La fête battait son plein, le brouhaha était permanent. On entendait les femmes rire exagérément, les verres s’entrechoquer. A tout moment, elles devaient déboucher une nouvelle bouteille pour que les coupes des convives ne restent pas vides longtemps. C’était souvent le mot d’ordre chez Pavani. Difficile de croire que la veille, une explosion avait eu lieu non loin de là. Les humains pouvaient se montrer… si inconstants, puis si indifférents également.
Odile finissait par se demander si elle allait pouvoir trouver un moment pour s’éclipser et causer cette fameuse coupure de courant. Elle jetait régulièrement des regards interrogateurs à Nina l’air de demander « bon, qu’est-ce qu’on fait ? On laisse tomber ? » Mais celle-ci répondait irrémédiablement par un signe de tête négatif.
-Bon, il parait que vous avez besoin d’aide.
Elle finit de verser minutieusement les ingrédients dans son shaker puis leva les yeux vers une voix assez familière. C’était Andy, un des hommes de main de Pavani.
-On est cinq alors… on s’est dit qu’un homme pour surveiller les caméras et un autre pour la fête, ce serait pas un souci. Puis, je peux quand même jeter un oeil pendant que je bosse ici.
Les deux soeurs échangèrent un regard, c’était à la fois pratique parce que ça signifiait qu’ils seraient moins pour monter la garde, mais préoccupant également. Quand Nina devrait s’approcher de Pavani pour lui dérober sa chaine, ils ne seraient pas loin.
-Qu’est-ce que tu sais faire ?
-Hein ?
Nina haussa les épaules avec la nonchalance qui la caractérisait.
-Est-ce que tu sais servir, faire des cocktails, ce genre de choses ?
-Je sais préparer quelques trucs, ouais.
-Parce que…
Elle inclina sa tête en direction de Pavani.
-Je crois que Monsieur préfère qu’on se charge du service. Mais si tu pouvais appeler un de tes copains en plus, et rester au bar, ce ne serait pas de refus.
Quoi ? Un de plus ? Odile ne put s’empêcher de marquer une mine surprise à la demande de sa soeur.
-On a peut-être pas besoin de…
-Si c’est bon.
Andy tapa sur le comptoir et sortit de la pièce.
-Qu’est-ce que tu fais, t’es folle ?
-Crois-moi, c’est préférable s’ils sont moins à surveiller ce qui se passe aux caméras.
-Explique-toi.
-Tu pourras les gérer si jamais ils ne sont que deux à débarquer devant toi. On ne sait jamais qu’ils y pensent tout de suite, à aller vérifier pourquoi la caméra ne fonctionne pas.
-Deux ? Mais ils seront trois non ?
-Tu ne l’as pas vu ?
Elle fit un signe de tête discret dans le coin de la pièce.
-Le chien monte la garde.
Effectivement, Merson, son garde du corps, se tenait discrètement de l’autre côté de la pièce, debout, l’épaule appuyée contre un mur, dans son costume austère. Il était toujours prêt à intervenir.
Ils revinrent alors à deux, Andy se mit derrière le bar et Herbz commença à aider les deux jeunes femmes au service.
Environ une demi-heure plus tard, Odile s’éclipsa dans l’arrière-cuisine, comme elle avait pris l’habitude de le faire durant le service pour ne pas alerter l’attention des agents. Juste avant cela, elle avait échangé un regard avec Nina, pour la prévenir de commencer son approche de Pavani.
Elle devait faire vite. Elle respira un grand coup, se concentra tout en visant une prise, et y envoya une assez grande décharge pendant une certaine durée. Au bout d’environ une seconde, les lumières se mirent à clignoter, après deux, tout s’éteignit. Elle entendit des cris, se retrouvant dans le noir.
Environ deux minutes passèrent ainsi, alors qu’elle attendait. Puis la porte s’ouvrit.
-Qui est-ce ?
-C’est moi.
Elle sentit la main de Nina venir déposer dans la sienne quelque chose de fin et métallique. Cette dernière ajouta dans un murmure.
-Tu as la cassette et la lampe de poche ?
-Oui.
Elle les avait laissés dans son sac à cet effet, discrètement dissimulé dans cette pièce.
-Dépêche-toi, ils ont déjà envoyé quelqu’un en bas pour rétablir la situation.
L’instant d’après, elle se trouvait dans le bureau de Pavani. Elle y alluma la lampe de poche essayant d’entendre si les deux hommes à côté semblaient se manifester. Rien, ou à peine un bruit de craquement. Non, le véritable raffut provenait plutôt de la fête où les gens semblaient s’amuser de la situation. Elle regarda la caméra de surveillance qu’elle grilla elle aussi d’une décharge, un peu moins forte cette fois.
Elle se dirigea aussi vite vers le coffre fort et l’ouvrit sans peine, se concentrant pour faire le moins de bruit possible. Elle trouva quelques papiers qu’elle photographia rapidement avec son gummiphone tout en tenant la lampe de poche dans sa bouche. Elle ne pouvait pas se permettre de les prendre, ça aurait forcément attiré l’attention. Et la lumière revint. Elle n’avait plus beaucoup de temps, elle attrapa la cassette. Elle ressemblait à peu près à celle qu’elles avaient trouvé dans le vieux vidéo-club de Costa. Il ne restait plus qu’à imiter l’écriture « Jude Bergheim ». S’appuyant sur le bureau, elle prit un marqueur noir et fit au plus vite pour imiter cette écriture. Puis elle rangea la bonne cassette dans son sac, et l’autre dans le coffre, qu’elle referma.
Elle s’apprêtait à invoquer le portail quand elle vit la porte s’ouvrir. Elle n’avait pas entendu la clé tourner, mais avec le bruit ambiant, était-ce vraiment étonnant. Prise de stupeur, dès qu’elle l’aperçut au travers de la porte entre-ouverte, elle l’immobilisa avec son esprit, l’empêchant tout à fait de parler. S’attendant à voir quelqu’un d’autre, elle fut surprise de découvrir que l’agent de sécurité était seul. Où était son collègue ? Ils devaient être deux. Peut-être encore dans la pièce de surveillance.
Elle fit apparaître un portail, mais pas pour la destination initiale. Non. Elle n’avait pas le choix, elle n’avait plus le choix. Il ne restait plus beaucoup de temps avant que d’autres débarquent. Il fallait tenter le tout pour le tout. L’homme semblait se battre, résister contre la pression qu’elle mettait sur lui, mais il ne parvenait pas à reprendre le contrôle de son propre corps. Elle l’obligea à se diriger dans le portail. Et ils disparurent dans la nuit.
Quelques minutes plus tard, elle réapparut dans l’arrière-cuisine, sous les yeux manifestement contrariés de Nina. Elle avait tout laissé en plan, y compris la porte ouverte. Mais avec la disparition de l’homme de main, le coup en douce n’était plus qu’un doux souvenir.
-Mais qu’est-ce que t’as foutu ? Pourquoi ça a pris autant de temps ?
-Je…
Elle en aurait pleuré si elle en avait été capable. C’était trop, beaucoup trop, même pour elle.
-Je..l’ai tué. J’ai dû le tuer.
Nina lui intima de baisser d’un ton d’un geste rapide et nerveux.
-Quoi ?
-Je suis blessée.
Elle montra à sa soeur le sang qui transperçait sa robe noire au niveau de ses côtes et qui commençait à goutter sur le sol. Nina regardait dans le vide. Comme si elle cherchait une échappatoire à tout cela, mais y en avait-il seulement une ?
-Bon. J’ai pris ton apparence dès que la lumière est revenue, puis j’ai repris la mienne. Ils ne peuvent pas savoir que tu n’étais pas là. Il faut que j’y retourne immédiatement, sous ta forme. Mais tu ne peux pas disparaître, il va falloir que tu tiennes bon. Ils vont se rendre compte qu’il a disparu et… Où est la clé ?
Odile lui tendit, la main tremblante, l’air hagard. Elle ne se sentait plus capable de tenir bien longtemps. Nina invoqua un sans-coeur auquel elle confia la clé et sembla lui parler quelques secondes.
-Il va s’en débarrasser. Il faut que j’y aille. Reste ici et cache-toi pour le moment. Ou plutôt non, essaie de soigner ta blessure, il faut que tu sois présentable dans quelques minutes.
Alors que le sans-coeur disparaissait en ayant pris son apparence, Odile se mit à fouiller l’arrière cuisine à la recherche d’une trousse médicale. Elle finit par en trouver une dans une petite armoire. Elle y saisit quelques bandages. Elle baissa sa robe jusqu’à son ventre et s’évertua à enrouler son torse de la façon la plus serrée pour que le sang reste bloqué à l’intérieur le plus longtemps possible. Elle avait bien essayé de se soigner mais elle n’avait jamais été douée pour ce genre de magie. Quand sa soeur réapparut, elle avait remis sa robe et épongé le sol, mais elle était livide.
-Il faut qu’on y aille ensemble maintenant, ils veulent nous voir toutes les deux, ils veulent voir Alix, et pas juste Elise.
Nina reprit sa forme originelle et murmura.
-Ils font semblant de rien auprès des invités, ils se sont rendus compte de sa disparition évidemment, et je crois qu’ils vont bientôt fouiller le bureau. Pavani vient de se rendre compte qu’il avait perdu sa clé. Je ne sais pas s’il a un double Je leur ai dit qu’on était restées ici. Et tout le monde peut témoigner qu’on ne s’est pas dirigées vers le couloir, en particulier Andy. Allez, viens.
-Ma…robe, elle est trouée.
-Cache-ça. On n’a plus le temps.
Elles sortirent de l’arrière-cuisine. Les invités étaient encore à la fête, elle les évita du regard et se focalisa sur leur objectif. Andy avait quitté son poste de barman. Il n’y avait plus que Herbz en train de servir à boire, et surveiller la situation sans doute.
Une fois dans le couloir, elles purent voir que la porte du bureau était ouverte. Il n’y avait personne. Elle interrogea du regard son sans-coeur.
-Ils sont là.
Nina ouvrit la porte de la salle où se trouvaient les moniteurs et elles entrèrent toutes les deux. Andy, Pavani, Merson —le garde du corps— et le dernier agent de sécurité se trouvaient là en train de discuter, l’air grave et suspicieux.
-Ah, Alix.
Il s’adressait à Nina, il avait déjà parlé à Elise puisque Nina venait tout juste de jouer cet autre rôle l’instant d’avant.
-Monsieur, on me dit que…
-Un de mes hommes a disparu Alix, et la porte de mon bureau était ouverte. Il venait tout juste de l’ouvrir. Mais le problème c’est que…
Merson l’interrompit, fixant Nina, ou plutôt la prétendue Alix, avec une certaine intensité.
-Le problème c’est qu’il n’y a aucune infraction au niveau de la porte d’entrée. Et la clé du coffre-fort de Monsieur Pavani a disparu.
-Je la portais toujours sur moi. Hm… N’allez pas croire que je vous accuse mais…
-Monsieur, ma soeur et moi, nous sommes restées dans la salle, et dans l’arrière-cuisine pendant tous ces événements.
-C’est vrai. Je peux en attester.
Andy avait pris la parole.
-Andy, tu ne sais pas ce qui s’est passé pendant que la lumière était fermée.
-En tout cas, au moment de la coupure, Alix m’a parlé à un moment, est entrée dans l’arrière cuisine, et elle parlé à Elise. Je les ai entendues discuter. Puis Elise est ressortie elle aussi, et peu de temps après l’électricité est revenue. Alors j’ai peine à croire que….
Pavani fit un signe de tête.
-Non, je ne prétends pas que l’une de vous est responsable de cela. D’ailleurs, sans vouloir vous vexer, j’ai peine à croire que vous en soyez capable. Mais je dois écarter des pistes. Même si la plus probable reste… La vengeance.
-Monsieur ?
Nina jouait les ingénues. Odile se sentait à peine capable de tenir encore sur ses jambes. Elle savait qu’il le fallait, qu’elle tienne bon mais…
-Rien, Alix, je… divaguais. Elise, vous ne vous sentez pas bien ? Vous êtes très pâle, ma p’tite.
Elle mit quelques instants à comprendre qu’on parlait d’elle.
-Euh, je…
-Je crois qu’elle est choquée par cette histoire de disparition Monsieur. Cela vous dérangerait-il si nous…?
-Pas du tout. En vérité, je propose que nous congédions les invités au plus vite. Merson, faites appeler quelqu’un pour forcer le coffre. Il faut que je voie si on m’a volé quelque chose. Ah et vérifiez bien que tous les invités étaient sur la liste. Il semble que nous ayons laissé entrer le loup dans la, bergerie.
Environ un quart d’heures plus tard, elles marchaient dans la rue, s’éloignant le plus rapidement possible de l’endroit. Odile était si faible, qu’elle devait pratiquement s’appuyer sur son sans-sans-coeur pour avancer.
-C’est bon. On est assez loin et personne ne nous a suivies. Je peux appeler un taxi.
Elles attendirent quelques secondes avant d’en voir passer un. Nina s’avança et fit un grand signe. La voiture s’arrêta aussitôt et elles grimpèrent dedans. Le voyage ne dura que quelques minutes mais sa tête lui semblait si lourde. Au bout d’un moment, elle perdit connaissance.
Quelques instants plus tard, elle se sentait transportée avec une facilité déconcertante, quelqu’un la portait dans ses bras.
-Putain, elle est pâle, merde. Où est-ce que je la mets ?
-Dans sa chambre, dépêche-toi, il faut qu’on regarde sa blessure.
Odile finissait par se demander si elle allait pouvoir trouver un moment pour s’éclipser et causer cette fameuse coupure de courant. Elle jetait régulièrement des regards interrogateurs à Nina l’air de demander « bon, qu’est-ce qu’on fait ? On laisse tomber ? » Mais celle-ci répondait irrémédiablement par un signe de tête négatif.
-Bon, il parait que vous avez besoin d’aide.
Elle finit de verser minutieusement les ingrédients dans son shaker puis leva les yeux vers une voix assez familière. C’était Andy, un des hommes de main de Pavani.
-On est cinq alors… on s’est dit qu’un homme pour surveiller les caméras et un autre pour la fête, ce serait pas un souci. Puis, je peux quand même jeter un oeil pendant que je bosse ici.
Les deux soeurs échangèrent un regard, c’était à la fois pratique parce que ça signifiait qu’ils seraient moins pour monter la garde, mais préoccupant également. Quand Nina devrait s’approcher de Pavani pour lui dérober sa chaine, ils ne seraient pas loin.
-Qu’est-ce que tu sais faire ?
-Hein ?
Nina haussa les épaules avec la nonchalance qui la caractérisait.
-Est-ce que tu sais servir, faire des cocktails, ce genre de choses ?
-Je sais préparer quelques trucs, ouais.
-Parce que…
Elle inclina sa tête en direction de Pavani.
-Je crois que Monsieur préfère qu’on se charge du service. Mais si tu pouvais appeler un de tes copains en plus, et rester au bar, ce ne serait pas de refus.
Quoi ? Un de plus ? Odile ne put s’empêcher de marquer une mine surprise à la demande de sa soeur.
-On a peut-être pas besoin de…
-Si c’est bon.
Andy tapa sur le comptoir et sortit de la pièce.
-Qu’est-ce que tu fais, t’es folle ?
-Crois-moi, c’est préférable s’ils sont moins à surveiller ce qui se passe aux caméras.
-Explique-toi.
-Tu pourras les gérer si jamais ils ne sont que deux à débarquer devant toi. On ne sait jamais qu’ils y pensent tout de suite, à aller vérifier pourquoi la caméra ne fonctionne pas.
-Deux ? Mais ils seront trois non ?
-Tu ne l’as pas vu ?
Elle fit un signe de tête discret dans le coin de la pièce.
-Le chien monte la garde.
Effectivement, Merson, son garde du corps, se tenait discrètement de l’autre côté de la pièce, debout, l’épaule appuyée contre un mur, dans son costume austère. Il était toujours prêt à intervenir.
Ils revinrent alors à deux, Andy se mit derrière le bar et Herbz commença à aider les deux jeunes femmes au service.
Environ une demi-heure plus tard, Odile s’éclipsa dans l’arrière-cuisine, comme elle avait pris l’habitude de le faire durant le service pour ne pas alerter l’attention des agents. Juste avant cela, elle avait échangé un regard avec Nina, pour la prévenir de commencer son approche de Pavani.
Elle devait faire vite. Elle respira un grand coup, se concentra tout en visant une prise, et y envoya une assez grande décharge pendant une certaine durée. Au bout d’environ une seconde, les lumières se mirent à clignoter, après deux, tout s’éteignit. Elle entendit des cris, se retrouvant dans le noir.
Environ deux minutes passèrent ainsi, alors qu’elle attendait. Puis la porte s’ouvrit.
-Qui est-ce ?
-C’est moi.
Elle sentit la main de Nina venir déposer dans la sienne quelque chose de fin et métallique. Cette dernière ajouta dans un murmure.
-Tu as la cassette et la lampe de poche ?
-Oui.
Elle les avait laissés dans son sac à cet effet, discrètement dissimulé dans cette pièce.
-Dépêche-toi, ils ont déjà envoyé quelqu’un en bas pour rétablir la situation.
L’instant d’après, elle se trouvait dans le bureau de Pavani. Elle y alluma la lampe de poche essayant d’entendre si les deux hommes à côté semblaient se manifester. Rien, ou à peine un bruit de craquement. Non, le véritable raffut provenait plutôt de la fête où les gens semblaient s’amuser de la situation. Elle regarda la caméra de surveillance qu’elle grilla elle aussi d’une décharge, un peu moins forte cette fois.
Elle se dirigea aussi vite vers le coffre fort et l’ouvrit sans peine, se concentrant pour faire le moins de bruit possible. Elle trouva quelques papiers qu’elle photographia rapidement avec son gummiphone tout en tenant la lampe de poche dans sa bouche. Elle ne pouvait pas se permettre de les prendre, ça aurait forcément attiré l’attention. Et la lumière revint. Elle n’avait plus beaucoup de temps, elle attrapa la cassette. Elle ressemblait à peu près à celle qu’elles avaient trouvé dans le vieux vidéo-club de Costa. Il ne restait plus qu’à imiter l’écriture « Jude Bergheim ». S’appuyant sur le bureau, elle prit un marqueur noir et fit au plus vite pour imiter cette écriture. Puis elle rangea la bonne cassette dans son sac, et l’autre dans le coffre, qu’elle referma.
Elle s’apprêtait à invoquer le portail quand elle vit la porte s’ouvrir. Elle n’avait pas entendu la clé tourner, mais avec le bruit ambiant, était-ce vraiment étonnant. Prise de stupeur, dès qu’elle l’aperçut au travers de la porte entre-ouverte, elle l’immobilisa avec son esprit, l’empêchant tout à fait de parler. S’attendant à voir quelqu’un d’autre, elle fut surprise de découvrir que l’agent de sécurité était seul. Où était son collègue ? Ils devaient être deux. Peut-être encore dans la pièce de surveillance.
Elle fit apparaître un portail, mais pas pour la destination initiale. Non. Elle n’avait pas le choix, elle n’avait plus le choix. Il ne restait plus beaucoup de temps avant que d’autres débarquent. Il fallait tenter le tout pour le tout. L’homme semblait se battre, résister contre la pression qu’elle mettait sur lui, mais il ne parvenait pas à reprendre le contrôle de son propre corps. Elle l’obligea à se diriger dans le portail. Et ils disparurent dans la nuit.
Quelques minutes plus tard, elle réapparut dans l’arrière-cuisine, sous les yeux manifestement contrariés de Nina. Elle avait tout laissé en plan, y compris la porte ouverte. Mais avec la disparition de l’homme de main, le coup en douce n’était plus qu’un doux souvenir.
-Mais qu’est-ce que t’as foutu ? Pourquoi ça a pris autant de temps ?
-Je…
Elle en aurait pleuré si elle en avait été capable. C’était trop, beaucoup trop, même pour elle.
-Je..l’ai tué. J’ai dû le tuer.
Nina lui intima de baisser d’un ton d’un geste rapide et nerveux.
-Quoi ?
-Je suis blessée.
Elle montra à sa soeur le sang qui transperçait sa robe noire au niveau de ses côtes et qui commençait à goutter sur le sol. Nina regardait dans le vide. Comme si elle cherchait une échappatoire à tout cela, mais y en avait-il seulement une ?
-Bon. J’ai pris ton apparence dès que la lumière est revenue, puis j’ai repris la mienne. Ils ne peuvent pas savoir que tu n’étais pas là. Il faut que j’y retourne immédiatement, sous ta forme. Mais tu ne peux pas disparaître, il va falloir que tu tiennes bon. Ils vont se rendre compte qu’il a disparu et… Où est la clé ?
Odile lui tendit, la main tremblante, l’air hagard. Elle ne se sentait plus capable de tenir bien longtemps. Nina invoqua un sans-coeur auquel elle confia la clé et sembla lui parler quelques secondes.
-Il va s’en débarrasser. Il faut que j’y aille. Reste ici et cache-toi pour le moment. Ou plutôt non, essaie de soigner ta blessure, il faut que tu sois présentable dans quelques minutes.
Alors que le sans-coeur disparaissait en ayant pris son apparence, Odile se mit à fouiller l’arrière cuisine à la recherche d’une trousse médicale. Elle finit par en trouver une dans une petite armoire. Elle y saisit quelques bandages. Elle baissa sa robe jusqu’à son ventre et s’évertua à enrouler son torse de la façon la plus serrée pour que le sang reste bloqué à l’intérieur le plus longtemps possible. Elle avait bien essayé de se soigner mais elle n’avait jamais été douée pour ce genre de magie. Quand sa soeur réapparut, elle avait remis sa robe et épongé le sol, mais elle était livide.
-Il faut qu’on y aille ensemble maintenant, ils veulent nous voir toutes les deux, ils veulent voir Alix, et pas juste Elise.
Nina reprit sa forme originelle et murmura.
-Ils font semblant de rien auprès des invités, ils se sont rendus compte de sa disparition évidemment, et je crois qu’ils vont bientôt fouiller le bureau. Pavani vient de se rendre compte qu’il avait perdu sa clé. Je ne sais pas s’il a un double Je leur ai dit qu’on était restées ici. Et tout le monde peut témoigner qu’on ne s’est pas dirigées vers le couloir, en particulier Andy. Allez, viens.
-Ma…robe, elle est trouée.
-Cache-ça. On n’a plus le temps.
Elles sortirent de l’arrière-cuisine. Les invités étaient encore à la fête, elle les évita du regard et se focalisa sur leur objectif. Andy avait quitté son poste de barman. Il n’y avait plus que Herbz en train de servir à boire, et surveiller la situation sans doute.
Une fois dans le couloir, elles purent voir que la porte du bureau était ouverte. Il n’y avait personne. Elle interrogea du regard son sans-coeur.
-Ils sont là.
Nina ouvrit la porte de la salle où se trouvaient les moniteurs et elles entrèrent toutes les deux. Andy, Pavani, Merson —le garde du corps— et le dernier agent de sécurité se trouvaient là en train de discuter, l’air grave et suspicieux.
-Ah, Alix.
Il s’adressait à Nina, il avait déjà parlé à Elise puisque Nina venait tout juste de jouer cet autre rôle l’instant d’avant.
-Monsieur, on me dit que…
-Un de mes hommes a disparu Alix, et la porte de mon bureau était ouverte. Il venait tout juste de l’ouvrir. Mais le problème c’est que…
Merson l’interrompit, fixant Nina, ou plutôt la prétendue Alix, avec une certaine intensité.
-Le problème c’est qu’il n’y a aucune infraction au niveau de la porte d’entrée. Et la clé du coffre-fort de Monsieur Pavani a disparu.
-Je la portais toujours sur moi. Hm… N’allez pas croire que je vous accuse mais…
-Monsieur, ma soeur et moi, nous sommes restées dans la salle, et dans l’arrière-cuisine pendant tous ces événements.
-C’est vrai. Je peux en attester.
Andy avait pris la parole.
-Andy, tu ne sais pas ce qui s’est passé pendant que la lumière était fermée.
-En tout cas, au moment de la coupure, Alix m’a parlé à un moment, est entrée dans l’arrière cuisine, et elle parlé à Elise. Je les ai entendues discuter. Puis Elise est ressortie elle aussi, et peu de temps après l’électricité est revenue. Alors j’ai peine à croire que….
Pavani fit un signe de tête.
-Non, je ne prétends pas que l’une de vous est responsable de cela. D’ailleurs, sans vouloir vous vexer, j’ai peine à croire que vous en soyez capable. Mais je dois écarter des pistes. Même si la plus probable reste… La vengeance.
-Monsieur ?
Nina jouait les ingénues. Odile se sentait à peine capable de tenir encore sur ses jambes. Elle savait qu’il le fallait, qu’elle tienne bon mais…
-Rien, Alix, je… divaguais. Elise, vous ne vous sentez pas bien ? Vous êtes très pâle, ma p’tite.
Elle mit quelques instants à comprendre qu’on parlait d’elle.
-Euh, je…
-Je crois qu’elle est choquée par cette histoire de disparition Monsieur. Cela vous dérangerait-il si nous…?
-Pas du tout. En vérité, je propose que nous congédions les invités au plus vite. Merson, faites appeler quelqu’un pour forcer le coffre. Il faut que je voie si on m’a volé quelque chose. Ah et vérifiez bien que tous les invités étaient sur la liste. Il semble que nous ayons laissé entrer le loup dans la, bergerie.
Environ un quart d’heures plus tard, elles marchaient dans la rue, s’éloignant le plus rapidement possible de l’endroit. Odile était si faible, qu’elle devait pratiquement s’appuyer sur son sans-sans-coeur pour avancer.
-C’est bon. On est assez loin et personne ne nous a suivies. Je peux appeler un taxi.
Elles attendirent quelques secondes avant d’en voir passer un. Nina s’avança et fit un grand signe. La voiture s’arrêta aussitôt et elles grimpèrent dedans. Le voyage ne dura que quelques minutes mais sa tête lui semblait si lourde. Au bout d’un moment, elle perdit connaissance.
Quelques instants plus tard, elle se sentait transportée avec une facilité déconcertante, quelqu’un la portait dans ses bras.
-Putain, elle est pâle, merde. Où est-ce que je la mets ?
-Dans sa chambre, dépêche-toi, il faut qu’on regarde sa blessure.
Dernière édition par Le Cygne le Mer 29 Mar 2023 - 19:12, édité 1 fois