Il faut feindre l’émerveillement, « Arad », feindre l’émerveillement. C’est certainement avec cette condescendance que mon employeur me conseillerait. Je tourne les yeux dans toutes les directions, je fixe chaque endroit notable de cette entrée, laissant l’impression à mon hôte que je découvre ces lieux à cet instant. J’en arrive à me demander si tout cela n’est pas un test. Et s’il savait tout cela ? S’il savait que nous y sommes déjà venues, le simili et moi, il y a quelques jours déjà. Mais je dois rester concentrée, je dois jouer le jeu. Il sera toujours temps d’improviser si…
-Alors, qu’en dites-vous, Alix ?
Je glisse sur les talons et lui fais face. Je réalise seulement que l’électricité a été raccordée depuis notre dernière visite. Une lumière chaleureuse baigne ce lieu de lumière, ce n’est pas aveuglant non, c’est étudié pour mettre à l’aise le visiteur et lui donner envie de détendre… de toutes les façons qu’il le souhaite s’il on en croit nos découvertes. Je souris.
-C’est impressionnant, Monsieur.
Je joue la carte de l’humilité. Gageons qu’il est habitué à recevoir des compliments à longueur de journée et je suppose que si je suis là ce soir, c’est qu’il a certains plans pour moi. Autant ne pas passer pour une petite dinde écervelée.
-Bienvenue à L’Asmodée.
Il lève les bras comme pour me présenter l’oeuvre de sa vie. Quand l’on connait tous les squelettes dans le placard, ou tout du moins une partie, cela aurait de quoi faire rire.
Il me fait visiter l’intégralité des pièces, y compris l’office, où moi et ma soeur nous aurons peut-être un rôle.
-Bien sûr, vous ne serez pas assignées au service ce soir-là. Je vous estime trop pour cela, non.
Oui, enfin, cela ne l’empêche pas de nous le demander un soir sur deux dans ses appartements.
-Non, je souhaite que vous gériez l’événement, l’accueil des gens, la vérification des invitations. Vous aurez des gens à commander évidemment pour vous aider. Et je veux que tout soit parfait ! Je ne lésinerai pas sur les dépenses.
-Je n’en doute pas, et nous ne vous décevrons pas.
Il sourit en coin, presque tendrement. Vomir serait assez approprié en de telles circonstances, si je ne m’abuse.
-Si ce n’est pas indiscret Monsieur, doit-on s’attendre à voir beaucoup de monde ?
-Oh, oui, mais que du beau monde évidemment ! J’ai invité le meilleur gratin de Costa, puis quelques gens d’autres mondes, Illusiopolis notamment. Je ne sais pas si vous connaissez…
-Pas très bien je vous avoue.
Oui, enfin, j’ai entendu quelques histoires vous concernant. Evidemment, je réfléchis à la mission que le Président m’a donnée à moi et à ma soeur. Tout d’abord, l’ajouter à la liste des invités. Si la liste est longue, c’est une bonne chose, son nom n’en sera que plus facile à dissimuler.
Nous passons devant les chambres à l’étage, il ouvre la porte de l’une d’entre elles et me fait signe d’y entrer. J’ai un mauvais pressentiment. Je fais face en ce moment même à un monstre sadique, capable de feindre la générosité un instant, et de vous transformer en esclave l’instant d’après. Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas un piège ? Les gardes sont restés dehors. Enfin.
J’en ai vu d’autres évidemment. Mais irais-je encore aussi loin ? Si l’occasion se présente, ne devrais-je tout simplement pas m’en débarrasser ? Non, ce n’est pas la mission. Il faut tenter sa chance, et jouer le jeu. J’ai toujours ma carte joker.
Nous pénétrons dans cette chambre à la décoration bordeaux-noir. Il y a un très grand lit d’inspiration baroque, du velours, des plumes, des masques en dentelle. Dieu merci, ce n’est pas une de ces chambres que nous avions aperçues, Odile et moi, avec les instruments de torture, et tout ce que cela a de ridicule.
-Je suppose que vous cernez un peu mieux l’utilité d’un tel endroit.
Ne jamais dire les mots. Oui, Monsieur, j’ai compris. Je connais ce genre d’endroit. C’est comme un bordel, l’emballage est simplement plus élégant et plus coûteux. Et on y attrape pas de maladie. Enfin, je suppose. Je hoche la tête, calmement.
Ma réaction semble l’avoir convaincu et ravi.
-Parfait. Je me demandais si c’était un problème pour vous. Ce genre… d’activités.
J’écarquille les yeux. Attendez, je ne suis pas bien sûre d’avoir compris.
-Euh, non attendez, je parlais des activités de cet endroit, pas de vous.
Cette discussion vient de prendre un tournant gênant en quelques secondes. Un instant j’ai bien cru qu’il allait nous demander de devenir « hôtesses » à l’Asmodée. Mais il semblerait qu’il n’en était rien. Bon, ça va. Il se gratte l’arrière du crâne, se racle la gorge et se précipite vers la porte. Il semblerait que ce malaise ait permis que cette discussion soit écourtée. Ce qui n’est pas plus mal tout compte fait.
Nous continuons notre visite dans le bâtiment. Il m’amène dans une pièce sur laquelle je ne m’étais pas attardée lors de ma première visite. Simplement parce qu’il n’y avait rien de particulièrement notifiable dans cette pièce. Cela semble être plus un endroit de passage entre les pièces officielles et l’office qu’une pièce avec une véritable utilité, un genre de couloir élargi. Il s’arrête en plein milieu. J’en suis presque surprise et manque de me cogner contre lui.
-Hm, voilà.
-Voilà, Monsieur ?
-Il se trouve qu’il y a quelque chose de particulier avec cette soirée. Enfin, pour être plus précis, avec l’Asmodée.
Je reste silencieuse et ouvre grand les yeux pour lui signaler qu’il a toute mon attention. S’il se confie, comme je l’espère, c’est que j’ai, au moins partiellement, gagné sa confiance. Ce qui est une très bonne chose pour la suite des opérations.
-Vous aurez effectivement une liste d’invités à gérer. Ceux n’y figurant pas ne peuvent évidemment pas entrer dans l’Asmodée.
-Bien entendu.
Il croise les bras dans son dos.
-Et ceux n’ayant pas une autorisation spéciale, ne peuvent, sous aucun prétexte…
Sa voix devient plus grave, presque sévère sur ces derniers mots.
-Découvrir cette partie de la maison.
Il semble exercer une force sur le mur derrière lui, et soudainement, là où il n’y avait qu’un pan de mur parfaitement lisse, une porte dérobée apparait, puis coulisse, manifestement animée par un moteur. Je suis le mouvement de la porte et découvre un couloir descendant sur un escalier, ponctué régulièrement par des lustres éclairés à la flamme. Pavani, ce poète.
-Les gens qui entreront ici seront des clients privilégiés. Ils auront… toute ma confiance, comme je pourrai bénéficier de la leur.
-Et qu’est-ce que…?
Bien sûr, quoi de plus normal que de poser des questions en de pareilles circonstances ? Il me regarde avec un air curieux.
-Je pense que vous en avez assez vu pour ce soir, Alix. L’important c’est que vous avez compris quel sera votre rôle.
Il m’attrape par les épaules et m’invite à me diriger vers la sortie. Bien vite, nous arrivons devant la limousine dans laquelle il me fait monter avant d’y pénétrer lui aussi.
-Je compte sur vous pour mettre au courant votre soeur.
Je hoche la tête.
-Ne vous inquiétez pas, vous aurez d’autres occasions pour vous familiariser avec les lieux. Il est crucial pour moi que vous preniez ce rôle très au sérieux.
-Alors, qu’en dites-vous, Alix ?
Je glisse sur les talons et lui fais face. Je réalise seulement que l’électricité a été raccordée depuis notre dernière visite. Une lumière chaleureuse baigne ce lieu de lumière, ce n’est pas aveuglant non, c’est étudié pour mettre à l’aise le visiteur et lui donner envie de détendre… de toutes les façons qu’il le souhaite s’il on en croit nos découvertes. Je souris.
-C’est impressionnant, Monsieur.
Je joue la carte de l’humilité. Gageons qu’il est habitué à recevoir des compliments à longueur de journée et je suppose que si je suis là ce soir, c’est qu’il a certains plans pour moi. Autant ne pas passer pour une petite dinde écervelée.
-Bienvenue à L’Asmodée.
Il lève les bras comme pour me présenter l’oeuvre de sa vie. Quand l’on connait tous les squelettes dans le placard, ou tout du moins une partie, cela aurait de quoi faire rire.
Il me fait visiter l’intégralité des pièces, y compris l’office, où moi et ma soeur nous aurons peut-être un rôle.
-Bien sûr, vous ne serez pas assignées au service ce soir-là. Je vous estime trop pour cela, non.
Oui, enfin, cela ne l’empêche pas de nous le demander un soir sur deux dans ses appartements.
-Non, je souhaite que vous gériez l’événement, l’accueil des gens, la vérification des invitations. Vous aurez des gens à commander évidemment pour vous aider. Et je veux que tout soit parfait ! Je ne lésinerai pas sur les dépenses.
-Je n’en doute pas, et nous ne vous décevrons pas.
Il sourit en coin, presque tendrement. Vomir serait assez approprié en de telles circonstances, si je ne m’abuse.
-Si ce n’est pas indiscret Monsieur, doit-on s’attendre à voir beaucoup de monde ?
-Oh, oui, mais que du beau monde évidemment ! J’ai invité le meilleur gratin de Costa, puis quelques gens d’autres mondes, Illusiopolis notamment. Je ne sais pas si vous connaissez…
-Pas très bien je vous avoue.
Oui, enfin, j’ai entendu quelques histoires vous concernant. Evidemment, je réfléchis à la mission que le Président m’a donnée à moi et à ma soeur. Tout d’abord, l’ajouter à la liste des invités. Si la liste est longue, c’est une bonne chose, son nom n’en sera que plus facile à dissimuler.
Nous passons devant les chambres à l’étage, il ouvre la porte de l’une d’entre elles et me fait signe d’y entrer. J’ai un mauvais pressentiment. Je fais face en ce moment même à un monstre sadique, capable de feindre la générosité un instant, et de vous transformer en esclave l’instant d’après. Qu’est-ce qui me dit que ce n’est pas un piège ? Les gardes sont restés dehors. Enfin.
J’en ai vu d’autres évidemment. Mais irais-je encore aussi loin ? Si l’occasion se présente, ne devrais-je tout simplement pas m’en débarrasser ? Non, ce n’est pas la mission. Il faut tenter sa chance, et jouer le jeu. J’ai toujours ma carte joker.
Nous pénétrons dans cette chambre à la décoration bordeaux-noir. Il y a un très grand lit d’inspiration baroque, du velours, des plumes, des masques en dentelle. Dieu merci, ce n’est pas une de ces chambres que nous avions aperçues, Odile et moi, avec les instruments de torture, et tout ce que cela a de ridicule.
-Je suppose que vous cernez un peu mieux l’utilité d’un tel endroit.
Ne jamais dire les mots. Oui, Monsieur, j’ai compris. Je connais ce genre d’endroit. C’est comme un bordel, l’emballage est simplement plus élégant et plus coûteux. Et on y attrape pas de maladie. Enfin, je suppose. Je hoche la tête, calmement.
Ma réaction semble l’avoir convaincu et ravi.
-Parfait. Je me demandais si c’était un problème pour vous. Ce genre… d’activités.
J’écarquille les yeux. Attendez, je ne suis pas bien sûre d’avoir compris.
-Euh, non attendez, je parlais des activités de cet endroit, pas de vous.
Cette discussion vient de prendre un tournant gênant en quelques secondes. Un instant j’ai bien cru qu’il allait nous demander de devenir « hôtesses » à l’Asmodée. Mais il semblerait qu’il n’en était rien. Bon, ça va. Il se gratte l’arrière du crâne, se racle la gorge et se précipite vers la porte. Il semblerait que ce malaise ait permis que cette discussion soit écourtée. Ce qui n’est pas plus mal tout compte fait.
Nous continuons notre visite dans le bâtiment. Il m’amène dans une pièce sur laquelle je ne m’étais pas attardée lors de ma première visite. Simplement parce qu’il n’y avait rien de particulièrement notifiable dans cette pièce. Cela semble être plus un endroit de passage entre les pièces officielles et l’office qu’une pièce avec une véritable utilité, un genre de couloir élargi. Il s’arrête en plein milieu. J’en suis presque surprise et manque de me cogner contre lui.
-Hm, voilà.
-Voilà, Monsieur ?
-Il se trouve qu’il y a quelque chose de particulier avec cette soirée. Enfin, pour être plus précis, avec l’Asmodée.
Je reste silencieuse et ouvre grand les yeux pour lui signaler qu’il a toute mon attention. S’il se confie, comme je l’espère, c’est que j’ai, au moins partiellement, gagné sa confiance. Ce qui est une très bonne chose pour la suite des opérations.
-Vous aurez effectivement une liste d’invités à gérer. Ceux n’y figurant pas ne peuvent évidemment pas entrer dans l’Asmodée.
-Bien entendu.
Il croise les bras dans son dos.
-Et ceux n’ayant pas une autorisation spéciale, ne peuvent, sous aucun prétexte…
Sa voix devient plus grave, presque sévère sur ces derniers mots.
-Découvrir cette partie de la maison.
Il semble exercer une force sur le mur derrière lui, et soudainement, là où il n’y avait qu’un pan de mur parfaitement lisse, une porte dérobée apparait, puis coulisse, manifestement animée par un moteur. Je suis le mouvement de la porte et découvre un couloir descendant sur un escalier, ponctué régulièrement par des lustres éclairés à la flamme. Pavani, ce poète.
-Les gens qui entreront ici seront des clients privilégiés. Ils auront… toute ma confiance, comme je pourrai bénéficier de la leur.
-Et qu’est-ce que…?
Bien sûr, quoi de plus normal que de poser des questions en de pareilles circonstances ? Il me regarde avec un air curieux.
-Je pense que vous en avez assez vu pour ce soir, Alix. L’important c’est que vous avez compris quel sera votre rôle.
Il m’attrape par les épaules et m’invite à me diriger vers la sortie. Bien vite, nous arrivons devant la limousine dans laquelle il me fait monter avant d’y pénétrer lui aussi.
-Je compte sur vous pour mettre au courant votre soeur.
Je hoche la tête.
-Ne vous inquiétez pas, vous aurez d’autres occasions pour vous familiariser avec les lieux. Il est crucial pour moi que vous preniez ce rôle très au sérieux.
