Un calme implacable règne dans les routes stellaires. J’ai de nouveau le nez sur mon écran de gummiphone. Je viens de lancer une provocation au Lord Business pour essayer de faire le buzz. J’ai aussi depuis tantôt une conversation avec Roxas par message. Je l’ai plutôt spammé, mais il me répond, c’est cool. Je pense qu’on va arriver à quelque chose. Je suis plutôt à l’étroit, dans une caisse n’ayant qu’un unique trou pour respirer, dans la soute d’un vaisseau.

Le plus difficile est passé, je ne vais pas vous le cacher. La Shinra se couvre actuellement de ridicule, incapable de maintenir son réseau de transport interstellaire correctement. Quelque part, c’est pas un mal, ça me force à chercher un moyen de me passer de leurs services. Dans l’idéal, je préférerais ne rien leur devoir. Mais si ça continue… je risque de devoir tout de même courber l’échine pour mes projets.

J’ai donc cherché un transport privé et j’ai vite fait mon choix : un gars de la Cité du Crépuscule, un poissonnier, à priori assez riche pour investir dans son propre petit vaisseau. Les événements actuels l’ont forcé à se rendre dans un autre monde pour aller récupérer de la marchandise, n’ayant pas été livré par son fournisseur.

Passer les fouilles qui se poursuivent malgré la situation actuelle n’a pas été de tout repos. J’ai réussi à passer discrètement dans l’avant du vaisseau lorsque le garde inspectait la soute, puis je me suis caché dans cette fameuse caisse quand il a fouillé l’autre côté. Bon, si c’était pas passé, je me serais sûrement contenté d’assommer le garde et de menacer le pilote pour le forcer au décollage. Je sais pas trop vers quel monde il a choisi de se rendre, mais il n’arrivera pas à destination. J’ouvre le couvercle de la caisse et je me glisse à l’extérieur de celle-ci, l’air de rien. Forcément, le mec remarque mon geste, plutôt peu discret.

- Qu’est-ce que tu fiches dans mon vaisseau, toi ? Se fâche-t-il en tournant la tête vers moi, sans cependant quitter les commandes de l’appareil.

Je m’approche de lui, sortant mon arme à feu et la pointant immédiatement dans sa direction, sans tirer. Il est déjà éliminé du “jeu”, mais il doit tout de même rester sensible à ce genre de menaces. Dans le pire des cas, j’avais d’autres arguments. Je pouvais par exemple le menacer de démonter tout son petit commerce ou de le buter pour de vrai, après le jeu. Enfin, je n’ai pas besoin d’en venir à de telles extrémités, puisque son visage prend un teint plus blême.

- Tu vas changer de cap.
- Et si je refuse ? Son ton montre une certaine peur, mais il ne se laisse pas marcher sur les pieds.
- Tu ne veux pas savoir jusqu’où j’irai si tu venais à refuser, dis-je le ton dur, pointant le canon directement sur son crâne pour faire monter la pression.
- Où ?!

Il panique, son regard reste appuyé trop longuement sur mon arme à mon goût. Je me recule un peu, préférant éviter de prendre le risque que le civil tente quelque chose, puis je baisse mon flingue, sans le ranger. Néanmoins, mon expression n’en reste pas moins effrayante. Je ne peux m’empêcher d’afficher un large sourire de satisfaction en observant cette terreur sur son visage.

- La salle d’arcade.
- Hein ? Qu’est-ce que vous pourriez bien avoir à faire dans…
- C’est pas tes affaires.

Il semble obtempérer, mais je préfère continuer de le surveiller. Je prends place sur le siège passager, étendant mes deux jambes dans un relâchement total, ou presque. J’ai toujours l’arme à la main. C’est de ce monde que vient le Lord Business. Et même si j’ai rien entendu à son sujet depuis son annonce, le fait qu’il soit capable d’organiser un événement aussi démentiel me fait dire que c’est ici, le lieu pour trouver les meilleurs alliés. Le trajet se passe sans encombre, le type a pas vraiment cherché à faire le malin.

Je sors du vaisseau, laissant mon otage repartir afin d’éviter de devoir m'encombrer d’un boulet. Bon, j’aurais sûrement pu le ligoter pour le forcer à rester ici, mais j’avais pas le matériel donc je me débrouillerai pour repartir d’ici. Je fais quelque pas à l’extérieur et franchement, j’hallucine juste devant ce que je vois. Je suis dans une pièce, c’est un hall vraiment IMMENSE avec plein de choses complètement zarb et une foule assez incroyable.

Mais un truc que je remarque assez vite, c’est que même ce monde n’a pas l’air d’avoir été épargné par les nouvelles règles instaurées. Mais malgré tout, j’aperçois peu de personnes éliminées. Je comprends pas trop, alors je m’arrête devant un groupe de trois fantômes colorés qui discutent entre eux comme si de rien était :

- Salut euh… c’est normal qu’il y ait aussi peu d’éliminés ici ?

Les trois ont l’air de réagir vivement, genre ils changent de couleur et tout, c’est trop chelou et je dois avouer que sur l’instant, je manque de sortir de nouveau mon arme en croyant que c’est un piège. Mais ils finissent par redevenir normal et celui qui est rose me répond :

- Il manquerait plus que ça ne le soit pas ! On veut pas devenir des sans-abris en causant un bug de couleur !
- Euh… d’accord.

J’ai rien compris, je vois pas le rapport entre participer au jeu et se retrouver clodo. Je comprends encore moins ce qu’est un bug, mais je préfère ne pas avoir l’air con en posant la question. Je me contente de continuer mon chemin. Je questionne quelques autres étranges personnages, sans meilleur résultat. Tout ce que j’en obtiens, c’est qu’ils connaissent effectivement le Lord Business et que les portails mènent à des jeux. Visiblement, je ne tirerai pas grand chose de ceux qui sont ici, je décide donc de m’aventurer dans un portail au hasard. Au-dessus de celui-ci, je vois les mots “Super Mario Bros” qui défilent. Cependant, une alarme sonne et un vigile bleu apparaît, m’interpellant aussitôt :

- Pas si vite, monsieur. Contrôle de sécurité. Votre nom ?
- Kuro.

Je lui réponds de façon assez impatiente. L’homme semble noter quelque chose, puis me répond aussitôt :

- Vous ne faites pas partie de ce jeu. Une partie va bientôt commencer, je ne peux pas vous laisser passer.
- Vous me faites chier.
- Ce sont les règles.

Préférant éviter de faire éclater un affrontement seul contre la sécurité de ce monde, je rebrousse chemin.

- C'est ce qu'on va voir, dis-je après avoir attendu que l'homme n'ait disparu.