L’Impératrice usait quelque peu frénétiquement son éventail sous la chaleur de la Grèce. Dire qu’elle pensait qu’il n’y avait que la Costa del Sol qui avait un tel climat… Elle avait chaud et l’on pouvait dire que le thé froid qu’elle dégustait était salvateur.

Cela allait très certainement bien fonctionner ici. Les gens allaient se précipiter pour pouvoir boire une boisson rafraîchissante de qualité… C’est ça l’avantage du thé, il y a du chaud et du froid. Tous les goûts allaient être satisfaits ici.

Les deux consuls qu’elle avait envoyés, Dame Isley en tête, avaient bien travaillé ici. Le bâtiment était charmant, la ville semblait paisible et pas l’ombre d’un psychopathe dans le secteur… A croire qu’Hadès se complaisait bien dans ses Enfers et c’était tant mieux pour les affaires.

Huayan avait connaissance des liens très amicaux entre Hadès et Death, elle avait exprimé son inquiétude quant à la présence des Mercenaires au Colisée, mais la véritable menace potentielle résidait plutôt dans ce dieu peut être instable. Peut-être avait-il une certaine réserve malgré tout en tant que dieu ? Cela restait à démontrer.

De toute façon, elle ne serait pas en charge de tout ici. Elle venait seulement s’assurer du bon fonctionnement de la future implantation locale consulaire dont Pamela serait probablement le fer de lance. Arthur avait pourtant confié à Huayan qu’il voulait ici une entrée spectaculaire dans la ville de Thèbes mais…

Il fallait un peu de préparation à tout ça. Les trompettes et les tambours attendront un peu.


« Les diplômés sont là, les candidats pour les gardes aussi, chef. Je fais entrer qui en premier ?
- Les gardes.
- C’est parti mon kiki ! »

Francis s’était d’abord enthousiasmé de venir au Colisée. D’après lui, il y avait beaucoup de belles femmes par ici, bien que moins dénudées qu’à la Costa del Sol comme elle lui avait fait remarquer, mais semblait apprécier cet environnement.

Tant mieux pour lui.

Huayan se tenait assise sur une sorte de siège en bois de bonne facture avec un épais coussin dessus. Elle déposa son thé sur la petite table devant elle tandis que quatre fiers gaillards aux habits légers entraient dans la pièce. Ils étaient tous très bronzés, avec des habits convenables plutôt clairs, des cothurnes aux pieds et cheveux noirs. Tous jeunes, l’un d’entre eux portait une barbe conséquente tandis que les autres se détachaient surtout par leurs corps plutôt sveltes et standards.


Francis rejoignit donc son amie et se pencha un peu sur le côté pour lui glisser un mot :

« J’ai trouvé que ça, les autres sont tous chez les Mercos, ne fais pas la fine bouche. »

Elle ne répondit pas mais lui jeta un regard noir. Elle était fâchée ? Pas vraiment. Elle n’avait pas vraiment le choix puisqu’elle n’allait pas détacher des soldats du Jardin Radieux pour venir protéger une échoppe de dégustations de thé.

« Bonjour messieurs. » lança-t-elle au petit groupe d’hommes.

Ils hochèrent la tête en signe de respect, l’un d’entre eux s’inclina un peu plus que les autres, peut-être savait-il qui elle était ?


« Je suis la Porte-Paroles -temporaire- des Cités Dorées du Consulat, Haute-Commissaire à la Sécurité Consulaire, Impératrice Céleste Éternelle Meng Tian, Fondatrice de la Dynastie Song, Porteuse du Mandat Divin, Reine des Hans, des Mandchous et des Peuples du Sud, Grande Magistrice des Arts Magiques, Protectrice de la Terre des Dragons, Souveraine Légitime de toutes les Terres sous le Ciel, Ambassadrice des Cités Dorées du Consulat, Consule de l’Étiquette et Dame de Chengdu. » déclara-t-elle quelque peu solennellement.

Les hommes échangèrent des regards partagés entre la surprise et l’inquiétude. Sur qui ils étaient tombés et qu’est-ce que cela pouvait impliquer ?


« Vous agenouillez ou vous inclinez ne serait pas de trop... Manifestement, je ne suis pas encore très connue ici.» intima-t-elle en détournant un instant le visage pour observer l’extérieur du bâtiment.

Les hommes ne réagirent pas avec beaucoup de vigueur. Ils inclinèrent juste plus la tête. Huayan soupira, mais elle n’accordait pas vraiment d’importance à cela : elle voulait surtout qu’ils comprennent que la femme qui se tenait devant eux était « puissante » et que par conséquent, ils devaient bien faire leur travail.


« Vous assurerez la sécurité des lieux. Il y aura une équipe de jour et une équipe de nuit. La paie sera au niveau de la réputation du Consulat bien sûr. La mission consiste à surveiller les lieux, les clients et veiller à ce qu’il n’y ait pas de problèmes dans l’établissement quitte à user de la force pour évacuer un voleur à l’extérieur. Des questions ?
- Oui, qu’est-ce que c’est que cet endroit exactement ? » demanda l’un des hommes.

Huayan se tourna un instant vers Francis : il aurait pu leur dire.


« Un salon de thé. Une boisson de mon monde que nous allons faire découvrir aux palais avisés de Thèbes et de la Grèce. En parlant de questions, vous avez tous une formation même basique au combat au moins, hum ? » poursuivit-elle.

Ils hochèrent la tête.


« Le thé est une plante. Cependant, vous pouvez imaginer que ceux que nous allons faire venir jusqu’ici sont d’une certaine qualité et donc une certaine valeur. Notre risque principal est qu’un voleur vienne nous enlever cette marchandise ou qu’un vandale vienne détruire cet établissement. Votre mission : empêchez cela et assurer la sécurité des employés civils par extension. C’est clair pour tout le monde ?
- Oui, Madame ! » répondaient-ils en cœur.

Huayan les congédia d’un geste, les invitant à quitter la pièce. Ils ne s’éternisaient pas et n’avaient pas l’air très bavards. Il allait falloir les garder à l’œil un moment pour voir s’ils travaillaient correctement mais bon, Thèbes n’était pas connue pour avoir une criminalité galopante comme Illusiopolis donc l’Impératrice ne se faisait pas beaucoup de soucis.


« J’amène les petites pépés, chef ?
- Oui, franchement Francis ? "Pépés" ?
- Oh ça va, si on peut plus déconner… Je vais les chercher. »

La pièce fut donc ensuite remplie d’une dizaine de personnes. Huayan avait sélectionné des étudiants de l’Yishu Gong, diplômés en Etiquette, et qui s’étaient portés volontaires pour travailler dans nouvel établissement qui revêtait d’une grande importance pour le Consulat. Une femme d’une trentaine d’années, Livia originaire du Colysée, avait été choisie pour être la gérante du salon. C’était une personne qui semblait fiable et qui ne rechignerait pas à rappeler à l’ordre ses travailleurs s’ils n’agissaient pas correctement.

Ensuite, les préparateurs. Cinq personnes au total qui se partageront entre les préparations dans l’« atelier » -les cuisines- et la gestion de la cave et de l’entretien des thés. Trois sont grecs dont une femme et deux hans. Un certain Eusèbe, un sixième employé, sera en charge du transport de la marchandise entre l’astroport et l’établissement.

Cinq personnels en salle, deux hommes et trois femmes sélectionnés sur des critères physiques et académiques serviront les clients. Alexandre – un élève originaire du monde -, grand blond au sourire charmeur devait convaincre les clientes de revenir plus souvent ; Lingxin quant à lui apportait de l’exotisme à ce monde en tant que han avec sa peau aussi pâle que les statues grecques et son regard de braises. Quant aux trois femmes, deux venaient de la Terre des Dragons – Chen et Xinyue- et étaient parfaitement dans les canons de beauté han de l’Empire : grandes, fines, avec de longs cheveux de jais bien coiffés, une peau très blanche et beaucoup de grâce. Cependant, leur qualité résidait également dans le fait qu’elles faisaient parties de ces élèves qui avaient été sélectionné pour intégrer certains cours qui leur apprenaient également à être de redoutables « petits oiseaux » de l’Impératrice en terre étrangère. Lingxin, Chen et Xinyue allaient donc être au plus près des clients : et donc au plus près des informations.

Une nouvelle source d’informations qui serait utile au Consulat en temps venu, sans compter que cela apporterait plus de connaissances à Huayan sur ce monde qu’elle ne connaissait que très peu au-delà de l’importance qu’il revêtait pour les Cités Dorées.


« Je vous remercie à tous d’être présents aujourd’hui pour prendre possession de cet établissement dans la magnifique ville de Thèbes. Comme vous le savez, ce monde représente beaucoup dans l’origine de notre organisation. Au-delà du service que vous allez offrir à nos clients ici, vous êtes les ouvriers d’un grand pont qui reliera peut-être un jour les mondes consulaires au Colisée de l’Olympe. En apportant cette boisson -le thé- aux palais avides de découvertes grecs, vous partagez un art, une émotion, une histoire. » commença-t-elle en quittant sa chaise pour faire face à toute l’équipe.

« Votre devoir, Livia, est de faire rayonner le Consulat ici en proposant à la fois un produit original pour le Colisée, mais également de montrer les arts de l’Étiquette, du service, du thé. Ensemble, sous la gestion de Livia, nous devons toujours garder à l’esprit d’offrir le meilleur à nos clients et ainsi améliorer l’image et la réputation des Cités Dorées du Consulat. » continua-t-elle en s’approchant lentement mais sûrement de ses trois petits oiseaux.

« Bien sûr, notre mission à tous ici est importante, lança-t-elle devant eux en échangeant des regards entendus, car elle constitue la première étape à une plus grande coopération et entente entre le Consulat et les grecs. Que les dieux de l’Olympe nous soient tous aussi favorables qu’Aphrodite, je le souhaite très humblement. » conclut-elle avant de retourner s’asseoir.

« Prenez possession des lieux, et mettez-vous au travail pour préparer l’ouverture officielle messieurs dames. Avez-vous des questions ?
- Oui, répondit Livia, serez-vous en charge de l’ouverture Votre Majesté ?
- Non, la Consule Pamela Isley le sera. C’est elle qui a le plus travaillé sur ce projet. »

Une fois ceci fait, Huayan les congédia et ils purent tous se mettre au travail. L’Impératrice avait offert très élégamment d’apporter dans son vaisseau les premiers thés qui seraient dégustés ici. Elle espérait désormais que tout allait bien se passer.