Les grands jours se succédaient, semblait-il… Si en vérité la construction du Moulin Rouge n’avait pas le moindre rapport avec la mort de Frollo, ce malencontreux hasard avait pressé les choses dans les Cités dorées. Et aussitôt extirpé des décombres d’une abominable réunion, le Tragédien avait du convoquer l’entièreté du Consulat à une réunion du Sénat. Et ainsi se trouvait-il au cœur du Sommet des arts, ce dôme gigantesque qui régnait avec élégance sur le Jardin Radieux. L’intérieur était à la fois sobre et spectaculaire. Il se tenait dans un espace circulaire de dix mètres carré qui semblait petit comparé au reste de la pièce… Puisqu’aux bords de ce cercle s’élevaient d’immenses gradins en escalier, montant jusqu’à atteindre une vingtaine de mètres de hauteur, peut-être plus. Ceux assis tout en haut pourraient à peine le distinguer mais pourraient parfaitement l’entendre. L’amphithéâtre avait été ainsi conçu, capable d’accueillir un millier de consuls assis sur les gradins. Ici et là évidemment, de plus petits escaliers coupaient les gradins, permettant de descendre et de remonter sans gêner absolument tous les artistes assis au préalable.
Dans l’espace au centre du sénat se dressait un joli lutrin ou Genesis avait déjà posé ses notes. Les sujets à aborder ce jour-là étaient… vraiment nombreux, et certains étaient d’une importance capitale. Tandis que les consuls se déplaçaient et allaient s’asseoir dans le plus grand vacarme, car aucun, ni même lui, n’avait pris l’habitude d’une réunion du Sénat où s’étaient donné la peine de venir plus d’une centaine de consuls. Huit-cents, ils étaient plus de huit-cents… et avaient visiblement tous leur mot à dire avant d’essayer de se concentrer. La Corneille ne voulait perdre une seconde de plus, si bien qu’il finit par parler d’une voix forte et résonnante.
« S’il vous plait ! Trouvez-vous une place en silence… On commence dans une minute. »
Et puisque il ne resterait pas éternellement au centre de la pièce, ou du moins espérait-il… Mizore avait gardé une place pour lui au premier rang. Celle-ci semblait… agacée et distraite. Il pariait fort sur le fait qu’elle finisse par partir avant la fin, ou encore qu’elle gèle la moitié de l’amphithéâtre… la partie la plus bruyante.
Il vit aussi arriver un grand nombre de consuls dont il avait été plus ou moins proche… Il aurait d’ailleurs été furieux d’apprendre que l’un d’eux se permettait de se dispenser de cette peine.
Une réunion de consuls, c’est beaucoup de détails… pour très peu d’informations importantes. En général c’était ainsi, mais on ne peut blâmer les artistes d’accorder trop de de considération aux détails. Certes… le Consulat semblait s’occuper de choses bénignes aux yeux des barbares fréquentant les autres groupes, mais… aucune œuvre d’art n’est faite à l’à-peu-près.
« Enfin ce n’est pas sérieux ! »
Le Tragédien mit une main sur sa tempe… Qu’avait-il fait pour mériter ces trois lourdauds… Ulthane aurait pu s’arranger pour arriver plus tôt et se trouver une place où il ne renverserait pas trois rangées avec son énorme postérieur… Et Ghagull, bien sûr, avait trouvé trop insupportable de s’asseoir avec son immonde troupe d’une manière quelque peu discrète. Comment diable avait-il pu espérer qu’ils se débrouilleraient tous seuls.
Quelques minutes plus tard, toutefois, il sembla que le miracle de Noël se produisit enfin… car tous étaient plus ou moins assis. Le brouhaha n’avait bien sûr pas cessé, mais Genesis décida d’affronter cet ultime ennemi en parlant enfin.
« Mes frères et sœurs, merci à tous d’être venus. Comme vous le savez, nous vivons une période fort sombre et il était vital que nous puissions enfin discuter et décider de tout ce qui concerne le Consulat. Avant de commencer à aborder les très nombreux sujets qui nous attendent, j’ai à vous transmettre quelques informations. Je me permets de vous rappeler que nos rangs ont été rejoints par les cinquante danseuses du Moulin Rouge, ainsi que par les employés compétents de notre cabaret, nouvelle ambassade du Consulat à la cité des rêves. »
D’un geste il présenta les quelques rangées occupées par les danseuses (sauf par certaines qui n’avaient évidemment pu se déplacer) et les artistes ayant permis la construction du Moulin Rouge, toutes et tous désormais appelés « consuls ».
« Nous accueillons aussi parmi nous aujourd’hui un invité dénommé Skjold, qui certes n’est pas consul mais que j’ai convié à notre réunion, pour qu’il en apprenne en un coup d’œil beaucoup sur notre magnifique groupe. J’espère qu’il trouvera dans nos futiles débats une source d’inspiration pour son prochain ouvrage. »
Ne sachant où ce dernier s’était installé, il n’insista pas et se contenta de sourire légèrement.
« A l’entrée nous avons donné à chacun de vous une petite carte, comportant une face rouge et une face verte. »
Le Tragédien prit sa propre carte et la montra à chacun.
« Cette carte vous servira à voter. Lorsqu’il sera l’heure de prononcer le jugement, vous dresserez la carte du côté représentant votre choix. »
Il rangea aussitôt la carte dans sa veste, plus ou moins persuadé que Ghagull avait dévoré la sienne aussitôt qu’on lui en avait donné une…
« Bien… Avant d’aborder la première question, je dois vous dire une chose très… hum… »
Il baissa les yeux, réfléchit quelques longues secondes, assisté par le silence le plus total avant de relever le menton et de leur annoncer sobrement :
« Et bien… Comme vous l’avez peut-être remarqué, je suis malade. Ce n’est pas flagrant pour l’instant cependant mes cheveux commencent à griser et je m’affaiblis jour après jour. Medusa, que je remercie pour son attention, a fait ce qu’elle a pu mais… Je suis atteint par le Virus que vous connaissez tous. Il semblerait que le porteur souche m’ait infecté et battu par la même occasion. »
Il fit une petite pause. Peu de gens avaient oublié les évènements d’il y a plus d’un an, tous ces hommes et femmes touchés par une maladie mystérieuse, pourrissant leur peau et leurs corps, et dont l’effet secondaire le plus atroce consistait à ce qu’à l’approche de la mort, le malade devienne fou et cherche à tuer ses proches.
« Et je suis condamné. La bonne nouvelle, c’est que certains n’ont pas succombé à cette maladie après un an. On sait qu’elle est toujours fatale mais… il me reste du temps. »
Il hocha la tête, tenant tête à un silence oppressant en gardant son calme.
« Je suis navré mais vous me verrez mourir petit à petit. Je profiterai du temps qu’il me reste pour faire mon maximum, bien entendu. »
Dans l’espace au centre du sénat se dressait un joli lutrin ou Genesis avait déjà posé ses notes. Les sujets à aborder ce jour-là étaient… vraiment nombreux, et certains étaient d’une importance capitale. Tandis que les consuls se déplaçaient et allaient s’asseoir dans le plus grand vacarme, car aucun, ni même lui, n’avait pris l’habitude d’une réunion du Sénat où s’étaient donné la peine de venir plus d’une centaine de consuls. Huit-cents, ils étaient plus de huit-cents… et avaient visiblement tous leur mot à dire avant d’essayer de se concentrer. La Corneille ne voulait perdre une seconde de plus, si bien qu’il finit par parler d’une voix forte et résonnante.
« S’il vous plait ! Trouvez-vous une place en silence… On commence dans une minute. »
Et puisque il ne resterait pas éternellement au centre de la pièce, ou du moins espérait-il… Mizore avait gardé une place pour lui au premier rang. Celle-ci semblait… agacée et distraite. Il pariait fort sur le fait qu’elle finisse par partir avant la fin, ou encore qu’elle gèle la moitié de l’amphithéâtre… la partie la plus bruyante.
Il vit aussi arriver un grand nombre de consuls dont il avait été plus ou moins proche… Il aurait d’ailleurs été furieux d’apprendre que l’un d’eux se permettait de se dispenser de cette peine.
Une réunion de consuls, c’est beaucoup de détails… pour très peu d’informations importantes. En général c’était ainsi, mais on ne peut blâmer les artistes d’accorder trop de de considération aux détails. Certes… le Consulat semblait s’occuper de choses bénignes aux yeux des barbares fréquentant les autres groupes, mais… aucune œuvre d’art n’est faite à l’à-peu-près.
« Enfin ce n’est pas sérieux ! »
Le Tragédien mit une main sur sa tempe… Qu’avait-il fait pour mériter ces trois lourdauds… Ulthane aurait pu s’arranger pour arriver plus tôt et se trouver une place où il ne renverserait pas trois rangées avec son énorme postérieur… Et Ghagull, bien sûr, avait trouvé trop insupportable de s’asseoir avec son immonde troupe d’une manière quelque peu discrète. Comment diable avait-il pu espérer qu’ils se débrouilleraient tous seuls.
Quelques minutes plus tard, toutefois, il sembla que le miracle de Noël se produisit enfin… car tous étaient plus ou moins assis. Le brouhaha n’avait bien sûr pas cessé, mais Genesis décida d’affronter cet ultime ennemi en parlant enfin.
« Mes frères et sœurs, merci à tous d’être venus. Comme vous le savez, nous vivons une période fort sombre et il était vital que nous puissions enfin discuter et décider de tout ce qui concerne le Consulat. Avant de commencer à aborder les très nombreux sujets qui nous attendent, j’ai à vous transmettre quelques informations. Je me permets de vous rappeler que nos rangs ont été rejoints par les cinquante danseuses du Moulin Rouge, ainsi que par les employés compétents de notre cabaret, nouvelle ambassade du Consulat à la cité des rêves. »
D’un geste il présenta les quelques rangées occupées par les danseuses (sauf par certaines qui n’avaient évidemment pu se déplacer) et les artistes ayant permis la construction du Moulin Rouge, toutes et tous désormais appelés « consuls ».
« Nous accueillons aussi parmi nous aujourd’hui un invité dénommé Skjold, qui certes n’est pas consul mais que j’ai convié à notre réunion, pour qu’il en apprenne en un coup d’œil beaucoup sur notre magnifique groupe. J’espère qu’il trouvera dans nos futiles débats une source d’inspiration pour son prochain ouvrage. »
Ne sachant où ce dernier s’était installé, il n’insista pas et se contenta de sourire légèrement.
« A l’entrée nous avons donné à chacun de vous une petite carte, comportant une face rouge et une face verte. »
Le Tragédien prit sa propre carte et la montra à chacun.
« Cette carte vous servira à voter. Lorsqu’il sera l’heure de prononcer le jugement, vous dresserez la carte du côté représentant votre choix. »
Il rangea aussitôt la carte dans sa veste, plus ou moins persuadé que Ghagull avait dévoré la sienne aussitôt qu’on lui en avait donné une…
« Bien… Avant d’aborder la première question, je dois vous dire une chose très… hum… »
Il baissa les yeux, réfléchit quelques longues secondes, assisté par le silence le plus total avant de relever le menton et de leur annoncer sobrement :
« Et bien… Comme vous l’avez peut-être remarqué, je suis malade. Ce n’est pas flagrant pour l’instant cependant mes cheveux commencent à griser et je m’affaiblis jour après jour. Medusa, que je remercie pour son attention, a fait ce qu’elle a pu mais… Je suis atteint par le Virus que vous connaissez tous. Il semblerait que le porteur souche m’ait infecté et battu par la même occasion. »
Il fit une petite pause. Peu de gens avaient oublié les évènements d’il y a plus d’un an, tous ces hommes et femmes touchés par une maladie mystérieuse, pourrissant leur peau et leurs corps, et dont l’effet secondaire le plus atroce consistait à ce qu’à l’approche de la mort, le malade devienne fou et cherche à tuer ses proches.
« Et je suis condamné. La bonne nouvelle, c’est que certains n’ont pas succombé à cette maladie après un an. On sait qu’elle est toujours fatale mais… il me reste du temps. »
Il hocha la tête, tenant tête à un silence oppressant en gardant son calme.
« Je suis navré mais vous me verrez mourir petit à petit. Je profiterai du temps qu’il me reste pour faire mon maximum, bien entendu. »