Cela faisait déjà plusieurs semaines que ma présences entre les murs de la cathédrale était acceptée, j’avais même l’impression d’être plus que le bienvenu parmi les prêtres. Ma mission était bien entendu un secret au reste de la paroisse, or ils ne sont pas aveugles et savent très bien que si je suis ici c'est pour quelque chose de bien précis. Malgré cela, je me sentais extrêmement bien accueilli, que ce soit aux yeux de l’archidiacre ou à ceux des autres prêtres qui l’assistent. Je les secondais, à mon niveau. Il m’arrivait de préparer le repas ou de faire la lecture aux enfants. Et tout semblait pour le mieux, paraissant comme une vie extrêmement paisible.
On m’avait demandé de rejoindre un confrère hors de murs de la cathédrale. Ma mission d’aujourd’hui était d’aller quérir les ingrédients pour fabriquer de l’encens pour le thuriféraire. Il le fabriquait lui-même, c’était son rôle de le confectionner et de porter l’encensoir pour les offices. Paris était une grande ville mouvante et dynamique en pleine essor, il m’avait donc indiqué le chemin pour m’y rendre.
À l’entendre m’expliquer le cheminement à suivre, on sentait que c’est un garçon plein de vie et qui aimait son prochain derrière une grande timidité. C’était un bon catholique à ne pas en douter.
« Une fois passé le Châtelet et la Grande Boucherie, vous prenez à gauche et c’est juste avant de passer la rue des Lavandières. il s’exprimait une gentillesse immense et une clarté incroyable.
- Je te remercie pour ces explications limpides. Benjamin c’est ça ?
- Oui Monsieur.
- Tu es bien trop âgé pour m’appeler Monsieur. lui répondit Téménos entre un air amusé et un peu vexé. Tu n’es pas un enfant de chœur, je ne te fais pas catéchisme que je sache. Tu peux m’appeler mon frère ou par mon prénom, ne restons pas si formels. Si tu ne me tutoies pas, je vais vraiment le prendre mal.
- Très bien frère Téménos. malgré son calme singulier, les yeux du garçon semblaient comme attirés par la sceptre du missionnaire, essayant de résister comme si c’était un interdit bien trop tentant.
- Que ce passe-t-il Benjamin ? C’est ceci qui vous intrigue et vous mets mal à l’aise ?
- N-non non ! Loin de là ! C’est juste que… Il s’agit du sceptre du jugement ?
- Oui ? Et alors ?
- Je ne sais pas frère Téménos. L’idée que je me faisais des inquisiteurs est loin d’être celle que l’ont peut entendre lorsque je vous vois.
- Je me disais bien aussi. il échappa un petit ricanement intérieur. Les autres prêtres de la paroisse me voient aussi comme un tyran orgueilleux ?
- Non ! Bien au contraire, nous accueillons tout les fils et filles du Seigneur de la même manière, qu’il soit pieux ou non. C’est juste que ça me rassure que ce soit vous.
- Merci pour ton honnêteté Benjamin, ça me va droit au cœur. Mais tu sais, il tendit le bâton à un poignée de centimètres du visage du thuriféraire, ce dernier en ferma les yeux brusquement avec un mouvement de recul en pensant qu’il allait se faire frapper. Ce bâton comme tu dis, ce n’est que du bois, de la peinture et du métal. Il est certes d’une belle manufacture. Je lui trouve cependant quelques défauts de fabrication ici et là. Sans parler des bosses que je lui ai infligé pour mieux répandre la parole de Dieu.
- Où voulez-vous en venir ? un peu déboussolé par les dernières phrases de son confrère.
- Ce sceptre n’est qu’un accessoire, la distinction se gagne avec le respect, les efforts et la ferveur. Si tu trouves que d’autres inquisiteurs manquent de civilité et de respect, c’est qu’ils ne méritent pas cette nomination et encore moins de poursuivre au nom de notre bon Dieu. il disait cela sans sourciller et sans faux pas dans la voix, avec une confiance qui inspirait le respect malgré le blasphème.
- Vous avez raison Téménos. Excusez ma défiance, je me sens extrêmement gêné. Ce n’était pas très chrétien de ma part. Benjamin essayait de cacher son visage dans les larges manches de sa coule, se sentant honteux.
- Au contraire frère Benjamin, au contraire, je vous prierais s’il vous plaît de continuer sur ce chemin. Doutez. Doutez de tout. De vos frères, de vos sœurs, de vos amis, de moi, de vos convictions et de votre propre force. C’est ainsi que vous irez loin, très loin même.
- Vous êtes un être bien énigmatique frère Téménos. Je tâcherai de me souvenir de ce conseil et vos paroles d’aujourd’hui. »
Le prêtre étranger s’était donc mis en route à travers les larges avenus pavées de la Cité des Rêve. En sortant du parvis, il suivit à la lettre les instructions qui lui ont été données. Le brouhaha des discussions des habitants accompagnait le bruit de ses pas et du bois de son sceptre sur le sol. La ville était toujours aussi vivante. Il y avait pas mal de monde et Téménos s’engouffrait facilement entre les passants. Pas un seul ne le regardait de travers comme l’avait fait Benjamin tout à l’heure. Ça lui faisait plaisir, de ne pas sentir oppressé par des visages inquiets ou méfiants à la vue de sa grande canne.
En suivant le chemin, il arriva près de la rue des lavandières, cette dernière s’engouffrait vers le centre de la ville mais la boutique que cherchait le clerc se trouvait en face du fleuve. C’était une herboristerie à la devanture en adéquation avec les masures alentours ; des pans de bois, du mortier clair et de larges fenêtres devant lesquels sont disposées plusieurs plantes en pot. S’engouffrant dans la boutique, c’était un véritable abondance de parfums végétaux. Son collègue lui avait recommandé ce commerce pour sa fidélité, la chaleur de son patron ainsi - et surtout - pour le large choix de plantes destinées à la liturgie ou autre. L’échoppe, elle, en revanche, n’avait rien à voir avec un apothicaire et encore moins avec les différents mogs et magasins que l’on pouvait apercevoir dans les gares ou dans d’autres mondes. Non, c’était un petit cabinet hors du temps qui semblait seulement se soucier de ses stocks et du bien des clients qui en franchissaient la porte avec son ambiance chaleureuse.
Inspectant les différentes sèmes empotées, posant rapidement son regard sur les jarres et autres petites caisses en bois remplies de graines, Téménos avait l’air d’un client tout à fait banal, intrigué par ces ingrédients éparses. Il y avait une autre personne, une jeune femme attendait devant le comptoir, celui-ci vide. Elle le regarda un instant, lui sourit et le prêtre en fit de même, lui rendant la politesse. On aurait dit un genre de nurse itinérante au vu de sa tenue : une robe blanche, une coiffe d'infirmière, ses vêtements abîmés par endroits et de larges bottes un peu crasseuses. Elle portait avec elle une ample sacoche de cuir qui semblait pleine à craquer et bien lourde. Elle avait un visage doux, mais ses yeux semblaient trahir une certaine inquiétude.
« Voilà voilà ma chère, hohohoooo ! un petit homme hirsute à peine plus haut que le comptoir et d’épaisses lunettes de vue fit irruption, les bras chargés, il sauta sur un marchepied afin d’être à la hauteur de sa cliente, de la rosée de fleurs blanches, des fleurs curatives et des feuilles étranges, attention avec ces dernières.
- Merci beaucoup, vous me sauvez la vie, elle inspecta les produits que le vendeur lui avait apportée.
- Vous êtes sûres que ça va aller ? Hohohoooo ! le curieux petit personnage semblait répéter ça souvent comme un espèce de tic nerveux. La rosée de ces fleurs n’est pas facile à se procurer par ici, mais leur efficacité est hohohoooo ! Incontestable !
- Ce sera amplement suffisant, merci encore. elle déposa les munnies avant de ranger ses achats dans son sac trop plein. Bonne journée à vous monsieur, au revoir. elle se retourna vers la sortie, croisant Téménos. Au revoir, lui dit-elle poliment.
- Au revoir, en lui répondant avec complaisance.
- Au revoir mademoiselle ! Hohohooo ! s’exclama-t-il en agitant très vite son bras. »
À peine avait-elle rangée ses articles que l’infirmière s’empressa de se diriger vers l'extérieur, échangea un regard avec Téménos, un autre sourire réservé et quitta l’herboristerie sans perdre une minute. Le prêtre semblait pensif au comportement de cette femme. Il en était bien sûr soucieux. Néanmoins, la soignante paraissait savoir ce qu’elle faisait, autant lui faire confiance.
Plongé dans ses pensées, l’homme d’église réfléchissait les yeux fermées encore une fois. L’herboriste en revanche lui avait bien remarqué sa présence et l’appelait de sa voix tonitruante.
« Hohohoooo ! Monsieur ! Hey ho monsieur ! Youhou ! Vous dormez où quoi ?!
- Hm ! Téménos sursauta et ne s’attendait certainement pas à voir un homme de petite taille lui tirer sur la manche. Excusez-moi, c’est une mauvaise habitude. Je ne vous ignorais en rien, j’étais juste plongé dans mes pensées.
- C’est ça oui. Qu’est-ce qui vous amène ici mon bon monsieur ?
- Pardonnez-moi encore une fois, je viens m’enquérir de plusieurs marchandises au nom de la cathédrale. Vous savez probablement de quoi je parle ?
- Oh oui ! Hohohoooo ! Vous êtes pas le garçon de d’habitude sans vouloir vous offenser mon père !
- Benjamin m’a chargé de cette commission. Il est fort occupé et je m’en voudrais de ne pas les aider à mon tour.
- Très très bien ! Je vous apporte ça de suite ! »
L’énergie de l’herboriste était vraiment peu commune pour cette branche de métier. On pouvait l'entendre s'exclamer dans le fond. Habituellement, l'ecclésiastique avait plus souvent affaires à des hommes se prenant plus au sérieux, pas aussi excentrique. Il ne pouvait cependant pas se permettre de juger ce commerçant, son caractère ne reflétait en rien la qualité de ses services, surtout après la satisfaction de la précédente cliente ainsi que la bonne tenue de son établissement qui frisait le respect. Son originalité était peut-être de pair avec son professionnalisme.
Il revint assez vite de son arrière boutique, posant plusieurs petits sacs remplis de petites pierres colorées.
« Voilà, hohohoooo ! Il y a de la myrrhe, du benjoin, du storax et de l’oliban.
- C’est ça en effet. Téménos prit un morceau de résine de chacun des sachets.
- Il va falloir me donner la recette votre encens un jour ! Ce sera peut-être plus simple que de garder la recette secrète !
- J’ignore si la confection de l’encens qui embaume nos églises est confidentiel. Pour être tout à fait honnête, même si l’odeur semble similaire sous le toit des maisons du Très-haut, les thuriféraires ont chacun leur dosage. Ils y mettent tout leur cœur et c’est quelque chose que je vois mal commercialisé.
- Vous êtes dur en affaires ! Hohohoooo ! Il y a une rumeur comme quoi ces encens repousseraient les créatures maléfiques, c’est des racontars moi je vous le dis !
- Intéressant. »
En sortant de la boutique, c’était presque le crépuscule. Téménos avait passé une bonne partie de sa journée dehors sous le soleil parisien printanier, flânant, observant les rues, les habitants et les touristes. C’est donc avec les ingrédients en poche que le prêtre repris le chemin en sens inverse vers la cathédrale afin de livrer la marchandise à son confrère. Il espérait que Benjamin lui montre la fabrication du fameux encens que celui-ci diffusait entre les pierres et les prières des offices, cet encens qui accompagnait les espoirs des pieux jusqu’aux cieux.
Les dires de l’herboriste me faisaient réfléchir. Peut-être que l’odeur de ces résines aromatiques avaient vraiment le pouvoir de bannir le malin voir même ces créatures qu'on appelle les Sans-Cœurs ?
On m’avait demandé de rejoindre un confrère hors de murs de la cathédrale. Ma mission d’aujourd’hui était d’aller quérir les ingrédients pour fabriquer de l’encens pour le thuriféraire. Il le fabriquait lui-même, c’était son rôle de le confectionner et de porter l’encensoir pour les offices. Paris était une grande ville mouvante et dynamique en pleine essor, il m’avait donc indiqué le chemin pour m’y rendre.
À l’entendre m’expliquer le cheminement à suivre, on sentait que c’est un garçon plein de vie et qui aimait son prochain derrière une grande timidité. C’était un bon catholique à ne pas en douter.
« Une fois passé le Châtelet et la Grande Boucherie, vous prenez à gauche et c’est juste avant de passer la rue des Lavandières. il s’exprimait une gentillesse immense et une clarté incroyable.
- Je te remercie pour ces explications limpides. Benjamin c’est ça ?
- Oui Monsieur.
- Tu es bien trop âgé pour m’appeler Monsieur. lui répondit Téménos entre un air amusé et un peu vexé. Tu n’es pas un enfant de chœur, je ne te fais pas catéchisme que je sache. Tu peux m’appeler mon frère ou par mon prénom, ne restons pas si formels. Si tu ne me tutoies pas, je vais vraiment le prendre mal.
- Très bien frère Téménos. malgré son calme singulier, les yeux du garçon semblaient comme attirés par la sceptre du missionnaire, essayant de résister comme si c’était un interdit bien trop tentant.
- Que ce passe-t-il Benjamin ? C’est ceci qui vous intrigue et vous mets mal à l’aise ?
- N-non non ! Loin de là ! C’est juste que… Il s’agit du sceptre du jugement ?
- Oui ? Et alors ?
- Je ne sais pas frère Téménos. L’idée que je me faisais des inquisiteurs est loin d’être celle que l’ont peut entendre lorsque je vous vois.
- Je me disais bien aussi. il échappa un petit ricanement intérieur. Les autres prêtres de la paroisse me voient aussi comme un tyran orgueilleux ?
- Non ! Bien au contraire, nous accueillons tout les fils et filles du Seigneur de la même manière, qu’il soit pieux ou non. C’est juste que ça me rassure que ce soit vous.
- Merci pour ton honnêteté Benjamin, ça me va droit au cœur. Mais tu sais, il tendit le bâton à un poignée de centimètres du visage du thuriféraire, ce dernier en ferma les yeux brusquement avec un mouvement de recul en pensant qu’il allait se faire frapper. Ce bâton comme tu dis, ce n’est que du bois, de la peinture et du métal. Il est certes d’une belle manufacture. Je lui trouve cependant quelques défauts de fabrication ici et là. Sans parler des bosses que je lui ai infligé pour mieux répandre la parole de Dieu.
- Où voulez-vous en venir ? un peu déboussolé par les dernières phrases de son confrère.
- Ce sceptre n’est qu’un accessoire, la distinction se gagne avec le respect, les efforts et la ferveur. Si tu trouves que d’autres inquisiteurs manquent de civilité et de respect, c’est qu’ils ne méritent pas cette nomination et encore moins de poursuivre au nom de notre bon Dieu. il disait cela sans sourciller et sans faux pas dans la voix, avec une confiance qui inspirait le respect malgré le blasphème.
- Vous avez raison Téménos. Excusez ma défiance, je me sens extrêmement gêné. Ce n’était pas très chrétien de ma part. Benjamin essayait de cacher son visage dans les larges manches de sa coule, se sentant honteux.
- Au contraire frère Benjamin, au contraire, je vous prierais s’il vous plaît de continuer sur ce chemin. Doutez. Doutez de tout. De vos frères, de vos sœurs, de vos amis, de moi, de vos convictions et de votre propre force. C’est ainsi que vous irez loin, très loin même.
- Vous êtes un être bien énigmatique frère Téménos. Je tâcherai de me souvenir de ce conseil et vos paroles d’aujourd’hui. »
Le prêtre étranger s’était donc mis en route à travers les larges avenus pavées de la Cité des Rêve. En sortant du parvis, il suivit à la lettre les instructions qui lui ont été données. Le brouhaha des discussions des habitants accompagnait le bruit de ses pas et du bois de son sceptre sur le sol. La ville était toujours aussi vivante. Il y avait pas mal de monde et Téménos s’engouffrait facilement entre les passants. Pas un seul ne le regardait de travers comme l’avait fait Benjamin tout à l’heure. Ça lui faisait plaisir, de ne pas sentir oppressé par des visages inquiets ou méfiants à la vue de sa grande canne.
En suivant le chemin, il arriva près de la rue des lavandières, cette dernière s’engouffrait vers le centre de la ville mais la boutique que cherchait le clerc se trouvait en face du fleuve. C’était une herboristerie à la devanture en adéquation avec les masures alentours ; des pans de bois, du mortier clair et de larges fenêtres devant lesquels sont disposées plusieurs plantes en pot. S’engouffrant dans la boutique, c’était un véritable abondance de parfums végétaux. Son collègue lui avait recommandé ce commerce pour sa fidélité, la chaleur de son patron ainsi - et surtout - pour le large choix de plantes destinées à la liturgie ou autre. L’échoppe, elle, en revanche, n’avait rien à voir avec un apothicaire et encore moins avec les différents mogs et magasins que l’on pouvait apercevoir dans les gares ou dans d’autres mondes. Non, c’était un petit cabinet hors du temps qui semblait seulement se soucier de ses stocks et du bien des clients qui en franchissaient la porte avec son ambiance chaleureuse.
Inspectant les différentes sèmes empotées, posant rapidement son regard sur les jarres et autres petites caisses en bois remplies de graines, Téménos avait l’air d’un client tout à fait banal, intrigué par ces ingrédients éparses. Il y avait une autre personne, une jeune femme attendait devant le comptoir, celui-ci vide. Elle le regarda un instant, lui sourit et le prêtre en fit de même, lui rendant la politesse. On aurait dit un genre de nurse itinérante au vu de sa tenue : une robe blanche, une coiffe d'infirmière, ses vêtements abîmés par endroits et de larges bottes un peu crasseuses. Elle portait avec elle une ample sacoche de cuir qui semblait pleine à craquer et bien lourde. Elle avait un visage doux, mais ses yeux semblaient trahir une certaine inquiétude.
« Voilà voilà ma chère, hohohoooo ! un petit homme hirsute à peine plus haut que le comptoir et d’épaisses lunettes de vue fit irruption, les bras chargés, il sauta sur un marchepied afin d’être à la hauteur de sa cliente, de la rosée de fleurs blanches, des fleurs curatives et des feuilles étranges, attention avec ces dernières.
- Merci beaucoup, vous me sauvez la vie, elle inspecta les produits que le vendeur lui avait apportée.
- Vous êtes sûres que ça va aller ? Hohohoooo ! le curieux petit personnage semblait répéter ça souvent comme un espèce de tic nerveux. La rosée de ces fleurs n’est pas facile à se procurer par ici, mais leur efficacité est hohohoooo ! Incontestable !
- Ce sera amplement suffisant, merci encore. elle déposa les munnies avant de ranger ses achats dans son sac trop plein. Bonne journée à vous monsieur, au revoir. elle se retourna vers la sortie, croisant Téménos. Au revoir, lui dit-elle poliment.
- Au revoir, en lui répondant avec complaisance.
- Au revoir mademoiselle ! Hohohooo ! s’exclama-t-il en agitant très vite son bras. »
À peine avait-elle rangée ses articles que l’infirmière s’empressa de se diriger vers l'extérieur, échangea un regard avec Téménos, un autre sourire réservé et quitta l’herboristerie sans perdre une minute. Le prêtre semblait pensif au comportement de cette femme. Il en était bien sûr soucieux. Néanmoins, la soignante paraissait savoir ce qu’elle faisait, autant lui faire confiance.
Plongé dans ses pensées, l’homme d’église réfléchissait les yeux fermées encore une fois. L’herboriste en revanche lui avait bien remarqué sa présence et l’appelait de sa voix tonitruante.
« Hohohoooo ! Monsieur ! Hey ho monsieur ! Youhou ! Vous dormez où quoi ?!
- Hm ! Téménos sursauta et ne s’attendait certainement pas à voir un homme de petite taille lui tirer sur la manche. Excusez-moi, c’est une mauvaise habitude. Je ne vous ignorais en rien, j’étais juste plongé dans mes pensées.
- C’est ça oui. Qu’est-ce qui vous amène ici mon bon monsieur ?
- Pardonnez-moi encore une fois, je viens m’enquérir de plusieurs marchandises au nom de la cathédrale. Vous savez probablement de quoi je parle ?
- Oh oui ! Hohohoooo ! Vous êtes pas le garçon de d’habitude sans vouloir vous offenser mon père !
- Benjamin m’a chargé de cette commission. Il est fort occupé et je m’en voudrais de ne pas les aider à mon tour.
- Très très bien ! Je vous apporte ça de suite ! »
L’énergie de l’herboriste était vraiment peu commune pour cette branche de métier. On pouvait l'entendre s'exclamer dans le fond. Habituellement, l'ecclésiastique avait plus souvent affaires à des hommes se prenant plus au sérieux, pas aussi excentrique. Il ne pouvait cependant pas se permettre de juger ce commerçant, son caractère ne reflétait en rien la qualité de ses services, surtout après la satisfaction de la précédente cliente ainsi que la bonne tenue de son établissement qui frisait le respect. Son originalité était peut-être de pair avec son professionnalisme.
Il revint assez vite de son arrière boutique, posant plusieurs petits sacs remplis de petites pierres colorées.
« Voilà, hohohoooo ! Il y a de la myrrhe, du benjoin, du storax et de l’oliban.
- C’est ça en effet. Téménos prit un morceau de résine de chacun des sachets.
- Il va falloir me donner la recette votre encens un jour ! Ce sera peut-être plus simple que de garder la recette secrète !
- J’ignore si la confection de l’encens qui embaume nos églises est confidentiel. Pour être tout à fait honnête, même si l’odeur semble similaire sous le toit des maisons du Très-haut, les thuriféraires ont chacun leur dosage. Ils y mettent tout leur cœur et c’est quelque chose que je vois mal commercialisé.
- Vous êtes dur en affaires ! Hohohoooo ! Il y a une rumeur comme quoi ces encens repousseraient les créatures maléfiques, c’est des racontars moi je vous le dis !
- Intéressant. »
En sortant de la boutique, c’était presque le crépuscule. Téménos avait passé une bonne partie de sa journée dehors sous le soleil parisien printanier, flânant, observant les rues, les habitants et les touristes. C’est donc avec les ingrédients en poche que le prêtre repris le chemin en sens inverse vers la cathédrale afin de livrer la marchandise à son confrère. Il espérait que Benjamin lui montre la fabrication du fameux encens que celui-ci diffusait entre les pierres et les prières des offices, cet encens qui accompagnait les espoirs des pieux jusqu’aux cieux.
Les dires de l’herboriste me faisaient réfléchir. Peut-être que l’odeur de ces résines aromatiques avaient vraiment le pouvoir de bannir le malin voir même ces créatures qu'on appelle les Sans-Cœurs ?