Reno partait le matin même, après avoir veillé à ses côtés toute la nuit dans le salon, vérifiant l’état de Nina à tour de rôle. Ils avaient discuté de choses et d’autres, parlé de son expédition à Hill Valley, et des brigands qui capturaient des femmes dans des diligences ou dans des villages indiens pour les vendre ensuite au prix fort à des gens encore moins recommandables comme Abramo, Ils avaient aussi regardé les rediffusions en boucle de l’éclaireur, commenté l’actualité. Odile lui avait d’ailleurs demandé à une heure tardive, si ça ne l’avait pas trop contrarié d’avoir perdu par « obligation ». Il lui avait alors répondu que, peut-être un peu au début, son ego en avait été contrarié, pour se rendre compte au final qu’il n’aurait probablement pas gagné contre son patron, même s’il avait été fairplay. Le simili n’avait pas pu s’empêcher d’en être impressionnée. Il était difficile de se rendre compte de l’étendue des pouvoirs de cet homme, puisque la plupart du temps il évitait la mêlée, préférant logiquement laisser la besogne à ses hommes. Le Battle Royale avait évidemment changé la donne, mais il restait cette rumeur persistante « Il n’a gagné que grâce à ses hommes ». Et si la rumeur s’était trompée ? Elle commençait à… mieux comprendre l’attention que le sans-coeur lui vouait.
A l’aube, Nina avait commencé à se sentir un peu mieux, elle gémissait moins régulièrement, la fièvre était un peu retombée, et les traces violettes autour de la plaie s’en étaient allées. Ce n’était pas fini pour autant mais cela signifiait probablement que la malade était en passe de vaincre le mal qui la rongeait.
Reno avait des obligations à remplir en ce jour, il s’était excusé. Odile l’avait remerciée chaleureusement.
- Laisse-moi une clé, je viendrai quand même ce soir pour vérifier que tout va bien, si j’ai le temps. J’veux dire, pendant que tu seras à ton service. Enfin… sauf si elle va beaucoup mieux d’ici là et qu’elle peut aller bosser !
-J’ai de sérieux doutes là-dessus mais… tu ferais ça ?
Elle fit une moue inquiète, l’idée d’arriver ce soir sans Nina ne la rassurait à vrai dire pas du tout, mais cela semblait l’hypothèse la plus probable désormais. Il secoua son épaule en guise de réconfort et d’encouragement.
-T’inquiète pas, ça va aller ! Puis si jamais ça va pas, bah t’appelles.
-Je… je ne pense pas que tu serais autorisé à débarquer et mettre la mission en péril pour me sauver. Je doute qu’il soit d’accord.
-Bah ! Va savoir !
C’est vrai, que se passait-il dans la tête de Rufus Shinra lorsqu’il devait prendre une décision de ce type ? Elle aurait bien aimé le savoir.
Il était donc parti et le reste de la journée s’était déroulé assez sereinement, elle avait enfin réussi à dormir quelques heures de suite. En fin d’après-midi, elle s’était préparée pour son service, avait vérifié la chambre et son sans-coeur, une dernière fois, puis s’en était allée.
Une boule était née dans sa gorge alors qu’elle glissait le pass dans la porte de l’appartement de Pavani. Comme l’autre fois, elle était entrée, avait salué les hommes de main, puis était entrée dans le salon, prête à préparer la soirée. Alors, quelle ne fût pas sa surprise quand elle découvrit le maître des lieux installés dans son canapé. A cette heure-ci, il n’était pas là habituellement à ce qu’on lui avait dit.
-Bonsoir Monsieur.
Il n’avait pas prêté attention à son arrivée dans un premier temps, il semblait préoccupé, fixant un élément du décors insignifiant.
-Oh. Elise. Oui, bonsoir.
-Désirez-vous quelque chose à boire ?
Elle espérait pouvoir gagner sa clémence en l’alcoolisant légèrement mais il se concentra subitement sur la jeune femme, l’ai surpris.
-Votre soeur. Elle n’est pas là ?
Ah. Elle se tordit les doigts dans le dos.
-Oui… Je suis vraiment désolée mais, elle est indisposée.
-Indisposée ?
-Malade ? Si vous préférez.
Il soupira, manifestement contrarié.
-Rassurez-moi, Mademoiselle.
C’était la première fois qu’il l’appelait autrement que par son prénom d’emprunt.
-Savez-vous que c’est une chance que je vous offre ici, à votre soeur et à vous de travailler ici ?
-Oui, oui bien sûr monsieur. Je vous assure qu’elle n’est pas malade habituellement… C’est vraiment… la faute à pas d’…
-Oui oui. Mais qu’importe. Il est important pour moi de vérifier les limites de votre motivation. Si vous n’êtes pas capables d’assumer vos fonctions, je…
-Monsieur, je vous assure que cela ne se reproduira pas.
Elle avait en réalité horreur de se plier ainsi aux petites exigences tyranniques et ridicules d’un homme aussi repoussant en tout. Mais elle savait que si Nina se réveillait, découvrant qu’elle n’avait pas réussi à garder leurs places, cela se retournerait contre elle. Très injustement, mais oui.
-Bon, bon…
Il balaya le vent de sa main comme pour l’inviter à disposer. Elle se dirigea vers l’arrière cuisine pour récupérer les mange-debout mais fut arrêtée en chemin.
-A dire vrai, ce n’est pas bien grave. Dans votre malheur, vous avez eu de la chance.
-Monsieur ?
-Il est inutile de mettre les mange-debout, nous ne serons que trois ce soir. Moi et deux amis. Monsieur Trotta et un politicien, un certain… hm… Monsieur Jill.
-Très bien, monsieur.
-J’ai fait demander aux cuisines de nous faire monter de quoi manger ce soir, vous n’aurez qu’à faire le service.
En disant cela, il semblait toujours irrité. Peut-être était-ce en rapport avec la visite de ce Monsieur Trotta. Elle se souvenait fatalement de ce nom. Selon Nina, c’était lui qui était supposé faire légaliser la construction du Bloody Key. Il y avait fort à parier que la soirée serait instructive. Elle devait faire d’autant plus attention de ne pas sembler suspecte, tout en tendant l’oreille.
Quelques heures plus tard, elle servait l’apéritif aux trois hommes. A les observer, elle comprenait que Monsieur Jill connaissait très bien Trotta, mais moins Pavani qui, visiblement, l’impressionnait en dépit de son statut d’élu local. A se demander qui, dans ce monde, n’était pas effrayé par le propriétaire du Marques.
Les discussions au départ étaient plutôt triviales et superficielles. Pavani s’enquit des nouvelles de la famille de Trotta et demanda à en savoir plus sur celle de Jill, qualifiant le concept de famille d’élément primordial à une vie saine. Quel cliché de la part d’un homme avec aussi peu de vertu.
Puis, un peu plus tard, les discours se musclèrent soudainement. Ils n’en étaient pas encore au cri mais, les deux partis semblaient irrités. Elle en profita pour resservir les hommes en vin à table, tout en prenant bien son temps pour chaque geste. Élégante et totalement… inefficace.
-Trotta, tu m’avais garanti que c’était dans la poche ce permis… Oui, j’ai pris de l’avance sur les travaux mais…
-De l’avance, Pav’ ? Sois sérieux, je me suis rendu à l’adresse, c’est presque fini ! Allez, il manque quoi ? Les palmiers plantés dans l’allée et on est bon ?
-Il ne faut pas lui en vouloir, il est juste…
-Ecoute, ce n’est pas ma faute si tu n’es pas foutu de remplir ta part du marché. Tu connais les termes de notre accord, la compensation que je te donne sur l’affaire si tu fais ton boulot, mais dans le cas contraire…
-Mais je fais mon possible bon sang ! Je ne peux pas non plus avancer le conseil communal. J’ai du pouvoir mais pas à ce point.
-Il n’a pas tort, Mons…
-Et qu’est-ce qu’ils ont dit à propos du projet la dernière fois ?
-Qu’étant donné la taille du bâtiment, il leur fallait un délai de réflexion. Ils disaient prendre compte également du nombre d’emplois que l’Asmodee générerait.
L’Asmodée ? Elle n’avait jamais entendu ce terme jusque là, pourtant il semblait évident quelques instants plus tôt qu’ils parlaient du Bloody. Trotta, le permis de construire, tout concordait. Et si… l’Asmodée était le nom officiel du Bloody Key, un nom plus passe-partout et destiné à cacher les véritables activités du club.
A voir son attitude, Jill semblait en savoir assez peu, il n’était peut-être qu’un pantin manipulé par Trotta pour arriver à leurs fins.
-Mais j’admets fort bien avoir été assez impressionné par la taille du lieu, ça a l’air assez phénoménal… Quel genre de club est-ce d’ailleurs ?
Pavani trempa ses lèvres dans son verre, manifestement à bout de nerfs.
-Du genre très privé.
-C’est à dire ?
-Eh bien, on y accède que sur invitation.
-Oh, voilà qui est très excitant. Comment fait-on pour avoir une invitation ?
Trotta sembla s’étouffer avec un bout de viande tandis qu’elle se retirait pour gagner la cuisine.
-Ce… n’est pas ton style, Jill.
-Ah bon, comment le sais-tu ?
-C’est vrai ça, Trotta, comment le sais-tu ?
Trotta déposa son verre à table, assez brusquement. Ce qui fit sursauter le plus innocent des trois.
-Pav, tu n’es pas sérieux ?
L’intéressé ricana.
-Non, bien sûr que non.
A l’aube, Nina avait commencé à se sentir un peu mieux, elle gémissait moins régulièrement, la fièvre était un peu retombée, et les traces violettes autour de la plaie s’en étaient allées. Ce n’était pas fini pour autant mais cela signifiait probablement que la malade était en passe de vaincre le mal qui la rongeait.
Reno avait des obligations à remplir en ce jour, il s’était excusé. Odile l’avait remerciée chaleureusement.
- Laisse-moi une clé, je viendrai quand même ce soir pour vérifier que tout va bien, si j’ai le temps. J’veux dire, pendant que tu seras à ton service. Enfin… sauf si elle va beaucoup mieux d’ici là et qu’elle peut aller bosser !
-J’ai de sérieux doutes là-dessus mais… tu ferais ça ?
Elle fit une moue inquiète, l’idée d’arriver ce soir sans Nina ne la rassurait à vrai dire pas du tout, mais cela semblait l’hypothèse la plus probable désormais. Il secoua son épaule en guise de réconfort et d’encouragement.
-T’inquiète pas, ça va aller ! Puis si jamais ça va pas, bah t’appelles.
-Je… je ne pense pas que tu serais autorisé à débarquer et mettre la mission en péril pour me sauver. Je doute qu’il soit d’accord.
-Bah ! Va savoir !
C’est vrai, que se passait-il dans la tête de Rufus Shinra lorsqu’il devait prendre une décision de ce type ? Elle aurait bien aimé le savoir.
Il était donc parti et le reste de la journée s’était déroulé assez sereinement, elle avait enfin réussi à dormir quelques heures de suite. En fin d’après-midi, elle s’était préparée pour son service, avait vérifié la chambre et son sans-coeur, une dernière fois, puis s’en était allée.
Une boule était née dans sa gorge alors qu’elle glissait le pass dans la porte de l’appartement de Pavani. Comme l’autre fois, elle était entrée, avait salué les hommes de main, puis était entrée dans le salon, prête à préparer la soirée. Alors, quelle ne fût pas sa surprise quand elle découvrit le maître des lieux installés dans son canapé. A cette heure-ci, il n’était pas là habituellement à ce qu’on lui avait dit.
-Bonsoir Monsieur.
Il n’avait pas prêté attention à son arrivée dans un premier temps, il semblait préoccupé, fixant un élément du décors insignifiant.
-Oh. Elise. Oui, bonsoir.
-Désirez-vous quelque chose à boire ?
Elle espérait pouvoir gagner sa clémence en l’alcoolisant légèrement mais il se concentra subitement sur la jeune femme, l’ai surpris.
-Votre soeur. Elle n’est pas là ?
Ah. Elle se tordit les doigts dans le dos.
-Oui… Je suis vraiment désolée mais, elle est indisposée.
-Indisposée ?
-Malade ? Si vous préférez.
Il soupira, manifestement contrarié.
-Rassurez-moi, Mademoiselle.
C’était la première fois qu’il l’appelait autrement que par son prénom d’emprunt.
-Savez-vous que c’est une chance que je vous offre ici, à votre soeur et à vous de travailler ici ?
-Oui, oui bien sûr monsieur. Je vous assure qu’elle n’est pas malade habituellement… C’est vraiment… la faute à pas d’…
-Oui oui. Mais qu’importe. Il est important pour moi de vérifier les limites de votre motivation. Si vous n’êtes pas capables d’assumer vos fonctions, je…
-Monsieur, je vous assure que cela ne se reproduira pas.
Elle avait en réalité horreur de se plier ainsi aux petites exigences tyranniques et ridicules d’un homme aussi repoussant en tout. Mais elle savait que si Nina se réveillait, découvrant qu’elle n’avait pas réussi à garder leurs places, cela se retournerait contre elle. Très injustement, mais oui.
-Bon, bon…
Il balaya le vent de sa main comme pour l’inviter à disposer. Elle se dirigea vers l’arrière cuisine pour récupérer les mange-debout mais fut arrêtée en chemin.
-A dire vrai, ce n’est pas bien grave. Dans votre malheur, vous avez eu de la chance.
-Monsieur ?
-Il est inutile de mettre les mange-debout, nous ne serons que trois ce soir. Moi et deux amis. Monsieur Trotta et un politicien, un certain… hm… Monsieur Jill.
-Très bien, monsieur.
-J’ai fait demander aux cuisines de nous faire monter de quoi manger ce soir, vous n’aurez qu’à faire le service.
En disant cela, il semblait toujours irrité. Peut-être était-ce en rapport avec la visite de ce Monsieur Trotta. Elle se souvenait fatalement de ce nom. Selon Nina, c’était lui qui était supposé faire légaliser la construction du Bloody Key. Il y avait fort à parier que la soirée serait instructive. Elle devait faire d’autant plus attention de ne pas sembler suspecte, tout en tendant l’oreille.
Quelques heures plus tard, elle servait l’apéritif aux trois hommes. A les observer, elle comprenait que Monsieur Jill connaissait très bien Trotta, mais moins Pavani qui, visiblement, l’impressionnait en dépit de son statut d’élu local. A se demander qui, dans ce monde, n’était pas effrayé par le propriétaire du Marques.
Les discussions au départ étaient plutôt triviales et superficielles. Pavani s’enquit des nouvelles de la famille de Trotta et demanda à en savoir plus sur celle de Jill, qualifiant le concept de famille d’élément primordial à une vie saine. Quel cliché de la part d’un homme avec aussi peu de vertu.
Puis, un peu plus tard, les discours se musclèrent soudainement. Ils n’en étaient pas encore au cri mais, les deux partis semblaient irrités. Elle en profita pour resservir les hommes en vin à table, tout en prenant bien son temps pour chaque geste. Élégante et totalement… inefficace.
-Trotta, tu m’avais garanti que c’était dans la poche ce permis… Oui, j’ai pris de l’avance sur les travaux mais…
-De l’avance, Pav’ ? Sois sérieux, je me suis rendu à l’adresse, c’est presque fini ! Allez, il manque quoi ? Les palmiers plantés dans l’allée et on est bon ?
-Il ne faut pas lui en vouloir, il est juste…
-Ecoute, ce n’est pas ma faute si tu n’es pas foutu de remplir ta part du marché. Tu connais les termes de notre accord, la compensation que je te donne sur l’affaire si tu fais ton boulot, mais dans le cas contraire…
-Mais je fais mon possible bon sang ! Je ne peux pas non plus avancer le conseil communal. J’ai du pouvoir mais pas à ce point.
-Il n’a pas tort, Mons…
-Et qu’est-ce qu’ils ont dit à propos du projet la dernière fois ?
-Qu’étant donné la taille du bâtiment, il leur fallait un délai de réflexion. Ils disaient prendre compte également du nombre d’emplois que l’Asmodee générerait.
L’Asmodée ? Elle n’avait jamais entendu ce terme jusque là, pourtant il semblait évident quelques instants plus tôt qu’ils parlaient du Bloody. Trotta, le permis de construire, tout concordait. Et si… l’Asmodée était le nom officiel du Bloody Key, un nom plus passe-partout et destiné à cacher les véritables activités du club.
A voir son attitude, Jill semblait en savoir assez peu, il n’était peut-être qu’un pantin manipulé par Trotta pour arriver à leurs fins.
-Mais j’admets fort bien avoir été assez impressionné par la taille du lieu, ça a l’air assez phénoménal… Quel genre de club est-ce d’ailleurs ?
Pavani trempa ses lèvres dans son verre, manifestement à bout de nerfs.
-Du genre très privé.
-C’est à dire ?
-Eh bien, on y accède que sur invitation.
-Oh, voilà qui est très excitant. Comment fait-on pour avoir une invitation ?
Trotta sembla s’étouffer avec un bout de viande tandis qu’elle se retirait pour gagner la cuisine.
-Ce… n’est pas ton style, Jill.
-Ah bon, comment le sais-tu ?
-C’est vrai ça, Trotta, comment le sais-tu ?
Trotta déposa son verre à table, assez brusquement. Ce qui fit sursauter le plus innocent des trois.
-Pav, tu n’es pas sérieux ?
L’intéressé ricana.
-Non, bien sûr que non.