Je referme la porte derrière moi délicatement. La maison est calme. Une respiration non loin de là m’indique qu’Odile dort toujours. Il est environ neuf heures. J’entends des pas non loin et j’aperçois Reno sortir du local de surveillance.
-Ah, c’est toi. Préviens quand tu sors, je t’ai même pas vu sur les caméras.
Sympa, l’enthousiasme est au rendez-vous. Pourtant je suis bien passée par l’entrée principale, sans sonner parce que j’avais le pass, il est sans doute fatigué. Je hausse les épaules et soulève mon menton dans la direction du local où il se trouvait quelques instants plus tôt.
-Rassure-moi, les caméras c’est juste pour l’extérieur ?
Il se secoue la tête négativement.
-Hm… Nan. Y’en a aussi dans l’entrée et dans le séjour, puis sur la terrasse évidemment.
-Cool, t’as pu jeter un oeil sur Odile cette nuit alors.
Il grimace, feignant l’innocence.
-Euh… bah normal quoi.
-Ouais c’est ça.
Il montre mon sac en papier de doigt.
-C’est quoi c’truc ?
-J’ai acheté ça au vidéo-club. Je suis censée pouvoir le relier à un pc pour visionner la vidéo de Little Bro ou plutôt de… Jude Bergheim ?
-Donc c’est à cause de ça si elle est dans cet état ? Espérons que ça en valait la peine.
Trop mignon vraiment. Y aurait-il une pointe d’amertume envers moi ? Mais n’avais-je pas dit que c’était à moi qu’il fallait confier cette mission ? Je ne suis pas responsable d’absolument toutes les blessures causées à Costa.
-Bon, ‘vais réveiller Rude pour qu’il prenne la relève, j’en peux plus.
Nous reprenons tous les deux notre chemin. Je grimpe les marches de l’escalier deux par deux. Arrivée au sommet, je tourne mon regard vers ma chambre. Je croise alors ses yeux gris alors qu’il s’apprêtait à entrer dans la salle de bain.
-Bonjour, Monsieur.
-Bonjour, Arad.
Quelques secondes passent sans qu’aucun de nous deux ne se prononce d’aucune façon. Je reste bloquée à la sortie des escaliers. Je crois surprendre un début de sourire sur le coin de ses lèvres puis il disparait derrière la porte. Quelques secondes plus tard, j’entends l’eau couler.
Trêve de distraction, « Arad ». Il faut se mettre au travail rapidement. Je rentre dans ma chambre et attrape la mallette contenant un ordinateur portable estampillé Shinra, m’asseyant sur mon lit. Je relie alors le convertisseur et insère la cassette de Jude. Au bout de quelques secondes, un lecteur vidéo s’ouvre devant mes yeux.
C’est d’une qualité discutable mais on pouvait s’y attendre venant d’un support aussi obsolète. Il n’y a pas de son, juste des images. Des images de surveillance d’une bijouterie. Une silhouette féminine et encagoulée entre et braque une arme sur la vendeuse. Quelques minutes plus tard, elle quitte les lieux avec un sac rempli de bijoux de valeur.
Une autre vidéo présente le même scénario mais dans un supermarché.
Le troisième extrait est différent, pas de cagoule, juste des gens venant retirer de l’argent. Et au bout d’un moment, juste derrière un homme âgé retirant de l’argent, on peut apercevoir une femme en train de l’observer. Quand l’homme s’en va, la jeune femme simule une collision accidentelle. Il ne semble pas s’en être rendu compte mais je crois qu’elle a récupéré son porte-feuille. Elle s’approche alors et sort une carte du portefeuille qu’elle vient vraisemblablement de voler. Je peux la voir plus précisément. Des cheveux roux, bouclés et volumineux, un portrait qui confirme mes doutes. C’est une très jeune femme à l’époque, mais les images datent d’il y a quelques années déjà d’après les inscriptions en bas à gauche de l’écran.
Little Bro serait donc Jude Bergheim, une ancienne gangster. Qu’elle veuille récupérer ces images, je peux le comprendre mais… pourquoi est-ce que Pavani possédait cet extrait vidéo et qu’en faisait-il ?
Les images continuent, cette même jeune femme apparait au milieu d’une vidéo amateur. C’est une soirée arrosée, elle est peu habillée et entourée d’hommes en costume. Il y a d’autres femmes, visiblement dans le même état, dans la salle mais la caméra se braque pratiquement de façon exclusive sur Jude. Au bout de quelques cuts, on l’aperçoit en train d’aspirer une poudre blanche à l’aide de son nez. Puis elle se met à embrasser un homme juste à côté d’elle.
D’autres images ensuite dénotent d’une vie toute aussi dissolue, probablement en tant que prostituée auprès d’hommes riches et avides. Des images glauques dans des chambres d’hôtel dont une est vraisemblablement filmée au Marques.
La vidéo s’arrête. Je me laisse tomber en arrière sur le coussin. Quel lien relie Jude à Pavani ? Je sors immédiatement mon gummiphone et envoie un message à Little Bro.
Environ cinq minutes passent puis mon gummi vibre.
De: littlebro@freegummi.com
Oui bien sûr. Ce soir ?
De : alix-may@gummi.com
Même endroit ?
De: littlebro@freegummi.com
Non, trop risqué, il ne faut jamais prendre d’habitude, vous devenez prévisible. Sur la plage, là où il y a un ballon de couleur sur un mat. Ce soir, à 23 heures.
Quelques heures plus tard, je l’attends sur les lieux. Il fait pratiquement noir, seules les lumières des hôtels et des restaurant offrent quelque lumière, au loin.
-Merci d’être venue.
-Pas de souci, c’était le contrat.
-Comment ça s’est passé ?
Je reste silencieuse quelques instants.
-Pas facile. Il faudra vous attendre à ce qu’il suspecte que vous êtes impliquée dans cette histoire.
-Quoi ? Vous ne deviez pas mettre une autre vidéo à la place.
Je sens déjà venir les reproches, cela risque de m’agacer.
-Oui. Mais ça ne s’est pas passé aussi facilement que prévu.
Elle soupire.
-Bon, c’est pas grave. C’est toujours ça.
Elle me tend la main, je sors la cassette et lui tend.
-Vous l’avez regardée hein ?
Elle m’avait demandé de ne pas le faire mais elle ne semble pas particulièrement contrariée.
-Je ne suis pas fière de ce passé.
-Pavani vous fait chanter avec ces images ?
Elle tourne son regard vers le rivage, croisant ses bras autour de son corps comme si elle avait froid.
-Plus maintenant. Mais il l’a longtemps fait. Et c’est comme ça que j’en suis arrivée… là.
-Là ?
-A travailler pour lui. A faire tous ces trucs… enfin vous connaissez, des trucs dégoutants. Au départ j’étais juste une petite délinquante, il m’a promis son silence et une vie meilleure en échange de ma présence dans ses soirées…
Sa respiration et son rythme cardiaque accélèrent.
-Ah heureuse, je l’ai été, j’étais… défoncée en permanence.
-Comment vous en êtes vous sortie ?
-Un jour il a décidé que j’avais payé ma dette. Peut-être que j’étais périmée ou… trop abimée par toute cette merde. Mais bref. Il m’a rendu ma liberté. Je me suis retrouvée sans rien, avec une addiction que je ne savais pas entretenir. Et il a gardé la vidéo, pour s’assurer mon silence. Il me l’a fait visionner une fois avant de me virer comme une vieille chose.
-Mais ces images l’incriminent, comment aurait-il pu s’en servir ?
-Vous n’avez pas remarqué ? On ne le voit jamais sur ces images. Toutes ces apparitions dans les soirées ont été coupées. Toutes les soirées dans son appartement ont été évincées. Oui, il y a quelques vidéos au Marques mais ça ne prouve rien. Alors que… pour moi, ces images sont dégradantes, humiliantes. Et je n’ai aucune envie qu’elles soient révélées au monde entier. Pas après tout ce que j’ai fait depuis.
Je commence à comprendre ses motivations, pour m’être abaissée moi-même plus bas que terre à certains moments de ma vie.
-Je peux compter sur votre aide pour me rendre la pareille, donc ?
Elle émet un rire dans la nuit.
-Oui. Je peux compter sur votre discrétion ?
-Bien entendu, je n’ai aucun intérêt à vous nuire, pas à vous.
Oui, enfin, si à terme, j’ai reçu des ordres mais elle n’a pas besoin de le savoir.
-Je vous enverrai des mails avec tout ce que j’ai amassé comme informations contre lui. Réseau de prostitution en tout genre, drogue, blanchiment d’argent, et d’autres trucs pas mal choquants.
Nous nous quittons alors. Je fais un tour sur la plage, voulant m’assurer de ne pas être suivie et je reprends la direction de la maison.
-Ah, c’est toi. Préviens quand tu sors, je t’ai même pas vu sur les caméras.
Sympa, l’enthousiasme est au rendez-vous. Pourtant je suis bien passée par l’entrée principale, sans sonner parce que j’avais le pass, il est sans doute fatigué. Je hausse les épaules et soulève mon menton dans la direction du local où il se trouvait quelques instants plus tôt.
-Rassure-moi, les caméras c’est juste pour l’extérieur ?
Il se secoue la tête négativement.
-Hm… Nan. Y’en a aussi dans l’entrée et dans le séjour, puis sur la terrasse évidemment.
-Cool, t’as pu jeter un oeil sur Odile cette nuit alors.
Il grimace, feignant l’innocence.
-Euh… bah normal quoi.
-Ouais c’est ça.
Il montre mon sac en papier de doigt.
-C’est quoi c’truc ?
-J’ai acheté ça au vidéo-club. Je suis censée pouvoir le relier à un pc pour visionner la vidéo de Little Bro ou plutôt de… Jude Bergheim ?
-Donc c’est à cause de ça si elle est dans cet état ? Espérons que ça en valait la peine.
Trop mignon vraiment. Y aurait-il une pointe d’amertume envers moi ? Mais n’avais-je pas dit que c’était à moi qu’il fallait confier cette mission ? Je ne suis pas responsable d’absolument toutes les blessures causées à Costa.
-Bon, ‘vais réveiller Rude pour qu’il prenne la relève, j’en peux plus.
Nous reprenons tous les deux notre chemin. Je grimpe les marches de l’escalier deux par deux. Arrivée au sommet, je tourne mon regard vers ma chambre. Je croise alors ses yeux gris alors qu’il s’apprêtait à entrer dans la salle de bain.
-Bonjour, Monsieur.
-Bonjour, Arad.
Quelques secondes passent sans qu’aucun de nous deux ne se prononce d’aucune façon. Je reste bloquée à la sortie des escaliers. Je crois surprendre un début de sourire sur le coin de ses lèvres puis il disparait derrière la porte. Quelques secondes plus tard, j’entends l’eau couler.
Trêve de distraction, « Arad ». Il faut se mettre au travail rapidement. Je rentre dans ma chambre et attrape la mallette contenant un ordinateur portable estampillé Shinra, m’asseyant sur mon lit. Je relie alors le convertisseur et insère la cassette de Jude. Au bout de quelques secondes, un lecteur vidéo s’ouvre devant mes yeux.
C’est d’une qualité discutable mais on pouvait s’y attendre venant d’un support aussi obsolète. Il n’y a pas de son, juste des images. Des images de surveillance d’une bijouterie. Une silhouette féminine et encagoulée entre et braque une arme sur la vendeuse. Quelques minutes plus tard, elle quitte les lieux avec un sac rempli de bijoux de valeur.
Une autre vidéo présente le même scénario mais dans un supermarché.
Le troisième extrait est différent, pas de cagoule, juste des gens venant retirer de l’argent. Et au bout d’un moment, juste derrière un homme âgé retirant de l’argent, on peut apercevoir une femme en train de l’observer. Quand l’homme s’en va, la jeune femme simule une collision accidentelle. Il ne semble pas s’en être rendu compte mais je crois qu’elle a récupéré son porte-feuille. Elle s’approche alors et sort une carte du portefeuille qu’elle vient vraisemblablement de voler. Je peux la voir plus précisément. Des cheveux roux, bouclés et volumineux, un portrait qui confirme mes doutes. C’est une très jeune femme à l’époque, mais les images datent d’il y a quelques années déjà d’après les inscriptions en bas à gauche de l’écran.
Little Bro serait donc Jude Bergheim, une ancienne gangster. Qu’elle veuille récupérer ces images, je peux le comprendre mais… pourquoi est-ce que Pavani possédait cet extrait vidéo et qu’en faisait-il ?
Les images continuent, cette même jeune femme apparait au milieu d’une vidéo amateur. C’est une soirée arrosée, elle est peu habillée et entourée d’hommes en costume. Il y a d’autres femmes, visiblement dans le même état, dans la salle mais la caméra se braque pratiquement de façon exclusive sur Jude. Au bout de quelques cuts, on l’aperçoit en train d’aspirer une poudre blanche à l’aide de son nez. Puis elle se met à embrasser un homme juste à côté d’elle.
D’autres images ensuite dénotent d’une vie toute aussi dissolue, probablement en tant que prostituée auprès d’hommes riches et avides. Des images glauques dans des chambres d’hôtel dont une est vraisemblablement filmée au Marques.
La vidéo s’arrête. Je me laisse tomber en arrière sur le coussin. Quel lien relie Jude à Pavani ? Je sors immédiatement mon gummiphone et envoie un message à Little Bro.
Environ cinq minutes passent puis mon gummi vibre.
De: littlebro@freegummi.com
Oui bien sûr. Ce soir ?
De : alix-may@gummi.com
Même endroit ?
De: littlebro@freegummi.com
Non, trop risqué, il ne faut jamais prendre d’habitude, vous devenez prévisible. Sur la plage, là où il y a un ballon de couleur sur un mat. Ce soir, à 23 heures.
Quelques heures plus tard, je l’attends sur les lieux. Il fait pratiquement noir, seules les lumières des hôtels et des restaurant offrent quelque lumière, au loin.
-Merci d’être venue.
-Pas de souci, c’était le contrat.
-Comment ça s’est passé ?
Je reste silencieuse quelques instants.
-Pas facile. Il faudra vous attendre à ce qu’il suspecte que vous êtes impliquée dans cette histoire.
-Quoi ? Vous ne deviez pas mettre une autre vidéo à la place.
Je sens déjà venir les reproches, cela risque de m’agacer.
-Oui. Mais ça ne s’est pas passé aussi facilement que prévu.
Elle soupire.
-Bon, c’est pas grave. C’est toujours ça.
Elle me tend la main, je sors la cassette et lui tend.
-Vous l’avez regardée hein ?
Elle m’avait demandé de ne pas le faire mais elle ne semble pas particulièrement contrariée.
-Je ne suis pas fière de ce passé.
-Pavani vous fait chanter avec ces images ?
Elle tourne son regard vers le rivage, croisant ses bras autour de son corps comme si elle avait froid.
-Plus maintenant. Mais il l’a longtemps fait. Et c’est comme ça que j’en suis arrivée… là.
-Là ?
-A travailler pour lui. A faire tous ces trucs… enfin vous connaissez, des trucs dégoutants. Au départ j’étais juste une petite délinquante, il m’a promis son silence et une vie meilleure en échange de ma présence dans ses soirées…
Sa respiration et son rythme cardiaque accélèrent.
-Ah heureuse, je l’ai été, j’étais… défoncée en permanence.
-Comment vous en êtes vous sortie ?
-Un jour il a décidé que j’avais payé ma dette. Peut-être que j’étais périmée ou… trop abimée par toute cette merde. Mais bref. Il m’a rendu ma liberté. Je me suis retrouvée sans rien, avec une addiction que je ne savais pas entretenir. Et il a gardé la vidéo, pour s’assurer mon silence. Il me l’a fait visionner une fois avant de me virer comme une vieille chose.
-Mais ces images l’incriminent, comment aurait-il pu s’en servir ?
-Vous n’avez pas remarqué ? On ne le voit jamais sur ces images. Toutes ces apparitions dans les soirées ont été coupées. Toutes les soirées dans son appartement ont été évincées. Oui, il y a quelques vidéos au Marques mais ça ne prouve rien. Alors que… pour moi, ces images sont dégradantes, humiliantes. Et je n’ai aucune envie qu’elles soient révélées au monde entier. Pas après tout ce que j’ai fait depuis.
Je commence à comprendre ses motivations, pour m’être abaissée moi-même plus bas que terre à certains moments de ma vie.
-Je peux compter sur votre aide pour me rendre la pareille, donc ?
Elle émet un rire dans la nuit.
-Oui. Je peux compter sur votre discrétion ?
-Bien entendu, je n’ai aucun intérêt à vous nuire, pas à vous.
Oui, enfin, si à terme, j’ai reçu des ordres mais elle n’a pas besoin de le savoir.
-Je vous enverrai des mails avec tout ce que j’ai amassé comme informations contre lui. Réseau de prostitution en tout genre, drogue, blanchiment d’argent, et d’autres trucs pas mal choquants.
Nous nous quittons alors. Je fais un tour sur la plage, voulant m’assurer de ne pas être suivie et je reprends la direction de la maison.