Qu’est-ce vous faites là ? Vous êtes pas dingue ? Hurle Reno depuis son couvert de fortune en me faisant signe de rentrer. Je le rejoins, à l’angle d’un mur donnant sur le jardin du balcon. Les tirs fusent dans toutes les direction, c’est une véritable bataille.
Je m’absente cinq minutes, et voilà que la situation nous échappe. Vous croyez que je vous paye pour vous tourner les pouces ? Demandé-je, le ton sec.
Ecoutez, moi je veux bien garder ce que vous voulez. Mais au bout d’un moment s’ils se pointent avec un hélicoptère qui tire des munitions plus grosses que le poing de Rude, euh… J’suis Turk, pas magicien. On manque de matos, c’est la le problème.
Et Ruluf ? N’était-il pas censé garder le toit ? N’avait-il pas un lance-roquette ou quelque chose dans ce ton ?
Ruluf s’est fait surprendre. Ils ont déboulé d’un coup, ont tiré une rafale de missiles et il a eu surtout du bol de pas tomber dans le précipice du désespoir. Il passe la tête et le bras hors de son couvert pour descendre deux encagoulés. Du coup, le lance roquette on l’a plus.
Peut-être, mais j’ai trouvé ça à l’intérieur, dis-je en lui montrant ma nouvelle arme.
Un lance-grenade ? Sans visée assistée ? Je veux bien croire en vous et vous suivre dans tout vos projets Monsieur, mais là faut arrêter de délirer. C’est Scarlett qui vous fait vous sentir pousser des ailes, c’est ça ?
Je ne réponds rien si ce n’est un grognement agacé. Je jette un regard au jardin de la terrasse. Ce que j’ai sous les yeux s’apparente davantage à une guerre d’usure. Tout le monde possède sa propre cachette, les tirs s’échangent sans faire vraiment de blessés ; la victoire reviendra à celui qui tombera à court de munitions le dernier, et la situation me laisse à penser que ce sera notre cas avant le leur.
Bon, donnez-moi votre oreillette. Il me la tend et je l’installe, portant l’index à mon oreille.
Ici Rufus, comment ça se passe de votre côté ?
Ca se passerait bien mieux sans cet hélico pour les couvrir, meeeerde.
Je m’en sors de mon côté, mais je vais bientôt tomber en rade de balles.
Très bien, Mid, Freyra ?
Ca fait peut-être deux bonnes minutes que j’ai vu personne. Vous voulez qu’on remonte ?
Surtout pas. Il suffit qu’ils nous prennent en tenaille pour que la partie soit définitivement perdue. Continuez comme ça, mais ne quittez pas votre poste.
Je tends son oreillette à Reno avant de lui donner ses instructions.
Il faut que je rejoigne le toit, c’est le meilleur angle de tir possible actuellement.
Bah, bon courage, alors. Le seul moyen d’y accéder c’est les escaliers de l’autre côté de la terrasse. Vous pensez pouvoir courir à travers les balles ? Dit-il d’un sourire faussement amusé.
Je porte ma main à mon menton. Je passais en revue toutes les options qui s’offraient à moi. Jamais je ne pourrais sauter assez haut pour ne serait-ce qu’attraper le rebord quelques mètres au dessus de moi, de même que Reno ne pourrait pas me propulser assez haut. Courir avait déjà été évoqué, il aurait été moins douloureux de me tirer une grenade directement aux pieds. Sauf si…
J’ordonne à Reno de se reculer, et je prends mon élan. Je commence à courir le long du balcon avant d’arriver à l’endroit où le rebord supérieur est le plus bas, puis je saute et tire en direction du sol avec mon lance grenades pour allonger mon saut grâce à l’explosion. Une manoeuvre risquée mais qui me permet d’effectivement attraper le bord du bout des doigts. Rude vient à ma rencontre et m’attrape le bras, il tire et me hisse jusque sur le toit. Il me tire jusqu’à un couvert et me regarde par dessus ses lunettes de soleil.
Vous venez vraiment de… ?
Occupez-vous de nous couvrir, dis-je tentant de réguler mon souffle après pareille entreprise. Il s’éloigne et roule jusqu’à l’un des blocs de ventilation. Je vois Juget, plus loin recharger son arme, elle aussi cachée derrière l’un de ces blocs.
J’insère une nouvelle grenade dans mon arme et me risque un regard en direction du jardin. Rien n’a changé, il y a toujours autant d’hommes plus bas, et cet hélicoptère tirant sur tout se trouvant dans sa ligne de tir. Si nous voulons espérer gagner ce combat, la première chose à faire est bien de s’en débarrasser. Rien ne gêne un tir potentiel, mais je ne dispose que d’un essai avant de perdre l’effet de surprise. Il me faut calculer l’angle, ce qui n’est pas chose aisée en l’état.
La facilité serait de sacrifier un Turk pour faire diversion. Mais nous avions essuyé assez de pertes pour aujourd’hui. Cela ne nous garantirait pas non plus la réussite de mon tir, le ratio perte/gain n’était pas assez avantageux.
Alors que je réfléchissais, le coin du toit explosa suite à un tir de missiles provenant de l’hélicoptère. Juget fut projetée dans ma direction par l’explosion. Elle tourna la tête vers moi, le front ensanglanté, tentant de prononcer quelques mots que je ne pus entendre avec tout ces coups de feu. Rude s’arrêta et la tira vers son couvert, la laissant à demi-assise contre la ventilation.
Rude ! A trois, nous échangeons nos positions.
Je fais le décompte et roule depuis ma position jusqu’à la sienne alors qu’il passe au dessus de moi, continuant de tirer. Je me retrouve aux côtés de Juget qui peine à parler, les mains jointes sur ses côtes. Elle n’a pas perdu ses couleurs, mais elle nécessite des soins rapidement, nous devons nous dépêcher.
Je passe la tête au dessus, profitant de notre position en hauteur. Nous avons au moins pour avantage celui de tirer sur des cibles en contrebas. Un petit coup de pouce pour nous, et pour eux une difficulté nous étant la bienvenue. L’hélicoptère vole sur place, près du garde fou qui sépare la terrasse du vide. Une exo-armure aurait pu nous être utile. Je continue de refléchir. Soit je tente un tir lobé, priant pour qu’il passe inaperçu aux yeux du pilote, soit, et cette solution m’apparaît comme celle ayant le meilleur taux de réussite, je tente un rebond, ce qui ne laissera pas le temps au pilote de procéder à une manoeuvre d’esquive.
Je tire donc sur l’une des pierres bordant l’un des carrés d’herbe accueillant les arbres. La grenade siffle, rebondit avant de repartir en direction d’un appenti protégeant de la pluie et finit sa course dans le rotor des hélices de l’hélicoptère où elle explose. L’espace d’un instant, les deux explosions combinées attirent l’attention des hommes en contrebas, ce qui permet à Rude d’en abattre trois d’une balle dans le crâne. Puis, je vois Reno sortir de sa cachette, couvert par le Turk sus-nommé, armé de sa matraque électrique et faucher les jambes d’un premier tireur avant de l’abattre sur le visage d’un suivant. Il brandit finalement son arme à feu et, accompagné de mes tirs, nous éliminons le reste des menaces en une poignée de secondes.
Ouais ! Ça vous apprendra à vous frotter à la Shinra, les nazes, dit Reno en donnant un coup de pied à l’un des hommes au sol.
Je descends les marches menant au champ de bataille et constate les dégâts. Le mur derrière nous n’en est presque plus un, la chute de notre promontoire ne tenait finalement plus qu’à quelques minutes. Je félicite les Turks encore debout et appelle immédiatement à ce que Juget soit prise en charge. Rude monte les escaliers et je le vois redescendre, la Turk dans les bras.
Procédez aux soins, et installez la dans ma chambre.
Monsieur, Mid et Freyra me disent que c’est bon dans les étages inférieurs.
Qu’ils restent encore sur place, nous ne sommes sûrs de rien.
Notre vaisseau est fichu, inutilisable. Evidemment, ils avaient pensés à nous couper toute retraite.
Les désaturés là. Je n’en veux pas chez moi, balancez moi tout ce petit monde par dessus bord.
L’ordre peut paraître cruel, mais Reno acquiesce sans poser la moindre question. Je le laisse à sa tâche alors que je suis les pas de Rude pour rentrer à l’intérieur. Scarlett me rejoint, me pose des questions, mais tout ce que je désire c’est un peu de calme, le temps de reprendre mes esprits. Je me sers un verre que je vide d’une traite avant de m’en resservir un second, que je prends le temps de savourer.
Je m’installe à une table, Scarlett me rejoint. Tout autour de nous est sans dessus-dessous. L’ordre n’était plus qu’un lointain souvenir. Des fenêtres brisées au mobilier éventré par les tirs, il ne nous restait plus qu’à profiter du courant d’air soulevant les rideaux de mon appartement.
