« Votre attention, s'il vous plait ! » dit d'une voix forte la Lieutenante Ambre à l'intérieur du réfectoire où mangeaient devant elle un peu moins de deux cent gardes, ainsi que des infirmiers, mages blancs, chevaliers royaux et quelques héros de la lumière. La jeune femme était debout sur une chaise et tentait d'attirer l'attention en faisant tinter une fourchette sur une carafe d'eau. « Allez, les gars ! On écoute ! » Il fallut deux dizaines de secondes, ponctuées de remarques de gardes à l'intention des autres, pour qu'enfin chacun écouta. La Générale Primus se trouvait à la table de sa seconde, avec, notamment, la Sergente Joséphine et le Sergent Sang-Bleu, et grossièrement, beaucoup d'officiers trop disciplinés pour se laisser aller à l'humeur générale. Ambre fut difficile à rameuter, pour la Capitaine des Gardes de la Lumière, n'ayant pas d'autres envies que d'être avec la Capitaine Fiona.
« La Générale aimerait vous adresser quelques mots. Elle en a pour cinq minutes. » La Générale hocha la tête et se leva, sans pour autant se mettre debout sur sa chaise. Elle portait son armure, bien que son prochain tour de garde ne fût que deux heures plus tard. « Écoutez-la et vous retournerez à vos discussions et à votre histoire d'amour avec votre gratin de fromage. » finit la lieutenante avec un sourire taquin, faisant rire quelques dizaines de gardes. La Générale prit une inspiration, un visage assez fermé et impassible, elle jeta un œil à la table de la Capitaine Fiona, où se regroupaient un très grand nombre d'hommes et de femmes qui voulaient s'entretenir avec elle. Celle-ci la regardait, lui faisait un grand sourire et semblait lui prêter une oreille attentive.
« Merci, Lieutenante. Tout d'abord, je tiens à féliciter plus formellement les six braves qui ont permis à l'Officier Quartz et à la Capitaine Fiona d'aller jusqu'à la Ville de Traverse. Sans vous, ce n'est pas la Shinra qui aurait remporté cette récompense, mais cette vermine de la Coalition noire. », dit-elle, ne se résignant pas à penser à Kuro. Ce moins-que-rien, dont elle avait vu le combat lors du tournoi d'Hadès, avait eu la malchance d'être pourchassé par l'une des plus redoutables guerrières de la lumière. « J'espère que vous huit avez bien profité de votre congé de quelques jours à Costa Del Sol. Vous l'avez mérité. » La Générale Primus applaudit, souriant légèrement, bientôt rejointe par l'ensemble des gardes de la lumière. À y réfléchir, il était presque certain qu'elle n'avait jamais applaudi personne jusqu'alors. Mais il était important, de temps à autre, de se montrer plus ouverte. Elle chercha des yeux, au-delà de la seconde lance de la lumière, le visage de ses ailiers, de ses hommes de confiance. Non seulement avaient-ils eu une permission, mais ils s'étaient donc vus gagner des vacances dans le monde balnéaire. Elle-même n'y voyait personnellement aucun intérêt, mais pouvait comprendre l'attrait qu'il représentait pour les autres, y compris pour une femme aussi élégante, amusante et cosmopolite que la Capitaine Fiona. De plus, à part eux, chacun avait pu profiter d'un congé, durant la fin de ce jeu du Lord Business. Une fois morts, ils n'avaient rien d'autre à faire que d'attendre. Et une fois qu'ils étaient sûrs d'avoir assez de nourriture et d'eau pour tenir jusqu'au premier jour du mois de mars, ils avaient pu se détendre.
Il semblait donc logique de leur donner cette chance, à eux aussi.
La Générale croisa les yeux de l'Officier Ebba, assise entre la Caporale Jody et la Caporale Danseuse Magique. Celle-ci la regardait avec un joli sourire innocent. Ravness réprima difficilement ses lèvres, les empêchèrent de lui rendre en public ce signe d'affection. Elle-même avait honte de reconnaître avoir aussi profité d'une grosse semaine de tranquillité, loin de Sherwood, loin du château de la lumière et de la Coalition noire, dans une petite maison abandonnée aux pieds d'une colline.
« La Capitaine Fiona a su représenter les valeurs de la lumière, et plus que quiconque, s'est battue non pas uniquement pour sa propre victoire mais surtout pour diminuer nos ennemis, les empêcher de se retrouver renforcés par cette aventure biscornue. » continua-t-elle de sa voix la plus solennelle. « Et je n'en dirai pas autant de tous. » acheva-t-elle, plus dure, catégorique. « Je suis déçue de voir que mes ordres n'ont pas été respectés de tous. Parmi vous, de nombreux soldats ont trahi la lumière, ont brisé son union. » Elle fit une pause. L'ambiance plus festive laissa son souffle à une inspiration plus tendue. « J'ignore pourquoi mais, tout comme pour vous, je suppose, quelques-uns de mes souvenirs ont été occultés. Aussi ne suis-je pas en mesure d'identifier les traîtres. Vous me direz que ce n'est qu'un jeu. » Elle ne sourit pas, ne fronça pas les sourcils. Elle se contenta de balayer les gardes du regard alors qu'un silence oppressant gagnait le réfectoire. « C'est une erreur. Je vais laisser l'opportunité à ceux qui auraient fait ce mauvais choix que de me désobéir ou d'attaquer ses frères d'armes. L'opportunité d'être pardonné, à condition de me révéler la vérité. Vous serez éloigné du Château de la Lumière, mais, après concertation avec la Lieutenante Ambre, le Lieutenant Hegda et la Capitaine Fiona, nous avons pris la décision de ne pas vous exclure de nos rangs. » La générale hocha la tête en croisant les yeux de ses deux secondes. « Cela étant dit, j'ai bien oublié le nom des félons, mais pas celui de ceux et celles qui me sont restés fidèles. Aussi. » La Générale se baissa pour saisir une feuille de papier et la lever légèrement au-dessus de sa tête, provoquant un murmure parmi les gardes, qui devint une acclamation. Une jeune femme s'écria : « Jour de promotion ! », ce qui provoqua un rire dans la cafétéria. La Générale commença à lire, sans relever.
« La Caporale Danseuse Magique, le Caporal Starbucks sont tous les deux promus au grade d'Officier, grade qu'ils méritent amplement pour m'avoir suivie moi, ou la capitaine, jusqu'aux derniers instants. Caporal Wilkes est promu au grade d'Officier pour sa protection du personnel soignant, de sa propre initiative, dès le début des hostilités. La Caporale LeiLei, pour sa fidélité et pour son habileté au combat, est exceptionnellement promue Sergente. » De nombreux applaudissements et exclamations la coupèrent pour encourager la jeune LeiLei, accueillant la nouvelle avec dignité et élégance. « L'Officier Ebba est promue Sergente, elle aussi, pour sa fidélité et pour son aisance au combat. » La Générale avala sa salive, prit quelques secondes. « L'Officier Illy et l'Officier Kahei, pour leur indéfectible soutien envers la Capitaine, sont eux aussi promus Sergent. Le Sergent Jonas et le Sergent Severn sont promus au grade de Lieutenant. Toutes mes félicitations. » dit-elle, s'attendant à ce que d'autres exclamations viennent les récompenser. Les lieutenants étaient rares dans la garde de la lumière, là où les Sergents et les Officiers étaient un certain nombre. Atteindre ce grade était un signe de réussite important. Il lui coûtait d'offrir cette promotion à Severn, alors qu'il osait régulièrement la défier en entretenant une bonne relation avec Roxas... Mais elle devait être impartiale. « La Sergente Joséphine atteint elle aussi le grade de Lieutenant, pour sa fidélité sans faille. » Les applaudissements furent plus timides. Le Sergent Jonas bénéficiait d'une plus grande popularité que la jeune femme originaire du Palais des rêves, étant d'un naturel gentil, simple, poli, là où la Sergente avait tendance à se faire remarquer par son respect infaillible des règles.
« Finalement, il semble évident que les deux guerrières ayant fini dans les vingt premiers de ce concours... » La Générale adressa un sourcil interrogateur à Ambre qui hocha la tête, comme pour confirmer l'information. « méritent elles aussi d'être récompensées. Officier Quartz, vous êtes promue Sergente. » dit Ravness en croisant les yeux de la guerrière naine, les joues rouges. « Nous avons tous été impressionnés par votre puissance et votre dextérité. Finalement, Capitaine Fiona,... » elle reporta ses yeux sur la jeune guerrière qui se leva pour saluer militairement. À ses côtés se trouvait l'Officier Nathalie, la tête baissée, ses yeux fixant le sol. « Vous êtes promue Commandante. » Une deuxième fois, la générale Primus applaudit, avec sincérité, souriant même à la jeune femme. « Vous viendrez tous... » Elle essaya de reprendre la parole mais les gardes acclamaient encore, se levaient pour féliciter sa lieutenante. Ravness se ravisa et s'assit pour continuer de manger avec ses compagnons de tablée, plus silencieux. « Oui euh... Je peux ? » demanda Ambre en lui adressant un sourire complice. La Générale opina de la tête, et croisa, alors qu'elle suivait sa Lieutenante du regard quand celle-ci s'éloigna, celui d'Ebba, toujours retournée vers elle, qui lui fit un grand sourire entendu. Ravness détourna les yeux et mangea simplement.
Deux heures plus tard, elle se retrouva sur le chemin de ronde, dehors, dans le froid, le regard rivé sur la Ville Disney, qui n'était à cette heure du soir, qu'une silhouette dans l'horizon obscurci. Être ici, seule, dans une activité où il lui suffisait d'être attentive, lui permettait de remettre de l'ordre dans ses pensées et dans ses émotions. Et la priorité était de savoir que faire de sa relation avec l'Officier, maintenant Sergente, Ebba. Elle avait tout d'abord hésité à lui accorder cette promotion, ayant peur que l'on puisse dire d'elle qu'elle était partiale, corruptible. En effet, la Générale ne l'avouerait jamais, sans doute, mais lorsque Fabrizio Valeri les avait éliminées, toutes les quatre, elles s'étaient séparées, le temps qu'il leur restait à attendre dans la Contrée du Départ. LeiLei et Satinka étaient allées se réfugier dans le confort et la chaleur du manoir des élus de la keyblade, mais Ravness était trop fière pour s'y résoudre, et Ebba sûrement trop intéressée. Pour la première fois de sa vie d'adulte, alors qu'elle avait trente ans, la Générale Primus s'était retrouvée à n'avoir rien à faire, à pouvoir profiter de plus d'une journée de temps libre. Aussi, avait-elle décidé de se prêter au jeu, le temps d'une semaine, avec la drôle d'étrangère. C'était... une femme particulièrement farfelue, n'ayant aucun respect envers les conventions sociales ou envers le système hiérarchique. Elle était beaucoup trop tactile, vêtue de manière trop provocante, et se battait d'une telle manière qu'il était impossible pour ses alliés ou ses ennemis de ne pas remarquer la couleur de ses dessous. Mais c'était une femme terriblement sensuelle, entreprenante et courageuse.
Cela étant dit, il semblait conséquent que la Générale mette fin à leur r... La Capitaine des Gardes se figea lorsqu'elle vit, à moins de deux mètres d'elle, l'Officier Nathalie, les mains jointes devant elle, le menton légèrement baissé, dépourvue de son habituel et magnifique sourire.
« Soldat ? Que faites-vous ici ? » Il ne fallut que quelques secondes à la Générale pour se rappeler que la jeune femme n'avait son prochain tour de garde qu'au lever du jour. « Je vous ai trahie. »
« Vous... » La Générale fronça les sourcils, sembla confuse. Il... L'Officier Nathalie était... « Vous plaisantez ? »
« Vous l'avez oublié. » Une larme coula sur les joues de la jeune fille. « Moi pas. J'en meurs de honte. Vous... J'attendais le mois de mars pour que vous me répudiez. »
Elle essaya de se souvenir. Elle voyait dans sa mémoire Nathalie à ses plus proches côtés lors des premiers jours de l'événement. Et comme beaucoup d'autres événements concernant d'autres personnes, ils étaient... comme blancs dans ses souvenirs. Et rien ne... lui aurait permis de deviner. « Je n'ai pas juste attaqué mes compagnons d'arme. J'ai fomenté une mutinerie. » avoua Nathalie de son vocabulaire et de son éducation d'enseignante, de sa diction parfaite. « Avant que LeiLei ne me vainque, je... c'est moi qui ai fait tomber Joséphine et Jensen. »
« Vous... » La Générale lui fit face, hésitant à faire apparaître sa lame, ne sachant si sa subordonnée se livrait à elle ou venait achever ce qu'elle avait commencé. « Vous avez vaincu l'Officier Jensen ? » Cet homme-crocodile était un véritable titan, un de ses meilleurs soldats. Elle-même doutait pouvoir le vaincre à la régulière. Et... à cette pensée, la Générale comprit, bien entendu, qu'il n'avait pas été vaincu par Nathalie lors d'un véritable duel. Le visage de l'Officier s'assombrit, sembla se décomposer de honte. Oui, ses sourires étaient connus pour être beaux et expressifs, autant que son malheur et ses grimaces la rendaient assez pathétique.
« Pourquoi avez-vous fait ça ? » demanda sobrement la générale, les yeux, eux aussi, sombres, et la mine grise, déçue.
« J'ai perdu la tête. » soupira-t-elle avec détresse. Elle sembla chercher devant elle ce qui lui permettrait de rester debout, tant ses yeux appelaient à l'aide et tant ses jambes tremblaient. « Vous... Vous avez chargé LeiLei de s'occuper des opérations spéciales, des tactiques de sortie compliquées et agressives. Et Joséphine avait votre confiance pour la défense des accès, alors que... je devais m'occuper de l'intendance, du rationnement des nourritures, de la gestion des civils, je... » Ravness hocha la tête. Elle n'était pas une personne empathique mais elle savait que si, quand elle avait vingt-quatre ans, on lui avait confié des tâches semblables, elle ne l'aurait sûrement pas accepté. « Et... La Capitaine Fiona m'avait abandonnée. » cracha-t-elle, alors que son visage semblait encore davantage se tordre de douleur. « Elle ne m'a pas jugée digne de la suivre, alors que... « Vous êtes la Cinquième Lance de la Lumière, jeune femme, la personne de confiance de la Capitaine Fiona. » la coupa Ravness, d'une voix sèche, d'un ton catégorique.« Même les Lieutenants de la Lumière se damneraient pour être à votre place. Vous êtes une bonne combattante, personne n'en doute, mais vous devez votre ascension soudaine aussi à votre sympathie, votre popularité et votre culture et connaissance du monde. » Sa vis-à-vis accueillit cette phrase assez durement. Bien qu'elle semblât se calmer, ses larmes continuèrent de couler, lentement et une à une. Bien sûr, ce n'était pas évident à accepter, lorsqu'on s'imaginait exceller dans tous les domaines. Mais tous les gardes étaient logés à la même enseigne. Ce qui faisait l'excellence de Sang-Bleu était sa capacité d'adaptation dans les milieux les plus hostiles. Celle d'Ambre était son ouverture d'esprit, sa légèreté et son imagination. Les figures les plus emblématiques parmi les gardes, ayant fait parler d'eux ces dernières années, voyaient leur nom retenu parce qu'ils savaient se distinguer des autres par une qualité ou une autre. Et il en était de même pour l'officier devant elle.
« Reprenez-vous. » s'énerva Ravness, fatiguée de voir sa subordonnée pleurer comme une enfant. « Vous allez me donner le nom de ceux que vous avez convaincus de me trahir. » ordonna-t-elle. Nathalie sembla choquée par la demande mais n'osa pas s'y opposer. « Combien étiez-vous ? »
« Sept. » avoua la jeune femme.
« Vous laisserez votre armure ici et... « Générale, pitié ! » Nathalie s'approcha, voulut lui saisir la main pour la prier d'une quelconque demande mais Ravness recula sèchement. « Je ne vous évince pas de la lumière, officier, et ne vous rétrograde pas. » dit-elle, les sourcils froncés, le visage froid. « Je vous envoie à la Cité du Crépuscule. Vous vous y infiltrerez, vous cacherez dans des maisons abandonnées, dans des commerces fermés. Je suggère que vous vous sépariez. Et vous attendrez. N'y tentez rien, à moins d'être parfaitement sûre de ne pas être repérée. Vous recevrez des ordres au fur et à mesure, et nous enverrez des rapports détaillés. » L'Officier Nathalie sembla retrouver sa contenance. Son menton se fit plus digne. « D'accord. »
« Vos visages ne sont pas connus. Vous pourrez sortir de votre cachette pour vous ravitailler, cela n'éveillera pas les soupçons. Mais ne tentez aucune action, ne faites rien qui pourrait vous compromettre. Avoir vos renseignements, aussi tenus soient-ils, sera déjà un grand avantage tactique. Nul besoin de prendre trop de risques. »
L'Officier hocha la tête. « Je... J'imagine que la Capitaine Fiona choisira quelqu'un d'autre pour la seconder. » La Générale opina de la tête sobrement. « C'est normal. Je comprends. Si... je fais ça et que je survis... »
« Partez là-bas, et vous serez aussitôt pardonnée. Si les autres n'acceptent pas cette mission, ils seront renvoyés de nos rangs, mais je ne les pourchasserai pas et ils ne passeront pas en cour martiale. »
« Merci, Générale. » dit Nathalie plus fièrement, avant de saluer. La Générale lui rendit le respect militaire.
« La Générale aimerait vous adresser quelques mots. Elle en a pour cinq minutes. » La Générale hocha la tête et se leva, sans pour autant se mettre debout sur sa chaise. Elle portait son armure, bien que son prochain tour de garde ne fût que deux heures plus tard. « Écoutez-la et vous retournerez à vos discussions et à votre histoire d'amour avec votre gratin de fromage. » finit la lieutenante avec un sourire taquin, faisant rire quelques dizaines de gardes. La Générale prit une inspiration, un visage assez fermé et impassible, elle jeta un œil à la table de la Capitaine Fiona, où se regroupaient un très grand nombre d'hommes et de femmes qui voulaient s'entretenir avec elle. Celle-ci la regardait, lui faisait un grand sourire et semblait lui prêter une oreille attentive.
« Merci, Lieutenante. Tout d'abord, je tiens à féliciter plus formellement les six braves qui ont permis à l'Officier Quartz et à la Capitaine Fiona d'aller jusqu'à la Ville de Traverse. Sans vous, ce n'est pas la Shinra qui aurait remporté cette récompense, mais cette vermine de la Coalition noire. », dit-elle, ne se résignant pas à penser à Kuro. Ce moins-que-rien, dont elle avait vu le combat lors du tournoi d'Hadès, avait eu la malchance d'être pourchassé par l'une des plus redoutables guerrières de la lumière. « J'espère que vous huit avez bien profité de votre congé de quelques jours à Costa Del Sol. Vous l'avez mérité. » La Générale Primus applaudit, souriant légèrement, bientôt rejointe par l'ensemble des gardes de la lumière. À y réfléchir, il était presque certain qu'elle n'avait jamais applaudi personne jusqu'alors. Mais il était important, de temps à autre, de se montrer plus ouverte. Elle chercha des yeux, au-delà de la seconde lance de la lumière, le visage de ses ailiers, de ses hommes de confiance. Non seulement avaient-ils eu une permission, mais ils s'étaient donc vus gagner des vacances dans le monde balnéaire. Elle-même n'y voyait personnellement aucun intérêt, mais pouvait comprendre l'attrait qu'il représentait pour les autres, y compris pour une femme aussi élégante, amusante et cosmopolite que la Capitaine Fiona. De plus, à part eux, chacun avait pu profiter d'un congé, durant la fin de ce jeu du Lord Business. Une fois morts, ils n'avaient rien d'autre à faire que d'attendre. Et une fois qu'ils étaient sûrs d'avoir assez de nourriture et d'eau pour tenir jusqu'au premier jour du mois de mars, ils avaient pu se détendre.
Il semblait donc logique de leur donner cette chance, à eux aussi.
La Générale croisa les yeux de l'Officier Ebba, assise entre la Caporale Jody et la Caporale Danseuse Magique. Celle-ci la regardait avec un joli sourire innocent. Ravness réprima difficilement ses lèvres, les empêchèrent de lui rendre en public ce signe d'affection. Elle-même avait honte de reconnaître avoir aussi profité d'une grosse semaine de tranquillité, loin de Sherwood, loin du château de la lumière et de la Coalition noire, dans une petite maison abandonnée aux pieds d'une colline.
« La Capitaine Fiona a su représenter les valeurs de la lumière, et plus que quiconque, s'est battue non pas uniquement pour sa propre victoire mais surtout pour diminuer nos ennemis, les empêcher de se retrouver renforcés par cette aventure biscornue. » continua-t-elle de sa voix la plus solennelle. « Et je n'en dirai pas autant de tous. » acheva-t-elle, plus dure, catégorique. « Je suis déçue de voir que mes ordres n'ont pas été respectés de tous. Parmi vous, de nombreux soldats ont trahi la lumière, ont brisé son union. » Elle fit une pause. L'ambiance plus festive laissa son souffle à une inspiration plus tendue. « J'ignore pourquoi mais, tout comme pour vous, je suppose, quelques-uns de mes souvenirs ont été occultés. Aussi ne suis-je pas en mesure d'identifier les traîtres. Vous me direz que ce n'est qu'un jeu. » Elle ne sourit pas, ne fronça pas les sourcils. Elle se contenta de balayer les gardes du regard alors qu'un silence oppressant gagnait le réfectoire. « C'est une erreur. Je vais laisser l'opportunité à ceux qui auraient fait ce mauvais choix que de me désobéir ou d'attaquer ses frères d'armes. L'opportunité d'être pardonné, à condition de me révéler la vérité. Vous serez éloigné du Château de la Lumière, mais, après concertation avec la Lieutenante Ambre, le Lieutenant Hegda et la Capitaine Fiona, nous avons pris la décision de ne pas vous exclure de nos rangs. » La générale hocha la tête en croisant les yeux de ses deux secondes. « Cela étant dit, j'ai bien oublié le nom des félons, mais pas celui de ceux et celles qui me sont restés fidèles. Aussi. » La Générale se baissa pour saisir une feuille de papier et la lever légèrement au-dessus de sa tête, provoquant un murmure parmi les gardes, qui devint une acclamation. Une jeune femme s'écria : « Jour de promotion ! », ce qui provoqua un rire dans la cafétéria. La Générale commença à lire, sans relever.
« La Caporale Danseuse Magique, le Caporal Starbucks sont tous les deux promus au grade d'Officier, grade qu'ils méritent amplement pour m'avoir suivie moi, ou la capitaine, jusqu'aux derniers instants. Caporal Wilkes est promu au grade d'Officier pour sa protection du personnel soignant, de sa propre initiative, dès le début des hostilités. La Caporale LeiLei, pour sa fidélité et pour son habileté au combat, est exceptionnellement promue Sergente. » De nombreux applaudissements et exclamations la coupèrent pour encourager la jeune LeiLei, accueillant la nouvelle avec dignité et élégance. « L'Officier Ebba est promue Sergente, elle aussi, pour sa fidélité et pour son aisance au combat. » La Générale avala sa salive, prit quelques secondes. « L'Officier Illy et l'Officier Kahei, pour leur indéfectible soutien envers la Capitaine, sont eux aussi promus Sergent. Le Sergent Jonas et le Sergent Severn sont promus au grade de Lieutenant. Toutes mes félicitations. » dit-elle, s'attendant à ce que d'autres exclamations viennent les récompenser. Les lieutenants étaient rares dans la garde de la lumière, là où les Sergents et les Officiers étaient un certain nombre. Atteindre ce grade était un signe de réussite important. Il lui coûtait d'offrir cette promotion à Severn, alors qu'il osait régulièrement la défier en entretenant une bonne relation avec Roxas... Mais elle devait être impartiale. « La Sergente Joséphine atteint elle aussi le grade de Lieutenant, pour sa fidélité sans faille. » Les applaudissements furent plus timides. Le Sergent Jonas bénéficiait d'une plus grande popularité que la jeune femme originaire du Palais des rêves, étant d'un naturel gentil, simple, poli, là où la Sergente avait tendance à se faire remarquer par son respect infaillible des règles.
« Finalement, il semble évident que les deux guerrières ayant fini dans les vingt premiers de ce concours... » La Générale adressa un sourcil interrogateur à Ambre qui hocha la tête, comme pour confirmer l'information. « méritent elles aussi d'être récompensées. Officier Quartz, vous êtes promue Sergente. » dit Ravness en croisant les yeux de la guerrière naine, les joues rouges. « Nous avons tous été impressionnés par votre puissance et votre dextérité. Finalement, Capitaine Fiona,... » elle reporta ses yeux sur la jeune guerrière qui se leva pour saluer militairement. À ses côtés se trouvait l'Officier Nathalie, la tête baissée, ses yeux fixant le sol. « Vous êtes promue Commandante. » Une deuxième fois, la générale Primus applaudit, avec sincérité, souriant même à la jeune femme. « Vous viendrez tous... » Elle essaya de reprendre la parole mais les gardes acclamaient encore, se levaient pour féliciter sa lieutenante. Ravness se ravisa et s'assit pour continuer de manger avec ses compagnons de tablée, plus silencieux. « Oui euh... Je peux ? » demanda Ambre en lui adressant un sourire complice. La Générale opina de la tête, et croisa, alors qu'elle suivait sa Lieutenante du regard quand celle-ci s'éloigna, celui d'Ebba, toujours retournée vers elle, qui lui fit un grand sourire entendu. Ravness détourna les yeux et mangea simplement.
Deux heures plus tard, elle se retrouva sur le chemin de ronde, dehors, dans le froid, le regard rivé sur la Ville Disney, qui n'était à cette heure du soir, qu'une silhouette dans l'horizon obscurci. Être ici, seule, dans une activité où il lui suffisait d'être attentive, lui permettait de remettre de l'ordre dans ses pensées et dans ses émotions. Et la priorité était de savoir que faire de sa relation avec l'Officier, maintenant Sergente, Ebba. Elle avait tout d'abord hésité à lui accorder cette promotion, ayant peur que l'on puisse dire d'elle qu'elle était partiale, corruptible. En effet, la Générale ne l'avouerait jamais, sans doute, mais lorsque Fabrizio Valeri les avait éliminées, toutes les quatre, elles s'étaient séparées, le temps qu'il leur restait à attendre dans la Contrée du Départ. LeiLei et Satinka étaient allées se réfugier dans le confort et la chaleur du manoir des élus de la keyblade, mais Ravness était trop fière pour s'y résoudre, et Ebba sûrement trop intéressée. Pour la première fois de sa vie d'adulte, alors qu'elle avait trente ans, la Générale Primus s'était retrouvée à n'avoir rien à faire, à pouvoir profiter de plus d'une journée de temps libre. Aussi, avait-elle décidé de se prêter au jeu, le temps d'une semaine, avec la drôle d'étrangère. C'était... une femme particulièrement farfelue, n'ayant aucun respect envers les conventions sociales ou envers le système hiérarchique. Elle était beaucoup trop tactile, vêtue de manière trop provocante, et se battait d'une telle manière qu'il était impossible pour ses alliés ou ses ennemis de ne pas remarquer la couleur de ses dessous. Mais c'était une femme terriblement sensuelle, entreprenante et courageuse.
Cela étant dit, il semblait conséquent que la Générale mette fin à leur r... La Capitaine des Gardes se figea lorsqu'elle vit, à moins de deux mètres d'elle, l'Officier Nathalie, les mains jointes devant elle, le menton légèrement baissé, dépourvue de son habituel et magnifique sourire.
« Soldat ? Que faites-vous ici ? » Il ne fallut que quelques secondes à la Générale pour se rappeler que la jeune femme n'avait son prochain tour de garde qu'au lever du jour. « Je vous ai trahie. »
« Vous... » La Générale fronça les sourcils, sembla confuse. Il... L'Officier Nathalie était... « Vous plaisantez ? »
« Vous l'avez oublié. » Une larme coula sur les joues de la jeune fille. « Moi pas. J'en meurs de honte. Vous... J'attendais le mois de mars pour que vous me répudiez. »
Elle essaya de se souvenir. Elle voyait dans sa mémoire Nathalie à ses plus proches côtés lors des premiers jours de l'événement. Et comme beaucoup d'autres événements concernant d'autres personnes, ils étaient... comme blancs dans ses souvenirs. Et rien ne... lui aurait permis de deviner. « Je n'ai pas juste attaqué mes compagnons d'arme. J'ai fomenté une mutinerie. » avoua Nathalie de son vocabulaire et de son éducation d'enseignante, de sa diction parfaite. « Avant que LeiLei ne me vainque, je... c'est moi qui ai fait tomber Joséphine et Jensen. »
« Vous... » La Générale lui fit face, hésitant à faire apparaître sa lame, ne sachant si sa subordonnée se livrait à elle ou venait achever ce qu'elle avait commencé. « Vous avez vaincu l'Officier Jensen ? » Cet homme-crocodile était un véritable titan, un de ses meilleurs soldats. Elle-même doutait pouvoir le vaincre à la régulière. Et... à cette pensée, la Générale comprit, bien entendu, qu'il n'avait pas été vaincu par Nathalie lors d'un véritable duel. Le visage de l'Officier s'assombrit, sembla se décomposer de honte. Oui, ses sourires étaient connus pour être beaux et expressifs, autant que son malheur et ses grimaces la rendaient assez pathétique.
« Pourquoi avez-vous fait ça ? » demanda sobrement la générale, les yeux, eux aussi, sombres, et la mine grise, déçue.
« J'ai perdu la tête. » soupira-t-elle avec détresse. Elle sembla chercher devant elle ce qui lui permettrait de rester debout, tant ses yeux appelaient à l'aide et tant ses jambes tremblaient. « Vous... Vous avez chargé LeiLei de s'occuper des opérations spéciales, des tactiques de sortie compliquées et agressives. Et Joséphine avait votre confiance pour la défense des accès, alors que... je devais m'occuper de l'intendance, du rationnement des nourritures, de la gestion des civils, je... » Ravness hocha la tête. Elle n'était pas une personne empathique mais elle savait que si, quand elle avait vingt-quatre ans, on lui avait confié des tâches semblables, elle ne l'aurait sûrement pas accepté. « Et... La Capitaine Fiona m'avait abandonnée. » cracha-t-elle, alors que son visage semblait encore davantage se tordre de douleur. « Elle ne m'a pas jugée digne de la suivre, alors que... « Vous êtes la Cinquième Lance de la Lumière, jeune femme, la personne de confiance de la Capitaine Fiona. » la coupa Ravness, d'une voix sèche, d'un ton catégorique.« Même les Lieutenants de la Lumière se damneraient pour être à votre place. Vous êtes une bonne combattante, personne n'en doute, mais vous devez votre ascension soudaine aussi à votre sympathie, votre popularité et votre culture et connaissance du monde. » Sa vis-à-vis accueillit cette phrase assez durement. Bien qu'elle semblât se calmer, ses larmes continuèrent de couler, lentement et une à une. Bien sûr, ce n'était pas évident à accepter, lorsqu'on s'imaginait exceller dans tous les domaines. Mais tous les gardes étaient logés à la même enseigne. Ce qui faisait l'excellence de Sang-Bleu était sa capacité d'adaptation dans les milieux les plus hostiles. Celle d'Ambre était son ouverture d'esprit, sa légèreté et son imagination. Les figures les plus emblématiques parmi les gardes, ayant fait parler d'eux ces dernières années, voyaient leur nom retenu parce qu'ils savaient se distinguer des autres par une qualité ou une autre. Et il en était de même pour l'officier devant elle.
« Reprenez-vous. » s'énerva Ravness, fatiguée de voir sa subordonnée pleurer comme une enfant. « Vous allez me donner le nom de ceux que vous avez convaincus de me trahir. » ordonna-t-elle. Nathalie sembla choquée par la demande mais n'osa pas s'y opposer. « Combien étiez-vous ? »
« Sept. » avoua la jeune femme.
« Vous laisserez votre armure ici et... « Générale, pitié ! » Nathalie s'approcha, voulut lui saisir la main pour la prier d'une quelconque demande mais Ravness recula sèchement. « Je ne vous évince pas de la lumière, officier, et ne vous rétrograde pas. » dit-elle, les sourcils froncés, le visage froid. « Je vous envoie à la Cité du Crépuscule. Vous vous y infiltrerez, vous cacherez dans des maisons abandonnées, dans des commerces fermés. Je suggère que vous vous sépariez. Et vous attendrez. N'y tentez rien, à moins d'être parfaitement sûre de ne pas être repérée. Vous recevrez des ordres au fur et à mesure, et nous enverrez des rapports détaillés. » L'Officier Nathalie sembla retrouver sa contenance. Son menton se fit plus digne. « D'accord. »
« Vos visages ne sont pas connus. Vous pourrez sortir de votre cachette pour vous ravitailler, cela n'éveillera pas les soupçons. Mais ne tentez aucune action, ne faites rien qui pourrait vous compromettre. Avoir vos renseignements, aussi tenus soient-ils, sera déjà un grand avantage tactique. Nul besoin de prendre trop de risques. »
L'Officier hocha la tête. « Je... J'imagine que la Capitaine Fiona choisira quelqu'un d'autre pour la seconder. » La Générale opina de la tête sobrement. « C'est normal. Je comprends. Si... je fais ça et que je survis... »
« Partez là-bas, et vous serez aussitôt pardonnée. Si les autres n'acceptent pas cette mission, ils seront renvoyés de nos rangs, mais je ne les pourchasserai pas et ils ne passeront pas en cour martiale. »
« Merci, Générale. » dit Nathalie plus fièrement, avant de saluer. La Générale lui rendit le respect militaire.
