Pour rire, des enfants jouent à la guerre sous un ciel gris comme de la Toussaint ; les nuages pleurent les morts. Au cimetière, un peu plus loin, l’envol d’un corbeau accompagne les prières. L'Automne malade et adoré mourras quand l’ouragan soufflera dans les roseraies, quand il aura neigé dans les vergers.
Pauvre automne, lui qui meurt en blancheur de neige et en richesse de fruits mûrs

Et que j’aime ô saison que j’aime ces rumeurs. Les fruits tombant sans qu’on les cueille, le vent et nos arbres qui pleurent ; toutes leurs larmes en automne feuille à feuille. Ces mêmes feuilles qu’on foule car tel un train
qui roule, c'est l'éternel et éphémère vie s’écoule. Et lorsque mes pieds font valser l'orangé qui recouvre ma citée, j'entends à passer par là quelques violonistes de rues. Que vous dire sinon que je me suis arrêté de marcher, prostré à écouter et contempler tant de beautée ?

Les sanglots longs des violons de l’automne… ceux-là blessent mon cœur d’une langueur capable de me laisser aphone. Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure, je me souviens des jours anciens et je pleure ; et je m’en vais au vent mauvais qui m’emporte deçà, delà.
Pareil à la feuille morte.

« Salut… bois couronnés d’un maigre reste de verdure… feuillages jaunissants sur les gazons épars. Salut, derniers beaux jours… car le deuil de la nature convient à la douleur et plaît à mes regards. Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire, à ses regards voilés, je trouve plus d’attraits. C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire des lèvres que la mort va fermer pour jamais ! Belle et douce nature, nous te devons une larme aux bords de notre tombeau. »

D'Erato le Fils se retourne alors qu'on lui répond ; les habitants, de leurs côtés, laissent le poète à son errance, lui qui semble ne pas vouloir être déranger. Néanmoins, tous sur son passage ont guettés ce moment où quelque chose sortant de l'ordinaire arriverait puisque ça arrive toujours tôt ou tard avec lui. Alors que le blondinet écoute la réponse en admirant, des étoiles dans les yeux, son interlocuteur… c'est toutes les personnes qui se figent pour admirer la scène dans un silence presque religieux.

« L’air est si parfumé, la lumière est si pure ; aux regards d’un mourant le soleil est si beau. Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie ce calice mêlé de nectar et de fiel ! Au fond de cette coupe où je bois la vie, peut-être reste-il une goutte de miel ? »

Regardez ! Voici un arbre qui a une forme inhabituelle ; un arbre qui a changé sa manière de vivre au crépuscule de sa vie dont il porte fièrement les couleurs. Cachant des veines variqueuses violettes, ses racines se retirent du sol aux travers des pavés aimablement fracassés. Voyez-les se crisper comme des poings alors qu’elles étreignent le sol. Bien qu’elles absorbent de l’eau pure, il y a des taches clairs sur le tronc.
L’arbre se gratte en se dénudant de son écorce au vent !

« Peut-être l’avenir me gardait-il encore, un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore… aurait compris mon âme, et m’aurait enfin répondu… ? »

Du bout de deux -très délicat- doigt de bois, le massif tréant déploie une douceur dont nul humain ne sera jamais capable ; au moment de saisir d'une rose en mouvement dont j'entend le triste chant. J'accepte l'offrande, accueillant la fleur avec précaution comme le plus précieux des trésors.

« La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ; à la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ; moi, je meurs ; et mon âme, au moment qu’elle expire, s’exhale comme un son triste et mélodieux. »

Les feuilles dans le vent courent comme des folles, elles voudraient aller où les oiseaux s’envolent mais le vent les reprend et barre leurs chemins… elles iront mourir sur les fontaines demain. Le silence est léger et calme ; par instant, le vent passe au travers de l'ancien comme un joueur de flûte. Il est doux, ô mes yeux, lorsque le vent d'automne cesse de s'acharner à l'arbre. Celui-ci frissonne, le spectre dépouillé qui craque et tremble encore ; désormais, à chaque fois que soufflera le vent, celui-ci chantera en s'insinuant dans ses branches, bénissant la rue d'un son mélodieux jouant les quatres saisons.

« Quand tu vois l’arbre, as-tu envie d’écrire un poème ? »