Les flammes… La fumée… L’Empereur… C’est impossible !
Mais quelle folie vient d’avoir lieu sous nos yeux au cœur de la nuit ?
Sur la colline, nous sommes tous bouche-bée. Une explosion a dévoré le Pavillon de l’Éternel Printemps en une fraction de seconde. Des flammes vertes comme je n’en avais jamais vu auparavant. Ma première réaction est de porter ma main devant ma bouche comme pour retenir un cri.
« Mais… Mais… C’quoi ce bordel ?! » s’étonne Francis.
Gao reprend ses esprits et vient me voir directement alors que l’apparence d’Harch fane pour révéler mon vrai visage. Harch et moi avons interverti nos places. Il est allé à la fête tandis que moi j’évacuais la Cité Interdite avec mon fils.
Jamais je n’aurai pensé que le plan du Prince soit réel. Comment un fils peut-il tuer son père ? Sa famille ? Dans une explosion infernale ? C’est un régicide ! Un blasphème ! Un massacre ! J’aurai dû écouter Harch depuis le début. Il a essayé de me prévenir, mais c’était si… Impossible.
« Huayan. »
Je me sens faible. Par réflexe, je serre Yue contre moi, fortement. Je sens mes jambes tremblées. L’Empereur, symbole de la nation, symbole des dieux, symbole de notre peuple… C’est une trahison ! Une disgrâce !
Mon regard change. Je me sens faiblir. Xupeng se précipite pour récupérer Yue tandis que je prends appui sur Gao.
« Huayan ça va ?!
- L’Empereur… » murmuré-je presque en pointant du doigt l’amas de fumée en provenance de la Cité Interdite.
Tout se mélange dans ma tête. Est-ce ma faute ? Qu’est-ce que je n’ai pas pu voir ? Qu’est-ce qui m’a échappé ? La situation nous échappe et cela me terrifie, moi la maîtresse du contrôle. C’est de la pure folie ! Un Empereur n’a pas été assassiné depuis au moins un siècle… Et encore moins par son propre fils !
C’est inacceptable !
Plus j’y pense, plus je suis confuse, plus la colère monte. Pas une colère sourde contre le Prince : une fureur contre moi-même. De ne pas avoir écouté Harch, de ne pas lui avoir fait pleinement confiance et de ne pas avoir cru en ce complot si… Contre nature.
Gao m’aide à me relever, j’arrive à tenir debout.
« Huayan, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demande t-il.
Je serre les poings. A quoi sert le pouvoir si on ne peut pas protéger ceux que l’on aime ? On peut les venger.
« Justice. » dis-je, froide mais d’une manière laissant entendre qu’une flamme m’embrase au plus profond de moi.
« Il n’y a aucun mot en Mandarin, en Mandchoue, en Cantonais, en Wei ou en aucune langue connue pour définir cette trahison. » continué-je tout en avançant de quelques pas.
Il est hors de question de laisser passer ça. Le Prince pense que je suis morte dans les flammes, comme l’avait prédit Harch nous voyons les portes nord s’ouvrir, tout comme certainement celles du sud de la Cité Interdite.
Nous allons briser l’oiseau avant qu’il prenne son envol. Il paiera pour son crime et sa mère avec.
« Entrez dans la Cité Interdite.
- Et ensuite ? »
Un instant d’hésitation. Les conséquences sont lourdes mais… L’Empereur n’est plus et son assassin doit déjà être entrain de prendre le trône.
« Prenez la Cité Interdite. Arrêtez tous les complices qu’Harch avaient désigné, y compris les gardes et les serviteurs des criminels. Mettez-les tous en cage. Ceux qui refusent de se rendre à la Justice… Tuez-les. » ordonné-je.
Francis s’avance un peu vers moi. Gao hurle des ordres à des soldats de l’armée impériale qui sortent des cors qu’ils s’empressent de faire retentir. Un son sourd puis un aigüe transpercent le silence assourdissant de l’après explosion et l’on voit des masses sombres éclairées par des torches et des lanternes se mettre en mouvement en vitesse.
Les forces impériales se mettent en ordre de marche pour accourir vers les flammes qui dévorent une partie de la Cité Impériale.
« Gao. Prend la tête par la porte nord. Francis, retrouve-moi à Tiananmen, nous allons passer par le passage principal. Maintenant. » conclu-je.
Francis se précipite vers sa monture qu’il enfourche pour descendre les larges marches de pierre et rejoindre l’entrée du palais. Gao en fait de même en emmenant les soldats présents avec lui. Tout le monde se met en branle-bas de combats mais la tension et la crainte se lisent sur tous les visages.
Quelle horreur de devoir agir avec tant de précipitations après le désastre que nous venons de vivre. Je me tourne vers Xupeng, lui-même déchiré entre inquiétude, peur et sens du devoir avec le petit dans les bras.
« Wuhan est ici ?
- Oui, il venu avec nous avec ses collègues.
- Très bien. Va avec eux à la résidence des parents d’Haojun. Vous serez en sécurité là-bas.
- Ça va aller toi ?
- Non… Mais je n’ai pas vraiment d’alternative. Je n’ai pas le luxe de choisir ici : il faut que je rattrape mon incompétence. »
Je conclue sur ces mots puis ramasse les vêtements que l’eunuque à ramener pour moi. Ce sera plus… Adapté que les habits d’Harch. Il me laisse et je commence à les enfiler. Ils ne sont pas exactement similaires à ceux que j’avais confié à l’OEil Rouge mais… Ils s’en approchent.
Je me change en corbeau et file à travers les airs tandis que les masses de soldats commencent à rentrer. Au début, je n’entends et ne vois pas grand chose… Mais en survolant les murailles d’un peu plus près, j’entends déjà les premières arrestations.
Les ordres sont bien passés.
Je reprends forme à la Porte du Ciel -Tiananmen-, Francis arrive à ce moment-là. Avec les forces armées impériales et Song stationnées ici. L’avant-garde est déjà rentrée, ils n’ont pas attendu et ils ont bien fait. Plusieurs capitaines viennent au rapport avec mon acolyte.
« Quels sont vos ordres et la situation Madame ?
- Une catastrophe. Le Prince a assassiné l’Empereur et ses invités. Je suis la seule survivante pour le moment.
- Mais… Mais c’est impossible ! »
Les militaires sont autant surpris que nous l’étions tous.
« Je veux deux unités au Pavillon de l’Éternel Printemps pour éteindre les flammes et chercher d’éventuels survivants… Même si je n’en ai pas vu moi-même…
- Oui, Madame !
- Le reste des torupes : investissez la Cité Interdite, arrêtez les traîtres et mettez-les en prison, enfermez les concubines en vie dans leurs palais respectifs. Tuez ceux qui refusent de se rendre à la Justice ! En avant ! »
Tout le monde se met en marche… Ou plutôt au pas de course. Il y a un incendie tout de même et toute la Cité est en bois… Il faut vite agir.
« Francis.
- Oui, Huayan ?
- Tu viens avec moi, une fois à l’intérieur, toi et tes hommes, vous fermez les portes. Personne ne doit sortir, ni entrée tant que la situation n’est pas sous contrôle.
- À tes ordres, chef ! On va les niquer ces traîtres ! »
Et voilà que tout est fait.
Maintenant, je vais me charger de cette ordure de fils indigne. Hailong, j’arrive.
Avec les unités autour de moi, je franchis Tiananmen et je marche le long couloir qui va d’ici jusqu’au Palais de la Tranquillité Terrestre : ce n’est pas là où siège principalement l’Empereur mais c’est le plus grand bâtiment à côté du Palais de l’Éternel Printemps. Il a dû se réfugier là. Et je vais l’y déloger avec toute la force et toute la magie que j’ai en moi.
En cadence, j’avance d’un pas décidé. Certaines troupes me dépassent, elles courent plus vite. J’entends des ordres hurlés dans toutes les directions. Le chaos prend les rangs de la garde du palais. Certains se rendent, d’autres meurent en combattant pour leur Prince Hailong.
Ils vont tous payer pour leur crime.
La Porte du Méridien est le dernier obstacle majeur sur notre chemin. Elle est déjà sous le contrôle de l’armée et je peux déjà contesté les premiers prisonniers à genou ou être emmenés vers les geôles.
Quelques traces de sang, un corps gisant sur le pas de l’entrée. Il a choisi son camp. Le Prince a peut-être bien préparé son coup d’Etat… Mais il n’a pas pensé suffisamment à l’éventualité que quelqu’un survive pour raconter ses machinations absolument infâmes.
En passant dans l’ombre de la porte, je fais signe à Francis de procéder. Personne ne sortira d’ici. Nous allons juger tout le monde et rendre une Justice exemplaire. Mes yeux se tournent légèrement vers la gauche où les flammes frémissent encore.
Francis aboie des ordres. J’entends le grincement des portes qui se referment derrière moi. Je m’arrête un instant. Je contemple devant moi l’Histoire. Aujourd’hui, l’Empereur est mort, tué par son fils. Et cet imposteur va être arrêté… Par moi.
La vie réserve bien des surprises, bonnes comme mauvaises. Procédons.
« Au Palais de la Tranquillité Terrestre ! Brisez les portes d’accès s’il le faut ! » ordonné-je d’une voix forte et autoritaire.
Au fur et à mesure que j’avance, je constate les nombreux prisonniers. Des gardes du palais en majorité, quelques serviteurs aussi. C’est surtout les morts qui m’affligent le plus… Ces pauvres hommes et parfois femmes ont été dupé et ils payent le prix d’un autre.
Ces morts sont inutiles, mais lorsqu’on est allés aussi loin dans l’hérésie… Il n’y a plus de retour en arrière. Ils savent très bien qu’en se rendant complices de Hailong, ils sont également complices de l’assassinat de l’Empereur.
Et naturellement, assassiner un Empereur destine… À la mort, par décapitation en général. D’où le refus de certains de se rendre, j’imagine. Faire face à la colère d’une nation entière qui vous rejette comme un paria… C’est difficile à supporter pour la conscience. Surtout lorsque l’on a l’honneur de servir auprès dudit Empereur.
« Emmenez-les dans les prisons. Ne les laissez pas traîner ! » ordonné au capitaine à proximité.
Il hoche lentement la tête et se met à la tâche. Je continue de marcher. Encore et encore. Je gravis les marches une à une, le pas assuré, la tête haute et fière. Je n’ai pas pu protéger l’Empereur, mais je vais au moins lui rendre Justice. Ainsi qu’à tous les innocents qui étaient invités, comme moi.
L’atmosphère est étrange, électrique.
La nuit est devenue si sombre, d’autant plus avec la fumée qui s’échappe en direction du ciel. Les braseros, un peu partout, donnent un peu de couleurs chaudes tandis qu’ils forment des ombres qui s’agitent dans tous les sens, sur les murs et les sols.
Le vent froid balaie les cours, les couloirs et les visages des acteurs de cette tragique soirée. Mon ombre à moi se distingue de toutes, elle ne se préoccupe pas de ce qu’il y autour d’elle. On la voit traverser les duels, les portes, contourner les flammes, enjamber les obstacles inanimés. Elle navigue assurément dans cet océan pourtant bien sombre.
Puis vient l’accès au Palais de la Pureté Divine. Les portes sont closes. Les soldats vont et viennent devant, tâchant d’accomplir leur devoir. Elles résistent à leurs tentatives incessantes de passer.
Je tends le bras et d’un geste pourtant si anodin, un claquement de doigt : le bois pourtant si épais vole en éclats. Les soldats se précipitent à l’intérieur. Un cri de ralliement indique que les loyalistes de Hailong sont rassemblés ici. Ils sont en sous nombre, mais ont l’avantage de défendre un accès plutôt étroit.
Ils n’ont malheureusement pas pris en compte, le facteur « Huayan ». Je laisse les premeirs hommes chargés dans la mêlée tandis que les gardes du palais adoptent une formation défensive avec des lances. Je les fais littéralement voler dans les airs, puis les écrase au sol. Les soldats impériaux regardent avec étonnement mes prouesses et comprennent bien vite qu’ils ne doivent pas rester les bras ballants.
« Rendez-vous ! Le Prince a trahi l’empire a tué l’Empereur ! Rendez-vous et vous serez épargnés ! Déposez les armes ! Arrêtez cette folie insensée ! » crié-je de sorte à me faire entendre.
Une hésitation, puis une charge. Hé bien soit, messieurs.
J’attends qu’ils s’approchent un peu plus et lorsque l’occasion est parfaite, je joins mes deux mains et puis me concentre sur mon corps, mon moi intérieur… Puis je relâche en tout en poussant un léger cri. L’onde de choc renverse les assaillants qui sont pris d’assaut par les armées fidèles à la nation.
Même si les combats continuent, ils n’ont pas pu tenir la porte. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils se rendent ou meurent entre nos mains. Il ne me reste plus que leur chien de maître, le Prince Hailong.
Je continue mon chemin, en marchant au milieu de cette effusion de sang regrettable et dramatique. Je réfléchirais à tout cela plus tard : nous devons mettre fin à cette folie avant qu’elle ne fasse plus de dégâts.
J’entre dans le palais… Vide. A mon grand étonnement. Je le traverse le pas pressé, mon objectif est la Palais de la Tranquillité Terrestre. A cette heure-ci, Gao a dû prendre le contrôle de tous les accès autour de cette zone. Hailong et sa mère sont cernés, acculés. J’espère qu’ils vont se rendre.
J’entends des béliers commencer à attaquer les portes sur ma droite et ma gauche. Ce sera bientôt fini. Je marche d’un pas lourd vers l’entrée. Les portes sont closes. Je tends les mains vers elles, puis écartent. Les lourdes constructions de bois suivent le mouvement, dévoilant une immense salle plongée dans une pénombre relative : de nombreux braseros sont allumés, comme si les occupants de la pièce se préparaient à une longue veillée.
Elle n’aura pas lieu.
Le Prince Hailong est là, contemplant le trône de l’Empire. Il n’est pas assis dessus, il a une certaine décence malgré sa folie. Sa mère, l’impératrice se tient elle aussi ici, même si son âge semble indiquer qu’elle n’est pas vraiment un danger ici. Plus le témoin silencieux de la décadence de sa dynastie.
Lorsqu’il me voit, il est surpris et n’arrive pas à parler. Il pensait vraiment que j’étais morte.
« Mais… Vous n’étiez pas au banquet avec les autres ?!
- Vous seriez surpris de savoir ce que l’on peut faire avec de la magie. » dis-je en avançant de quelques pas.
Au même moment, on entend les coups contre les portes qui semblent s’intensifier.
« Vous avez perdu, Hailong. Rendez-vous et vous serez jugé.
- Tant que je suis debout, ce n’est pas terminé, Huayan. »
Plusieurs soldats sortent des ombres pour me charger. Ils sont une dizaine. Mon premier réflexe est de faire glisser mes lames que je fais virevolter autour de moi. Une ou deux gorges sont touchées sévèrement au passage.
Je tends une main vers les flammes et commence et les faire virevolter à ma guise. D’un geste, je fais jaillir des torrents de feu et de cendres qui les repoussent et les agitent, puis les mordent. Les derniers rescapés sont plaqués au sol, puis immobilisés. Et avec les quelques cotes brisées, ils ne se relèveront pas tout de suite de leur…
Amincissement forcé.
« J’ai plus d’un tour dans mon sac.
- Harch vous avait prévenu, n’est-ce pas ?
- En effet.
- Et pourquoi vous n’avez rien fait pour m’arrêter ? »
Surprenante question au vu des circonstances.
« Nous en discuterons… Après votre procès. » répondis-je, poliment.
Les portes se fracassent et les bruits d’une multitude de soldats en armure retentissent dans la Cité Interdite. Bientôt, la salle est envahie. Devant nous tous, le Prince Hailong et sa mère sont arrêtés, puis conduits en cellules.
Les cadavres sont évacués, les blessés transférés.
Gao vient me présenter son rapport avec Francis.
« Tout est sous contrôle, mais nous avons un nombre impressionnant de prisonniers. Les geôles vont être remplis au-delà de leurs capacités maximales.
- Fait ce que tu peux, le Ministère de la Justice ira au plus vite et au vu de l’affaire… Cela ne prendra pas longtemps. Rassemble-moi tous tes messagers, j’ai une annonce à faire à toute la Chine.
- Laquelle ? »
Le cœur et l’esprit lourds, je prononce ces mots, presque honteuse :
« L’Empereur et ses convives ont été assassinés par le Prince Hailong lors de la Fête du Nouvel An. Peu de survivants, beaucoup de blessés. Le traître et sa mère sont en prison…
- Et ?
- En tant qu’Ambassadrice du Consulat en Terre des Dragons et en l’absence de tout héritier innocent légitime, je me déclare Seigneur Régente de l’Empire dans l’attente de la sélection d’un nouvel Empereur. Que tous les membres des plus hautes familles, que ce soit en provinces ou dans l’administration, se présentent au plus tôt à la Cité Interdite. Nous tiendrons une assemblée exceptionnelle pour définir le futur de notre nation.
- Immédiatement ma sœur ! »
Puis il s’en va. Fut un temps, il m'aurait peut-être sermonné pour cette prise de position si diligentée... La décision peut paraître rapide, mais nous sommes en Chine. Quand l’Empereur meurt, soit le Prince prend la relève soit… C’est la guerre civile entre tous les seigneurs qui veulent récupérer le trône pour eux. Même des paysans sont devenus de grands monarques dans l’Histoire en profitant de ces violences intestines.
Les ducs, princesses et autres personnages importants sont morts ou grièvement blessés... Les enfants vont donc prendre la suite de leurs parents. Il faut que tout cela s'organise avec un certain ordre pour éviter le chaos total et une escalade de la violence partout pour tout et n'importe quoi. C'est radical, mais c'est le mieux que je puisse faire dans le cas présent. Je contrôle la Cité Interdite, je contrôle la transition.
Assez de sang à couler inutilement cette nuit. Il est hors de question qu’en plus de cela, le pays soit anéanti par une guerre qu’il n’a pas souhaité.
« Francis. Fait envoyer un message au Jardin Radieux pour expliquer au Sénat la situation. Je ne veux pas que la panique s'installe en plus de l'attaque terroriste de Kefka. Dit leur que j'ai les choses en mains.
- Tout de suite ! »
Je scelle la salle du trône principal. Puis je m’en vais. Il y a tant de choses à faire cette nuit. Je ne risque pas de dormir de sitôt.
Puisse l’Empereur et les autres me pardonner…
Mais quelle folie vient d’avoir lieu sous nos yeux au cœur de la nuit ?
Sur la colline, nous sommes tous bouche-bée. Une explosion a dévoré le Pavillon de l’Éternel Printemps en une fraction de seconde. Des flammes vertes comme je n’en avais jamais vu auparavant. Ma première réaction est de porter ma main devant ma bouche comme pour retenir un cri.
« Mais… Mais… C’quoi ce bordel ?! » s’étonne Francis.
Gao reprend ses esprits et vient me voir directement alors que l’apparence d’Harch fane pour révéler mon vrai visage. Harch et moi avons interverti nos places. Il est allé à la fête tandis que moi j’évacuais la Cité Interdite avec mon fils.
Jamais je n’aurai pensé que le plan du Prince soit réel. Comment un fils peut-il tuer son père ? Sa famille ? Dans une explosion infernale ? C’est un régicide ! Un blasphème ! Un massacre ! J’aurai dû écouter Harch depuis le début. Il a essayé de me prévenir, mais c’était si… Impossible.
« Huayan. »
Je me sens faible. Par réflexe, je serre Yue contre moi, fortement. Je sens mes jambes tremblées. L’Empereur, symbole de la nation, symbole des dieux, symbole de notre peuple… C’est une trahison ! Une disgrâce !
Mon regard change. Je me sens faiblir. Xupeng se précipite pour récupérer Yue tandis que je prends appui sur Gao.
« Huayan ça va ?!
- L’Empereur… » murmuré-je presque en pointant du doigt l’amas de fumée en provenance de la Cité Interdite.
Tout se mélange dans ma tête. Est-ce ma faute ? Qu’est-ce que je n’ai pas pu voir ? Qu’est-ce qui m’a échappé ? La situation nous échappe et cela me terrifie, moi la maîtresse du contrôle. C’est de la pure folie ! Un Empereur n’a pas été assassiné depuis au moins un siècle… Et encore moins par son propre fils !
C’est inacceptable !
Plus j’y pense, plus je suis confuse, plus la colère monte. Pas une colère sourde contre le Prince : une fureur contre moi-même. De ne pas avoir écouté Harch, de ne pas lui avoir fait pleinement confiance et de ne pas avoir cru en ce complot si… Contre nature.
Gao m’aide à me relever, j’arrive à tenir debout.
« Huayan, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » demande t-il.
Je serre les poings. A quoi sert le pouvoir si on ne peut pas protéger ceux que l’on aime ? On peut les venger.
« Justice. » dis-je, froide mais d’une manière laissant entendre qu’une flamme m’embrase au plus profond de moi.
« Il n’y a aucun mot en Mandarin, en Mandchoue, en Cantonais, en Wei ou en aucune langue connue pour définir cette trahison. » continué-je tout en avançant de quelques pas.
Il est hors de question de laisser passer ça. Le Prince pense que je suis morte dans les flammes, comme l’avait prédit Harch nous voyons les portes nord s’ouvrir, tout comme certainement celles du sud de la Cité Interdite.
Nous allons briser l’oiseau avant qu’il prenne son envol. Il paiera pour son crime et sa mère avec.
« Entrez dans la Cité Interdite.
- Et ensuite ? »
Un instant d’hésitation. Les conséquences sont lourdes mais… L’Empereur n’est plus et son assassin doit déjà être entrain de prendre le trône.
« Prenez la Cité Interdite. Arrêtez tous les complices qu’Harch avaient désigné, y compris les gardes et les serviteurs des criminels. Mettez-les tous en cage. Ceux qui refusent de se rendre à la Justice… Tuez-les. » ordonné-je.
Francis s’avance un peu vers moi. Gao hurle des ordres à des soldats de l’armée impériale qui sortent des cors qu’ils s’empressent de faire retentir. Un son sourd puis un aigüe transpercent le silence assourdissant de l’après explosion et l’on voit des masses sombres éclairées par des torches et des lanternes se mettre en mouvement en vitesse.
Les forces impériales se mettent en ordre de marche pour accourir vers les flammes qui dévorent une partie de la Cité Impériale.
« Gao. Prend la tête par la porte nord. Francis, retrouve-moi à Tiananmen, nous allons passer par le passage principal. Maintenant. » conclu-je.
Francis se précipite vers sa monture qu’il enfourche pour descendre les larges marches de pierre et rejoindre l’entrée du palais. Gao en fait de même en emmenant les soldats présents avec lui. Tout le monde se met en branle-bas de combats mais la tension et la crainte se lisent sur tous les visages.
Quelle horreur de devoir agir avec tant de précipitations après le désastre que nous venons de vivre. Je me tourne vers Xupeng, lui-même déchiré entre inquiétude, peur et sens du devoir avec le petit dans les bras.
« Wuhan est ici ?
- Oui, il venu avec nous avec ses collègues.
- Très bien. Va avec eux à la résidence des parents d’Haojun. Vous serez en sécurité là-bas.
- Ça va aller toi ?
- Non… Mais je n’ai pas vraiment d’alternative. Je n’ai pas le luxe de choisir ici : il faut que je rattrape mon incompétence. »
Je conclue sur ces mots puis ramasse les vêtements que l’eunuque à ramener pour moi. Ce sera plus… Adapté que les habits d’Harch. Il me laisse et je commence à les enfiler. Ils ne sont pas exactement similaires à ceux que j’avais confié à l’OEil Rouge mais… Ils s’en approchent.
Je me change en corbeau et file à travers les airs tandis que les masses de soldats commencent à rentrer. Au début, je n’entends et ne vois pas grand chose… Mais en survolant les murailles d’un peu plus près, j’entends déjà les premières arrestations.
Les ordres sont bien passés.
Je reprends forme à la Porte du Ciel -Tiananmen-, Francis arrive à ce moment-là. Avec les forces armées impériales et Song stationnées ici. L’avant-garde est déjà rentrée, ils n’ont pas attendu et ils ont bien fait. Plusieurs capitaines viennent au rapport avec mon acolyte.
« Quels sont vos ordres et la situation Madame ?
- Une catastrophe. Le Prince a assassiné l’Empereur et ses invités. Je suis la seule survivante pour le moment.
- Mais… Mais c’est impossible ! »
Les militaires sont autant surpris que nous l’étions tous.
« Je veux deux unités au Pavillon de l’Éternel Printemps pour éteindre les flammes et chercher d’éventuels survivants… Même si je n’en ai pas vu moi-même…
- Oui, Madame !
- Le reste des torupes : investissez la Cité Interdite, arrêtez les traîtres et mettez-les en prison, enfermez les concubines en vie dans leurs palais respectifs. Tuez ceux qui refusent de se rendre à la Justice ! En avant ! »
Tout le monde se met en marche… Ou plutôt au pas de course. Il y a un incendie tout de même et toute la Cité est en bois… Il faut vite agir.
« Francis.
- Oui, Huayan ?
- Tu viens avec moi, une fois à l’intérieur, toi et tes hommes, vous fermez les portes. Personne ne doit sortir, ni entrée tant que la situation n’est pas sous contrôle.
- À tes ordres, chef ! On va les niquer ces traîtres ! »
Et voilà que tout est fait.
Maintenant, je vais me charger de cette ordure de fils indigne. Hailong, j’arrive.
Avec les unités autour de moi, je franchis Tiananmen et je marche le long couloir qui va d’ici jusqu’au Palais de la Tranquillité Terrestre : ce n’est pas là où siège principalement l’Empereur mais c’est le plus grand bâtiment à côté du Palais de l’Éternel Printemps. Il a dû se réfugier là. Et je vais l’y déloger avec toute la force et toute la magie que j’ai en moi.
Musique :
(https://www.youtube.com/watch?v=h2n7j1iUHuk)
En cadence, j’avance d’un pas décidé. Certaines troupes me dépassent, elles courent plus vite. J’entends des ordres hurlés dans toutes les directions. Le chaos prend les rangs de la garde du palais. Certains se rendent, d’autres meurent en combattant pour leur Prince Hailong.
Ils vont tous payer pour leur crime.
La Porte du Méridien est le dernier obstacle majeur sur notre chemin. Elle est déjà sous le contrôle de l’armée et je peux déjà contesté les premiers prisonniers à genou ou être emmenés vers les geôles.
Quelques traces de sang, un corps gisant sur le pas de l’entrée. Il a choisi son camp. Le Prince a peut-être bien préparé son coup d’Etat… Mais il n’a pas pensé suffisamment à l’éventualité que quelqu’un survive pour raconter ses machinations absolument infâmes.
En passant dans l’ombre de la porte, je fais signe à Francis de procéder. Personne ne sortira d’ici. Nous allons juger tout le monde et rendre une Justice exemplaire. Mes yeux se tournent légèrement vers la gauche où les flammes frémissent encore.
Francis aboie des ordres. J’entends le grincement des portes qui se referment derrière moi. Je m’arrête un instant. Je contemple devant moi l’Histoire. Aujourd’hui, l’Empereur est mort, tué par son fils. Et cet imposteur va être arrêté… Par moi.
La vie réserve bien des surprises, bonnes comme mauvaises. Procédons.
« Au Palais de la Tranquillité Terrestre ! Brisez les portes d’accès s’il le faut ! » ordonné-je d’une voix forte et autoritaire.
Au fur et à mesure que j’avance, je constate les nombreux prisonniers. Des gardes du palais en majorité, quelques serviteurs aussi. C’est surtout les morts qui m’affligent le plus… Ces pauvres hommes et parfois femmes ont été dupé et ils payent le prix d’un autre.
Ces morts sont inutiles, mais lorsqu’on est allés aussi loin dans l’hérésie… Il n’y a plus de retour en arrière. Ils savent très bien qu’en se rendant complices de Hailong, ils sont également complices de l’assassinat de l’Empereur.
Et naturellement, assassiner un Empereur destine… À la mort, par décapitation en général. D’où le refus de certains de se rendre, j’imagine. Faire face à la colère d’une nation entière qui vous rejette comme un paria… C’est difficile à supporter pour la conscience. Surtout lorsque l’on a l’honneur de servir auprès dudit Empereur.
« Emmenez-les dans les prisons. Ne les laissez pas traîner ! » ordonné au capitaine à proximité.
Il hoche lentement la tête et se met à la tâche. Je continue de marcher. Encore et encore. Je gravis les marches une à une, le pas assuré, la tête haute et fière. Je n’ai pas pu protéger l’Empereur, mais je vais au moins lui rendre Justice. Ainsi qu’à tous les innocents qui étaient invités, comme moi.
L’atmosphère est étrange, électrique.
La nuit est devenue si sombre, d’autant plus avec la fumée qui s’échappe en direction du ciel. Les braseros, un peu partout, donnent un peu de couleurs chaudes tandis qu’ils forment des ombres qui s’agitent dans tous les sens, sur les murs et les sols.
Le vent froid balaie les cours, les couloirs et les visages des acteurs de cette tragique soirée. Mon ombre à moi se distingue de toutes, elle ne se préoccupe pas de ce qu’il y autour d’elle. On la voit traverser les duels, les portes, contourner les flammes, enjamber les obstacles inanimés. Elle navigue assurément dans cet océan pourtant bien sombre.
Puis vient l’accès au Palais de la Pureté Divine. Les portes sont closes. Les soldats vont et viennent devant, tâchant d’accomplir leur devoir. Elles résistent à leurs tentatives incessantes de passer.
Je tends le bras et d’un geste pourtant si anodin, un claquement de doigt : le bois pourtant si épais vole en éclats. Les soldats se précipitent à l’intérieur. Un cri de ralliement indique que les loyalistes de Hailong sont rassemblés ici. Ils sont en sous nombre, mais ont l’avantage de défendre un accès plutôt étroit.
Ils n’ont malheureusement pas pris en compte, le facteur « Huayan ». Je laisse les premeirs hommes chargés dans la mêlée tandis que les gardes du palais adoptent une formation défensive avec des lances. Je les fais littéralement voler dans les airs, puis les écrase au sol. Les soldats impériaux regardent avec étonnement mes prouesses et comprennent bien vite qu’ils ne doivent pas rester les bras ballants.
« Rendez-vous ! Le Prince a trahi l’empire a tué l’Empereur ! Rendez-vous et vous serez épargnés ! Déposez les armes ! Arrêtez cette folie insensée ! » crié-je de sorte à me faire entendre.
Une hésitation, puis une charge. Hé bien soit, messieurs.
J’attends qu’ils s’approchent un peu plus et lorsque l’occasion est parfaite, je joins mes deux mains et puis me concentre sur mon corps, mon moi intérieur… Puis je relâche en tout en poussant un léger cri. L’onde de choc renverse les assaillants qui sont pris d’assaut par les armées fidèles à la nation.
Même si les combats continuent, ils n’ont pas pu tenir la porte. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils se rendent ou meurent entre nos mains. Il ne me reste plus que leur chien de maître, le Prince Hailong.
Je continue mon chemin, en marchant au milieu de cette effusion de sang regrettable et dramatique. Je réfléchirais à tout cela plus tard : nous devons mettre fin à cette folie avant qu’elle ne fasse plus de dégâts.
J’entre dans le palais… Vide. A mon grand étonnement. Je le traverse le pas pressé, mon objectif est la Palais de la Tranquillité Terrestre. A cette heure-ci, Gao a dû prendre le contrôle de tous les accès autour de cette zone. Hailong et sa mère sont cernés, acculés. J’espère qu’ils vont se rendre.
J’entends des béliers commencer à attaquer les portes sur ma droite et ma gauche. Ce sera bientôt fini. Je marche d’un pas lourd vers l’entrée. Les portes sont closes. Je tends les mains vers elles, puis écartent. Les lourdes constructions de bois suivent le mouvement, dévoilant une immense salle plongée dans une pénombre relative : de nombreux braseros sont allumés, comme si les occupants de la pièce se préparaient à une longue veillée.
Elle n’aura pas lieu.
Le Prince Hailong est là, contemplant le trône de l’Empire. Il n’est pas assis dessus, il a une certaine décence malgré sa folie. Sa mère, l’impératrice se tient elle aussi ici, même si son âge semble indiquer qu’elle n’est pas vraiment un danger ici. Plus le témoin silencieux de la décadence de sa dynastie.
Lorsqu’il me voit, il est surpris et n’arrive pas à parler. Il pensait vraiment que j’étais morte.
« Mais… Vous n’étiez pas au banquet avec les autres ?!
- Vous seriez surpris de savoir ce que l’on peut faire avec de la magie. » dis-je en avançant de quelques pas.
Au même moment, on entend les coups contre les portes qui semblent s’intensifier.
« Vous avez perdu, Hailong. Rendez-vous et vous serez jugé.
- Tant que je suis debout, ce n’est pas terminé, Huayan. »
Plusieurs soldats sortent des ombres pour me charger. Ils sont une dizaine. Mon premier réflexe est de faire glisser mes lames que je fais virevolter autour de moi. Une ou deux gorges sont touchées sévèrement au passage.
Je tends une main vers les flammes et commence et les faire virevolter à ma guise. D’un geste, je fais jaillir des torrents de feu et de cendres qui les repoussent et les agitent, puis les mordent. Les derniers rescapés sont plaqués au sol, puis immobilisés. Et avec les quelques cotes brisées, ils ne se relèveront pas tout de suite de leur…
Amincissement forcé.
« J’ai plus d’un tour dans mon sac.
- Harch vous avait prévenu, n’est-ce pas ?
- En effet.
- Et pourquoi vous n’avez rien fait pour m’arrêter ? »
Surprenante question au vu des circonstances.
« Nous en discuterons… Après votre procès. » répondis-je, poliment.
Les portes se fracassent et les bruits d’une multitude de soldats en armure retentissent dans la Cité Interdite. Bientôt, la salle est envahie. Devant nous tous, le Prince Hailong et sa mère sont arrêtés, puis conduits en cellules.
Les cadavres sont évacués, les blessés transférés.
Gao vient me présenter son rapport avec Francis.
« Tout est sous contrôle, mais nous avons un nombre impressionnant de prisonniers. Les geôles vont être remplis au-delà de leurs capacités maximales.
- Fait ce que tu peux, le Ministère de la Justice ira au plus vite et au vu de l’affaire… Cela ne prendra pas longtemps. Rassemble-moi tous tes messagers, j’ai une annonce à faire à toute la Chine.
- Laquelle ? »
Le cœur et l’esprit lourds, je prononce ces mots, presque honteuse :
« L’Empereur et ses convives ont été assassinés par le Prince Hailong lors de la Fête du Nouvel An. Peu de survivants, beaucoup de blessés. Le traître et sa mère sont en prison…
- Et ?
- En tant qu’Ambassadrice du Consulat en Terre des Dragons et en l’absence de tout héritier innocent légitime, je me déclare Seigneur Régente de l’Empire dans l’attente de la sélection d’un nouvel Empereur. Que tous les membres des plus hautes familles, que ce soit en provinces ou dans l’administration, se présentent au plus tôt à la Cité Interdite. Nous tiendrons une assemblée exceptionnelle pour définir le futur de notre nation.
- Immédiatement ma sœur ! »
Puis il s’en va. Fut un temps, il m'aurait peut-être sermonné pour cette prise de position si diligentée... La décision peut paraître rapide, mais nous sommes en Chine. Quand l’Empereur meurt, soit le Prince prend la relève soit… C’est la guerre civile entre tous les seigneurs qui veulent récupérer le trône pour eux. Même des paysans sont devenus de grands monarques dans l’Histoire en profitant de ces violences intestines.
Les ducs, princesses et autres personnages importants sont morts ou grièvement blessés... Les enfants vont donc prendre la suite de leurs parents. Il faut que tout cela s'organise avec un certain ordre pour éviter le chaos total et une escalade de la violence partout pour tout et n'importe quoi. C'est radical, mais c'est le mieux que je puisse faire dans le cas présent. Je contrôle la Cité Interdite, je contrôle la transition.
Assez de sang à couler inutilement cette nuit. Il est hors de question qu’en plus de cela, le pays soit anéanti par une guerre qu’il n’a pas souhaité.
« Francis. Fait envoyer un message au Jardin Radieux pour expliquer au Sénat la situation. Je ne veux pas que la panique s'installe en plus de l'attaque terroriste de Kefka. Dit leur que j'ai les choses en mains.
- Tout de suite ! »
Je scelle la salle du trône principal. Puis je m’en vais. Il y a tant de choses à faire cette nuit. Je ne risque pas de dormir de sitôt.
Puisse l’Empereur et les autres me pardonner…