Les Lumières du Nouvel An Szp8Les Lumières du Nouvel An 4kdkLes Lumières du Nouvel An 4kdk
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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Avertissement :


Bientôt, nous passerons à la nouvelle année.

Le Soleil veille chaleureusement sur nous en cette fin de journée unique qui se renouvelle cycle après cycle. Les familles se réunissent, les ancêtres reçoivent les offrandes de leurs descendants respectifs et la joie est au rendez-vous dans tous les foyers.

Le crépuscule est là et la Lune est déjà haute dans le ciel, prête à briller comme une perle luminescente dans les cieux de jais.

Je me balance lentement au gré des pas des porteurs du palanquin sur lequel je me tiens. J’ai le privilège de suivre celui de l’Empereur tandis que nous passons Tiananmen pour rejoindre l’intérieur de la Cité Interdite. Fatiguée par le voyage de Chengdu, sans compter la cérémonie éreintante. J’aimerais bien aller dormir. Et pourtant ce n’est que le début. Ce soir, nous allons fêter le Nouvel An et donc nous coucher bien tard.

Tout comme la nation toute entière, la Cité Interdite célèbre cet événement annuel avec ferveur et diligence. On a dressé des décorations, les concubines ont pris leurs plus beaux habits et tous viennent grossir les offrandes impériales qui seront offertes aux ancêtres de Sa Majesté mais aussi aux dieux. L’objectif étant de s’attirer de bonnes grâces pour l’année future.

Le ciel est d’un bleu total. La météo est en notre faveur : les cieux sont complètement dégagés. Pas un seul nuage à l’horizon sur des kilomètres autour de la capitale. La ville est déjà recouverte d’un voile blanc immaculé. Il a beaucoup neigé. Il fait froid. C’est une saison ambiguë, l’hiver. C’est à la fois difficile pour le corps de subir de si basses températures mais en même temps, rentrer dans notre foyer devient un plaisir psychologique remarquable. On aime autant l’hiver qu’on le déteste, au final.

Au Temple du Ciel, l’entrée de l’Empereur fut spectaculaire. Sur un large palanquin porté par plus d’une trentaine de porteurs, il a traversé toute l’allée centrale, salué respectueusement par ministres, généraux, personnalités majeures des provinces et du gouvernement. Une véritable nuée d’officiels, tous plus ou moins loyaux à Sa Majesté bien sûr mais avec le souci commun de garantir une bonne année à venir.

Nous avons offert, par le biais de l’Empereur qui est le seul à pouvoir entrer dans le Temple du Ciel, de la nourriture, des bijoux, des produits de grande facture comme de la soie de qualité, de l’encens… Par la Grâce des dieux, les récoltes seront bonnes et l’État sera préservé. C’est dans l’intérêt général. Les famines sont une crainte pour tout gouvernement chinois. Il suffit d’une inondation pour nuire à des tonnes et des tonnes de récoltes.

Nous revenons justement de cette cérémonie d’offrandes. Cela nous laisse l’opportunité à tous, et surtout à l’Empereur, de se reposer et de se changer pour le grand banquet qui s’annonce ce soir. Je sais déjà quelle tenue je vais mettre. Je n’irai pas montrer à ces dames de la Cour que je suis mieux habillée qu’elle, avec plus de goûts… Non, ce serait mal vu. J’ai donc préféré une tenue traditionnelle plus classique mais pour autant élégante et raffinée. De quoi briller, mais moins que les concubines.

Bien que l’idée de partager un repas avec la famille impériale et les grandes personnalités politiques de l’Empire me réjouit au plus haut point, il y a toujours cette crainte qui erre en moi.

La crainte de l’incident.

Le manque d’informations m’a conduit à douter. Et puis la solution d’Harch était raisonnable. En cohérence avec ce que nous avions dit. Mais l’affreuse théorie n’arrivera pas. C’est trop gros, trop horrible pour que cela puisse se produire. Nous ne faisons que prendre des précautions. Mieux vaut cela qu’autre chose.

Il est seize heures.

Pour me changer, je rejoins le pavillon où réside mon fils. Harch m’attend sur le pas de la porte. Les gardes sont en nombre. Il y en a sur les murs, dans les allées, à presque tous les accès. Il y a eu des renforts. Même les serviteurs sont surveillés avec plus de zèle que d’habitude. La sécurité est au maximale ou presque.


« La cérémonie s’est bien passée ? » me demande Harch sans grand intérêt dans le ton de sa voix.

Il a une attitude particulière par rapport à d’habitude. Jamais il n’aurait demandé comment le rituel annuel s’est déroulé. Il est étrange, mais je mets cela sur le coup du stress. Mine de rien, rester ici plusieurs mois peut affecter la psyché même du plus brave. La Cité Interdite n’est pas un endroit où l’on se repose.

Ceux qui le font ne durent jamais bien longtemps d’après les histoires de notre peuple.


« Plutôt bien, oui. Un ministre a failli tomber lors du cortège d’introduction des offrandes… Heureusement, il s’est rattrapé. » répondis-je, avec un sourire entendu.

Nous pénétrons dans le pavillon. Les nourrices abandonnent la pièce un instant pour nous laisser seuls. Je caresse naturellement mon fils, toujours aussi captivée par ses petits yeux pétillants de vie. Il est toujours pâle, il est magnifique. Je remarque par ailleurs qu’Harch nous regarde étrangement.

Et quand je dis « étrangement » pour Harch, cela veut dire qu’il y a une expression autre que lugubre dans son regard. Ce qui est assez rare.


« Un problème Harch ?
- Non, non… Juste… »

Il marque une pause. Il baisse légèrement la tête et détourne le regard. Comme s’il cherchait d’une certaine manière à masquer ce qui le dérange. Harch est un homme certes inquiétant, mais simple. Il n’est pas difficile de le cerner et clairement ici, quelque chose ne tourne pas rond.

« Le stress. Je crains que ce que je vous ai rapporté va se produire. »

Impossible. Cela ne se peut.

« Je n’en suis pas convaincue Harch.
- Et pourtant, nous allons suivre le plan.
- Sécurité avant tout. Même si je ne crois pas au déroulement des évènements que tu as suggéré, nous allons tout de même faire en sorte de nous préparer pour cette occasion… »

Je m’éloigne un peu du petit. Cela ne me plaît guère, mais mon fils passe avant tout. Je commence à m’approcher d’Harch. Je concentre un peu mon énergie puis pose ma main sur la peau froide de son cou. Je sens à peine son pouls. Son cœur bat si lentement… C’est à ce moment que mon mari décide de se manifester pour me rappeler une chose importante.

« Pas devant le petit, Huayan. »

Il a raison. Je retire ma paume et fait un pas en arrière. Harch arque un sourcil. Je lance un regard vers mon fils et il comprend aisément. Il va de lui-même dans la pièce d’à côté. Je le rejoins, le pas lent mais résolu.

Je quitte la pièce et avec Harch, nous nous enfermons à double tour et nous commençons nos préparatifs.

C’est parti.


« Tâchons de réviser calmement les différents points.
- Très bien. » répond-il.

Nous nous asseyons dans deux sièges, face à face. Je détaille chaque élément.


« Tenue ?
- Prête.
- Règles ?
- On ne peut plus prêt.
- Détermination et courage ? »

Il marque une hésitation. Encore une fois il détourne à nouveau le regard. Puis il finit par dire :

« Il est temps, oui. »

Je prends cela pour un oui. Et tant mieux, il va en avoir besoin de cette résolution à toute épreuve.

« Bien commençons. Ne bougez pas de votre siège, je peux au moins faire cela seule. »

Harch m’a toujours fasciné en un sens. Il en faut du caractère pour garder sous contrôle ces « voix » comme il les nomme dans son esprit. Ces murmures qui le poussent peu à peu et inexorablement vers les plus profondes et douloureuses ténèbres. Bien sûr, il a un côté effrayant mais j’ai pitié de lui.

Je ne peux imaginer ce que c’est que de devenir l’ombre de soi-même, se voir sombrer un peu plus chaque jour vers quelque chose de plus terrifiant et de plus tragique. Autrefois, il avait peut-être fière allure, un capitaine honorable… Ou au contraire, il était déjà aussi sinistre. Mais pas autant que maintenant, c’est une certitude.

Je ne sais pas vraiment ce qu’il ressent à présent. Des doutes ? Des peurs peut-être même ? De quoi ? De qui ? Qu’est-ce qui peut être assez lourd dans l’esprit de cet homme déjà tourmenté pour le troubler à ce point ? Jamais je ne l’avais vu ainsi auparavant.

Espérons que tout se passe bien.

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Harch est sorti en premier. Je dois m’habiller désormais. Il doit être aux environs de dix-sept heures. Il ne faut pas perdre trop de temps. Je me maquille le plus habilement possible sans surcharger l’ensemble. De toute façon, il ne faut pas perdre de vue que je dois être moins belle que les femmes de l’Empereur.

J’enfile la tenue sélectionnée. Cela fait un moment que je n’ai pas porté quelque chose d’aussi léger et lourd à la fois. Le textile est en soi léger, mais si l’on rajoute les bijoux et les fourrures contre le froid, cela devient beaucoup moins facile de se mouvoir avec aisance. Rouge, avec quelques éléments en fil d’or et du blanc pur, un peu nacré.

J’essaye de faire attention, de ne pas avoir de gestes trop brusques, le moindre élément qui viendrait se mettre sur ces tissus ruineraient le personnage que j’incarne aux yeux de tous. L’Ambassadrice du Consulat, la Dame de Chengdu, la Consule de l’Etiquette… Autant de titres prestigieux auxquels il faut coller et rendre hommage à chaque pas.

Harch a gardé l’anneau. Il a pensé que c’était mieux et je le crois. Personne ne connaît suffisamment la gouverneur de Chengdu pour savoir qu’elle a toujours un anneau similaire au doigt ou près d’elle. Et puis de toute façon, je ne suis qu’une pièce de collection pour l’Empereur.

J’incarne la coopération avec le Consulat et la puissance d’un Empire fort sous la gouvernance d’un homme sage et harmonieux dans une Cour qui l’est tout autant : meurtre de la Concubine Jia à part. Un mystère toujours non élucidé… La clef de ce banquet est de passer inaperçue.

Se faire remarquer ? Trop de risques de paraître arrogante ou étrange. Être absente après l’invitation de l’Empereur ? Une insulte passible de punitions lourdes. La clef est d’être dans le milieu. Être là mais briller en silence discrètement. Le spectacle, ce n’est pas moi ce soir, c’est le Nouvel An.

Il est presque dix-huit heures. Je sors du bureau. Harch est avec le petit et le surveille de près. Des serviteurs attendant patiemment à l’entrée du pavillon.


« Vous êtes attendue, Madame. Le repas ne va pas tarder à commencer. » me lance t-il avec politesse.

J’inspire un grand coup et expire. Je dois rester calme. Pour tous les chinois, c’est un honneur. Pour tous les chinois, c’est un honneur. Pour tous les chinois, c’est un honneur. Je dois être droite, fière et élégante. C’est un sacré stress d’aller à la Cour, pas autant que je ne le pensais en venant à vrai dire.


« A plus tard, Harch. Prenez… Prenez soin de l’enfant. » dis-je avant de me tourner vers les eunuques de Sa Majesté.

« Allons-y. Conduisez-moi à l’Empereur. » Le palanquin s’ajuste à ma hauteur et nous nous mettons en route vers le lieu de rendez-vous. Un grand pavillon dédié aux grandes réunions familiales de l’Empereur ou aux grandes célébrations comme aujourd’hui. Un grand feux d’artifices a été prévu lorsqu’il sera minuit.

Le passage de l’année se fera dans la lumière et la joie. C’est ce qui est prévu en tout cas.

Nous suivons le chemin tracé par les eunuques. Le soleil est couché. L’air est froid et le vent s’engouffre entre les murs de la Cité Interdite. Ses couloirs deviennent aussi gelés que la mort et pourtant nous sommes bien vivants, à nos postes et continuons de servir nos maîtres, à chacun notre niveau. Même l’Empereur doit rendre des comptes aux dieux.

Les passages de la Cité commencent à devenir familiers. Le rouge qui parsème les murs me rappelle celui de ma tenue d’aujourd’hui. Le rouge est synonyme de bonheur en Terre des Dragons. Il était évident que j’allais devoir porter cette couleur aujourd’hui. C’est un événement festif après tout, rien de plus naturel.

Je ne me concentre pas vraiment sur le passé d’habitude, mais force est de constater qu’aujourd’hui, ce soir, ma vie prend un tournant… Inattendu. De mon monde d’origine, en passant par la Costa del Sol et désormais ici dans la Cité Interdite. J’hésite entre dire que j’ai de la chance dans mon malheur ou du malheur dans ma chance. Au point où j’en suis, cela commence à devenir compliqué de toute façon.

L’univers est si sombre et complexe.


Nous arrivons enfin dans l’aile où se dérouleront les festivités. Nous passons par des jardins. En cette saison, la plupart des plantes sont en hibernation ou mortes, attendant d’être remplacées ou de renaître… Renaître.

Je m’attarde sur un arbuste en particulier. Un rosier je crois. Ses fleurs ont fané et son allure s’est dégradée, pourtant il reste encore un espoir de survivre et de fleurir à nouveau. Le cycle de la vie. Vivre, mourir, renaître.

Le Nouvel An chinois, c’est un peu de ça aussi. Une année s’achève, une autre commence. Table rase sur le passé pour se tourner vers l’avenir. Je crois que c’est l’année du Rat, mais je n’en suis pas vraiment sûr à vrai dire. Je n’ai jamais été très attirée par l’astrologie.

Les braseros s’allument un à un. Un peu de chaleur au cœur de l’hiver et des ténèbres de la nuit qui s’annonce.

Nous arrivons enfin devant le pavillon. Le Pavillon de l’Éternel Printemps, voisin du Pavillon du Bonheur Universel. Un large bâtiment permettant d’accueillir de nombreux invités. Des invités de « marque », tout comme moi ce soir. Je peux sentir les regards sur moi. Soit on m’observe pour ma beauté, ce qui est tout à fait probable, soit c’est ce que je crois… Mais nous verrons de moi ou d’Harch qui a raison d’ici quelques heures.

Je descends du palanquin comme toute noble dame le ferait et je commence à gravir les quelques marches qui me séparent des portes du pavillon. J’entends des rires et des discussions déjà animées à l’intérieur, parfois même en des dialectes ou des langues que je ne connais pas moi-même.

L’eunuque de l’Empereur m’annonce.


« Songzi Huayan, Ambassadrice du Consulat en Terre des Dragons, Consule de l’Etiquette, Gouverneur et Dame de Chengdu ! » clame-t-il pour que tous puissent entendre.

Je m’incline respectueusement devant l’assemblée et notamment Sa Majesté l’Empereur juste en face de moi. Au vu du nombre de tables encore vides, nous allons devoir attendre encore un moment avant que le banquet ne commence.

L’Empereur porte une tenue particulièrement riche ce soir. Sa tunique jaune imite presque la couleur de l’or dans son état le plus pur. Il est littéralement rayonnant et les ornements traditionnels qu’il a sur lui lui confèrent une prestance et un prestige… Presque divins. Une apparition des Cieux. J’avoue que cela me surprend autant que cela m’émerveille : comme quoi, rien n’est jamais perdu. Habillé et paré ainsi, il ressemble à l’Empereur Jaune, cette figure sacrée anthropomorphique qui figure dans de nombreux textes que j’ai eu l’occasion de feuilleter. A sa gauche, une place vide, certainement celle de l’Impératrice qui comme nous le savons, ne viendra pas ce soir. Elle est quelque peu souffrante, à ce qu’il paraît.

Près de l’Empereur, sur sa droite, le Prince Hailong, sans son épouse lui aussi. Il n’est pas en or, couleur réservée au dirigeant de la nation chinoise, il a opté pour une tenue aux couleurs similaires à la mienne mais terriblement classiques ici : rouge, blanc et quelques éléments de détails en fil d’or.

Classique mais de circonstance.

Sur les côtés du hall, de nombreux seigneurs et officiels : tous les ministres et leurs femmes sont là, parfois même avec leurs enfants ; les ducs et duchesses des provinces impériales, les trois sœurs de Hailong et leurs maris ; plusieurs généraux et une multitude de fonctionnaires que j’ai déjà eu l’occasion de croiser mais sans avoir eu la possibilité d’échanger avec eux.

Au centre du hall, de larges braseros pour chauffer la pièce mais aussi pour tenir les plats au chaud. Astucieux. J’effectue une ultime révérence avant de lancer avec une voix très humble, semblable à ce que je ferais habituellement :


« Votre Majesté, je vous salue. Je salue également cette majestueuse assemblée réunie autour de vous en cette occasion si spéciale. » dis-je avec un léger sourire.

L’Empereur me fait signe de prendre place.

Étant ici avant tout en tant que représentante d’une institution étrangère, je ne suis pas proche de l’Empereur. Je suis placée plutôt au centre de la salle, au premier rang, près des braseros et de la lumière donc. Je prends place le plus élégamment possible et tâche de saluer tout le monde d’un regard sympathique accompagné d’un sourire poli.

La table que chaque invité a, ou que chaque couple partage, est faite en un bois sombre de grande qualité. La vaisselle est déjà en place. Il s’agit de bols et de cuillères d’excellente facture. De la porcelaine de qualité et quelques petits éléments de décoration fins et raffinés. Harch doit bien regretter de ne pas être à ma place, j’en suis presque certaine…

Les discussions animées reprennent leur droit dans le pavillon tandis que les eunuques commencent à montrer les signes qu’ils ont fini les préparatifs du repas. Le désavantage d’être au-devant de la scène est de ne pas vraiment pouvoir parler beaucoup. Soit vous devez vous tourner, soit vous devez parler très fort pour vous faire entendre par l’autre personne.

Un véritable art oratoire.


« Quel plaisir de vous revoir, Songzi Huayan ! »

Je me retourne très lentement, affichant un sourire courtois. Je ne sais pas qui c’est, mais manifestement cette personne me connaît. Un homme d’un âge quelque peu avancé, avec un léger embonpoint. Une barbe assez fine et grisonnante. Ah oui… Je me rappelle.

« Zhaozi Yong, quelle surprise. Je ne vous avais pas vu, pardonnez-moi ! » lancé-je, presque en rigolant avant de me rappeler que ce n’est pas vraiment bien vu ici.

Restons concentrée.


« Ce n’est rien, nous sommes très nombreux ici. Je suis content d’avoir pu assister à la cérémonie des offrandes au Temple du Ciel cette année, c’est une chance que nous ayons été tous invité par l’Empereur pour y participer.
- En effet, c’est une excellente initiative.
- J’ai vu que vous aviez offert de magnifiques vases en porcelaine contenant une nourriture qui avait l’air particulièrement fameuse… Qu’est-ce que c’était ? »

Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dans ces vases ? Il va falloir improviser sur ce coup-ci.

« Une recette de tofu avec du bœuf et des légumes. Les légumes et les épices donnent cette odeur caractéristique que vous avez pu sentir.
- Ah c’était donc ça, je vois ! Il faudra me donner cette recette, cela avait l’air très bon, héhé ! »

Nous échangeons un sourire entendu tandis qu’il détourne la tête pour parler à son épouse. Zhao Yong est un marquis du centre de l’Empire, il administre une petite région non loin de la ville de Xi’An de mémoire. Un homme qui a fait carrière dans l’armée avant d’être muté en politique.

D’autres invités commencent à arriver. De moins en moins importants et connus. Des fonctionnaires majoritairement. Quelques représentants des tribus affiliés à l’Empire sont également présents, certains non loin de moi d’ailleurs.

Je ne peux m’empêcher de contempler les riches décorations du lieu. Des panneaux sertis de pierres précieuses et de tissus sont suspendus au plafond, des talismans chinois -rouges- sont accrochés un peu partout, notamment autour des colonnes. Les lanternes écarlates présentes un peu partout finissent de poser l’ambiance de la fête.

Bientôt, alors que la nuit est complètement tombée à l’extérieur, l’Empereur se lève lentement. Il s’élève lentement, et pourtant tout le monde se tait, le fixant avec une dévotion sans pareil. Tout trahi la vieillesse et la fragilité et pourtant, ces ornements rappellent que son règne n’est pas encore fini et qu’il a encore bien des années à vivre. Il prend la parole.


« C’est avec un immense honneur et plaisir que je vous accueille ce soir au sein de la Cité Interdite. En ces périodes de fête, j’ai exceptionnellement pris la lourde décision de vous arracher cette soirée à vos familles pour venir célébrer l’ouverture de la nouvelle année avec moi. » commence-t-il avant de marquer une légère pause.

« Je connais le moindre d’entre vous, je connais vos noms, vos familles, d’où vous venez, ce que vous faîtes et ce que vous aimez. Nous avons grandi et vieilli ensemble, tous animés par la mission de servir les peuples de la Terre des Dragons… Même si certains s’y refusent encore de l’autre côté de la Grande Muraille ! » lance-t-il avec le ton légèrement moqueur pour les mongols.

Il pose son regard un instant sur moi, avant de regarder son fils.


« Le Prince Hailong a pensé que c’était juste que je vous invite pour avant tout vous remercier du service que vous accordez à moi et donc à notre nation. Notre force vient de notre union, de notre cohésion. De l’âme qui nous anime. » continue-t-il en souriant amicalement à l’assemblée.

Même si je n’ai jamais été une grande admiratrice de l’Empereur, je dois admettre qu’il a l’air d’être un homme bien. Bien que parfois dur comme j’ai pu le constater à plusieurs reprises. Il reprend vite la parole pour éviter de laisser un blanc trop long entre chaque intervention. J’ai l’impression qu’il fait des pauses régulières pour pouvoir respirer.

Mine de rien, il est assez chargé.

Les serviteurs en profitent pour aller servir le premier verre de boisson. Chaque invité va porter un toast, avec Sa Majesté, ce qui est extrêmement rare dans la culture locale. C’est une véritable chance d’être ici et de vivre l’événement depuis l’intérieur.


« Ensemble, mes amis… Célébrons la Nouvelle Année et que les Cieux nous soient toujours favorables ! Pour la Chine ! 新年快乐 !
- Vive l’Empereur ! Pour la Chine ! 新年快乐 ! » répond l’assemblée en chœur.

Cul sec.

L’alcool brûle un peu ma gorge. J’ai intérêt à m’accrocher, ce n’est que le premier verre et à mon humble avis, ce n’est pas près d’être fini. Les eunuques et les servantes commencent à apporter les plats. Une véritable farandole, une vague continue de servants amènent milles et un trésors culinaires.

Des canards laqués entiers, des pâtisseries chinoises, des nouilles, des légumes, des fruits, des salades, des plats en sauce, des viandes frites, bouillies ou cuites aux braises ou bien dans des fours. Les cuisiniers ont dû travailler d’arrache-pied pour pouvoir réaliser tout ça dans les temps. Un exploit en soi. Heureusement que Francis n’est pas là, je crois qu’il ferait une attaque face à tous ces plats qui s’offrent à lui. Un tel choix, il n’en reviendrait pas.


« Commençons à manger pendant que c’est chaud. Allez-y ! Et pour accompagner tout ça… » lance l’Empereur tout en faisant un geste de la main.

Les serviteurs s’empressent avec délicatesse et précision de servir tous les invités avec une synchronisation parfaite. Chaque table a la même quantité de plats, servis à parts parfaitement égales. Je me prépare à commencer à manger… Je vais commencer par le bœuf, il a l’air bien saignant.




Soudain, des timbales résonnent. Je sursaute presque tellement c’est inattendu pour moi. Et puis ça recommence, encore et encore. Bientôt d’autres instruments viennent se joindre à elles pour former une mélodie rythmée et joyeuse.

Des portes ouvertes jaillissent des danseuses qui viennent envahir l’entrée du Pavillon de l’Éternel Printemps. En tenues traditionnelles adaptées à la danse, elles ont des manches plus longues que la normale pour former des arabesques envoutantes dans les airs. On se perd dans l’ensemble des tissus et des corps virevoltants, des sourires et des poses.

La soirée s’annonce sous des auspices favorables.
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Huayan est partie au banquet. J’ai le cœur hanté par mes inquiétudes et je joins vainement les mains contre on ventre en espérant que tout va bien se passer. C’est impossible que cela se passe comme elle l’a prévu, c’est une certitude. Néanmoins, il faut faire en sorte que le destin de Yue… Reste inchangé. Et cela va nécessiter un certain nombre d’efforts mais ultimement, je serai rassuré.

Les nourrices sont parties, éloignées par les services de la Cité Interdite. Le plan du Prince concernant le petit se déroule pour l’instant comme prévu, le fait que je sois seul avec lui en fait partie. Il va me falloir attendre encore un peu et je devrais quitter les lieux pour rejoindre la porte nord.

Là-bas, on me laissera sortir avec le bébé… Et ensuite, il faudra conclure cette histoire.

Je me lève de ma chaise pour aller voir à la fenêtre. Le ciel est dégagé. Pas de nuages à l’horizon. J’aperçois parfois des ombres apparaitre et disparaître près des lumières à l’extérieur. Des corbeaux. Ils sont enfin installés en massa à Beijing pour soutenir les efforts de leur maîtresse.

Je marche lentement vers Yue, il commence à s’endormir. Je l’habille. Je lui mets des vêtements chauds pour pouvoir affronter le froid, le gel et la neige. C’est un enfant, il n’est pas encore parfaitement armé pour se défendre face aux agressions de l’hiver.

Il est emmitouflé, seul son petit visage demeure exposé. C’est étrange. Il ressemble à la fois à sa mère mais… Quelque chose en lui me rappelle son père. Une lueur particulière dans le regard. Il gigote un peu dans son berceau : ce dernier sera bientôt trop petit. Il va falloir lui trouver un vrai lit.

Il ne me reste plus qu’à patienter jusqu’à vingt-trois heures.

Je fais le tour de la bâtisse. Je caresse le bois des meubles. Je range des papiers. Dont un qui est très important. Je le mets bien en évidence sur le bureau. Le récit de mes fautes, de ma trahison et de la disgrâce qui va s’abattre sur l’Empereur et le Prince. Le complot, le plan de Hailong. Absolument tout. Je suis moi-même surpris de voir que j’y fais mention de comment ma vie va s’achever à Jing Shan Yuan.

Tout est si détaillé. Si précis, si clair. On y sent les remords, mais également l’espoir de se racheter par une ultime lettre d’adieu. L’homme que je suis va disparaître dans l’espoir de mettre fin autant à ses souffrances que celles que le Prince a préparé.

Huayan n’y crois pas. Toujours pas. Si tout se passe comme elle le pense, alors cette lettre finira brûler et tout pourra rentrer dans l’ordre. Si j’ai raison… Hé bien au moins, il y aura une preuve accablante de la folie d’un fils dévoré par le désir du pouvoir.

Comment sommes-nous arrivés à une telle situation ?

Une fois les affaires mises en bonne position, je quitte ce bureau en fermant la porte. Puis je me dirige à nouveau vers le berceau. Je sors l’anneau contenant l’âme du défunt mari. Une si petite chose, si insignifiante et pourtant… Elle contient un être d’une grande force. Et dire qu’il aura vécu tant d’aventures sous cette étrange forme.

C’est fou ce que nous vivons quand même. Je me demande si quelqu’un racontera mon histoire un jour. Comme une légende exaltante ou un récit tragique. Le conte d’Harch, l’homme qui n’a pas eu sa propre mort, dépossédé jusqu’à son identité.

Pardonnez donc mon côté dramatique. C’est la tension.

Ce petit anneau, jusqu’à la fin sera là. La fin, ou le début. Selon le point de vue que les gens ont sur la mort. Espérons juste que Huayan ait raison sur cette affaire.

Je n’ai plus qu’à attendre vingt-trois heures. Je m’assois près du petit.

J’attends mon heure
.
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Les plats ont bien été entamés. Les danses ont pour l’instant cessé. Mais les flots de la musique traditionnelle continuent de se déverser sur cette salle baignant dans la joie et la gaieté du Nouvel An.

Même l’Empereur, malgré sa femme absente, rigole avec son fils. Il y a quelque chose d’étrange dans l’attitude de Hailong. Il paraît si détendu et pourtant, une lueur étrange dans ses yeux montre qu’il ne pense pas qu’uniquement au buffet.

L’alcool a commencé à faire ses effets sur les convives. Les seigneurs du nord, habitués à consommer de la boisson en grande quantité lors des fêtes, parlent forts et s’esclaffent de la moindre plaisanterie. Quant aux seigneurs du sud présents, ils se font plus discrets, plus maîtrisés même s’ils apprécient la délicate attention de l’Empereur de les inviter pour les festivités.

Je bois un peu de thé. Je n’ai presque pas mangé. Je suis trop tendue pour avaler quoique ce soit. Quand on fonce droit dans le piège d’un adversaire dont nous ignorons presque tout, on oublie ses instincts primaires qui nous demandent de dévorer tous ces mets délicieux. Je me suis uniquement forcée sur certains plats légers pour ne pas apparaître comme une personne mal éduquée aux yeux de Sa Majesté.

Le protocole est parfois lourd ici.

D’un autre côté, je me dis que c’est bien qu’ils profitent ainsi. Si Harch a raison, et c’est certainement le cas. Nous allons tous mourir ce soir. Ce sera bref, puissant et sans douleur. Et si j’ai raison… Hé bien, je me serai ennuyée comme jamais.

Un défilé d’officiels, de fonctionnaires et même de militaires viennent me saluer très aimablement. Je fais comme on me l’a appris, je souris, je fais la conversation. Je ne dois pas paraître arrogante, mesquine ou faible. De toute façon ici, il n’y a pas de grands enjeux. Devant l’Empereur, ils savent qu’ils ne peuvent que glisser quelques mots dans l’espoir de bénéficier de mes grâces ou de mon soutien.

Les Chinois apportent beaucoup de valeur à moi et ma famille. Mon histoire est comme un récit qu’ils vivent au fil des semaines et des mois. Fille de marchands itinérants, voyageuse interstellaire, membre de la Shinra, puis Consule… Et surtout défenseuse de Chengdu. Rempart contre les étrangers qui leur voudraient du mal.

La Dame de Chengdu est un symbole d’espoir et de sécurité pour beaucoup. Même s’ils ne connaissent pas toutes les horreurs et les sacrifices consenties par cette dernière pour le bien commun. Tandis que devant moi, se tient le futur de l’Empire.

Le Prince Hailong… Aurait-il le courage de sacrifier autant pour juste une couronne ?

Après tout… Son père, ses sœurs… Des gens qu’il a connu depuis longtemps au sein des administrations, des ministères ou des armées. Arrivera-t-il à presser la gâchette du changement brutal et irréversible ?

Nous verrons bien. Il nous reste encore un peu de temps avant le grand final de la soirée. Les premiers plats sont à peine finis, l’alcool est encore là et au vu de la courte pause que les musiciens s’accordent, de nouveaux numéros sont prévus ce soir.

Et d’ailleurs, bien assez vite, l’Empereur tape des mains. Les musiciens reprennent une nouvelle mélodie dans un sursaut d’énergie tandis que des hommes en de curieuses tenues rentrent dans la salle. Ils prennent position à des endroits définis et nous saluent tous respectueusement.

La musique change encore.

Les artistes commencent à se tortiller dans tous les sens, altérer leurs corps… Leurs têtes, leurs bras, leurs jambes prennent des poses presque surnaturelles, impossible pour le commun des mortels… De sacrés gymnastes. Un premier s’avance et effectue un salto arrière tandis que trois autres prennent le relais, suivis par cinq autres encore.

C’est un véritable festival de pirouettes, de roulades, d’acrobaties, de contorsionnismes. C’est un émerveillement pour le public de l’Empereur même si je reste quelque peu détaché de cela. Cela ne me semble pas naturel de prendre de faire des choses aussi… Extrêmes avec son corps.

Dorénavant, ils forment une pyramide humaine. Ils touchent presque le plafond du pavillon dans lequel nous sommes. C’est un exploit physique indéniable, même si je ne suis pas une grande amatrice de ces arts du divertissement. Je m’attendais à mieux de la part de l’Empereur.

Je continue de boire mon thé, préférant observer les autres convives. Certains suivent le spectacle avec intérêt, d’autres continuent de manger comme si de rien était… Certains semblent préoccuper par d’autres thèmes et se murmurent des mots discrets tandis que Hailong surveille avec une certaine nervosité un garde.

De ce que je sais, ce dernier est censé lui donner l’heure. Je devine qu’il ne reste plus beaucoup de temps.

Je baisse les yeux et regarde les petites flammes d’un des braseros. Un léger sourire narquois surgit sur mon visage. Le feu. Le feu de la vie, le feu qui nous embrase, le feu de la passion. Nous sommes comme lui… Nous nous étreignons, nous nous enflammons et nous nous éteignons pour ne laisser derrière nous que des cendres et des souvenirs.

Le spectacle se termine sur cette ironie du sort. Je sors de mes pensées et applaudit comme les autres tandis que les artistes saluent puis disparaissent derrière les portes du pavillon. Une petite pause de courte durée avant le prochain numéro. Certainement de l’opéra, nous n’en avons pas eu encore.

Qu’est-ce que je déteste l’opéra pékinois…

Je jette un regard vers le Prince. Il me voit. Nos yeux se rencontrent d’un bout à l’autre de la salle. Nous nous adressons un léger sourire. Faux et de circonstance pour éviter l’éventuelle gêne. Il sait très bien qu’il a toutes les cartes en main. Tu m’étonnes qu’il sourit avidement à tous.

Les timbales sonnent une nouvelle fois. Et comme prévu, des acteurs et chanteurs de l’opéra traditionnel de Beijing rentrent dans la salle sous les applaudissements de la foule déjà conquise. J’imagine que cela va être encore une histoire avec Sun Wukong ou des Trois Royaumes… Il n’y a plus qu’à se lamenter jusqu’à ce que cela s’achève.

Et en parlant d’achever, un rapide coup d’œil vers la table du Prince m’indique qu’il s’est absenté. Instinctivement, j’avale difficilement ma salive. Des sueurs froides m’assaillent. Le plan… Le plan est en marche.

Les rires et les applaudissements deviennent insupportables. Les voix reviennent et m’inquiètent. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai peur. Je me tends et contemple ma table avec inquiétude. Une femme s’approche de moi, une noble je crois, je ne fais plus vraiment attention.


« Vous allez bien Songzi Huayan ?
- Oui, oui… j’ai juste eu un coup de chaud. Je vous remercie. » répondis-je accentué d’un geste pour la faire déguerpir.

Ça commence.
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Quelqu’un vient.

J’entends les pas sur les dalles de pierre. Je me redresse et me dirige vers la porte. J’entrouvre avant qu’il ne tape. L’angoisse continue de me mettre une boule au ventre. Un garde approche, il a l’air d’appartenir aux soldats du Palais. Rien d’anormal en soi.

Il me voit et semble avoir un peu peur de moi. Tant mieux. L’effet naturel est toujours là manifestement. Il se penche légèrement vers moi et murmure :


« C’est l’heure. »

Puis il me salue et repart comme il est venu. C’est tout ? Je m’attendais à plus, même si c’est plus raisonnable ainsi. Parfait. Allons-y. Je frotte un peu mon visage et respire un grand coup. C’est le moment. C’est le moment. Il faut suivre le plan, à la lettre.

Je prends le petit dans mes bras. Il est léger comme une plume. Je le tiens fermement contre moi avec mon bras gauche. Il ne dit rien, il ne résiste même pas. Tant mieux, cela rendra l’exercice plus facile.

Je jette un dernier coup d’œil dans le pavillon pour être sûr de ne rien oublier mais… C’est bon. J’ai déjà tout arrangé. Il est temps.

J’ouvre les portes et je sors à l’extérieur. Je laisse volontairement ouvert. Je marche lentement dans les couloirs de la Cité Interdite, j’ai le plan en tête. Les gardes ne sont pas tous là où ils devraient être, mais ils font mine de ne pas me voir.

Ils sont tous complices… Ou presque. C’est affligeant et révoltant à la fois.

Sans grandes difficultés, j’arrive à la porte nord. Celle derrière le jardin impérial. Les gardes ne m’arrêtent pas non plus. Comme prévu, lorsque j’arrive presque à la sortie, le frère de l’Empereur, le vieux Duc Lian Huo du Dongbei est là. Le complice du Prince.

Et le plan doit se suivre comme prévu alors…


« Ah vous voilà ! Vous avez trois minutes de retard sur le programme.
- J’ai marché un peu lentement.
- Oui, oui. Vous avez l’enfant ? »

J’hésite un instant à lui montrer par instinct mais… De toute façon, il voit ce que j’ai dans les bras. Il ne faut pas être devin pour y voir un enfant habillé chaudement.

« Oui.
- Faites-voir. Je veux vérifier que c’est bien le bon.
- Vous ne me faîtes pas confiance ?
- Bien sûr que non. Allez. Faites vite. Plus vite cette histoire sera finie, plus vite on passera à autre chose. »

Je cède et tourne légèrement le jeune garçon. Le Duc avise sa frimousse et hoche légèrement la tête en signe d’approbation.

« Allez-y. Faites ce que vous avez à faire.
- Bien entendu. »

Je m’écarte de quelques pas et pose l’enfant délicatement sur un buisson suffisamment dense pour qu’il ne s’enfonce pas dedans. Je me retourne ensuite vers le vieil homme en armure et casqué. Il n’a pas l’air très à l’aise tout d’un coup.

Je me demande pourquoi.


« Qu’est-ce que cela veut dire ? J’ai d’autres choses à faire que de perdre mon temps avec…
- Cher Duc, cher Duc… Allons. Pardonnez-moi si vous le pouvez. Quelque soit vos fautes, vous ne méritez pas de mourir seul ici, ce soir. »

Le visage de l’homme blêmit de plus en plus tandis que je me rapproche de lui. Un couteau se glisse dans ma main droite.

« Mais parfois pour voir une nouvelle ère débuter… Certains doivent être contraint au repos. Ordre du Prince. » lancé-je, froid et peu convaincu.

Un flash soudain. Un couteau planté dans la carotide. Un homme qui meurt. Un abject personnage, il en va sans dire. Ce monstre a participé au plan machiavélique du Prince. Ce même Hailong qui l’a condamné. Quelle ironie.

Je récupère l’enfant et part. Je franchis pour la première fois la porte nord sous l’œil « distrait » des gardes. Face à moi, les portes de Jingshan Yuan qui sont également entrouvertes. Je traverse le pont au-dessus des douves. Il fait froid, les rafales de vent froid me gèlent. Cette tenue n’est pas adaptée aux températures.

Je rentre dans le parc. Je gravis les marches de pierre. Une à une. Passant à côté des petits pavillons. Un à un. Bientôt je me retrouve au sommet. Il n’y a aucune surveillance ici. Il n’y a que moi et Yue. Pour l’instant.

C’est ici que je devrais le tuer d’après la volonté du Prince de voir tout disparaître ce soir pour faire place nette à son règne céleste. Aura t-il vraiment la folie de passer à l’acte ?

Il a encore le choix.


« Ah bah enfin ! On commençait à s’inquiéter avec les copains ! » lance une voix très familière derrière moi.
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J’inspire et expire un grand coup.

Au fil des minutes, mon stress monte. Je… J’ai… Je n’ai pas honte de dire que j’ai peur. Mon esprit hurle de m’enfuir. De me lever et d’échapper à ce traquenard en hurlant et franchissant les lourdes portes du Pavillon de l’Éternel Printemps pour retrouver la liberté.

Mais je ne peux pas…

Je suis clouée ici comme un loup dans une cage. Impossible de partir, plus maintenant. Après l’opéra traditionnel de Beijing, les artistes sont partis. Seuls les musiciens restent avec nous pour clôturer cette soirée exceptionnelle. D’ailleurs, les gardes ferment les portes.

C’est exactement comme cela était annoncé. Je vois chaque étape du plan se dérouler sous mes yeux. Minute après minute, heure après heure. Il sera bientôt minuit. La nouvelle année va commencer.  L’Empereur se lève pour faire une nouvelle fois un discours.

Un silence s’installe vite dans la salle. Il se redresse malgré le poids de toutes ses parures et débute par ces quelques mots :


« Mes amis ! Mes amis ! Il sera bientôt minuit ! La nouvelle année va commencer et ce sous les meilleurs auspices ! Ensemble, nous allons continuer de bâtir un empire fort, juste et prospère pour tous.  Ensemble, comme une famille. Ensemble, nous sommes unis par les liens du devoir. Derrière nous nous contemplent les ancêtres qui ont construit cette nation. Rendons leur honneur en ce jour de fête et d’opulence. »

Nous nous levons tous avec nos verres, remplis au préalable bien sûr.

« Pour la Chine !
- Pour la Chine ! »

Et nous buvons.

« Cette année de grands progrès sont à venir, notamment grâce à l’importante contribution de l’Ambassadrice du Consulat en Terre des Dragons dans les affaires internes à la nation. Son expérience et ses compétences sont d'une grande valeur pour l'Empire. » continue t-il.

Je m’incline respectueusement pour le remercier de ces mots agréables.


« Maintenant… Je vous invite à vous diriger vers les portes pour pouvoir admirer les cieux et peut-être… Voir une belle surprise. » dit-il avec un léger sourire.

Tout le monde a compris qu’il s’agissait de feux d’artifices mais… Les portes sont closes. Et les fenêtres en hauteur sont fermées. C’est trop tard. Je décide de rester assise en attendant de voir le déroulement des évènements, quelque peu abattue.

Les premiers invités demandent aux serviteurs d’ouvrir les accès. Ces derniers essayent mais n’y arrivent pas. Bientôt, les murmures se transforment en plaintes de vive voix. Plusieurs cherchent à pousser les portes, en vain.


« Nous sommes enfermés ! » crie l’un d’entre d’eux.

Plusieurs gardes vont vers l’Empereur pour lui faire un rapport de la situation.


« Du calme ! Du calme ! » demande t-il.

Un silence précoce vient.


« Gardes, brisez cette porte immédiatement ! Serviteurs, vérifiez vos accès également ! » ordonne t-il.

« Nous allons tirer cela au clair. Veuillez regagner vos places s’il vous plaît. »

Tout le monde obéit. Les rires et les éclats de joie se sont transformés en visages pâles et fantomatiques. Le temps semble soudain si long, une véritable éternité. Les gardes essayent de casser le bois avec leurs lances et leurs glaives… Malheureusement, c’est bien trop épais.

Ils arrivent à peine à abîmer le bois. Ils tapent comme des forcenés. Les serviteurs reviennent et murmurent la mauvaise nouvelle à Sa Majesté : tout est bouché.


« Mes amis… Mes amis. Ne cédons pas à la panique. Il doit y avoir une explication à tout ceci. »

Un vent de panique s’installe parmi les invités qui se précipitent pour la plupart sur la porte pour aider les gardes tandis que d’autres se dirigent vers l’arrière du bâtiment pour vite revenir et regarder absolument partout.

Dans le chaos qui s’installe, seuls moi et l’Empereur restons en place. Je tourne mon visage vers lui. Je souris, honnêtement. Je suis désolé. J’ai eu le pouvoir de vous sauver, mais je n’ai rien fait. J’ai activement contribué à faire grandir la colère de Hailong… Pour ma propre perte.

Nous sommes victimes de nos erreurs et de notre vision voilée par nos sentiments et nos idéaux. Nos destins basculent. Ma seule pensée maintenant est pour Harch et Yue qui doivent être sur la colline à cette heure-ci. Je me demande quelle tête il aura quand il verra tout ça.

L’Empereur plonge son regard dans le mien. Il a peur. Il est terrifié et ne comprend pas ce qui se passe. Je ne laisse rien paraître. Je suis tout autant condamnée que lui. Notre ultime heure est arrivée.


« Nous devons tous sortir, maintenant ! » crié-je en vain pour accompagner les complaintes et les appels à l’aide des autres convives.

La peur m’abandonne. Face à tous ces gens, j’ai le luxe de savoir comment je vais mourir. Et au vu de l’état de la porte, cela ne devrait plus tarder. J’essaye de me galvaniser, un moment de recueillement, je vois ma vie défiler. Mes parents, mon monde, la Shinra, la Costa del Sol, la Terre des Dragons et… La Cité Interdite.

Certaines concubines autour de nous vomissent des ordres aux serviteurs, d’autres pleurent, d’autres sont résignées et restent assises, attendant de voir l’issue dramatique de la situation. Habituellement, quand on enferme tout un empire dans un endroit clos, c’est que… On ne compte pas vraiment les laisser repartir en vie.

Je me lève et marche quelques pas vers l’Empereur au milieu du chaos. Ce dernier ne bouge pas et m’accueille à ses côtés avec un léger sourire.


« Fatiguée ?
- Pas vraiment… Et vous ?
- Un peu. »

J’ai l’impression qu’il soupire, mais discrètement.

« J’ai… J’ai refusé de croire en tout ça. Veuillez me pardonner. »

C’est ce que je devrais dire. Oui. C’est ce que je dirai en de telles circonstances.

« Je sais, Songzi Huayan. Sinon vous ne seriez pas là et ce fiasco n’aurait pas lieu. Ne vous sentez pas obligée de rester auprès de moi. Il y a bien longtemps que j’ai appris à mourir… Comme un Empereur. » dit-il, se tenant toujours droit et fier.

Je crois que je devrais lui prendre la main, ou lui montrer un signe d’affection. Mais… Je ne peux pas. Je m’éloigne de lui et je retourne à ma table. La porte est bien abîmée. Je m’assois et jette un dernier regard vers le souverain.

Il me lance un léger sourire. De compassion, je crois… C’est étrange.

Je… Je crois que l’heure est proche… Je…


Une dernière fois, je ne dois pas paniquer, je ne dois pas paniquer. Je commence à réciter dans ma tête de quoi me convaincre… Tout en regardant cette porte qui commence à bouger mais qui ne cède pas… On pousse et on maintient la salle close de l’extérieur…

La voie est close.

Une dernière volonté en pensée : « Ma vie pour H… ».

Son :


Une explosion… Puis les flammes.
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Salut salut, c’est moi à nouveau pour la notation 😊

Alors, pour cette fois, quelques petites précisions :
- Ton RP est relativement vieux, et depuis, y’a eu pas mal d’autres aventures de Huayan. Pour être le plus objectif possible, je vais faire comme si je n’avais pas conscience des rp qui suivent.
- Ton style a surement évolué depuis, certains de mes commentaires ont peut-être été déjà pris en compte depuis.
- Ce rp étant compris de plusieurs postes. Je vais faire un paragraphe par poste, et une conclusion générale. Je vais essayer d’être le plus court possible. Si tu as besoin d’avoir un avis plus copieux, tu peux me demander par mp.

Allez, c’est parti :

- Huayan #1 : « Le Soleil veille chaleureusement sur nous en cette fin de journée » on imagine de suite une fin de journée, les rayons dorées, la chaleur qui commence à faiblir. Mais dès la phrase d’après : « Le crépuscule est là et la Lune est déjà haute dans le ciel ». L’ambiance est différente, on imagine plus la froideur du soir, la lumière qui n’est quasi plus là. Deux ambiances assez différentes. Ça peut sembler du détail, mais ça m’a sorti de la lecture.
On sent que tu as beaucoup de choses à raconter, à dire. Tu connais bien la culture chinoise, et tu souhaite la mettre en avant. Malheureusement, tu vas trop vite. S’en est un peu confusant. On est le soir, puis tu vas aux offrandes, puis les offrandes sont faites. Tout défile à une vitesse folle. Respire un peu, prend ton temps de bien faire tes transitions.  C’est assez intéressant de voir une Huayan dans un élément qui n’est pas le sien. Ne pas devoir briller, ne pas être sous le feu des projecteurs. Bon usage de la répétition pour « Pour tous les chinois, c’est un honneur ». On a enfin une Huayan qui n’est pas dans une situation où elle est maître, c’est plaisant et rafraichissant. C’est surement l’aspect qui à mon goût, manquait le plus à tes rp. La pression derrière cette femme, à vouloir toujours être parfaite. Ta description de la réception est mieux que tout à l’heure, tu prends plus ton temps, on a une meilleure idée de la chronologie et du temps qui passe. Véritable question concernant la langue parlée. Je sais que dans KH, tout le monde parle la même langue. Mais du coup, je ne peux pas m’empêcher de trouver bizarre que l’empereur, qui parle en « commun » pendant tout le long, lâche juste deux mots en chinois. Ça fait très superficiel. Je comprends ton désir de vouloir rendre ça plus authentique avec la culture chinoise. Mais j’ai presque l’impression que ça devrait être un tout ou rien.

- Harch #1 : J’aime bien l’idée de nous offrir deux points de vue sur une même soirée. A l’intérieur pour Huayan, à l’extérieur pour Harch. Pas mal de faute de relecture chez Harch, tu as surement écrit le texte quand tu étais fatigué, mais hésite pas à te relire. (Ex : «  En massa », « contre on ventre » ) . Ce qui est assez intéressant ici, c’est que je n’ai pas lut le rp (Si y’en a un) où Huayan et Hach parlent du plan. Du coup, je ne peux que supposer. Me demander vers où Harch s’en va. C’est intriguant.

- Huayan #2 : Tension intrigante. Tu le joue bien, en parlant par exemple du passif du prince, en mettant le doute sur son courage et sa soif de pouvoir. Presque un petit côté mariage pourpre de Game of throne, avec le jeu des danseurs, de la musique, la sensation que quelque chose va se passer.


- Harch #2 : Pas grand-chose à redire. En temps normal, j’aurais surement grogné que tout se passe trop à merveille. Mais le fait que Huayan de son côté n’a pas fini son histoire, laisse encore du suspens quant à une péripétie prochaine.

- Huayan #3 : Huayan est très digne, mais ça me surprend beaucoup d’elle qu’il n’y ait aucune tentative. C’est une puissante mage/symbiose, rien qu’avec « pression de la rose », elle pourrait faire exploser une des portes. Après, oui, je comprends qu’elle a plus ou moins ce qu’elle veut. Son fils est en sécurité. Mais j’aurais imaginé Huayan plus combattive dans une situation comme celle-ci. Je l’aurais vu se lamenter, se dire qu’elle ne reverra plus le sourire de son fils. Et de ce malheur, elle serait sortie de ses gonds, cherchant à survivre par tous les moyens pour pouvoir le revoir. Après, c’est ton personnage, tu le connais mieux que moi. Mais j’ai été surpris par son attitude.


Donc, pour conclure tout ça :
Texte sympathique. Le côté ambiance et « final » d’une série marche bien. Le fait d’avoir les deux côtés de l’acte, vu par Huayan et Harch aide à la mise en scène. C’est assez cinématographique comme écriture, tu décris beaucoup, tu fais appel au mouvement. J’aime le fait que pour une fois, on voit une Huayan qui n’est pas dans son milieu habituel, et c’est une bonne chose. Elle est indécise sur les événements, elle a peur. Je crois que j’aurais apprécié qu’elle s’accroche dans son égo jusqu’à la fin. « Non, ça n’arrivera pas ». On la voit changer d’avis et caresser la possibilité qu’elle s’est trompé. J’aurais trouvé ça encore plus fort qu’elle soit dans le déni, jusqu’à la preuve finale.

Mais malgré ça, c’était sympathique à lire !  

Avancé : 31 points d'expérience + 300 munnies + 3 PS. Deux en Vitesse et un en Défense !
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