”Arcade”. “Jeu vidéo”. “Pixel”. “Sonic”. “Mario”. Un vocabulaire complètement inconnu. Autour de Zanni, des individus qu’elle n’aurait pu imaginer il y a quelques années de cela. Des nains dont les déplacements se faisaient en parfaite ligne droite. Des créatures se qualifiant d’animaux sans n’avoir quoi que ce soit d’autre qu’une faible ressemblance. Cet être jaune n’avait du renard que les oreilles. Pourquoi ces maîtres des arts martiaux orientaux avaient-ils arraché les manches de leurs kimonos ? Des petits bonhommes. Des grandes créatures. Des femmes guerrières dans des armures du futur. La flûtiste pourpre avait eu pour but de venir ici chercher des vaisseaux. Ces grandes boîtes ailées et volantes. Elles flottent sans quelconque logique. Du moins, logique qui accompagna Zanni pendant si longtemps. Mais son expérience ne valait plus grand chose depuis un bon moment. En tout cas, son expérience avec les machines. Les puissants restaient les mêmes, qu’importe l’époque, qu’importe l’impact de la science et de la technologie, qu’importe si entre leurs mains était une épée ou une arquebuse à la forme cubique et aux projectiles cent fois plus mortelle. On les appelait fusil-lasers. Elle s’imaginait que les lasers étaient les faisceaux tangibles qui laissaient une trace de brûlure sur la cible et impactaient son corps de sorte à l’anéantir en un seul contact. De la machinerie terrifiante. Un peu comme cette croisée des rêves pire que dans ses cauchemars.

”Excusez-moi, mademoiselle, vous allez bien ? Cela fait trois heures que vous regardez dans le vide sans faire quoi que ce soit.”

Les couleurs n’avaient pas disparu. Les créatures étaient toujours là, inconscientes de leurs formes si irréelles qu’elles en étaient malaisantes. On les croirait provenir des peintures surréalistes commandées par ses anciens mécènes. Elles se rassemblaient dans des cafés comme les bourgeois parisiens. Des animaux qui prenaient la place d’humains. Les petites iris blanches dans la marée noire de sa sclère se tournèrent vers ce nouvel interlocuteur à la voix légèrement aiguë et mélangée à un certain raclement de gorge. C’était un grand gaillard en vêtement violet. Sa peau était aussi blanche que la sienne, mais ses cheveux étaient d’un vert que l’on ne trouverait que sur certains tableaux. De chacun de ses fossettes s’étendait un large sourire rouge sang. Derrière lui… un personnage tout aussi comparable. Lui portait une veste si large qu’elle ressemblait à un manteau, et transportait des lames à sa ceinture. Mais son teint et sa teinture étaient en tout point ceux de son camarade. On pourrait les croire frères.

”Mon ami et moi étions en train de discuter de films depuis quelques heures, et vous bougiez pas, donc on vient voir si ça va.”

"De… quoi ?"

Le deuxième prit la parole. Il avait exactement la même voix que le premier.

”Vous avez pas l’air du coin. Moi, je suis le Joker d’Injustice 2. Et lui, c’est le Joker de Mortal Kombat 11.”

”Pour vous servir !”

Joquaire ? Innedjeustice Deux ? Mortal Combat Onze ?

"Je… Je ne fais que chercher un vaisseau pour une mission. Je ne veux pas rester ici trop longtemps. Cette ambiance luminescente et ce brouhaha continuel m’insupportent et me rendent malade."

”Ah ouais. Tu vois, Joker, je te l’avais dit. C’est pas un skin d’Harley Quinn !”

Skinne Darlé Couine ?

”En effet, Joker, je m’étais trompé. Pas la peine d’en rajouter, l’erreur est humaine.”

”On est pas humain. On est fait de pixels, Joker. Et qu’importe l’incarnation, on reste monstrueux ! Très loin d’êtres humains !”

”Je te le répète, on est pas monstrueux dans chaque incarnation. Quand Joaquin Phoenix nous joue, il nous offre un portrait humain d’un homme malade qui sombre petit à petit dans la folie ! De plus, nous sommes des modèles 3D avant tout.”

Iokine Phénix ? Trouadé ? La tête de Zanni commençait à grincer. Ce croisement blanc et éclairé contrastrait avec les rues insalubres de Paris. L’ombre dans laquelle elle se tapissait. Pas même un milliers de chandeliers ne pourrait produire une telle lumière. Ses yeux commençaient à piquer. Un pivert minuscule et invisible était en train de taper inlassablement sur son front.

”Ok, d’accord, presque toutes les incarnations, alors. Et un modèle 3D c'est techniquement pixelisé aussi, on a juste davantage de polygones... Oh, regarde Joker, t’es en train de la fatiguer avec tes histoires !”

”Oh, oui, excusez-moi, mademoiselle. Vous cherchez un vaisseau, c’est ça ?”

"Oui ?"

Oui. Oui, elle cherchait un vaisseau. Ou un cochet de vaisseau. Une personne qui avait dans ses mains ces harnais fixes et circulaires qui permettaient la maniement de ces diligences volantes. C’était une chance que de porter son masque, pensait-elle à l’instant. Elle se sentait froidement suer du visage. Le bout de céramique couvrant sa peau lui permettait d’éviter d’inquiéter ces jumeaux facilement distraits.

”On pourrait demander de l’aide aux types de Calhoun ?”

”Nan, la salle ouvre bientôt.”

”Ah, ouais. Un jeu avec des vaisseaux mais où quelques uns pourrait s’absenter.”

”Gradius ?”

”Ouais… mais peut-être que quelqu’un voudra tester.”

”Personne a débloqué les persos secrets.”

”Hein ?”

”Koitsu, Soitsu, Aitsu et Doitsu. Tu sais, c’est les bonhommes de couleur musclé sur des gros avions en papier !”

Elle arrêta d’écouter. Le pivert avait ouvert son front et commençait à pénétrer de son bec pointu comme un pilum sa cervelle. Elle avait mal à la tête. Fermer les yeux sembla être la meilleure solution. Et donc ses pupilles d’ivoir se posèrent contre ses yeux d’obsidienne.

Ce fut comme un clignement d’oeil. On la tapota sur l’épaule immédiatement après. Son regard se posa sur les deux types blancs. Puis sur quatre hommes respectivement de couleur Rouge, Verte, Jaune et Bleue, chacun posant de sorte à ce que leurs muscles se tendent et se gonflent, avec derrière eux de gigantesques avions en papier. Si Zanni n’avait pas passé plusieurs heures dans ce gigantesque hall fantastique, elle n’aurait jamais envisagé que ces choses puissent voler comme des oiseaux.

”On les a ramené pour vous, Mademoiselle. Ils ont pas été débloqué sur leur jeu, donc ils ont rien à craindre. Ils peuvent rester avec vous pendant un petit moment sans crainte pour leur jeu.”

”Et on est parvenu à les convaincre de ne pas demander de paiement ! Ils vont juste faire une compétition pour savoir qui a le plus gros High-Score. Tant que vous leur demandez pas de tuer des gens, ils vous suivront sans problème.”

Ah. Oui. Peut-être que Lenore souhaitait demander l’aide de tueurs à gages. Tant pis pour elle. Elle n’avait spécifié rien d’autre que des vaisseaux. Et ces gigantesques origamis en avaient tout l’air. Elle n’avait pas à donner de l’argent quel qu’il soit. Tant mieux. Ces quatres hommes nus sans sexe visible avaient cultivés leurs corps de sorte à être au maximum de leur prouesse physique à n’importe quel moment. Peut-être qu’ils lui feront pétiller des yeux si leur conduite étrange se trouvait à désirer. Beaucoup de femmes aiment les muscles, après tout.

"Je vous remercie, hum… Joquaire et Joquaire."

”Aucun problème mademoiselle.”

”Ce fut avec plaisir !”

Elle se leva, fit un mouvement de tête aux quatre ridicules homoncules de muscle et de couleurs primaires, et entama sa marche vers le chemin du retour, les grands avions en papier commençant leurs élévations.