" Qui va là ?! "
Nazik s'arrête et ne jette d'abords qu'un coup d'oeil par-dessus son épaule. La vue de deux gardes armées et belliqueux réussit à le convaincre de se retourner, après un temps silencieux de réflèxion. Attentif et méfiant, le jeune homme observe le duo s'approcher de lui avec un entrain violent. A chacun de leurs pas en avant, son coeur vibre comme les cordes d'un piano endiablé. De la part du jeune homme, il serait bien sage de leur signaler qu'il vient ici sur ordre d'un des leurs ou qu'il n'est pas une menace, plus simplement.
Ce n'est pourtant pas son envie.
La nouvelle recrue refuse de reculer et doit jusqu'à se retenir d'avancer avec la même agressivité qu'on lui présente. Parler peut suffire à désamorcer la situation mais Nazik préfère se taire. Il les fixe en silence, ce qui lui donne un air très bizarre, le visage neutre et les yeux dans le vague, vers eux. Dans ses moments où la tension monte, que le danger devient palpable, c'est là que ses sombres pouvoirs se sont révélés la première et seule fois.
Palpable… à vous faire suer et trembler, quand le monde se déforme pour passer du calme à l'orage, quand votre propre coeur en est secoué.
Des yeux jaunes guettent la scène depuis les ruelles obscurs qui convergent vers la place. L'un des deux gardes retient alors son collègue du bras, à temps, avant que ne débute l'affrontement. Des ombres toutes bêtes avancent à pas menaçants, se contentent pour l'instant de marcher.
" C'est toi qui a fait ça ?! "
Les sourcils qui se froncent, brièvement, avant que Nazik ne retrouve un air calme. Il se retient de sourire, par respect. Là d'où il vient, tout le monde tremble à la vue d'un sans-cœur. Apparement, ici, une dizaine peut surgir que ça n'émeut pas plus que ça les gardes.
Pourtant, quelque chose perturbe le jeune homme.
Les ombres ne lui paraissent pas comme la dernière fois… c'est bien lui qui les a appelé, il le sait car il le sent. On connait tous, ou pratiquement, cette différence lorsque l'on regarde un chien domestique et un chien qui ne l'est pas. Sans même avoir besoin d'aboyer ou de s'agiter, un animal sauvage peut nous mordre et on le sent. Là où un chien domestique, même sans laisse, n'a pas cette drôle d'aura menaçante qu'ont les chiens sauvages.
Son poing se serre d'instinct, désormais la main refermée sur sa Keyblade, qui apparait dans une brève explosion de fumées sombres.
" Non… " Répond Nazik, soucieux à observer les ombres, puis qui arque un sourcil vers la keyblade apparue par surprise.
" Arrête de t'la jouer mystérieux avec nous ! "
Une nouvelle fois, l'impétueux garde est brusquement rappelé à l'ordre par son binôme, cette fois-ci d'un coup de coude dans le ventre ! Les ombres ont plongés dans le sol, y glissent toutes plates, particulièrement vives, prêtes à frapper à tout moment. L'une d'entre elles bondit hors des pavés avec la violence d'un geyser ! Nazik bloque la charge de son arme qu'il ne tient, avec arrogance, que d'une seule main. Si faible, le sans-cœur a suffisement d'élan pour le faire reculer !
Jusqu'à le forcer d'user de sa seconde main, celle-là posée sur la partie contondante de son arme.
" Saleté ! " Péniblement, il la repousse finalement à l'aide de toute sa force, intact physiquement mais bien blessé dans son égo. Froid mais furieux, il saisit sa garde à deux mains et exécute la créature d'une série de quelques coups. Un peu plus loin, les deux gardes balayent les ombres sans efforts.
Un premier use de deux lames, n'ayant besoin que d'un seul bras pour faire voler une ombre à bonne distance. L'autre fait valser une grande épée qui va et tranche sans discontinuer. Très honnêtement, Nazik est stupéfait, lui qui se pensait jusqu'ici spécial ne l'est pas tant. D'un côté, ça l'enchante de découvrir le monde mais de l'autre ? Le monde vient, très simplement, de lui expliquer qu'il n'est rien et très petit aussi.
Une ombre le prend par surprise, griffe son dos sans s'arrêter et repart, stoppé net par un jeune homme qui frappe sans se retenir.
Puis le calme revient aussi vite qu'il est arrivé… les deux gardes sont débraillés, nerveux et agressifs mais pas plus qu'avant l'apparition des ombres. A les voir, de suite, reporter leurs attentions sur lui, Nazik comprend qu'une dizaine de sans-cœurs ne méritent même pas d'être raconté comme anecdote à leurs yeux. Pendant ce temps, lui a déjà le souffle court, son teint pâle qui a quelque peu rougi et ses cheveux en batailles, sa chemise déchirée aussi.
Du sang s'écoule, il le sait lorsqu'un vent frais vient glacer ses plaies.
" Un blond de chez vous m'a mandaté pour une mission, il veut que je transforme les os du Béhémot en armes. " Se décide-t-il à dire, brusquement. Par respect ou par peur, lui qui sait aisément confondre les deux.
" Ah oui… ? "
" Pourquoi tu nous dis pas ça dès le départ, hein ?! "
En vérité, la manœuvre est plutôt fine. Une fausse attaque de sans-cœurs où l'on est soi-même attaqué, parfait pour nouer une relation de confiance et dissiper les soupçons. Nazik détourne pourtant le regard et baisse les yeux sur le côté, affiche une moue déçue. Ca aurait été un bon stratagème si ça avait été voulu.
Le jeune homme soupire en levant les yeux vers le ciel obscur, il ouvre sa main et comme elle est apparu, son arme disparait.
Tout à coup songeur, Nazik observe sa main d'un air curieux, jusqu'ici, ses pouvoirs semblent complètement lui échapper et en même temps, il parvient à les utiliser avec un naturel désarmant. C'est un peu comme respirer, on le fait sans s'en rendre compte, de manière automatique. Néanmoins, il est possible d'apprendre à maitriser sa respiration, l'on peut apprendre à mieux respirer.
Cette seconde "respiration" parait, hélas, bien délicate à cerner, ca risque de lui prendre du temps.
" Kuro t'a dit à qui iront les armes ? "
Kuro… ?! Ce nom l'arrache de sa rêverie dans un léger sursaut, c'est donc ainsi que s'appelle son donneur de mission.
" C'est qui ce guignole au juste… ?! "
" Kuro m'a dit que les armes iraient à la milice. "
" Tu sais où est le Béhémot ? "
" Il m'a simplement dit d'allez à la place des fêtes mais… " Nazik se permet un sourire neutre au moment d'hausser les épaules. " ...je n'ai aucune idée d'où ça peut bien être. "
" Suis-nous. "
Sans un mot, les deux gardes emboitent le pas dans la direction inverse que celle emprunté jusqu'ici par la dernière recrue. Celle-ci, encore une fois, doit se faire à l'idée qu'elle a tout à apprendre et suit alors le binôme bien sagement. Les deux gardes lui tournent le dos sans crainte, parce qu'ils lui font confiance ? Ils en ont vaguement l'air mais Nazik a tendance à se dire autre chose. Lui pense plutôt que ces deux gardes ne le craignent en rien.
La ballade se fait sans un mot jusqu'à la place des fêtes, dans des rues assombries par un éclat violet et seulement éclairés par des lampadaires.
Les ténèbres règnent ici et le jeune homme, contemplatif, a l'impression d'être chez lui. En même temps perdu, ne discernant pas encore les bâtiments vertigineux entre eux, ni même les rues qui lui apparaissent comme un labyrinthe sans fin. Le temps de s'y faire, surement, car le Mont des Lanternes lui paraissaient tout aussi incroyable avant de s'en lasser. Pourtant, ça parait difficile de se lasser d'un soleil noir ou même de la ville qui baigne dans son ombre. Les rayons violets, loin d'éclater comme ceux d'un soleil ordinaire, semblent plutôt s'étendre en brume dans les rues. Nazik détaille les environs comme on savoure les finesses d'une grande oeuvre d'art...
...et s'arrête net à la vue de la "Place des Fêtes".
" De quel genre de fête parle-t-on, au juste ? " Dit-il, pris par surprise au moment d'apercevoir les traces du massacre sauvage qui a eu lieu ici. De la même façon que son arme apparait sans prévenir, voilà le nouveau venu qui sourit avec des yeux rêveurs.
" Vas-y, souris, imbécile. " Grogne le ronchon, bien moins aggressif qu'il n'a pu l'être jusqu'ici.
" Bienvenue à la Coalition Noire. " Lâche l'autre comme un fulgurance, pour mieux se reprendre après son trait d'esprit. " Façon de parler. Personne n'est réellement le bienvenue ici. "
" Je vois ça. "
Solennel et respectueux, pas vraiment le choix, le jeune homme s'avance prudemment jusqu'à dépasser les deux gardes arrêtés.
Une gigantesque cage a explosé, ses barreaux tordus jusqu'à en être déchirés par une force démesurée… et les pavés ont été fracassés, jusque sur les murs où de profonds cratères sont dessinés. L'endroit est en ruine et on peine à croire que les habitations qui l'encerclent tiennent encore debout. Un pas après l'autre, Nazik tourne sur lui-même lentement, prend son temps pour admirer le carnage. Des insectes fourmillent à terre, de véritables fourmilles vont et viennent d'ailleurs en file indienne. Ordonnés comme des petits soldats ou plutôt des ouvriers, des mouches font vibrer leurs ailes de manière sonore. Et on aperçoit les poils disparates de quelques rongeurs à l'air mauvais, des rats, qui fuient la dépouille à l'approche des trois hommes. Sur les toits, où dans l'ombre des ruelles, des maigres félins rodent à l'affut. Quelques oiseaux sont là, bien nerveux, les moins téméraires s'envolent déjà.
La cage est déjà assez grande pour contenir une dizaine d'humains, peut-être vingt, peut-être plus encore. Elle peine pourtant déjà à rivaliser avec le squelette échoué plus loin. C'est pour se délecter du peu qu'il resterait de viandes pourries que la faune se réunit là, ou pour se repaitre des charognards. L'ossature d'un fauve monumentale duquel s'approche le jeune homme, bien modeste en taille comme dans son attitude. Du bout des doigts, Nazik effleure un os du monstre, une fine douleur le force à un geste de retirement. Frottant le bout de ses doigts, le jeune homme voit enfin, quelques secondes plus tard, du sang s'en écouler.
" Woah. " Sans prétendre avoir déjà toucher un os directement, ce que la nouvelle recrue touche lui parait… du métal ou au moins, quelque chose qui s'en rapproche fortement.
" Quand t'auras fini de t'extasier, tu pourras peut-être te mettre au travail. Nous avons une forge dans la forêt et… " Le garde s'approche à pas vif, dégaine une épée et frappe le squelette du monstre. Nazik recule d'un sursaut des étincelles nées de la friction de l'arme et de l'os ! " …il ne fait aucun doute que ces os-là peuvent y être fondus. "
" Maintenant, débrouille-toi pour ramener ça à la forge avec tes petits bras ! "
Après s'être moqué, les deux gardes s'observent l'un l'autre, perplexe.
" Il n'y arrivera jamais tout seul. "
" Je vois pas en quoi c'est notre problème. "
" Ces armes seront pour vous, si j'ai bien compris ? "
" Nous avons déjà nos patrouilles à faire. "
" Puis c'est à toi que Kuro a demandé… donc c'est à toi de le faire, pas à nous. "
Puis, ils sont partis, laissant Nazik seul et bien dans l'embarras. Tranquillement, le jeune homme fait le tour du squelette comme on fait le tour d'un camion, en prenant son temps mais bien sceptique. Comment faire pour transporter une carcasse aussi massive ? Impossible, c'est bien trop lourd ! Peut-être en plusieurs fois ? Impossible, c'est bien trop solide !
Le temps que ça prendrait en plus… la forge est dans la forêt ? Le jeune homme croit savoir où. Pas l'emplacement exact de la forge mais au moins la direction des bois.
Qu'importe… le jeune homme se retrouve face à ce squelette, trouve la tâche de le déplacer infaisable et, secoué, doit admettre qu'un certain Jack a tuer le monstre de son vivant.
" J'aurais aimé voir ça ! "
Trop tard, Nazik continue de tourner autour du squelette, se penche parfois pour l'inspecter mais finit par simplement se tenir debout et bras croisé, l'observe avec un air vide. Un sursaut lui soulève le coeur, des poubelles renversés, une drôle de sensation va de ses pieds jusqu'à sa tête, des chats miaulent et feulent bien agités, le jeune homme lutte pour rester figer. Des félins se disputent dans une ruelle, loin des simples jeux d'apparats, se jettent l'un sur l'autre comme lions enragés. La nouvelle recrue se laisse amuser de ce spectacle, un doux sourire aux lèvres, jusqu'à prendre partie pour l'une des deux créatures. Elle est reconnaissable à son oreille manquante et, rien qu'à cause de ça, se démarque immédiatement.
C'est d'ailleurs lui qui gagne, chasse l'autre qui fuit face au coup de griffe final et fier, Nazik se réjouit de voir son poulain se repaitre d'un sac poubelle éventré.
Les habitants de cette ville, les chats en font parties et à cette idée, le visage du jeune homme s'illumine. C'est l'épiphanie lorsqu'enfin, son regard se détourne du squelette et, intéressé, guette les habitations autour. Discrets dérrière leurs fenêtres, les gens se cachent et le quartier parait… envahi de bestioles. Pas besoin de s'appeller Sherlock Holmes pour comprendre d'où vient l'afflux d'animaux opportunistes.
D'un pas élancé, Nazik saute plein de motivation d'un os à l'autre jusqu'à se tenir au sommet de ce qu'il reste d'Anjanath. Il se racle la gorge, se sait peu doué pour avoir la voix qui porte mais tout de même, c'est sa seule option ici.
" Mesdames et messieurs !!! " Crie-t-il, ce qui force déjà quelques fenêtres à s'ouvrir, au moins quelques volets à remontés, même légèrement. Comme si ça pouvait l'aider à être plus imposant et avoir une voix plus forte, Nazik écarte en grand les bras sur un équilibre un peu précaire. " Bonsoir !!! "
Il manque de trébucher et tomber à terre, debout sur une seule jambe avec ses bras toujours écartés qui, désormais, sont bien utiles à son équilibre. Le temps de retrouver sa stabilité, son appel reprend.
" La Coalition Noire m'ordonne de déplacer ces os loin de chez vous mais je n'y arriverais pas seul !!! " Est-ce ainsi que devrait parler un membre de la Coalition Noire ? Peu lui importe, au final, seul compte que cette première mission soit réussit pour l'instant. " Alors venez m'aider !!! Les insectes, les rongeurs, les oiseaux, les chats !!! Tous ne viennent hanter votre quartier à cause de cette carcasse !!! Aidez-moi et ainsi, rendez vos tristes vies un peu moins misérables !!! "
Aucune réponse, aucune réaction, ce qui laisse Nazik bien las, honteux de sa prestation. Bien amer d'avoir fait ce qu'on appelle, si sobrement, un bide. Après avoir attendu et naïvement espéré, toujours pas la moindre réaction. Peut-être rendu fou par la honte de cet échec cuisant, le jeune homme se retrousse les manches et commence à tirer le squelette. Pitoyablement, et de manière prévisible, le squelette n'a pas bougé d'un pouce.
Est-ce que Nazik a finalement marqué un point ? Ou bien ont-ils peur que la volontée de la Coalition Noire ne soit pas faite ?
Peut-être est-ce simplement le temps qu'ils discutent entre eux… mais les habitants sont sortis de chez eux pour se mettre au travail. A l'aide de cordes, de chaines et de tout ce qui tombe sous la main, ils vont comme des esclaves tirer la carcasse. Finalement, le jeune homme n'a même pas eu besoin de tirer pour y arriver, se contentant d'escorter le convoi jusqu'à destination.
Mer 23 Sep 2020 - 21:34Nazik s'arrête et ne jette d'abords qu'un coup d'oeil par-dessus son épaule. La vue de deux gardes armées et belliqueux réussit à le convaincre de se retourner, après un temps silencieux de réflèxion. Attentif et méfiant, le jeune homme observe le duo s'approcher de lui avec un entrain violent. A chacun de leurs pas en avant, son coeur vibre comme les cordes d'un piano endiablé. De la part du jeune homme, il serait bien sage de leur signaler qu'il vient ici sur ordre d'un des leurs ou qu'il n'est pas une menace, plus simplement.
Ce n'est pourtant pas son envie.
La nouvelle recrue refuse de reculer et doit jusqu'à se retenir d'avancer avec la même agressivité qu'on lui présente. Parler peut suffire à désamorcer la situation mais Nazik préfère se taire. Il les fixe en silence, ce qui lui donne un air très bizarre, le visage neutre et les yeux dans le vague, vers eux. Dans ses moments où la tension monte, que le danger devient palpable, c'est là que ses sombres pouvoirs se sont révélés la première et seule fois.
Palpable… à vous faire suer et trembler, quand le monde se déforme pour passer du calme à l'orage, quand votre propre coeur en est secoué.
Des yeux jaunes guettent la scène depuis les ruelles obscurs qui convergent vers la place. L'un des deux gardes retient alors son collègue du bras, à temps, avant que ne débute l'affrontement. Des ombres toutes bêtes avancent à pas menaçants, se contentent pour l'instant de marcher.
" C'est toi qui a fait ça ?! "
Les sourcils qui se froncent, brièvement, avant que Nazik ne retrouve un air calme. Il se retient de sourire, par respect. Là d'où il vient, tout le monde tremble à la vue d'un sans-cœur. Apparement, ici, une dizaine peut surgir que ça n'émeut pas plus que ça les gardes.
Pourtant, quelque chose perturbe le jeune homme.
Les ombres ne lui paraissent pas comme la dernière fois… c'est bien lui qui les a appelé, il le sait car il le sent. On connait tous, ou pratiquement, cette différence lorsque l'on regarde un chien domestique et un chien qui ne l'est pas. Sans même avoir besoin d'aboyer ou de s'agiter, un animal sauvage peut nous mordre et on le sent. Là où un chien domestique, même sans laisse, n'a pas cette drôle d'aura menaçante qu'ont les chiens sauvages.
Son poing se serre d'instinct, désormais la main refermée sur sa Keyblade, qui apparait dans une brève explosion de fumées sombres.
" Non… " Répond Nazik, soucieux à observer les ombres, puis qui arque un sourcil vers la keyblade apparue par surprise.
" Arrête de t'la jouer mystérieux avec nous ! "
Une nouvelle fois, l'impétueux garde est brusquement rappelé à l'ordre par son binôme, cette fois-ci d'un coup de coude dans le ventre ! Les ombres ont plongés dans le sol, y glissent toutes plates, particulièrement vives, prêtes à frapper à tout moment. L'une d'entre elles bondit hors des pavés avec la violence d'un geyser ! Nazik bloque la charge de son arme qu'il ne tient, avec arrogance, que d'une seule main. Si faible, le sans-cœur a suffisement d'élan pour le faire reculer !
Jusqu'à le forcer d'user de sa seconde main, celle-là posée sur la partie contondante de son arme.
" Saleté ! " Péniblement, il la repousse finalement à l'aide de toute sa force, intact physiquement mais bien blessé dans son égo. Froid mais furieux, il saisit sa garde à deux mains et exécute la créature d'une série de quelques coups. Un peu plus loin, les deux gardes balayent les ombres sans efforts.
Un premier use de deux lames, n'ayant besoin que d'un seul bras pour faire voler une ombre à bonne distance. L'autre fait valser une grande épée qui va et tranche sans discontinuer. Très honnêtement, Nazik est stupéfait, lui qui se pensait jusqu'ici spécial ne l'est pas tant. D'un côté, ça l'enchante de découvrir le monde mais de l'autre ? Le monde vient, très simplement, de lui expliquer qu'il n'est rien et très petit aussi.
Une ombre le prend par surprise, griffe son dos sans s'arrêter et repart, stoppé net par un jeune homme qui frappe sans se retenir.
Puis le calme revient aussi vite qu'il est arrivé… les deux gardes sont débraillés, nerveux et agressifs mais pas plus qu'avant l'apparition des ombres. A les voir, de suite, reporter leurs attentions sur lui, Nazik comprend qu'une dizaine de sans-cœurs ne méritent même pas d'être raconté comme anecdote à leurs yeux. Pendant ce temps, lui a déjà le souffle court, son teint pâle qui a quelque peu rougi et ses cheveux en batailles, sa chemise déchirée aussi.
Du sang s'écoule, il le sait lorsqu'un vent frais vient glacer ses plaies.
" Un blond de chez vous m'a mandaté pour une mission, il veut que je transforme les os du Béhémot en armes. " Se décide-t-il à dire, brusquement. Par respect ou par peur, lui qui sait aisément confondre les deux.
" Ah oui… ? "
" Pourquoi tu nous dis pas ça dès le départ, hein ?! "
En vérité, la manœuvre est plutôt fine. Une fausse attaque de sans-cœurs où l'on est soi-même attaqué, parfait pour nouer une relation de confiance et dissiper les soupçons. Nazik détourne pourtant le regard et baisse les yeux sur le côté, affiche une moue déçue. Ca aurait été un bon stratagème si ça avait été voulu.
Le jeune homme soupire en levant les yeux vers le ciel obscur, il ouvre sa main et comme elle est apparu, son arme disparait.
Tout à coup songeur, Nazik observe sa main d'un air curieux, jusqu'ici, ses pouvoirs semblent complètement lui échapper et en même temps, il parvient à les utiliser avec un naturel désarmant. C'est un peu comme respirer, on le fait sans s'en rendre compte, de manière automatique. Néanmoins, il est possible d'apprendre à maitriser sa respiration, l'on peut apprendre à mieux respirer.
Cette seconde "respiration" parait, hélas, bien délicate à cerner, ca risque de lui prendre du temps.
" Kuro t'a dit à qui iront les armes ? "
Kuro… ?! Ce nom l'arrache de sa rêverie dans un léger sursaut, c'est donc ainsi que s'appelle son donneur de mission.
" C'est qui ce guignole au juste… ?! "
" Kuro m'a dit que les armes iraient à la milice. "
" Tu sais où est le Béhémot ? "
" Il m'a simplement dit d'allez à la place des fêtes mais… " Nazik se permet un sourire neutre au moment d'hausser les épaules. " ...je n'ai aucune idée d'où ça peut bien être. "
" Suis-nous. "
Sans un mot, les deux gardes emboitent le pas dans la direction inverse que celle emprunté jusqu'ici par la dernière recrue. Celle-ci, encore une fois, doit se faire à l'idée qu'elle a tout à apprendre et suit alors le binôme bien sagement. Les deux gardes lui tournent le dos sans crainte, parce qu'ils lui font confiance ? Ils en ont vaguement l'air mais Nazik a tendance à se dire autre chose. Lui pense plutôt que ces deux gardes ne le craignent en rien.
La ballade se fait sans un mot jusqu'à la place des fêtes, dans des rues assombries par un éclat violet et seulement éclairés par des lampadaires.
Les ténèbres règnent ici et le jeune homme, contemplatif, a l'impression d'être chez lui. En même temps perdu, ne discernant pas encore les bâtiments vertigineux entre eux, ni même les rues qui lui apparaissent comme un labyrinthe sans fin. Le temps de s'y faire, surement, car le Mont des Lanternes lui paraissaient tout aussi incroyable avant de s'en lasser. Pourtant, ça parait difficile de se lasser d'un soleil noir ou même de la ville qui baigne dans son ombre. Les rayons violets, loin d'éclater comme ceux d'un soleil ordinaire, semblent plutôt s'étendre en brume dans les rues. Nazik détaille les environs comme on savoure les finesses d'une grande oeuvre d'art...
...et s'arrête net à la vue de la "Place des Fêtes".
" De quel genre de fête parle-t-on, au juste ? " Dit-il, pris par surprise au moment d'apercevoir les traces du massacre sauvage qui a eu lieu ici. De la même façon que son arme apparait sans prévenir, voilà le nouveau venu qui sourit avec des yeux rêveurs.
" Vas-y, souris, imbécile. " Grogne le ronchon, bien moins aggressif qu'il n'a pu l'être jusqu'ici.
" Bienvenue à la Coalition Noire. " Lâche l'autre comme un fulgurance, pour mieux se reprendre après son trait d'esprit. " Façon de parler. Personne n'est réellement le bienvenue ici. "
" Je vois ça. "
Solennel et respectueux, pas vraiment le choix, le jeune homme s'avance prudemment jusqu'à dépasser les deux gardes arrêtés.
Une gigantesque cage a explosé, ses barreaux tordus jusqu'à en être déchirés par une force démesurée… et les pavés ont été fracassés, jusque sur les murs où de profonds cratères sont dessinés. L'endroit est en ruine et on peine à croire que les habitations qui l'encerclent tiennent encore debout. Un pas après l'autre, Nazik tourne sur lui-même lentement, prend son temps pour admirer le carnage. Des insectes fourmillent à terre, de véritables fourmilles vont et viennent d'ailleurs en file indienne. Ordonnés comme des petits soldats ou plutôt des ouvriers, des mouches font vibrer leurs ailes de manière sonore. Et on aperçoit les poils disparates de quelques rongeurs à l'air mauvais, des rats, qui fuient la dépouille à l'approche des trois hommes. Sur les toits, où dans l'ombre des ruelles, des maigres félins rodent à l'affut. Quelques oiseaux sont là, bien nerveux, les moins téméraires s'envolent déjà.
La cage est déjà assez grande pour contenir une dizaine d'humains, peut-être vingt, peut-être plus encore. Elle peine pourtant déjà à rivaliser avec le squelette échoué plus loin. C'est pour se délecter du peu qu'il resterait de viandes pourries que la faune se réunit là, ou pour se repaitre des charognards. L'ossature d'un fauve monumentale duquel s'approche le jeune homme, bien modeste en taille comme dans son attitude. Du bout des doigts, Nazik effleure un os du monstre, une fine douleur le force à un geste de retirement. Frottant le bout de ses doigts, le jeune homme voit enfin, quelques secondes plus tard, du sang s'en écouler.
" Woah. " Sans prétendre avoir déjà toucher un os directement, ce que la nouvelle recrue touche lui parait… du métal ou au moins, quelque chose qui s'en rapproche fortement.
" Quand t'auras fini de t'extasier, tu pourras peut-être te mettre au travail. Nous avons une forge dans la forêt et… " Le garde s'approche à pas vif, dégaine une épée et frappe le squelette du monstre. Nazik recule d'un sursaut des étincelles nées de la friction de l'arme et de l'os ! " …il ne fait aucun doute que ces os-là peuvent y être fondus. "
" Maintenant, débrouille-toi pour ramener ça à la forge avec tes petits bras ! "
Après s'être moqué, les deux gardes s'observent l'un l'autre, perplexe.
" Il n'y arrivera jamais tout seul. "
" Je vois pas en quoi c'est notre problème. "
" Ces armes seront pour vous, si j'ai bien compris ? "
" Nous avons déjà nos patrouilles à faire. "
" Puis c'est à toi que Kuro a demandé… donc c'est à toi de le faire, pas à nous. "
Puis, ils sont partis, laissant Nazik seul et bien dans l'embarras. Tranquillement, le jeune homme fait le tour du squelette comme on fait le tour d'un camion, en prenant son temps mais bien sceptique. Comment faire pour transporter une carcasse aussi massive ? Impossible, c'est bien trop lourd ! Peut-être en plusieurs fois ? Impossible, c'est bien trop solide !
Le temps que ça prendrait en plus… la forge est dans la forêt ? Le jeune homme croit savoir où. Pas l'emplacement exact de la forge mais au moins la direction des bois.
Qu'importe… le jeune homme se retrouve face à ce squelette, trouve la tâche de le déplacer infaisable et, secoué, doit admettre qu'un certain Jack a tuer le monstre de son vivant.
" J'aurais aimé voir ça ! "
Trop tard, Nazik continue de tourner autour du squelette, se penche parfois pour l'inspecter mais finit par simplement se tenir debout et bras croisé, l'observe avec un air vide. Un sursaut lui soulève le coeur, des poubelles renversés, une drôle de sensation va de ses pieds jusqu'à sa tête, des chats miaulent et feulent bien agités, le jeune homme lutte pour rester figer. Des félins se disputent dans une ruelle, loin des simples jeux d'apparats, se jettent l'un sur l'autre comme lions enragés. La nouvelle recrue se laisse amuser de ce spectacle, un doux sourire aux lèvres, jusqu'à prendre partie pour l'une des deux créatures. Elle est reconnaissable à son oreille manquante et, rien qu'à cause de ça, se démarque immédiatement.
C'est d'ailleurs lui qui gagne, chasse l'autre qui fuit face au coup de griffe final et fier, Nazik se réjouit de voir son poulain se repaitre d'un sac poubelle éventré.
Les habitants de cette ville, les chats en font parties et à cette idée, le visage du jeune homme s'illumine. C'est l'épiphanie lorsqu'enfin, son regard se détourne du squelette et, intéressé, guette les habitations autour. Discrets dérrière leurs fenêtres, les gens se cachent et le quartier parait… envahi de bestioles. Pas besoin de s'appeller Sherlock Holmes pour comprendre d'où vient l'afflux d'animaux opportunistes.
D'un pas élancé, Nazik saute plein de motivation d'un os à l'autre jusqu'à se tenir au sommet de ce qu'il reste d'Anjanath. Il se racle la gorge, se sait peu doué pour avoir la voix qui porte mais tout de même, c'est sa seule option ici.
" Mesdames et messieurs !!! " Crie-t-il, ce qui force déjà quelques fenêtres à s'ouvrir, au moins quelques volets à remontés, même légèrement. Comme si ça pouvait l'aider à être plus imposant et avoir une voix plus forte, Nazik écarte en grand les bras sur un équilibre un peu précaire. " Bonsoir !!! "
Il manque de trébucher et tomber à terre, debout sur une seule jambe avec ses bras toujours écartés qui, désormais, sont bien utiles à son équilibre. Le temps de retrouver sa stabilité, son appel reprend.
" La Coalition Noire m'ordonne de déplacer ces os loin de chez vous mais je n'y arriverais pas seul !!! " Est-ce ainsi que devrait parler un membre de la Coalition Noire ? Peu lui importe, au final, seul compte que cette première mission soit réussit pour l'instant. " Alors venez m'aider !!! Les insectes, les rongeurs, les oiseaux, les chats !!! Tous ne viennent hanter votre quartier à cause de cette carcasse !!! Aidez-moi et ainsi, rendez vos tristes vies un peu moins misérables !!! "
Aucune réponse, aucune réaction, ce qui laisse Nazik bien las, honteux de sa prestation. Bien amer d'avoir fait ce qu'on appelle, si sobrement, un bide. Après avoir attendu et naïvement espéré, toujours pas la moindre réaction. Peut-être rendu fou par la honte de cet échec cuisant, le jeune homme se retrousse les manches et commence à tirer le squelette. Pitoyablement, et de manière prévisible, le squelette n'a pas bougé d'un pouce.
Est-ce que Nazik a finalement marqué un point ? Ou bien ont-ils peur que la volontée de la Coalition Noire ne soit pas faite ?
Peut-être est-ce simplement le temps qu'ils discutent entre eux… mais les habitants sont sortis de chez eux pour se mettre au travail. A l'aide de cordes, de chaines et de tout ce qui tombe sous la main, ils vont comme des esclaves tirer la carcasse. Finalement, le jeune homme n'a même pas eu besoin de tirer pour y arriver, se contentant d'escorter le convoi jusqu'à destination.