à ses subordonnés des prisonniers qu'ils ne pouvaient pas tout à fait gérer. Pas sans mal en tout cas. De toute façon, l'égal d'un sombre dieu à la Citée du Crépuscule, Death rattraperait les mercenaires sans difficultés et… peu importe ce que pouvait décider un boss de la Coalition Noire… en ce monde, leurs décisions équivalaient aux caprices de la nature. Et ce fut toute l'aigreur de Jack, à l'idée que les mercenaires aient pu seulement imaginer contredire cette règle sacrée. Du premier au dernier membre du groupe, tout le monde subissait les volontés du grand chef… mais elles, non ? Ca paraissait si profondément injuste que des étrangères se permettent un tel affront.
Jack se jura que ça ne resterait pas impuni. Narantuyaa… devait souffrir… serait-ce donc ça, l'espoir ? La confiance en l'avenir ? Que de blasphème en terre coalisé ! Peu importe ce qui la motivait, leurs rebellions promettaient les pires châtiments à Jack et… de savoir qu'elles le condamnaient pour rien ? Ca l'enrageait.

« Par contre, je n'ai toujours pas compris… ce que tu comptes faire après ça. Toute la Coalition Noire à tes trousses… et la Shinra qui t'attends de pied ferme au spatioport. » Le sourire de Jack fut alors… sincère de joie… mais aussi, affreusement sadique. Les mercenaires avaient beau être les gens les plus libres de l'univers, il n'y avait de liberté pour personne ici. « Où crois-tu pouvoir allez au juste ?! »

A sa grande surprise, Jack jouissait de la situation… et eut l'impression, à bien y regarder de plus près, que la captive n'allait pas si bien que ça. Pas si en forme que ses cabrioles le laisseraient penser… mais même là, il s'en méfiait encore. Simplement, de savoir que Narantuyaa n'échapperait pas à son destin, scellé par la décision de Death… ça le réconfortait. Sa survie en face à face l'inquiétait encore, pas si sûr de pouvoir réchapper vivant d'un duel avec cette folle furieuse. Néanmoins… savoir que Narantuyaa finirait, quoiqu'il arrive, entre les griffes de la Shinra ? Ca donnait à Jack cette merveilleuse sensation que l'univers, pour une fois, tournait comme il le fallait.

« Au final, vas-y, échappe-toi.. où veux tu allez ? Rejoindre ta collègue pour que Death te déchire avec elle… ? Ou rejoindre le transport Shinra qui t'enfermeras aussi sec comme c'était prévu depuis le début ? »

Ce sourire mauvais ne s'affaissait pas le moins du monde, s'aiguisait même à chaque parole. Puisque même dans la mort, Jack… se savait capable de mettre cet adversaire dans un si sale état que n'importe lequel des gardes noirs pourrait achever la mission sans mal. Et cette si insolente mercenaire… souffrirait comme lui pouvait souffrir.

« Ne te reste plus qu'à coopérer et… si tu es sage jusqu'au prochain arrêt… je veux bien te dire la tragédie qui a frappé Port Royal pendant ton emprisonnement. J'irais même jusqu'à récupérer l'enregistrement du breaking news de l'éclaireur pour te prouver mes dires ! »
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« Jack, donc… »
Un nom commun pour un homme… Peut-être un peu moins commun que Naran n’avait pensé.
« Tu m’a l’air raisonnable, au moins. »
Son bras peinait à brandir sa lame, malgré la garde dédaigneuse qu’elle avait adoptée. Ses jambes hurlaient de douleur. Un cumul de douleur lancinant, certes… Mais stimulant.
Si près du but…

Imperturbable, Naran avança d’un pas. Ses chaines cliquetaient délicatement.
« Et tu as raison. »
Sa voix était enfin stable. Peut-être un peu rugueuse après des jours de cachots… Elle modula son ton en quelque chose de plus harmonieux.
« L’erreur de Death a été de nous sortir de nos cellules. »
Elle masqua un frisson en une moue suffisante.
« Il doit s’en mordre les doigts… »

Sa voix était tombée à un murmure, à peine plus fort que le vrombissement du train.
« Mais entre nous… »
Toujours susurrante, elle prit un pas de plus. Son corps aligné avec sa lame, aussi souple qu’elle pouvait le faire ; son regard fixé sur son dernier geôlier.
« Il n’est pas le seul à faire des erreurs… »

Elle était trop proche. Déjà, son adversaire serrait son arme au point de blanchir ses phalanges. Un pas de plus, et il bondirait…
« Tu sais toi-même que ce monde ne nous retiendra pas longtemps. »
Son poids dansait d’un pied sur l’autre, maquillant tant bien que mal ses chevilles à bout de force en une garde évasive.
« Pourquoi ne pas t’épargner une défaite de plus, et simplement me laisser partir ? »

D’un coup de tête, elle dégagea les mèches désordonnées qui flottaient autour d’elle. L’électricité ne l’avait pas encore tout à fait quittée : Ses cheveux dansaient autour d’elle, déjà plus libre qu’elle.
Sa tresse habituelle, elle, n’était plus que l’ombre d’elle-même après ce dernier tourbillon… Mais elle la sentait toujours se balancer contre son dos.

« Je te promet… Disons, de ne pas t’embrocher. »
Rieuse, Naran laissa la pointe de sa lame gifler l’air devant elle.

« Et… Qui sait. »
Sa voix s’était faite plus douce.
« Peut-être qu’un jour, nos places seront inversées. »
Elle frissonna. Le vent qui battait à la fenêtre se glissait sous sa chemise rapiécée.
Bientôt…
« Je saurais retourner une telle… Indulgence. »
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« Ainsi soit-il. » Jack ne souriait plus, redevenu sérieux et soucieux… quoiqu'un peu plus serein. La Citée du Couchant se faisait de plus en plus proche à ses yeux, de manière concrètement visible. L'îlot, d'ici, paraissait si calme… et puisqu'on y trouvait de la garde noire comme de la Shinra, ça s'expliquait aisément. Aux loins, les lumières éparses de la ville lui faisait de l'oeil. « Je te laisse partir, m'épargne une défaite de plus et tu ne m'embroches pas. »

Le train était plongé dans la pénombre épaisse, un vent glacé s'y engouffrant par les vitres brisés comme autant de spectres. Narantuyaa avait massacré l'éclairage du wagon de ses sorcelleries électriques… pour que l'ombre s'y engouffra aussitôt. Et à partir de là, l'ombre fait ce qui est familier devenir étrange, transformant ses gardes en ombres ; piégé avec cette folle dans une cage sur rail, les appels au secours étouffés. Pas claustrophobe la plupart du temps, les vibrations du train lui donnait le mal de mer, cette impression que ça tanguait lui collait au corps. Pâle, il en avait l'estomac à deux doigts de cracher sa bile infecte. Pâle plus que jamais, subitement livide, Jack refusait obstinément de détourner ses yeux de la mercenaire.
Allait-elle avaler ça ? Vraiment ? Et lui, allait-il vraiment avaler ça ?

« Par contre… je t'avais proposé qu'on s'arrange après t'avoir soigné alors… pourquoi ne pas me demander ça avant de ruiner quatre de mes larbins… ? Et ravager mon train ? » Jack était le responsable ici-bas et… il ne supportait de voir le résultat de son travail.  « Deux évadés, un wagon fracassé et au minimum plus une dizaine bonne dizaine de mes sous-fifres incapacités. » Un travail de merde parce que ses sous-fifres ne faisaient pas le leurs correctement. Et le siens étant de s'assurer qu'ils fassent le leurs, le travail de l'intendant était ici particulièrement médiocre. Son expression était… horrifié face à son propre énoncé des conséquences, face au bilan désastreux qui ne ferait qu'allez de mal en pire. En théorie, la stratégie de Jack ne connait aucune faille mais… difficile de vraiment trop savoir ce dont elle était réellement capable.

Le Chien Noir riait jaune, reprenant de suite une face pleine d'aigreur.

« Tu ne peux pas me dire que je n'ai pas été sympa dans la mesure du possible. J'aurais pu te trimballer saucissonné de la tête aux pieds nue comme un ver, sans me fatiguer à te soigner, je t'ai carrément proposer d'aider à ton évasion une fois entre les griffes de la Shinra alors… » Dire qu'il négociait avec cette vermine de mercenaire une paix de quelques minutes, le temps de rejoindre ses renforts au bout des rails. L'océan, en fond du voyage, se dessinait comme de l'encre noir et… croyez-bien que Jack rêverait d'y jeter la mercenaire pour ensuite s'en laver les mains. « …je mérite un peu plus que de ne pas me faire embrocher. Tu crois pas ? »

Bon sang qu'il ne la supportait pas, elle et son insolence comme si on pouvait défier la Coalition Noire comme ça ! Elle le paierait cher. Dire que Jack se plaignait qu'on l'ait mise en si sale état… maintenant, il comprenait mieux pourquoi.

« Au final, tu finiras comme le décidera Death, quoiqu'on y fasse. Cette évasion comme l'autre ne réussiront pas, tu le sais aussi bien que moi. Bon sang ! De te voir le nier si ardemment est littéralement en train de me tuer à l'intérieur ! Ou peut-être que tu y crois vraiment mais ici… en ce monde… ça ne marche pas comme ça. »
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Un discours !
Et long, avec ça

L’occasion parfaite pour esquisser un pas, un seul…
Puis un soupçon de mouvement ;
L’illusion d’un déplacement ;
Une valse délicate ;
Imperceptible, un recul, puis un soubresaut ;
Naran tanguait avec le train qui filait sur ses rails, consciente de chacune de ses impulsions.

A chaque va et viens, le vent giflant sifflait un peu plus à ses oreilles.
Jusqu’à ce qu’enfin le silence se fit.


Que dire ?
Quelle importance, si près… Et si loin du but.


« Je te dois beaucoup, en effet. » Un peu trop d’euphorie dans sa voix. Elle tenta de se juguler, d’oublier l’air libre qui lui ouvrait les bras.

« Pourquoi ne pas m’avoir saucissonné ? Une question d’honneur ? » Son ton redevint moqueur. Difficile, face à son geôlier, de ne pas provoquer.

« Ou est-ce que tu préférais voir mes cuisses s’activer à marcher plutôt que rester emprises de l’acier ? » Sa main libre s’était posée sur sa peau, frôlant les bords rapiécés de la chemise qui lui servait d’habit.

« Peut-être que mes hématomes te coupaient toute envie de spectacles… » Un regret, susurré d’entre ses lèvres déjà gercées.

« Ou que tu voulais parader à travers ton royaume avec une prise plus dangereuses entre tes griffes ? » Son ton montait, laissant transparaître un semblant de furie.


« Ne me rend pas responsable de tes erreurs… »
Sa colère devenait difficile à contenir, elle se senter gronder plusque parler.

Mais soudain, elle repris ses traits patelin.
Le train ralentissait. Elle en était sûr. C’était encore imperceptibles, mais des semaines d’expériences lui avait appris à reconnaitre les signes. Le moment était venu.

« Toutefois, si un jour tu t’égare entre mes mains – »
Laissant quelque seconde, Naran avait repris. Plus douce, presque conciliante.
« N’ait crainte, je saurais t’offrir toute ma gratitude. »
D’entre les menottes, Naran fit mine d’écarter les bras.
Puis passa à l’action.


D’un coup de poignet, elle fit basculer son épée. Dès que la lame fut en position, la Mercenaire l’envoya filer vers son adversaire.

Une attaque frontale, sans grande subtilité…
De quoi, peut-être, gagner un peu de temps.


A peine la lame avait quitté ses mains, Naran bondissait déjà.

Pieds en avant, elle brisa ce qui restait de la fenêtre, achevant d’écorcher ses mollets. Ses mains se rattrapèrent au cadre de la fenêtre, prenant prise malgré les débris de verre omniprésents ; et, d’un coup de pied, elle voltigeait vers le toit du wagon.
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L'épée esquiver sans peine, Jack était déjà prêt à charger sur un coup de nerf mais se figea… le wagon… était désormais vide à ses yeux ; la mercenaire n'était plus là. Un regard sur la vitre lui laissa comprendre son erreur, sa térrible erreur, pauvre de lui qui pensait qu'on ne pouvait s'échapper du train, il s'était bien trompé ! L'esprit vide, un blanc d'une ou deux secondes dans son esprit ; devait-il partir à sa poursuite ou passer un appel radio ? Les deux mais dans quel ordre ?! En sueur, en apnée l'air constipé, Lenore elle-même n'eut pas réussi à aussi bien l'asphyxier avec sa sorcellerie. Et semble-t-il que Narantuyaa gagnait la bataille de nerf, ayant momentanément gelé le pauvre intendant sur place.
Plus jamais Jack ne fera preuve de la moindre mansuétude à l'égard de qui que ce soit ; cette mercenaire venait de lui prouver à quel point il lui était indispensable d'être, de tous, le plus impitoyable.

Ses épées lâches tombent au sol. Ses jambes s'élancèrent vers la vitre ouverte avec fracas, s'engouffrant à l'extérieur ; seule sa main le retenait, lacéré par un bout de verre encore lié au train. Peu importe la douleur de sa main ou de ses pieds lacérés par les restes de vitres, s'il lâchait, il tombait ! Et de sa main libre, il se saisit de son talkie-walkie… secouée, la voix tremblante. On pourrait se demander quel était le leadership d'un lâche trouillard et paranoïaque… pourtant, dès que Jack s'inquiète, c'est toute la garde noire qui panique. Là, sa voix avait le ton de la terreur ! Déjà que l'évasion de Lenore lui faisait potentiellement risquer la mort, et peut-être pire encore… alors l'évasion de Narantuyaa, sous ses propres yeux ?!

Il hurlait si fort que même sans radio, les gardes noirs de la gare aurait pu l'entendre !

« La mercenaire s'échappe par le toit du train ! Sortez de la gare pour l'intercepter et tuez-la ! » Et ce ne serait pas compliqué de la réceptionner… mais que croyait-elle, bon sang ?! A part rendre la vie impossible aux gardes noirs et leur promettre la fureur de Death, elle n'aurait rien ! Son évasion tenait du rêve… ou du cauchemar…

Lâchant sa radio qui fila en chute libre, Jack se déchira les pieds pour d'une impulsion, se hisser maladroitement sur le toit du wagon en se hissant de ses bras… l'équilibre y était précaire mais encore maintenant, l'intendant ne la lâchait pas des yeux ! La fixait haineux et envieux, jaloux de cette insolence qu'elle lui crachait à la face. De cette arrogance, de cet irrespect sans borne que personne ne s'était jamais permis en ce monde. Le Chien Noir y tenait… brûlait d'une passion cruelle, souffrait de voir son monde, d'ordinaire si calme, plongé dans le chaos. Dans un état de folie furieuse, presque en transe, la tête d'un maniaque névrosé qui verrait son foyer soudain en désordre. Chaque chose à sa place, chaque place à sa chose… et la place de Narantuyaa, c'était dans un putain de transport Shinra !
Incapable de garder la tête froide, néanmoins, le Chien Noir avait la démarche chaloupée et maladroite, à quatre pattes pour des appuis plus stable, grognant ses émotions étouffés par ses dents serrés, à la manière d'un chien pas vraiment décidé à aboyer. Et on connait tous le proverbe des chiens qui aboient.

Encore là… il n'attaquait pas… restait immobile à l'observer, prêt à la traquer… à la pourchasser jusqu'au fin fond de l'enfer s'il le devait. Tant qu'il avait Narantuyaa sous les yeux, Jack pouvait encore attendre d'avoir rejoint ses larbins pour l'attaquer. Le pauvre en avait les larmes aux yeux tant il pouvait sentir chaque nerf de son corps le brûler vif. Posté… les mains à plat et sur la pointe des pieds, prêt à charger… l'heure fatidique approche ou il devra l'affronter. Et il se laissait le temps de perdre le peu d'esprit qu'il lui restait encore, ayant désormais plus la semblance d'une créature humanoïde que d'un humain.

L'humain eut été clément… et il n'y aura plus jamais de clémence pour personne grâce à Narantuyaa.
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Naran s’affala sur la tôle.
Des bris de verres avait ciselé son visage, ses doigts, mais l’urgence et le vent glacé lui firent vite oublier le picotement magique qui s’affairait inutilement.
Plutôt, elle leva les yeux.

La ville inconnue filait devant ses yeux.
Similaire à celle qu’elle avait quittée : Noyé de noir, et entachée des mêmes lampadaires orangés.
Mais ce ciel si désespérément sombre était aussi strié de blanc.
Des vaisseaux.

En bas, la radio grésillait.
Ses ongles se serrèrent sur les rainures de l’acier. Naran traina ses jambes meurtries vers elle, cracha le reste de bile qui encombrait son palais…
Et se redressa.

Ses yeux restaient fixés sur l’horizon.
Une dent de scie de clochers, toits et terrasses, taché d’ombres et de lumière en damier désorganisé.
Un labyrinthe, un refuge, un piège…
Magnifique, après des semaines de béton.

Flou, aussi.
La douleur, le soulagement, l’espoir et l’air sifflant lui donnaient toutes les excuses, et Naran laissa les gouttes perler.


Un nouvel effort. Encore quelques pas…
Accroupie, puis debout, malgré les rafales et ses plaies.

Elle se sentait légère, ici.
Libre comme l’air.

A peine si elle marqua l’arrivée d’un second corps sur le toit de tôle.
Naran baissa les yeux sur la touffe de cheveux noirs et désordonnés qui haletait à ses pieds.
Maladroit et haineux. Un chien sans maître.

Au souvenir des derniers ordres du lieutenant, la Mercenaire avait repris son sourire. Un sourire franc, féroce mais ensanglanté.
« Pauvre Jack. »
Le vent gonflait sa chemise blanchâtre. Entre les vagues de tissu rapiécé, son corps se formait un arc gracile.
« Un chien comme toi ne pouvait pas comprendre. »
Le sang séchait sur ses jambes et ses joues, rosissant ses lèvres pâlies par le cachot.
« C’est pourtant simple. »
Sa bouche formait les mots ; sa voix traversait sa gorge ; Mais ses syllabes se perdaient dans les bourrasques.
« … »
Ses cheveux volaient autour d’elle, dernière ligne de défense.


Gracieusement, Naran tendit une main ouverte à son opposant. Une garde artistique, doublé d’une pseudo révérence du plus bel effet.

Mais le regard grisé de la Mercenaire dédaignait déjà son adversaire, se perdant plutôt dans les méandres du vent qui vrombissait autour d’eux.
Ce combat ne l’intéressait pas.
Elle avait un changement à prendre, et un qui s’annonçait particulièrement délicat.

Leur train continuait sa lente décélération, filant au-dessus de l’eau scintillante.
Son timing allait être serré…
Et si le lieutenant enragé voulait se joindre à elle, Naran était tout à fait prête à l’emmener dans sa chute.
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Il y a toujours un éclair qui fracasse impitoyablement le silence avant que ne s'abatte l'orage, véritable et impérieux. Une balle fusa dans l'air… puis se furent des dizaines qui fusèrent, transperçant l'éther. Des petits bouts de métaux brûlants et hurlants ; chaque détonation faisait faire un bond au coeur du pauvre intendant. Et ce dernier ne craignait pas qu'une balle ne se perdre jusqu'à lui, ne se fiant pas à la visée maladroite de ses gardes noirs mais ainsi couché à ras du toit du wagon, quasiment assuré d'en réchapper indemne.

La première balle… celle-ci était la plus importante, avait sonné comme un top départ au sprint final à la course poursuite. La gare, ancienne et délabrée qu'en apparence, d'un charme rustique… ancien, presque surannée. Offrant une vue sur l'îlot calme et serein comme Jack en rêve ; soudainement transformé en champ de bataille. Les coups de feux brillaient comme des soleils éphémères aux milieux des milles lumières électriques, ces dernières semblables à des étoiles fixes. Le dédale urbain et citadin, plus proche d'un village moderne que d'une mégapole ou d'une capitale comme la citée du crépuscule.
On s'y serait cru dans une version pittoresque et terroir des jardins suspendus de Babylone ; jusqu'à ce que des gardes noirs s'y écoulent. Depuis la première balle, ce qui apparaissait comme un sanctuaire tranquille vira à la fourmilière survoltée.

Difficile, dans les flux de foules, de distinguer un garde noir d'un civil d'un rebelle d'une mercenaire en fuite… quoique reconnaissable, encore faudrait-il avoir l'oeil perçant pour l'apercevoir parmis touts ces gens. Jack, lui, n'a pas bougé… jusqu'à deviner chez Narantuyaa l'esquisse d'un mouvement. Forcé à fuir plus en avant par les balles, la fugitive plus tellement captive tenta la folle aventure d'un bond du train jusqu'au sol… entre arbres, buissons, toits, ruelles et escaliers… autant d'atterrissage possible que de chutes.

Et voilà le Chien Noir sur un toit, à la poursuite de Narantuyaa comme un charognard après un animal mourant. Indécis, effrayé, incapable de se jeter à corps perdu sur elle… l'image effroyable des mercenaires, cruelles et indomptables, gravés dans sa mémoire. Et désormais, les balles fusaient sans but ni objet, en toile de fond seulement. Jack toujours à quatre pattes, brusqués par un atterrissage trop violent pour lui, cru entendre la voix d'un ange filtrer au travers de sa radio. Un ange de la mort qui annonça… de très mauvaises nouvelles à tout à chacun.

« Death s'est… occupé… de la mercenaire… »

Pas réjoui pour un sous, Jack apparu en réponse… l'air aussi résigné que désespéré… puisque c'était Death qui s'en était occupé… la garde noire n'avait pas rattrapé sa faute et en paierait les conséquences. Son intendant le premier, sans aucun doute possible. Toujours à quatre pattes, postés sur ses mains et la pointe de ses pieds, toute tension avait pourtant quitté son corps sous l'effet d'une déprèssion spontanée. Pourtant… il semblait à Jack que Narantuyaa ne tiendrait pas longtemps… chaque pas la rapprochait de l'inévitable. Il… grogna péniblement quelques ordres de plus.

« Il suffit, sorcière… tu n'es pas assez puissante pour prétendre à une quelconque libertée en ce monde… »

Et les coups de feux en toiles de fonds… Jack se releva pourtant… qu'il s'en prenne une, peu lui importait désormais. Narantuyaa restait son seul espoir de s'en sortir alors… mourir de sa main ou de celle de Death ? Un sourire vide de sens apparu sur sa face dépitée, ses yeux plus vides que ceux d'un cadavre.

« …mais tu restes libre d'essayer. Tu l'as prouvé. » Il cracha à terre. « Par pitié, qu'on en finisse enfin… tu es peut-être libre mais moi… je ne suis pas libre de renoncer à t'attraper morte ou vive. Je n'ai juste pas le choix mais… une mercenaire comme toi ne pouvait pas comprendre. »
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Les tirs l’avaient déstabilisée.
Instinctivement, elle reculait, glissait sur le toit, grognait à la balle qui lui frôlait l’épaule.

Ses yeux volaient sur l’horizons, des tireurs au misérable qui se tenait prostré devant elle. Vite, ils glissaient sur leurs costumes sombre, ignorant tout si ce n’est…
Son but. Son but était toujours en vue.

Naran repris ses appuis, s’accroupissant pour préparer son saut.
Un dernier coup d’œil pour le lieutenant maintenant défait…
Son visage. Ses vêtements, ses traits éreintés et haineux, ses tics et sa rage.

Elle sauta.



L’atterrissage fut brutal.
Naran avait roulé sur le sol froid, les quelques égratignures sans communes mesures avec les plaies qui tailladaient déjà ses jambes et ses bras. Puis elle s’était relevée.
L’adrénaline avait aidé, surement.
Après tout, c’était elle qui menait ses pas à travers la foule, qui la gardait debout et alerte alors que tout son corps titubait. C’était elle aussi qui la propulsait dans les ombres, qui l’envoyait s’enfoncer dans les ruelles de plus en plus profonde de la ville nocturne.

Le lieutenant la suivait. Naran pouvait le sentir sur ses traces, pestant, haletant, avec cette odeur de résignation et de mort.
Parfait.

Elle fonça à travers la masse d’inconnue. A bout de force, mais maintenu éveillé par cet espoir fou.
L’endroit était inconnu. Tout au plus avait elle entraperçu le dédale, à travers les lumières intermittentes des lampadaires.
Mais elle savait ce qu’elle cherchait.
Et, devant elle, les formes humaines se raréfiait – tout au plus quelques visages habitués au bruit des balles, qui s’abritait dans une aigreur renfrognée.

Les tirs aussi se faisaient rare.
Même ses propres enjambés perdaient en allure.
Et Jack était toujours à ses trousses. Naran l’entendait cracher un demi monologue, sa radio grésillant sur les talons.

Le moment était venu.
Elle prit un dernier tournant d’un pas rageur.
Disparaissant dans les ombres, elle usa ce qui restait d’air dans ses poumons pour cracher à son poursuivant…
« Plutôt crever ! »


Puis elle s’effondra contre un mur. La brise légère qu'elle suivait jusqu'ici était toujours là; Les tireurs, eux, étaient hors de porté.

Mais, très vite, Naran regretta sa décision.
Le vertige l’avait pris immédiatement ; Immobile, son corps accusait le coup de tout ses excès. Elle sentait ses doigts et ses jambes fourmilier de cette énergie inutile, ce drain constant –
Il approchait.

Ses mains se serrèrent.
Serait ce trop demander qu’un miracle de plus ?
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