« T'as froid aux mains ? »

Le Garde Noir ne comprend pas et me regarde, un peu bêtement, le regard fuyant. Pour ma part, l'air mécontentant, je le fixe. Une seconde. Deux secondes. Il s'agite enfin à sortir les mains de ses poches. Le coin supérieur de mes lèvres se lève pour afficher un air mécontent et sans un bruit, je reprends ma marche. Le long du boulevard, la vie suit son cours à la Citée du Crépuscule. Le soleil brille dans le ciel qu'il inonde de sa lumière violacée, aux teintes mouvantes, on croit alors vivre en-dessous des abysses. Les lampadaires sont nos seules sources de lumières, jaunes pareils à des yeux de sans-cœurs. Les ruelles restent plongés dans un noir profond, l'on y distingue à peine les poubelles.
Les gens vaquent à leurs occupations. On me regarde, on me remarque mais très vite, on détourne les yeux. Ca va.

J'observe tout à chacun sur ma route. De ce fragment silhouette caché dérrière ses volets jusqu'aux citoyens qui vont et viennent. Personne ne court, c'est mieux ainsi. Je n'aime pas trop quand les gens courent... ça m'oblige à me demander pourquoi ils courent. Est-ce qu'ils ont volés quelque chose ? Vu un sans-cœur ? Pourquoi ils fuient ? Ils sont en retards, peut-être... peut-être pas. Tel un chien en laisse, je peine à me résoudre à repartir. Sérieusement, la Ville d'Halloween m'aura servi de leçon. Je pars et à peine un jour après, le monde entier se retrouve plongé au coeur d'une bataille royale par la faute d'un lego. A l'occasion, deux trouble-fêtes de mon groupe en profite pour se sentir pousser des ailes, vont jusqu'à défier notre Boss.
Et cette vieille carcasse de Death, ombre de lui-même, n'est même pas capable de les remettre à leurs places.

Nazik a eu sa leçon, c'est autour de Kuro. Et je pourrais, bouillonnant de rage, hurler en courant à sa recherche. Froid et, du mieux que je peux, discipliné, ma routine se poursuit en attendant de le croiser. Je dois prendre soin de ma ville. Ma ville, oui, ca fait longtemps que le Faucheur ne s'en préoccupe plus et m'en laisse la corvée. Pourquoi pas. Tout est calme, partout où je vais. Personne ne parle ou à voix basse mais même en murmure, les habitants se taisent quand je les regarde. Et j'observe, deux gardes noirs à ma suite.
Rufus Shinra a remporté la Bataille Royale et même durant celle-ci, il a conservé des gens à ses ordres.

Quelle indignité, personne n'a eu la moindre autorité à la Coalition Noire. Ni Death, ni moi. Parce que je n'étais pas là. La Citée du Crépuscule ne m'échappera pas, je m'y ballade, j'y suis chez moi.

« Tu saignes ? » Le pauvre homme se fige sur place comme gelé, ne sait que me répondre.

J'avance, vif, pour se saisir son menton et forcer son profil à me faire face pour que j'inspecte ceci d'un air inquisiteur. Une longue mais fine balafre marque son visage en biais. Sans me pencher, je force son visage à se rapprocher un peu plus du miens au point qu'il se retrouve sur la pointe des pieds. La plaie me parait bien trop fine. Soit quelqu'un l'a immobilisé pour faire ça proprement, soit c'est l'oeuvre d'un expert de l'arme blanche.
Qu'est-ce que j'en sais, finalement ? Agacé de ne pas savoir, mon ton s'en ressent.

« Qui t'as fait ça ? » Sinon la certitude que c'est une blessure trop droite pour être accidentel, je n'en sais rien.

« C'est mon proprio qui m'a fait ça... »

Mes sourcils se froncent, deux gardes noirs derrières moi qui restent stoïques. Pas que je m'ennuie. Peut-être un peu, à cause de ça, je m'inquiète. Si son propriétaire lui a fait ça, alors c'est un esclave et déjà, ça ne me va pas. Mes ordres sont clairs : touts les esclaves sont réquisitionnés au chantier.

« Qu'est-ce qu'un esclave fait en ville ? »

« Je... je ne suis pas un esc- »

Je l'arrête immédiatement. Son histoire ne fait pas sens à mes oreilles et à cause de ça, ses pieds ne touchent plus le sol.

« Pourquoi tu me parles de ton propriétaire alors ? »

L'homme peine à me répondre alors que je le soulève par la mâchoire mais ses propos, même déformés, me parviennent enfin. Je vous épargne ses mots comprimés entre mes doigts et vous offre la traduction : « Je veux dire, la personne à qui je paye mon loyer. »

En réponse à la sienne, sans manière, je le lâche et le brusque de sa courte chute suffit à le faire tomber sur son postérieur.

« Conduis moi à lui. » L'homme se relève péniblement et se masse la mâchoire, brusqué par mon intervention. Pour une raison ou pour une autre, un garde noir lui a lacéré le visage : je veux savoir pourquoi. Soit cette personne en face de moi cause des problèmes, soit l'un de mes larbins n'arrive pas à se tenir. Dans un cas comme dans l'autre, il est impératif et urgent de mettre les points sur les "I".
Le citoyen hésite mais pas longtemps. Très vite, je le presse d'un signe de la tête.

« Je... je ne sais pas exactement où il est, je... »

« Dans quel quartier tu vis ? »

« Le quartier de la poste, celui à qui je loue l'appartement s'appelle... »

« Son nom ne me dira rien. » Sans attendre, j'attrape ma radio et en déclenche la temporisation, sur le point de parler, le citoyen m'interrompt.

« Ce... n'est pas un garde noir... »

Mon doigt relâche la temporisation. Ce sont les gardes noirs qui prélèvent taxes et loyers, bien que ce soit plus ou moins la même chose par ici.

« Comment ça, "ce n'est pas un garde noir" ? C'est à la garde noire que tu dois payer ton loyer, personne d'autres. Qui plus est... s'il n'est pas de la Coalition Noire, il n'a pas à lever la main sur toi. »

Cette affaire sera régler et très vite, je me tourne vers mes deux gardes noirs... non sans jeter, par-dessus mon épaule, un oeil au citoyen. Au cas où.

« Vous deux. Mettez cette histoire au clair, j'attends votre rapport. »