« Vous n’avez pas besoin de plus de détails : éliminez-la et vous serez récompensé. »
Le Prince Hailong a été clair. La Concubine Jia doit mourir. Il n’a pas pris soin de me dire pourquoi, mais je crois le savoir malgré tout. Il n’a jamais aimé cette femme de ce que j’ai entendu des eunuques. Depuis l’enfance même… Il a dû se passer quelque chose certainement.
Étrange d’ailleurs que les eunuques m’aient parlé de ça… Quoique, je crois que je leur ai fait peur l’autre jour lorsque je leur ai parlé dans les jardins. Ils ne m’attendaient pas à me voir là-bas et je suis quelque peu sorti brusquement de derrière un buisson.
Je crois même qu’il y en a un qui a sursauté.
Bref, il va falloir faire vite.
Le chef des gardes de la Cité Interdite est un allié du Prince Hailong. Il n’y aura donc, pendant un espace de temps relativement court, un chemin à suivre sans gardes pour que je puisse accéder aux appartements de la Concubine à tuer.
J’ai pris mes précautions. J’ai changé de tenue, pour me déguiser en assassin local. J’ai dissimulé mon visage, j’ai caché mes armes sous ma tenue. Quelques accessoires pouvant être utiles… Et on est partis.
J’ai de la chance, il pleut ce soir. Ce sera encore plus facile de se faufiler. Je quitte le pavillon du fils de Huayan par une porte arrière. Je longe le mur pour rejoindre la porte menant aux couloirs intérieurs de la Cité. Pas de gardes, la relève n’est pas encore arrivée. Je dois ensuite prendre à droite, puis à gauche.
Lorsque j’atteints la porte des médecins impériaux, je sors ma corde et je monte sur le mur. Ça glisse avec la pluie, mais je finis par y parvenir juste à temps. Une patrouille commençait à arriver. La ronde des gardes a été prévue à la minute près, je ne dois pas perdre de temps.
Je cours discrètement sur à peu près vingt mètres, avant de redescendre. Encore une allée vide, je me précipite. Je cours, le torse penché en avant, prêt à sortir mes armes au cas où, même si mes chances, seul, face à tous les gardes impériaux sont faibles. Très faibles. Je pourrais en tuer deux ou trois mais après le flot de soldats ne ferait que croître, pour finalement me voir mourir.
Je passe une nouvelle porte.
Voilà l’entrée du pavillon de la Concubine. Les portes sont closes, comme je m’y attendais. Il va falloir escalader le mur. La bonne nouvelle avec toute cette pluie, c’est que je doute que les serviteurs qui veillent pour monter la garde soient dans la cour à guetter les tuiles.
Je sors ma corde, j’attache rapidement un petit grappin dessus. Je le jette en vitesse. Les torches dont la lumière se reflètent sur les murs plus loin m’indiquent que des soldats arrivent dans cette zone. Je fais vite, et je grimpe les quelques mètres qui me séparent du pavillon.
Une fois en haut, je décroche vite le grappin et marche le plus discrètement possible sur les tuiles pour rentrer à l’intérieur. La patrouille arrive, je n’ai pas le choix et je me jette sur un tas de buissons en contrebas. La chute est violente et je crois que je me suis fait mal aux côtes. Je me relève, non sans me forcer considérablement pour masquer la douleur.
Personne ne m’a vu, je crois. Je me cache vite derrière une colonne pour reprendre mon souffle à l’abri de la pluie. Il est tard. La pluie continue de tomber. Il est rare qu’il pleuve dans le nord de la Chine. Mais lorsque cela arrive, ce sont des torrents d’eau qui tombent du ciel.
Je me glisse derrière l’annexe pour avancer subtilement jusqu’au pavillon principal. Je vais faire diversion pour attirer les serviteurs réveillés, cela me permettra de me glisser dans la résidence de la concubine et la neutraliser.
Je m’approche d’une petite fenêtre, pas de lumière derrière et de ce que je vois, il n’y a personne. C’est une remise. C’est parfait. Je sors ma dague et j’enroule le pommeau avec un morceau de tissu pour étouffer le coup. Je frappe rapidement et avec force, le verre se casse. J’attends un moment sans bouger, les oreilles en alerte pour voir s’il y a du mouvement ou pas.
Il n’y a rien. Que la pluie. Parfait.
Je jette un œil à l’intérieur. Je prends pour cible du linge de maison. Cela fera un excellent combustible. Je tends la main et je lance un trait de feu. Les flammes prennent lentement mais sûrement, cela devrait être suffisant.
Tout ne brûlera pas, mais au moins, cela attirera l’attention.
Le temps que les veilleurs aperçoivent les flammes, je m’avance calmement toujours dans cette position à moitié accroupie pour m’approcher d’une porte d’accès. Gardée, sinon ce ne serait pas drôle. J’aimerais bien le tuer pour passer mais… Il faut limiter les morts paraît-il.
Ce qui est assez ironique car il sera exécuté par l’Empereur pour ne pas avoir su protéger sa maîtresse d’un assassin. Il sera peut-être même condamné comme responsable ou complice. Cependant je crois que le Prince ne s’est pas encombré de ces détails-là.
Je jette un coup d’œil sur ma droite, le feu ne se fait toujours pas voir. J’espère que cela ne va pas tarder, je ne resterai pas ici jusqu’à l’aube. En espérant aussi que les oiseaux de Huayan qui arrivent en masse ces jours-ci ne repèrent pas mon petit manège et lui rapporte.
Ah ! Ça y est il bouge.
D’abord avec hésitation, puis il pose sa lanterne et va inspecter lui-même l’annexe. Il ouvre la porte et une colonne de fumée s’en échappe. Ce n’est pas l’incendie du siècle, mais il faut agir. Il part en courant sous la pluie, manquant de tomber à cause des pierres glissantes à plusieurs reprises, pour chercher ses collègues qui dorment dans le dortoir en face.
Des jeunes filles sortent également pour voir ce qui se passe.
« Au feu ! Au feu ! »
Elles courent en direction du puits, d’autres eunuques les rejoignent. La fenêtre est courte, mais présente.
Je passe par-dessus la rambarde des escaliers et sans hésitation je rentre dans le pavillon de la Concubine Jia. S’il est similaire à ceux que je connais déjà, je dois aller vers le fond à gauche, non loin du bureau et… Bingo ! La chambre est bien là.
J’ouvre délicatement la porte de la pièce plongée dans l’obscurité. Ici, c’est à peine si on entend autre chose que l’eau coulée. Je referme derrière moi et sort ma dague. Quoique… Hailong a dit que si cela pouvait paraître naturel, ce serait mieux… Ces maîtres n’ont aucune idée de la difficulté de tuer quelqu’un dans ces conditions.
Je ramasse un coussin posé à côté d’une table. C’est assez gros et épais, cela devrait suffire. Je m’approche lentement. J’écarte délicatement les rideaux. La femme d’âge mûre se dévoile à moi, endormie. Peu apprêtée mais elle fait plus jeune que son âge, c’est une certitude. Dommage pour elle, elle ne connaîtra pas les joies de la vieillesse.
J’abats le coussin sur son visage. De toutes mes forces, j’appuie. Sans m’arrêter, sans regrets ni remords. Je la regarde s’agiter. Elle tente de repousser l’objet avec ses bras fins. Elle finit par agripper mon bras, le serrant de toutes ses forces.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’exprime un sentiment étrange à ce moment-là. La Concubine Jia n’est pas Huayan mais… C’est comme si mon esprit me disait que c’était elle. Quelle est cette émotion étrange que je ressens ?
Le remord ?
Après tout ce que j’ai fait dans ma vie… J’ai… J’ai une conscience ? Non, ça doit être la fatigue. C’est la Concubine Jia, pas Huayan que je suis entrain de tuer. Je maintiens la pression. Bientôt, les cris étouffés cessent et la résistance aussi.
J’appréhende d’enlever le coussin, je ne sais pas pourquoi.
Je finis par l’enlever, et je vois Huayan. Morte, les yeux ouverts mais pas terrifiés. Ils me regardent. Elle est en colère… Enragée même, mais elle ne bouge pas. Je recule d’un pas et lâche le coussin. Je tremble de la main gauche. Je pars en courant.
Dehors, les serviteurs finissent d’éteindre l’incendie, je me précipite dans les buissons et part derrière le pavillon pour escalader le mur d’enceinte et retourner vers la maison de Yue tout en évitant les patrouilles qui après dix minutes, se dirigent avec une certaine vitesse en direction du lieu du crime. Je n’aurai pas dû partir aussi vite en laissant les portes ouvertes mais…
Pourquoi est-ce que j’ai vu Huayan ? Ma conscience endormie se serait-elle réveillée ?
Impossible… Pas après tant d’années. Qu’est-ce que cela peut signifier ?
Le Prince Hailong a été clair. La Concubine Jia doit mourir. Il n’a pas pris soin de me dire pourquoi, mais je crois le savoir malgré tout. Il n’a jamais aimé cette femme de ce que j’ai entendu des eunuques. Depuis l’enfance même… Il a dû se passer quelque chose certainement.
Étrange d’ailleurs que les eunuques m’aient parlé de ça… Quoique, je crois que je leur ai fait peur l’autre jour lorsque je leur ai parlé dans les jardins. Ils ne m’attendaient pas à me voir là-bas et je suis quelque peu sorti brusquement de derrière un buisson.
Je crois même qu’il y en a un qui a sursauté.
Bref, il va falloir faire vite.
Le chef des gardes de la Cité Interdite est un allié du Prince Hailong. Il n’y aura donc, pendant un espace de temps relativement court, un chemin à suivre sans gardes pour que je puisse accéder aux appartements de la Concubine à tuer.
J’ai pris mes précautions. J’ai changé de tenue, pour me déguiser en assassin local. J’ai dissimulé mon visage, j’ai caché mes armes sous ma tenue. Quelques accessoires pouvant être utiles… Et on est partis.
J’ai de la chance, il pleut ce soir. Ce sera encore plus facile de se faufiler. Je quitte le pavillon du fils de Huayan par une porte arrière. Je longe le mur pour rejoindre la porte menant aux couloirs intérieurs de la Cité. Pas de gardes, la relève n’est pas encore arrivée. Je dois ensuite prendre à droite, puis à gauche.
Lorsque j’atteints la porte des médecins impériaux, je sors ma corde et je monte sur le mur. Ça glisse avec la pluie, mais je finis par y parvenir juste à temps. Une patrouille commençait à arriver. La ronde des gardes a été prévue à la minute près, je ne dois pas perdre de temps.
Je cours discrètement sur à peu près vingt mètres, avant de redescendre. Encore une allée vide, je me précipite. Je cours, le torse penché en avant, prêt à sortir mes armes au cas où, même si mes chances, seul, face à tous les gardes impériaux sont faibles. Très faibles. Je pourrais en tuer deux ou trois mais après le flot de soldats ne ferait que croître, pour finalement me voir mourir.
Je passe une nouvelle porte.
Voilà l’entrée du pavillon de la Concubine. Les portes sont closes, comme je m’y attendais. Il va falloir escalader le mur. La bonne nouvelle avec toute cette pluie, c’est que je doute que les serviteurs qui veillent pour monter la garde soient dans la cour à guetter les tuiles.
Je sors ma corde, j’attache rapidement un petit grappin dessus. Je le jette en vitesse. Les torches dont la lumière se reflètent sur les murs plus loin m’indiquent que des soldats arrivent dans cette zone. Je fais vite, et je grimpe les quelques mètres qui me séparent du pavillon.
Une fois en haut, je décroche vite le grappin et marche le plus discrètement possible sur les tuiles pour rentrer à l’intérieur. La patrouille arrive, je n’ai pas le choix et je me jette sur un tas de buissons en contrebas. La chute est violente et je crois que je me suis fait mal aux côtes. Je me relève, non sans me forcer considérablement pour masquer la douleur.
Personne ne m’a vu, je crois. Je me cache vite derrière une colonne pour reprendre mon souffle à l’abri de la pluie. Il est tard. La pluie continue de tomber. Il est rare qu’il pleuve dans le nord de la Chine. Mais lorsque cela arrive, ce sont des torrents d’eau qui tombent du ciel.
Je me glisse derrière l’annexe pour avancer subtilement jusqu’au pavillon principal. Je vais faire diversion pour attirer les serviteurs réveillés, cela me permettra de me glisser dans la résidence de la concubine et la neutraliser.
Je m’approche d’une petite fenêtre, pas de lumière derrière et de ce que je vois, il n’y a personne. C’est une remise. C’est parfait. Je sors ma dague et j’enroule le pommeau avec un morceau de tissu pour étouffer le coup. Je frappe rapidement et avec force, le verre se casse. J’attends un moment sans bouger, les oreilles en alerte pour voir s’il y a du mouvement ou pas.
Il n’y a rien. Que la pluie. Parfait.
Je jette un œil à l’intérieur. Je prends pour cible du linge de maison. Cela fera un excellent combustible. Je tends la main et je lance un trait de feu. Les flammes prennent lentement mais sûrement, cela devrait être suffisant.
Tout ne brûlera pas, mais au moins, cela attirera l’attention.
Le temps que les veilleurs aperçoivent les flammes, je m’avance calmement toujours dans cette position à moitié accroupie pour m’approcher d’une porte d’accès. Gardée, sinon ce ne serait pas drôle. J’aimerais bien le tuer pour passer mais… Il faut limiter les morts paraît-il.
Ce qui est assez ironique car il sera exécuté par l’Empereur pour ne pas avoir su protéger sa maîtresse d’un assassin. Il sera peut-être même condamné comme responsable ou complice. Cependant je crois que le Prince ne s’est pas encombré de ces détails-là.
Je jette un coup d’œil sur ma droite, le feu ne se fait toujours pas voir. J’espère que cela ne va pas tarder, je ne resterai pas ici jusqu’à l’aube. En espérant aussi que les oiseaux de Huayan qui arrivent en masse ces jours-ci ne repèrent pas mon petit manège et lui rapporte.
Ah ! Ça y est il bouge.
D’abord avec hésitation, puis il pose sa lanterne et va inspecter lui-même l’annexe. Il ouvre la porte et une colonne de fumée s’en échappe. Ce n’est pas l’incendie du siècle, mais il faut agir. Il part en courant sous la pluie, manquant de tomber à cause des pierres glissantes à plusieurs reprises, pour chercher ses collègues qui dorment dans le dortoir en face.
Des jeunes filles sortent également pour voir ce qui se passe.
« Au feu ! Au feu ! »
Elles courent en direction du puits, d’autres eunuques les rejoignent. La fenêtre est courte, mais présente.
Je passe par-dessus la rambarde des escaliers et sans hésitation je rentre dans le pavillon de la Concubine Jia. S’il est similaire à ceux que je connais déjà, je dois aller vers le fond à gauche, non loin du bureau et… Bingo ! La chambre est bien là.
J’ouvre délicatement la porte de la pièce plongée dans l’obscurité. Ici, c’est à peine si on entend autre chose que l’eau coulée. Je referme derrière moi et sort ma dague. Quoique… Hailong a dit que si cela pouvait paraître naturel, ce serait mieux… Ces maîtres n’ont aucune idée de la difficulté de tuer quelqu’un dans ces conditions.
Je ramasse un coussin posé à côté d’une table. C’est assez gros et épais, cela devrait suffire. Je m’approche lentement. J’écarte délicatement les rideaux. La femme d’âge mûre se dévoile à moi, endormie. Peu apprêtée mais elle fait plus jeune que son âge, c’est une certitude. Dommage pour elle, elle ne connaîtra pas les joies de la vieillesse.
J’abats le coussin sur son visage. De toutes mes forces, j’appuie. Sans m’arrêter, sans regrets ni remords. Je la regarde s’agiter. Elle tente de repousser l’objet avec ses bras fins. Elle finit par agripper mon bras, le serrant de toutes ses forces.
Je ne sais pas pourquoi, mais j’exprime un sentiment étrange à ce moment-là. La Concubine Jia n’est pas Huayan mais… C’est comme si mon esprit me disait que c’était elle. Quelle est cette émotion étrange que je ressens ?
Le remord ?
Après tout ce que j’ai fait dans ma vie… J’ai… J’ai une conscience ? Non, ça doit être la fatigue. C’est la Concubine Jia, pas Huayan que je suis entrain de tuer. Je maintiens la pression. Bientôt, les cris étouffés cessent et la résistance aussi.
J’appréhende d’enlever le coussin, je ne sais pas pourquoi.
Je finis par l’enlever, et je vois Huayan. Morte, les yeux ouverts mais pas terrifiés. Ils me regardent. Elle est en colère… Enragée même, mais elle ne bouge pas. Je recule d’un pas et lâche le coussin. Je tremble de la main gauche. Je pars en courant.
Dehors, les serviteurs finissent d’éteindre l’incendie, je me précipite dans les buissons et part derrière le pavillon pour escalader le mur d’enceinte et retourner vers la maison de Yue tout en évitant les patrouilles qui après dix minutes, se dirigent avec une certaine vitesse en direction du lieu du crime. Je n’aurai pas dû partir aussi vite en laissant les portes ouvertes mais…
Pourquoi est-ce que j’ai vu Huayan ? Ma conscience endormie se serait-elle réveillée ?
Impossible… Pas après tant d’années. Qu’est-ce que cela peut signifier ?