Force était de constater que le travail que m’avait confié Rufus était loin d’être le plus simple. J’aurais sans doute préféré être affecté aux recherches sur Blake, malheureusement, j’étais le seul capable de mener cette mission à bien. Reno et Rude étaient des agents compétents mais ils n’auraient su gérer Withred correctement. Sans aller jusqu’à dire qu’il était incontrôlable, s’il lui ressemblait physiquement, il était loin d’avoir ses manières.
J’avais appelé le vaisseau-mère immédiatement après être sorti de la maison louée par la compagnie. J’avais demandé à ce qu’on le prépare et à ce qu’il soit envoyé à Costa del Sol dans les plus brefs délais et j’étais maintenant là, à la sortie de la station à l’attendre dans une voiture louée elle aussi par la compagnie. Lorsque je l’aperçus, il semblait étonnamment prendre son rôle au sérieux. J’ouvris la fenêtre et passais ma main à l’extérieur pour lui faire signe. Il me répondit avant de… continuer sa route en direction du centre-ville ?
Je sortis de la voiture et marchais rapidement dans sa direction avant de le prendre par le bras. Il sursauta et se retourna immédiatement.
Oh, Veld ! C’était toi dans la voiture ?
Tu… je soupirais. La journée et celles qui allaient suivre allaient paraître bien longues. Monte dans la voiture, et pose pas de questions.
Il souffla avant de changer de cap et d’ouvrir la marche en direction de la voiture. Le président allait passer pour un imbécile, j’allais devoir constamment garder un oeil sur lui. Arrivé au niveau de la voiture, il jeta son attaché-case sur la banquette arrière, par la fenêtre avant de sauter et prendre la même route que la mallette. Mes yeux s’écarquillèrent. Trente secondes avaient passé et j’étais déjà prêt à perdre contenance. Il était plus efficace qu’un homme de Pavani.
J’ouvris la portière brusquement avant de m’asseoir à mon tour. Le chauffeur nous demanda où nous allions, avant de prendre la route pour l’hôtel où se trouvait la suite présidentielle. Ce fut Withred qui lui répondit, un air faussement noble, à la limite de la caricature. Je lui donnais un coup de coude dans les cotes avec de froncer les sourcils.
Le trajet fut ponctué de plusieurs remarques de sa part, l’on aurait dit qu’il essayait de saboter l’image du président. Cependant, ce n’était pas entièrement sa faute. Withred ne connaissait du président que ce qu’il en avait entendu, Rufus ayant toujours refusé de lui accorder ne serait-ce qu’une après-midi. Son ignorance, combinée à sa propension à faire d’énormes gaffes en faisait un cocktail… intéressant.
Dieu merci, nous finîmes par arriver à la suite. Nous passâmes par la réception, de laquelle je détournais Withred, sûrement prêt à aller tester la popularité de notre boss auprès de l’hôtesse, et nous rejoignîmes la suite. Je le laissais passer et refermais la porte derrière lui.
Wow il se met bien Rufus, quand même.
Tu… Je… Withred !
Au moins, il écoutait lorsque l’on haussait le ton.
C’était quoi ce saut dans la voiture ? Tu… Tu crois vraiment que le président aurait fait ça ?
Mais… les points de style t’en fais quoi ? On m’a dit « Rufus est stylé », alors je fais des trucs stylés.
Je soupirais. Assieds-toi.
Oui, Veld… servez moi un verre de whiskey.
Tu te fous de moi ?
Bah Rufus boit tout le temps du whiskey non ?
Ecoute… Je finis par m’asseoir en face de lui. Je sais que ce qu’on te demande n’est pas facile, que tu n’as pas moyen de… d’exprimer ton art, hein. Mais il va falloir que tu fasses un effort. Je te rappelle qu’on te paye pas pour salir l’image du président.
Ouais… Faut que je fasse quoi ?
Tu restes poli, en toutes circonstances. Tu rembarres personne, surtout. Vous avez pas le même vocabulaire, ne t’engages pas sur un terrain que tu maîtrises pas.
Sympa ça ! Je peux prendre des airs prout-prout comme lui, hein.
Qui… Qui t’as dit qu’il était « prout-prout » ?
Euh…
Tu sais quoi, je veux pas savoir. Il n’est pas « prout-prout », il est … classe. Mais pas comme toi tu l’entends. C’était quoi cet accent snob dans la voiture, ça aussi c’était du « prout-prout » ?
Je passais la main sur mon visage. Il y avait vraiment très peu de chances pour que ça marche. Il faudrait qu’il se taise, qu’il agisse au moins normalement et…
Je vais au moins t’expliquer la situation, sinon tu vas faire n’importe quoi. Quelqu’un ici s’en est pris directement au président. Le problème c’est qu’il a des moyens et qu’il essaie de nous faire descendre. Tu vois… où je veux en venir ?
Ouais. Donc… je dois faire semblant d’être lui pour attirer l’attention ?
Voilà. Enfin… attirer l’attention, non. On doit simplement croire au fait que tu es lui. Ce... qui est ce pourquoi nous t'avons engagé.
D’accord mais… si ce mec s’en est pris au président, c’est pas votre boulot d’aller le descendre ?
Si, mais c’est pas aussi simple.
Il se leva d’un coup pour mimer la scène qu’il allait me décrire.
Vous appelez le SOLDAT alors. Vous encerclez sa baraque, vous ramenez les vaisseaux, et vous lui explosez la tronche. Franchement, ça prend une aprem à tout casser.
Oui… tu vas nous laisser gérer cette partie là. Toi tu te contentes de te balader en ville avec moi. T’essaies de coller au maximum au personnage, t’auras ta paye avec peut-être même un supplément et tout le monde sera content ? Tu… crois que tu peux faire ça ?
C’est dans mes cordes, dit-il fièrement, ce qui était loin de me convaincre. De toutes façons il faudrait faire avec. J’allais pour ouvrir une fenêtre lorsque l’on frappa à la porte. Withred se leva, je fis quelques pas rapides pour le rattraper avant qu’il n’ouvre la porte.
T’as commandé quelque chose ?
Non, pourquoi ?
Tu vas dans la chambre, et tu t’enfermes. Pose pas de questions.
Il était quatorze heures vingt. Le service de chambre passe rarement à cette heure là. Je jetai un regard tout autour de moi. Le ménage avait été fait, le bar avait été réapprovisionné. C’était louche. Je m’approchais de mes affaires et en sortis un simple pistolet au bout duquel je vissai un suppresseur. Je finis par ouvrir la porte.
Bonjour ! Service de chambre !
Un homme en tenue de travail se trouvait devant moi, un chariot à côté de lui. Il alla pour le pousser à l’intérieur de la chambre et se retrouva au niveau des canapés.
Ce doit être une erreur, nous n’avons rien commandé, dis-je tentant de décrypter le moindre de ses faits et gestes.
Il posa deux assiettes sur la table basse, puis deux verres et une bouteille d’eau.
Non je sais, c’est de la part d’un autre client, l’on m’a demandé de vous…
Il leva la cloche recouvrant le plat avant de se saisir de l’arme dissimulée à l’intérieur.
…transmettre les salutations de Pavani !
Il tira dans ma direction, je plongeai directement sur le côté pour éviter les tirs. J’entendis une porte s’ouvrir dans le couloir et plusieurs pas désordonnés accourir dans notre direction. Je me relevai et me saisis de mon arme avant de viser et de tirer dans la tête du soi disant personnel de chambre. Il s’écroula sur le coup tandis que les autres arrivaient enfin dans la pièce.
Je fus saisis à la gorge avant d’être plaqué contre le mur. Ce gars avait de la force ! Je vins me saisir de ses mains pour me défaire de son entreprise mais rien n’y fit.
Il est où, Shinra ?
J’imitai le fait de ne pas pouvoir parler avec sa poigne autour de ma gorge. Il ricana avant de me frapper deux fois dans le ventre. Il me laissa tomber au sol avant de me pointer avec son arme. Je toussais, à cause du choc, avant de reporter mon regard sur lui. Il tourna la tête sur le côté pour voir la porte de la chambre fermée à clé. J’en profitais pour me relever et me saisir du bout de sa matraque que je lui arrachais des mains. Je le frappais dans les genoux, sur lesquels il tomba, avant de le frapper d’un coup horizontal au visage.
Finalement, je me débarrassais des deux autres avant qu’ils n’atteignent la porte. Le premier d’un coup dans la gorge, le second de plusieurs coups répétés sur son crâne. Je passais la tête dans le couloir sortant de la suite puis je la traversais pour aller voir du côté du parking, par la fenêtre. Une voiture noire semblait attendre de récupérer les hommes dont je venais de me débarrasser.
Inconscients, j’allai chercher des linges pour les mettre en dessous de leur têtes au moment où je leur tirerai dans le crâne. De cette manière, le sang ne se serait pas répandu sur le sol. Je finis par frapper à la porte de la chambre, prévenant Withred que le danger était écarté. Il m’ouvrit, les bras tremblants.
C’était quoi ça ?
La raison pour laquelle je te demande de te tenir à carreaux. Tu t’es bien débrouillé, fais moi confiance.
Je sortis le gummiphone de ma poche pour prévenir Rufus. Voilà pourquoi le rendez-vous d’Arad avait été décalé à ce soir.