Des rats, partout dans les égouts. On finira dans leur ventre un jour ou l’autre.
Zanni ne trempait pas ses souliers dans l’immondice qui circulait dans les cylindriques routes vers les profondeurs, un détour nécessaire avant de se jeter dans la méditerranée. Des roches. Des tunnels. L’expertise des tailleurs utilisée pour permettre aux citadins de satisfaire leurs boyaux. Une utilisation bien plus pratique de l’intelligence de ceux qui auraient préféré sculpter un autre homme musclé à l’entrejambe rétrécie. L’art devait seconder le pragmatisme. L’art ne devait pas importer sur tout. Il y avait dans l’esprit de chaque Artisan un sol fécond pour les graines de la virtuosité, mais que valait une douce mélodie, un joli tableau, un poème émouvant face à un système permettant l’évacuation hygiénique des horreurs de la digestion ? Les vespasiennes n’étaient que l’antithèse de toute cette pathétique beauté qui importe aux démiurges de la page et de la toile. Et pourtant, c’était grâce à elles que la cité gardait le délicat arôme provenant de la nature qui l’entourait, cet arôme qui les inspirait tant. Que resterait-il à la poésie si elle devait se développer dans un climat infect ? Rien, hormis quelques Marquis de Sade. Leur lyrisme si prétentieux est fondé sur le travail d’êtres bien plus intelligents et habiles. Il menace de s’écrouler dès la première crise sanitaire. Zanni ne se mentait pas à elle-même. Elle n’aimait pas celle qui se tenait sous son masque. Elle se préférait avec. Et pourtant elle n’était qu’un personnage mis en scène par la performance et la représentation, pour égayer et se moquer. Aucune illusion ne passait devant ses pupilles brillant dans l’obscurité : elle était probablement l’un des plus gros parasites foulant le sol. Au moins, l’onanisme du consulat ne put la toucher. Elle sera restée fidèle à elle-même.
Deux étoiles dans le noir avancent à pas de chat, plus silencieuses encore que le vide, aucune autre lumière qu’elles dans ce monde qui empeste. La saltimbanque n’étais pas de ceux qui avaient une oreille capable d’attraper le moindre détail quant à ses alentours, mais il fallait être sourde pour ne pas savoir se diriger grâce aux moindres bruits qui perçaient l’imposant silence. Le monarque motus l’assistait dans sa tâche. Des rats, toujours des rats, toujours plus adorables que les bambins royaux. De ses souvenirs, les dauphins n’avaient droit qu’à très peu de loisirs. Ils devaient apprendre comment régner avant de délaisser le pouvoir à leurs ministres une fois adulte. Ils devaient tant apprendre qu’ils ne daignaient plus travailler une fois la couronne sur leur tête. Leurs sangs-mêlés, leurs consanguinité intergénérationnelle les rendait hideux et stupides. Leurs esprits mélangé à l’eau tiède ne pouvaient s’élancer dans les intenses raisonnements demandé par leurs catégories politiques. Alors ils ne firent que la guerre et la fête, le sang des roturiers et des trouffions abreuvant leurs vins et leurs pains, jusqu’à ce que l’armée d’en face ne les extermine. Oui… elle préférait bien plus les rats à ces mégalomanes.
Elle saute, attrape une corniche, bondit sur le mur, se stabilise contre un tuyau, prend appui sur le mur, court sur le deuxième, arrive à la source de l’eau. Un tube cylindrique, taillé dans la roche, apportant l’eau de la mer dans les égouts depuis un aqueduc non loin de là. Zanni avait longtemps abandonné l’idée de comparer cette Grèce à celle décrite dans les livres des intellectuels et des historiens. Les bibliothèques royales dans lesquelles elle parvenait à s’infiltrer silencieusement durant les nuits noires lui disaient que ce genre de technologie datait de bien plus tard. Mais lorsque les étoiles ne représentaient que la séparation entre divers mondes, il lui fallait bien accepter que les aqueducs puissent exister durant l’ère des sept merveilles du monde antique. Alors que le colosse de Rhodes et le grand phare d’Alexandrie continuaient d’illuminer les mers de leurs flammes sous ce ciel, il existait d’autres terres où ces derniers avaient été détruits comme l’histoire le convenait. Cela aurait ruiné les croyances de beaucoup de ses pairs. L’héliocentrisme parti en fumée, annihilé. Mais elle, elle n’en avait que faire.
Il est là, le problème. Il boit, il aspire, et avale. Elle ne peut le décrire dans le noir qui l’entoure, mais le problème gonfle, petit à petit. Sa bouche, si c’en est une, embouche le tuyau dont provient l’eau. Le flot rentre continuellement dans son estomac. Il ballonne incessamment et se dilate de sorte à ce que son apparence cachée par les ténèbres parvienne à faire ressortir l’immondice de son corps à celle qui ne voyait pourtant pas grand chose. Il lui semble toucher de la graisse à l’état pur. Mais ce qui s’enfle crève, et son plan reste bien simple. L’horreur obèse se gondole, mais la moindre ouverture mettrait fin à son règne sur la nappe des citadins. Mais elle ne le poignarde pas. Une si grande sortie d’eau l’écraserait contre le mur de pierre, briserait tous ses os et la laisserait se noyer lentement et douloureusement dans les tripes de cette chose. Comment donc l’anéantir après être retourné en sécurité ? Des explosifs à mèche ? Non, ces derniers détruiraient le reste de la structure.
Arrivèrent à ses oreilles les couinements d’un rat, que ses mains attrapèrent aussitôt. Possédant bien plus de réflexes que les rongeurs, l’acrobate maintient fermement la vermine dans sa poigne alors qu’à l’aide de sa main libre elle attrape un de ses nombreux couteaux, ainsi qu’un bout de ficelle fort robuste. Elle attache la lame au dos de la bestiole, avant de la poser délicatement contre le sol sans la lâcher. Brutalement, elle empale sa queue et la coince dans le sol. Paniquer, la créature commence à courir et à se débattre, mais la forme convexe du cylindre l’empêche de courir dans une toute autre direction que celle en face d’elle. Ainsi, lentement mais sûrement, elle s’arrache petit à petit la queue afin de s’élancer en avant, là où git l’horreur boursouflée.
L’éclat de la lumière contre ses yeux frappe. Il y a une joie à ressentir en retournant à la surface. Son costume est atypique de tous les porteurs de toge, mais ils commencent à y être habitués. Les mercenaires vont et viennent dans leurs accoutrements plus étranges les uns que les autres. Mais qui est-elle pour juger, portant un pantalon et une chemise d’une époque qui n’est pas la sienne, portant un chapeau et une cape d’une autre qui ne l’est plus. Elle prend sa flûte, improvise un petit air en s’asseyant contre la fontaine. Cela commence lent et calme, et petit à petit prend de l’importance, de la puissance. Comme la lave qui s’élève à l’intérieur d’un volcan, le sang qui remonte après un point dans l’estomac. L’oiseau déploie ses ailes et prend son envol. Un petit choc s’entend alors que la flûte résonne de plus belle… et se tait, alors que surgit de la fontaine le liquide minéral tant attendu.
Joli tour de passe-passe.
Jeu 19 Mar 2020 - 14:37Zanni ne trempait pas ses souliers dans l’immondice qui circulait dans les cylindriques routes vers les profondeurs, un détour nécessaire avant de se jeter dans la méditerranée. Des roches. Des tunnels. L’expertise des tailleurs utilisée pour permettre aux citadins de satisfaire leurs boyaux. Une utilisation bien plus pratique de l’intelligence de ceux qui auraient préféré sculpter un autre homme musclé à l’entrejambe rétrécie. L’art devait seconder le pragmatisme. L’art ne devait pas importer sur tout. Il y avait dans l’esprit de chaque Artisan un sol fécond pour les graines de la virtuosité, mais que valait une douce mélodie, un joli tableau, un poème émouvant face à un système permettant l’évacuation hygiénique des horreurs de la digestion ? Les vespasiennes n’étaient que l’antithèse de toute cette pathétique beauté qui importe aux démiurges de la page et de la toile. Et pourtant, c’était grâce à elles que la cité gardait le délicat arôme provenant de la nature qui l’entourait, cet arôme qui les inspirait tant. Que resterait-il à la poésie si elle devait se développer dans un climat infect ? Rien, hormis quelques Marquis de Sade. Leur lyrisme si prétentieux est fondé sur le travail d’êtres bien plus intelligents et habiles. Il menace de s’écrouler dès la première crise sanitaire. Zanni ne se mentait pas à elle-même. Elle n’aimait pas celle qui se tenait sous son masque. Elle se préférait avec. Et pourtant elle n’était qu’un personnage mis en scène par la performance et la représentation, pour égayer et se moquer. Aucune illusion ne passait devant ses pupilles brillant dans l’obscurité : elle était probablement l’un des plus gros parasites foulant le sol. Au moins, l’onanisme du consulat ne put la toucher. Elle sera restée fidèle à elle-même.
Deux étoiles dans le noir avancent à pas de chat, plus silencieuses encore que le vide, aucune autre lumière qu’elles dans ce monde qui empeste. La saltimbanque n’étais pas de ceux qui avaient une oreille capable d’attraper le moindre détail quant à ses alentours, mais il fallait être sourde pour ne pas savoir se diriger grâce aux moindres bruits qui perçaient l’imposant silence. Le monarque motus l’assistait dans sa tâche. Des rats, toujours des rats, toujours plus adorables que les bambins royaux. De ses souvenirs, les dauphins n’avaient droit qu’à très peu de loisirs. Ils devaient apprendre comment régner avant de délaisser le pouvoir à leurs ministres une fois adulte. Ils devaient tant apprendre qu’ils ne daignaient plus travailler une fois la couronne sur leur tête. Leurs sangs-mêlés, leurs consanguinité intergénérationnelle les rendait hideux et stupides. Leurs esprits mélangé à l’eau tiède ne pouvaient s’élancer dans les intenses raisonnements demandé par leurs catégories politiques. Alors ils ne firent que la guerre et la fête, le sang des roturiers et des trouffions abreuvant leurs vins et leurs pains, jusqu’à ce que l’armée d’en face ne les extermine. Oui… elle préférait bien plus les rats à ces mégalomanes.
Elle saute, attrape une corniche, bondit sur le mur, se stabilise contre un tuyau, prend appui sur le mur, court sur le deuxième, arrive à la source de l’eau. Un tube cylindrique, taillé dans la roche, apportant l’eau de la mer dans les égouts depuis un aqueduc non loin de là. Zanni avait longtemps abandonné l’idée de comparer cette Grèce à celle décrite dans les livres des intellectuels et des historiens. Les bibliothèques royales dans lesquelles elle parvenait à s’infiltrer silencieusement durant les nuits noires lui disaient que ce genre de technologie datait de bien plus tard. Mais lorsque les étoiles ne représentaient que la séparation entre divers mondes, il lui fallait bien accepter que les aqueducs puissent exister durant l’ère des sept merveilles du monde antique. Alors que le colosse de Rhodes et le grand phare d’Alexandrie continuaient d’illuminer les mers de leurs flammes sous ce ciel, il existait d’autres terres où ces derniers avaient été détruits comme l’histoire le convenait. Cela aurait ruiné les croyances de beaucoup de ses pairs. L’héliocentrisme parti en fumée, annihilé. Mais elle, elle n’en avait que faire.
Il est là, le problème. Il boit, il aspire, et avale. Elle ne peut le décrire dans le noir qui l’entoure, mais le problème gonfle, petit à petit. Sa bouche, si c’en est une, embouche le tuyau dont provient l’eau. Le flot rentre continuellement dans son estomac. Il ballonne incessamment et se dilate de sorte à ce que son apparence cachée par les ténèbres parvienne à faire ressortir l’immondice de son corps à celle qui ne voyait pourtant pas grand chose. Il lui semble toucher de la graisse à l’état pur. Mais ce qui s’enfle crève, et son plan reste bien simple. L’horreur obèse se gondole, mais la moindre ouverture mettrait fin à son règne sur la nappe des citadins. Mais elle ne le poignarde pas. Une si grande sortie d’eau l’écraserait contre le mur de pierre, briserait tous ses os et la laisserait se noyer lentement et douloureusement dans les tripes de cette chose. Comment donc l’anéantir après être retourné en sécurité ? Des explosifs à mèche ? Non, ces derniers détruiraient le reste de la structure.
Arrivèrent à ses oreilles les couinements d’un rat, que ses mains attrapèrent aussitôt. Possédant bien plus de réflexes que les rongeurs, l’acrobate maintient fermement la vermine dans sa poigne alors qu’à l’aide de sa main libre elle attrape un de ses nombreux couteaux, ainsi qu’un bout de ficelle fort robuste. Elle attache la lame au dos de la bestiole, avant de la poser délicatement contre le sol sans la lâcher. Brutalement, elle empale sa queue et la coince dans le sol. Paniquer, la créature commence à courir et à se débattre, mais la forme convexe du cylindre l’empêche de courir dans une toute autre direction que celle en face d’elle. Ainsi, lentement mais sûrement, elle s’arrache petit à petit la queue afin de s’élancer en avant, là où git l’horreur boursouflée.
L’éclat de la lumière contre ses yeux frappe. Il y a une joie à ressentir en retournant à la surface. Son costume est atypique de tous les porteurs de toge, mais ils commencent à y être habitués. Les mercenaires vont et viennent dans leurs accoutrements plus étranges les uns que les autres. Mais qui est-elle pour juger, portant un pantalon et une chemise d’une époque qui n’est pas la sienne, portant un chapeau et une cape d’une autre qui ne l’est plus. Elle prend sa flûte, improvise un petit air en s’asseyant contre la fontaine. Cela commence lent et calme, et petit à petit prend de l’importance, de la puissance. Comme la lave qui s’élève à l’intérieur d’un volcan, le sang qui remonte après un point dans l’estomac. L’oiseau déploie ses ailes et prend son envol. Un petit choc s’entend alors que la flûte résonne de plus belle… et se tait, alors que surgit de la fontaine le liquide minéral tant attendu.
Joli tour de passe-passe.