-Maman ? Cette poupée, regarde !
-Quoi, chérie ?
-Je peux l’avoir maman ?
-Tu as déjà bien assez de poupées comme ça. On aurait même pas de place pour la mettre.
Se-couée. Ti-réééée par les cheveux. Puis reposée. Merci, je suis sauvée. Deux petits cercles pour voir autour de moi. Je tourne la tête sans bouger le corps, écoute les pas s’éloigner. Plus personne dans le rayon. Mon petit corps de plastique s’articule. Me faisant basculer sur le côté, je fais tourner mes bras, et je parviens à me lever non sans perdre l’équilibre. Au loin j’entends le son de la délivrance.
-Mesdames et Messieurs, et vous les enfants. Votre magasin va fermer dans quelques minutes. Veuillez vous diriger vers les caisses ou vers la sortie. Nous vous remercions pour votre visite et espérons vous revoir très bientôt !
J’attends encore quelques minutes avant de me mettre en marche. Les employés arrivent pour faire leur tour et vérifier que tout le monde a bien quitté le magasin. Plus les bruits s’écartent et plus j’entends des murmures dans les rayons ; et plus je vois les silhouettes et les yeux se mouvoir dans la semi-obscurité. Les poupées qui m’entourent commencent à émettre des râles de soulagement. Je fais un pas, puis un autre. Mes bras s’éloignent de mon corps et se mettent à l’horizontal. Comme une funambule je progresse, à l’exception que mes deux jambes ne peuvent se rejoindre, séparées par des articulations trop éloignées. De l’extérieur, ma marche doit ressembler à une espèce de dandinement ridicule, mais je me concentre sur mon objectif. Les murmures commencent à s’intéresser à mes actions, je tourne la tête vers leur origine mais sans m’arrêter.
-C’est qui celle-là ? On l’a jamais vue ici.
Mes petits yeux noirs clignent et semblent propager une ombre noire autour d’eux. Les poupées blondes, portant à l’évidence toutes le même nom y vont de leur avis.
-C’est quoi cette robe chérie ? Elle est d’un autre siècle ! Hihihi !
Quand bien même aurais je voulu répondre, j’en aurais été incapable. Mon designer n’a pas cru bon l’idée de me donner une bouche. J’arrive au bout du rayon et je regarde au dessus de moi pour y voir l’inscription « poupées ». Ma tête tourne de façon à lire les inscriptions de part et d’autres du rayon. Je n’entends pas grand-chose à l’intérêt qu’un enfant peut avoir pour ces endroits alors j’accoste le premier jouet qui se trouve près de moi. C’est un ours brun avec un gros noeud autour du cou. Je lève le bras en guise de salutation et m’apprête à lui demander mon chemin quand je me rappelle que je n’ai toujours pas de bouche. Mes yeux changent de forme, contrariés, et je me remets en marche, laissant l’ours quelque peu surpris.
J’avance entre les différents rayons et je regarde les inscriptions puis leurs contenus. Le rayon construction émet toutes sortes de bruits retentissants et lourds ; le rayon bébé couine et répète inlassablement des bruits d’animaux ; au rayon voiture on peut assister à une course improvisée à laquelle les blondasses se sont incrustées. J’arrive devant le rayon « jeux d’imitation » et j’aperçois quelques figurines. Je tente donc ma chance.
Je rencontre des petits personnages de toutes tailles et de tous styles, tous plus petits que moi. A plusieurs occasions, je manque d’ailleurs de marcher sur l’un d’eux.
-Hey, fais attention !
Je regarde autour de moi, en bas, en haut, à la recherche d’une grande boite contenant ce que je suis venue chercher. Je finis par apercevoir une grande boite blanche cylindrique décorée de petits hommes verts. Je lève mes petits bras et m’accroche au bord de l’étagère pour me balancer et réussir par je ne sais quel miracle à me hisser dessus. Je m’assieds et entreprends d’ouvrir ladite boite.
-Bon. Qu’est-ce que tu fais ma grande ?
Je tourne la tête à nonante degrés tout en martelant le couvercle dans tous les sens. Un petit cowboy en plomb me menace de son arme. Je l’ignore et recommence tout en essayant de mettre mes doigts en dessous pour le soulever.
-Arrête, tu vas la casser ! Tu sais que c’est une très mauvaise idée de l’ouvrir hein ? Ils s’arrêtent jamais de parler. En plus, une fois qu’ils ont une mission en tête, ils s’arrêtent plus, jamais moyen de les ramener tous au bercail.
C’est un peu l’idée. J’attrape une pagaye abandonnée juste à côté et tente de faire levier avec.
-Hey, écoute, je veux bien que les poupées se croient tout permis mais…
Mouvement de bras furtif.
-AAAAAAHHHH
La chute. « Glingue ». Je penche la tête à travers l’ouverture et regarde le sol. A terre, j’aperçois le petit cowboy allongé. Quelques secondes plus tard, il s’anime à nouveau et se met à courir dans tous les sens.
-Hey, elle m’a fait tomber de mon rayon, elle m’a fait tomber de mon rayon !
La boite finit par s’ouvrir et aussitôt quantités de petits hommes bariolés s’agitent dans le fond. Je les regarde tous, autant de petits coeurs agités prêts à sortir de leur captivité. Je retourne la boite et ils sortent tous. Des dizaines et des dizaines de petits soldats se dressent sur leurs pieds et commencent à s’organiser en rangs. Un officier se démarque et crie des ordres. Au bout de quelques instants, il me prête attention.
-Madame, quels sont vos ordres ? Nous attendons la mission.
Je porte ma main à hauteur de ma bouche et fais un signe négatif.
-Je crois que cette dame a besoin d’une bouche. Allons lui en chercher une !
Ce n’était pas vraiment l’idée mais qu’importe; Les soldats se mettent en rang et posent des cordes pour glisser le long des étalages. Je les suis en faisant le petit saut qui me sépare du sol. Nous quittons le rayon.
-Soldats, en déploiement ! Parcourons tous les rayons pour trouver la meilleure bouche !
Je suis un petit groupe de 3 soldats dans un rayon de loisir créatif.
-On pourrait lui dessiner une jolie bouche avec ce marqueur.
-Ca peut pas marcher, elle pourrait pas s’ouvrir.
-Ah oui. T’as raison. Et cet autocollant en forme de bouche ?
Pendant qu’ils s’affairent et que je leur emboîte le pas, je me concentre pour faire apparaître non loin de là quelques sans-coeurs en forme de soldats, eux aussi. Dans un premier temps, les petits hommes verts ne réagissent pas, je leur tapote la tête et leur indique l’ennemi.
-Soldats, en position ! L’ennemi est là !
Les sans-coeurs s’approchent aussitôt de nous avec un air menaçant.
-Soldats, à couvert ! L’ennemi nous attaque frontalement !
Bientôt ce sont quantités de jouets—en plus des petits soldats— qui se mettent à s’agiter autour de nous et à vouloir fuir le rayon.
Dans l’empressement, plusieurs nous bousculent et séparent les soldats les uns des autres.
-Espèce d’imbéciles ! Ne fuyez pas devant l’ennemi ! Ensemble nous sommes plus forts que les ténèbres et…
Ses cris sont bientôt perdus dans la foule de pleutres que sont tous ces jouets. Un des deux jouets est à côté de moi, l’autre s’est collé à une colonne pour ne pas se faire emporter. Les sans-coeurs sont à présent à une étagère de nous. Celui qui m’accompagne se met à crier en direction de son camarade.
-Vas-y, je te couvre !
Un instant, cerveau ramolli, je m’inquiète de savoir avec quoi l’assaillant va bien pouvoir frapper l’ennemi puis je me rappelle que l’ennemi, c’est moi. Le temps que le petit soldat nous fasse dos et se concentre sur l’ennemi, j’attrape le soldat restant et le me mets à courir dans l’autre sens. Il n’y a plus personne pour me porter attention ou me surveiller.
Après quelques instants, je me retourne vers le soldat que je viens d’abandonner et je le vois aux prises des sans-coeurs. Dans quelques instants, son coeur aura quitté son corps. Je serre fort contre moi le petit corps du soldat vert qui se débat.
-Il ne faut pas fuir madame ! Il ne faut jamais tourner le dos à son unité !
Je me glisse entre deux étagères et au fond de crée un petit portail noir à la taille de mon corps. Quelques instants plus tard, nous sommes dans ma chambre, au fin fond de l’espace. J’ai devant moi un homme en plastique d’un mètre cinquante, en plastique oui, mais toujours bien animé par une inexplicable vie, son coeur est là aussi. Il est sous le choc et regarde autour de lui, comme tétanisé par cette réalité.
J’attrape un revolver que j’avais laissé à cette usage sur ma table de nuit et je la pointe sur lui.
-Maintenant, soldat, on se tait et on écoute les ordres.
Nous sortons alors de ma chambre. Après quelques pas nous rencontrons d’autres officiers de la Shinra qui nous observent, stupéfaits. Direction département scientifique.
-Quoi, chérie ?
-Je peux l’avoir maman ?
-Tu as déjà bien assez de poupées comme ça. On aurait même pas de place pour la mettre.
Se-couée. Ti-réééée par les cheveux. Puis reposée. Merci, je suis sauvée. Deux petits cercles pour voir autour de moi. Je tourne la tête sans bouger le corps, écoute les pas s’éloigner. Plus personne dans le rayon. Mon petit corps de plastique s’articule. Me faisant basculer sur le côté, je fais tourner mes bras, et je parviens à me lever non sans perdre l’équilibre. Au loin j’entends le son de la délivrance.
-Mesdames et Messieurs, et vous les enfants. Votre magasin va fermer dans quelques minutes. Veuillez vous diriger vers les caisses ou vers la sortie. Nous vous remercions pour votre visite et espérons vous revoir très bientôt !
J’attends encore quelques minutes avant de me mettre en marche. Les employés arrivent pour faire leur tour et vérifier que tout le monde a bien quitté le magasin. Plus les bruits s’écartent et plus j’entends des murmures dans les rayons ; et plus je vois les silhouettes et les yeux se mouvoir dans la semi-obscurité. Les poupées qui m’entourent commencent à émettre des râles de soulagement. Je fais un pas, puis un autre. Mes bras s’éloignent de mon corps et se mettent à l’horizontal. Comme une funambule je progresse, à l’exception que mes deux jambes ne peuvent se rejoindre, séparées par des articulations trop éloignées. De l’extérieur, ma marche doit ressembler à une espèce de dandinement ridicule, mais je me concentre sur mon objectif. Les murmures commencent à s’intéresser à mes actions, je tourne la tête vers leur origine mais sans m’arrêter.
-C’est qui celle-là ? On l’a jamais vue ici.
Mes petits yeux noirs clignent et semblent propager une ombre noire autour d’eux. Les poupées blondes, portant à l’évidence toutes le même nom y vont de leur avis.
-C’est quoi cette robe chérie ? Elle est d’un autre siècle ! Hihihi !
Quand bien même aurais je voulu répondre, j’en aurais été incapable. Mon designer n’a pas cru bon l’idée de me donner une bouche. J’arrive au bout du rayon et je regarde au dessus de moi pour y voir l’inscription « poupées ». Ma tête tourne de façon à lire les inscriptions de part et d’autres du rayon. Je n’entends pas grand-chose à l’intérêt qu’un enfant peut avoir pour ces endroits alors j’accoste le premier jouet qui se trouve près de moi. C’est un ours brun avec un gros noeud autour du cou. Je lève le bras en guise de salutation et m’apprête à lui demander mon chemin quand je me rappelle que je n’ai toujours pas de bouche. Mes yeux changent de forme, contrariés, et je me remets en marche, laissant l’ours quelque peu surpris.
J’avance entre les différents rayons et je regarde les inscriptions puis leurs contenus. Le rayon construction émet toutes sortes de bruits retentissants et lourds ; le rayon bébé couine et répète inlassablement des bruits d’animaux ; au rayon voiture on peut assister à une course improvisée à laquelle les blondasses se sont incrustées. J’arrive devant le rayon « jeux d’imitation » et j’aperçois quelques figurines. Je tente donc ma chance.
Je rencontre des petits personnages de toutes tailles et de tous styles, tous plus petits que moi. A plusieurs occasions, je manque d’ailleurs de marcher sur l’un d’eux.
-Hey, fais attention !
Je regarde autour de moi, en bas, en haut, à la recherche d’une grande boite contenant ce que je suis venue chercher. Je finis par apercevoir une grande boite blanche cylindrique décorée de petits hommes verts. Je lève mes petits bras et m’accroche au bord de l’étagère pour me balancer et réussir par je ne sais quel miracle à me hisser dessus. Je m’assieds et entreprends d’ouvrir ladite boite.
-Bon. Qu’est-ce que tu fais ma grande ?
Je tourne la tête à nonante degrés tout en martelant le couvercle dans tous les sens. Un petit cowboy en plomb me menace de son arme. Je l’ignore et recommence tout en essayant de mettre mes doigts en dessous pour le soulever.
-Arrête, tu vas la casser ! Tu sais que c’est une très mauvaise idée de l’ouvrir hein ? Ils s’arrêtent jamais de parler. En plus, une fois qu’ils ont une mission en tête, ils s’arrêtent plus, jamais moyen de les ramener tous au bercail.
C’est un peu l’idée. J’attrape une pagaye abandonnée juste à côté et tente de faire levier avec.
-Hey, écoute, je veux bien que les poupées se croient tout permis mais…
Mouvement de bras furtif.
-AAAAAAHHHH
La chute. « Glingue ». Je penche la tête à travers l’ouverture et regarde le sol. A terre, j’aperçois le petit cowboy allongé. Quelques secondes plus tard, il s’anime à nouveau et se met à courir dans tous les sens.
-Hey, elle m’a fait tomber de mon rayon, elle m’a fait tomber de mon rayon !
La boite finit par s’ouvrir et aussitôt quantités de petits hommes bariolés s’agitent dans le fond. Je les regarde tous, autant de petits coeurs agités prêts à sortir de leur captivité. Je retourne la boite et ils sortent tous. Des dizaines et des dizaines de petits soldats se dressent sur leurs pieds et commencent à s’organiser en rangs. Un officier se démarque et crie des ordres. Au bout de quelques instants, il me prête attention.
-Madame, quels sont vos ordres ? Nous attendons la mission.
Je porte ma main à hauteur de ma bouche et fais un signe négatif.
-Je crois que cette dame a besoin d’une bouche. Allons lui en chercher une !
Ce n’était pas vraiment l’idée mais qu’importe; Les soldats se mettent en rang et posent des cordes pour glisser le long des étalages. Je les suis en faisant le petit saut qui me sépare du sol. Nous quittons le rayon.
-Soldats, en déploiement ! Parcourons tous les rayons pour trouver la meilleure bouche !
Je suis un petit groupe de 3 soldats dans un rayon de loisir créatif.
-On pourrait lui dessiner une jolie bouche avec ce marqueur.
-Ca peut pas marcher, elle pourrait pas s’ouvrir.
-Ah oui. T’as raison. Et cet autocollant en forme de bouche ?
Pendant qu’ils s’affairent et que je leur emboîte le pas, je me concentre pour faire apparaître non loin de là quelques sans-coeurs en forme de soldats, eux aussi. Dans un premier temps, les petits hommes verts ne réagissent pas, je leur tapote la tête et leur indique l’ennemi.
-Soldats, en position ! L’ennemi est là !
Les sans-coeurs s’approchent aussitôt de nous avec un air menaçant.
-Soldats, à couvert ! L’ennemi nous attaque frontalement !
Bientôt ce sont quantités de jouets—en plus des petits soldats— qui se mettent à s’agiter autour de nous et à vouloir fuir le rayon.
Dans l’empressement, plusieurs nous bousculent et séparent les soldats les uns des autres.
-Espèce d’imbéciles ! Ne fuyez pas devant l’ennemi ! Ensemble nous sommes plus forts que les ténèbres et…
Ses cris sont bientôt perdus dans la foule de pleutres que sont tous ces jouets. Un des deux jouets est à côté de moi, l’autre s’est collé à une colonne pour ne pas se faire emporter. Les sans-coeurs sont à présent à une étagère de nous. Celui qui m’accompagne se met à crier en direction de son camarade.
-Vas-y, je te couvre !
Un instant, cerveau ramolli, je m’inquiète de savoir avec quoi l’assaillant va bien pouvoir frapper l’ennemi puis je me rappelle que l’ennemi, c’est moi. Le temps que le petit soldat nous fasse dos et se concentre sur l’ennemi, j’attrape le soldat restant et le me mets à courir dans l’autre sens. Il n’y a plus personne pour me porter attention ou me surveiller.
Après quelques instants, je me retourne vers le soldat que je viens d’abandonner et je le vois aux prises des sans-coeurs. Dans quelques instants, son coeur aura quitté son corps. Je serre fort contre moi le petit corps du soldat vert qui se débat.
-Il ne faut pas fuir madame ! Il ne faut jamais tourner le dos à son unité !
Je me glisse entre deux étagères et au fond de crée un petit portail noir à la taille de mon corps. Quelques instants plus tard, nous sommes dans ma chambre, au fin fond de l’espace. J’ai devant moi un homme en plastique d’un mètre cinquante, en plastique oui, mais toujours bien animé par une inexplicable vie, son coeur est là aussi. Il est sous le choc et regarde autour de lui, comme tétanisé par cette réalité.
J’attrape un revolver que j’avais laissé à cette usage sur ma table de nuit et je la pointe sur lui.
-Maintenant, soldat, on se tait et on écoute les ordres.
Nous sortons alors de ma chambre. Après quelques pas nous rencontrons d’autres officiers de la Shinra qui nous observent, stupéfaits. Direction département scientifique.
Dernière édition par Le Cygne le Ven 6 Mar 2020 - 10:40, édité 1 fois