C’est inutile. Ça ne sert plus à rien. C’est fini. Je n’y arriverai pas à temps. Je m’arrête net, brusqué par ce constat. Mon corps ne tient de toutes les façons plus la course. Je halète bruyamment, ne pouvant que prendre appuis sur le bord du pont sur lequel je me tiens. Comme souvent, je ne peux qu’observer, impuissant, ce qui se déroule là sous mes yeux. Ils montent, montent, puis éclatent. Cinq artifices au même instant. Du vert, du bleu clair, du rose, de l’orange et du rouge qui se mêlent pour que le ciel obscur se pare de couleurs chaudes. De multiples s’y ajoutent encore, le chargeant toujours plus en luminosité. Je n’avais jamais vu un tel spectacle pyrotechnique. Ce qui, au vu de mes origines est… on ne peut plus logique. Mais rien de tout ça n’a d’importance. La seule chose qui comptait à présent était…

- Amber…

Tout me renvoie au fait qu’elle est également assise quelque part en train d’observer le bouquet final sous cette nuit fraîche, sûrement trop énervée pour en apprécier la grandeur. Je me mords les lèvres, mon regard se fait humide…

Ces vacances à la Costa del Sol ont tourné au désastre. Non, plus largement… tout a tourné au désastre.

Suite à l’échec de notre mission, j’avais dû précipiter notre départ en vacances, trop effrayé à l’idée de faire mon rapport. Ce week-end devait être un repos bien mérité qui me permettrait de réfléchir à la situation, mais surtout de profiter de l’instant présent avec Amber. Elle a insisté pour que nous nous rendions au Zéphyr, le grand casino de ce monde ayant été construit par la Shinra. Mais ce fut un véritable fiasco. J’y ai rencontré Lenore à laquelle j’ai demandé de m’aider à la rendre jalouse. Ca ne pouvait pas plus mal tourner…

Nous nous sommes disputés. Sans parler du personnel de sécurité qui a sûrement signalé aux autorités locales “l’incident” provoqué par Lenore pour nous faire accuser. Mais si ce n’était que ça… un autre a suivi sur la plage. L’incident du défilé en maillots de bain. Une main à la poitrine par mégarde. Une fée m’avait aidé à m’en tirer avant que je ne rencontre un second problème : l’organisateur m’a mépris pour l’un des hommes qui défilait, un certain Lucius. Inutile de dire que lorsque j’ai croisé l’intéressé, ça s’est corsé. Ça s'est bien fini grâce à l’intervention de cette merveilleuse fée, ceci étant dit.

Suite à cela, je n’ai pas réussi à adresser une seule fois la parole à Amber et elle a fini par sortir. En la cherchant, je me suis fait un nouvel ami en la personne d’Erik Woods. Une rencontre enrichissante, quoique peut-être un peu étrange : le jeune homme était d'une telle gentillesse que j'en étais peut-être un peu mal à l'aise avant de le quitter. Car je ne pouvais pas vraiment lui renvoyer l'ascenseur convenablement. Mon monde est loin de fourmiller de ces bons samaritains. Erik m'a écouté et j'y ai trouvé un certain soutien. Ses mots ont résonné en moi.

C'était étrange, comme s'il savait ce que je traversais, qu'il était passé par des épreuves similaires ou je ne sais quoi. Et regardez où j'en suis. Non, c'est impossible ! Enfin, quelles que soient ses raisons, Erik m'a aidé à prendre une décision importante. Et donc nous revoilà où j'en suis : je suis toujours un peu paumé, mais je suis résolu à aller au bout de mon choix.

Mais avant ça, plus que jamais, j’ai envie… non, j’ai besoin de voir son visage, de sentir sa présence près de moi. Je ne peux pas laisser la situation ainsi, rien d’autre n’a d’importance. Je dois lui parler, lui expliquer tout, réussir à lui exprimer tout ce que je ressens, à coeur ouvert. Je ne veux pas avoir gâché ce week-end. Je ne veux plus avoir de nouveaux regrets. j’en ai déjà assez ainsi. Je serre la rambarde du pont, puis reprends ma marche vers la plage. Le feu d’artifices étant terminé, la foule rebroussant chemin est relativement dense, mais je parviens tout de même à me frayer un chemin.

Mon intuition était avérée. Je l'aperçois bientôt, assise, les pieds enfoncés dans le sable et la tête posée sur ses genoux repliés vers elle. Amber ne semble pas me remarquer. Elle fixe silencieusement la voûte céleste alors que je reste bêtement immobile à l’observer. Elle s'est sûrement baignée une heure auparavant. La lune se reflète dans ses cheveux roux que je devine encore légèrement humides. Elle ne porte qu'une veste bleue et une jupe blanche courte derrière lesquels se cachent probablement un maillot de bain. Voilà pourquoi il m'était impossible de la trouver : elle se trouvait sur les lieux de mon incident avec Lucius, que j'ai soigneusement évité ces dernières heures.

- Qu'est-ce que tu fais ici ?

Le ton est amer, voire froid ou indifférent. Elle ne me regarde pas, je… mes épaules s'affaissent et mes yeux se baissent face à cet évident constat : elle ne semble pas désirer ma présence. Mais comment m'a-t-elle remarqué ? Je n'ai pourtant pas fait de bruit et… elle ne peut pas m'avoir vu ainsi. Je secoue la tête, peu importe. Je dois… je dois me concentrer sur l'essentiel.

- J… Depuis quand tu m'as remarqué ?

Non, c'était pas tellement ça, je suis juste ridicule.

- Depuis le début.
- Quoi ?!

Je rougis un peu honteux, comme un enfant pris les mains dans le sac. Ça fait bien cinq minutes qu'elle sait que je me prends la tête pour trouver comment je dois lui expliquer. Elle ne semble pour autant pas s'en amuser.

- T’es la dernière personne que j’ai envie de voir.
- Je… je sais. Mais je voulais expliquer…
- J’en veux pas, casse-toi !

Alors que je tentais de lui prendre la main, Amber s’offusque et la repousse furieusement.

- Je…

Je n’ai plus le choix. Je dois, j’ai besoin de le dire. Si je ne le fais pas, elle ne m’écoutera pas. Je ferme les yeux et rassemble tout mon courage.

- Je t’aime, Amber.

C’était ridicule. Ma voix a tremblé et j’ai parlé à voix basse, en dépit de tous mes efforts. Mais au moins, j’ai réussi à le lui dire. Enfin.

- C’est facile de dire ça maintenant. T’es vraiment le pire, dit-elle en poussant un soupir.
- Je sais. Je ne peux pas te rendre heureuse. J’ai fait n’importe quoi. Je ne mérite pas que tu me pardonnes. Malgré tout, je voulais te le dire.

Je m’assois à ses côtés, marquant une pause pour lui laisser le temps de digérer l’information. Puis je lui annonce ma décision d’une voix grave :

- J’ai décidé de quitter la Coalition Noire.