Photo de profil :
Je pense que pour des raisons d'internet chinois, mon image de profil ne passe pas pour la mini-série, donc je la charge ici. Désolé pour la gêne occasionnée^^'
Une journée sublime qui se termine pour annoncer une soirée divine.
Ma sœur a vraiment fait des miracles pour cette cérémonie. Réunir autant d’invités, les divertir, les nourrir convenablement… Faire venir des artistes aussi brillants de toute la région, les costumes, les décorations… Tout simplement incroyable. Elle a du mérite, personne ne peut le contester.
Je sais que cela n’a pas été une décision facile pour elle ce mariage. Elle l’a fait dans l’intérêt des Song, je le sais, car sur le long terme c’est notre famille qui bénéficiera des sacrifices d’aujourd’hui, pas celle des Wang.
Et puis malgré tout, ma femme est adorable. Je sais qu’il y a de petites frictions entre Lihua et Huayan, mais je pense que ça passera avec le temps. Elle est belle et elle a l’air vive d’esprit de ce que j’ai pu tirer de nos rencontres avant la cérémonie.
Le crépuscule arrive et mon impatience aussi.
Huayan a été formé à de nombreux arts étant plus jeune. Quand je suis parti à l’armée et qu’elle s’est mariée à Haojun, je n’ai plus eu souvent l’occasion de pouvoir profiter de ses talents. L’un d’entre eux est le chant. Pas n’importe lequel, un très spécifique : l’opéra. L’opéra a une place très importante dans notre culture et il faut souvent que les gens commencent très tôt dans leur vie.
On reconnaît tout de suite quelqu’un qui a été formé dans cet art : sa manière de parler sa langue, son dialecte et le Mandarin, est beaucoup plus élégant, beaucoup plus fin, beaucoup plus séduisant. Huayan est un maître dans ce procédé. Je ne serai même pas surpris qu’elle y ait ajoutée un peu de magie ou de quelque chose pour se rendre encore plus belle aux yeux des autres ; non pas uniquement par la vue, mais par l’ouïe également.
C’est pourquoi, malgré un premier refus, j’ai insisté pour qu’elle chante à mon mariage. Je savais très bien qu’elle ne refuserait pas très longtemps. Je suis son frère, et je sais qu’elle m’aime profondément. Quand nous voyons l’autre heureux, nous le devenons aussi automatiquement.
Je peux voir en la regardant un peu qu’elle guette le ciel de plus en plus. Elle sait que ce sera bientôt à elle et j’imagine qu’elle a une certaine tension de chanter devant moi, mais aussi devant plusieurs centaines de personnes qui auront les yeux braqués sur elle pendant un court instant.
Je me tourne un peu vers ma femme, la douce Lihua :
« Comment trouves-tu les festivités Lihua ?
- C’est… Sympathique. Ta sœur a bien travaillé, je dois le reconnaître. Elle fait toujours son numéro c’est ça ?
- Oui ! Ce sera splendide tu vas voir ! Je pense qu’elle fera un peu de magie en même temps pour éblouir tous nos invités.
- Bien, bien… J'espère que cela ne durera pas trop longtemps, je n'aimerais pas qu'elle se fatigue trop. »
Elle n’a pas l’air très enthousiaste, mais elle changera certainement d’avis devant le spectacle prévu par Huayan.
A ce propos, je remarque que deux miroirs viennent d’être placés discrètement des deux côtés de notre scène. Ah… je crois savoir ce qu’elle veut faire, mais nous verrons le moment venu.
Le soleil continue de décliner et bientôt Huayan me regarde avec son air habituel : « Je le fais vraiment pour te faire plaisir ! ». Elle est mignonne quand elle fait ça.
Après encore un petit moment d’attente, le moment tant attendu est arrivé : la transition entre les festivités du jour à celles de la nuit. Les lanternes s’allument et la musique commence. Le début n’est pas de l’opéra, juste un homme qui chante.
Ma sœur a vraiment fait des miracles pour cette cérémonie. Réunir autant d’invités, les divertir, les nourrir convenablement… Faire venir des artistes aussi brillants de toute la région, les costumes, les décorations… Tout simplement incroyable. Elle a du mérite, personne ne peut le contester.
Je sais que cela n’a pas été une décision facile pour elle ce mariage. Elle l’a fait dans l’intérêt des Song, je le sais, car sur le long terme c’est notre famille qui bénéficiera des sacrifices d’aujourd’hui, pas celle des Wang.
Et puis malgré tout, ma femme est adorable. Je sais qu’il y a de petites frictions entre Lihua et Huayan, mais je pense que ça passera avec le temps. Elle est belle et elle a l’air vive d’esprit de ce que j’ai pu tirer de nos rencontres avant la cérémonie.
Le crépuscule arrive et mon impatience aussi.
Huayan a été formé à de nombreux arts étant plus jeune. Quand je suis parti à l’armée et qu’elle s’est mariée à Haojun, je n’ai plus eu souvent l’occasion de pouvoir profiter de ses talents. L’un d’entre eux est le chant. Pas n’importe lequel, un très spécifique : l’opéra. L’opéra a une place très importante dans notre culture et il faut souvent que les gens commencent très tôt dans leur vie.
On reconnaît tout de suite quelqu’un qui a été formé dans cet art : sa manière de parler sa langue, son dialecte et le Mandarin, est beaucoup plus élégant, beaucoup plus fin, beaucoup plus séduisant. Huayan est un maître dans ce procédé. Je ne serai même pas surpris qu’elle y ait ajoutée un peu de magie ou de quelque chose pour se rendre encore plus belle aux yeux des autres ; non pas uniquement par la vue, mais par l’ouïe également.
C’est pourquoi, malgré un premier refus, j’ai insisté pour qu’elle chante à mon mariage. Je savais très bien qu’elle ne refuserait pas très longtemps. Je suis son frère, et je sais qu’elle m’aime profondément. Quand nous voyons l’autre heureux, nous le devenons aussi automatiquement.
Je peux voir en la regardant un peu qu’elle guette le ciel de plus en plus. Elle sait que ce sera bientôt à elle et j’imagine qu’elle a une certaine tension de chanter devant moi, mais aussi devant plusieurs centaines de personnes qui auront les yeux braqués sur elle pendant un court instant.
Je me tourne un peu vers ma femme, la douce Lihua :
« Comment trouves-tu les festivités Lihua ?
- C’est… Sympathique. Ta sœur a bien travaillé, je dois le reconnaître. Elle fait toujours son numéro c’est ça ?
- Oui ! Ce sera splendide tu vas voir ! Je pense qu’elle fera un peu de magie en même temps pour éblouir tous nos invités.
- Bien, bien… J'espère que cela ne durera pas trop longtemps, je n'aimerais pas qu'elle se fatigue trop. »
Elle n’a pas l’air très enthousiaste, mais elle changera certainement d’avis devant le spectacle prévu par Huayan.
A ce propos, je remarque que deux miroirs viennent d’être placés discrètement des deux côtés de notre scène. Ah… je crois savoir ce qu’elle veut faire, mais nous verrons le moment venu.
Le soleil continue de décliner et bientôt Huayan me regarde avec son air habituel : « Je le fais vraiment pour te faire plaisir ! ». Elle est mignonne quand elle fait ça.
Après encore un petit moment d’attente, le moment tant attendu est arrivé : la transition entre les festivités du jour à celles de la nuit. Les lanternes s’allument et la musique commence. Le début n’est pas de l’opéra, juste un homme qui chante.
Elle se lève. Avec un grand éventail écarlate dans sa main droite, des griffes en or à la gauche. Elle a le visage fermé, puis lorsqu’elle marche lentement pour rejoindre le centre de la scène, elle enfile son masque d’actrice et fait un large sourire. Les étoffes entravant les gros miroirs sont retirées, Huayan se reflétant sur eux, permettant à la foule d’invités de voir la performance même si elle leur tourne le dos.
« 这 一 杯 寂 寞 的 酒,
把 春 意 浇 上 了 头,
恍 惚 间 那 些 温 柔,
再 一 次 和 我 相 守,
模 糊 了 堆 积 的 愁,
看 岁 月 留 了 又 走,
每 一 夜 痛 的 理 由,
是 曾 经 忘 掉 的 忧,
呜 … … »
Elle accompagne la mélodie, ouvrant son éventail et commençant des gestes de danse plutôt classiques mais particulièrement bien exécutées. Toujours avec ce grand sourire, son regard change, à la fois séduisant, amoureux et aimant. C’est une chanson d’amour, définitivement.
Alors que le premier couplet se termine, elle continue de regarder dans la direction de notre table mais je remarque qu’elle effectue un léger geste avec sa main gauche. Lentement, les pétales de roses et de pivoines qui avaient été jetées depuis les toits lors de notre arrivée se relèvent et s’envolent comme ensorcelées par une brise magique.
Les invités sont déjà subjugués par le tour de force, même si moi je sais qu’elle le fait grâce à ses pouvoirs. Les pétales montent pour commencer à former une spirale dans les airs au-dessus du théâtre mêlant leurs couleurs au ciel embrasé par le soleil couchant. C’est sublime.
Huayan continue de se mouvoir sur scène, s’entourant elle-même d’une seconde spirale de fleurs, plus petite celle-ci. Personne ne parle, tout le monde est concentré sur elle, la musique et son tour digne des plus grands envoûteurs.
« 这 一 首 残 留 的 诗,
捅 破 了 窗 户 的 纸,
幻 想 着 你 的 影 子,
包 裹 着 我 的 相 思,
曾 经 的 缕 缕 情 丝,
锁 不 住 一 生 一 世,
如 今 都 变 成 各 自,
遗 忘 的 陈 年 旧 事,
呜 … … »
Un objet commence à se former au centre de la spirale : une large rose rose, écarlate et blanche. Tandis que sur la scène, à quelques dizaines de centimètres, elle forme, ce que les étrangers appellent souvent par méconnaissance, « yin et yang ». Le noir étant ici rouge et le blanc rose.
Elle continue de faire ses petits pas de danse, ensorcelant l’assemblée par son talent et sa beauté. Magnifique. C’est juste… Époustouflant. Elle va bientôt chanter. C’est bientôt à elle ! La musique s’arrête progressivement pour laisser place à sa voix puis repart lorsqu’elle entonne les premières notes.
« 看 镜 中 人 朱 颜 瘦 – Look at the mirror, the face is thin ;
看 爱 与 恨 新 又 旧 – Seeing love and hate, new and old ;
看 灯 如 昼 泪 湿 透 - See the lamp like the day, tears overflowing ;
看 谁 来 约 黄 昏 后 - See who is coming after dusk… »
Lorsqu’elle achève sa dernière phrase, les formes créent à partir des pétales repartent en spirale pour retourner par terre sous les regards émerveillés des invités et de nos familles. Je sens la puissance dans son regard à la fin, sa passion. Elle mêle à sa voix des émotions fortes qui nous ramènent aux nôtres, c’est assez émouvant. C’est exactement ce que je souhaitais voir et entendre. C’est un beau cadeau qu’elle m’a fait offert ici : ma sœur est une femme chinoise « parfaite », elle est toujours dans la retenue -du moins en public- et dans le contrôle. Voir ici ses vrais sentiments investis dans son chant, c’est rare et c’est un geste fort : elle s’expose, quelque part, en faisant cela.
Après quelques instants, les invités applaudissent Huayan pour sa prestation exceptionnelle. Elle se retourne pour les saluer très humblement avec un large sourire puis regagne sa table avec son mari. Nous continuons d’applaudir malgré tout. A ce moment-là, je sais qu’elle joue la comédie mais elle fait semblant d’être très gênée.
Je me tourne vers Lihua pour lui demander ce qu’elle en a pensé :
« Alors, comment as-tu trouvé le numéro de ma sœur ?
- Je… Je ne me sens pas très bien…
- Comment ça ?
- Je… Je… Je manque d’air… Abruti ! »
Lihua se lève brutalement, renversant notre table par terre. Je ne comprends pas exactement ce qui se passe. Elle tombe deux mètres plus loin. Je me précipite vers elle pour la prendre dans mes bras. Elle a les yeux rouges et elle commence à trembler.
« VITE ! UN MÉDECIN ! » crié-je à la foule.
Je me tourne désespérément vers Huayan qui a l’air complètement désemparée par ce qui est entrain de se passer. Elle se met également à appeler à l’aide :
« Mais vite un médecin ! GARDES ! Faites quelque chose ! Haojun, va voir ce qui afflige cette pauvre femme ! Elle est entrain de s'étouffer ! »
Le mari de Huayan s’approche en courant, il regarde impuissant à la scène lui aussi.
« Elle a été empoisonnée ! » crie t-il.
Plusieurs prêtres taoïstes et apothicaires qui étaient parmis les invités arrivent à leur tour pour regarder Lihua. Elle tremble de plus en plus, elle convulse ! De la bave commence à sortir de sa bouche tandis que ses yeux deviennent aussi rouges que le sang. Qu’est-ce qui est entrain de se passer ?!
Huayan s’est levée et s’est approchée pour regarder, elle a les yeux grands ouverts, complètement déconcertée. Je me tourne vers les parents : Wen Jing ne bouge pas de sa chaise, il est paralysé, Papa et Maman sont debout mais n’osent pas venir. La scène est déjà envahie par beaucoup de gens.
« Lihua… Lihua ! Qui t’as fait ça ? Qu’est-ce que tu as… Bu ou mangé ?! » dis-je en essayant vainement d’attirer son attention vers mon visage.
Elle doit avoir perdu la vision, ses yeux ne bougent plus… Non ! Non ! Lihua !
Les médecins et les prêtres se reculent, tête baissée et quittent la scène en silence. L’assemblée est pétrifiée dans la terreur. Même ma famille ne dit rien. Tous sont tournés vers moi et Lihua, regardant un spectacle qui n’a pas lieu d’être…
Qui…
« QUI A BIEN PU FAIRE ÇA ?! » pensé-je.
Ma femme ne bouge plus. Elle est là dans mes bras, inerte. Ses yeux noyés dans son propre sang qui s’échappe désormais de ses oreilles, de son nez et de sa bouche. Je ne peux même plus distinguée son iris. Il n’y a pas un bruit. Le temps semble comme arrêté ici.
Deux larmes s’écoulent de mes yeux. Je me penche et pose mon front contre le sien. Quel monstre peut bien faire une chose pareille à un mariage ? Notre famille n’a jamais causé de problèmes à Chengdu ! Nous avons toujours été des gens sans histoires mauvaises ou louches. Qui aurait osé nous bafouer aussi violemment ? En tuant ma femme le jour de notre union ?!
Je lève les yeux du corps de Lihua, et je regarde Huayan à quelques mètres de là. Elle aussi sous le choc, elle cache une partie de son visage avec son éventail, son mari à côté d’elle, comme pour la soutenir. Haojun porte leur bébé.
« Huayan… » dis-je, complètement perdu.
Elle abaisse son éventail. Elle me regarde, désemparée et sous le choc elle aussi. Elle ouvre la bouche mais rien ne sort. Elle n’arrive pas à parler non plus. Elle fait quelques pas vers moi, hésitante.
Je me tourne vers les invités. Ils sont tous abasourdis, ils ne bougent pas. Même les serviteurs se sont arrêtés, sans voix face à une telle horreur. Tuée une mariée le jour de son mariage ? Quel fou furieux ferait ça ?
« Elle a été empoisonnée… »
Huayan dit enfin quelque chose. Elle se tourne vers Francis, lentement et parle d’une voix faible comme pour éviter de briser ce silence funèbre :
« Elle a été empoisonnée… Fait arrêter le personnel des cuisines et les servants pour les interroger. Encadre les gardes pour qu’ils évacuent les invités convenablement vers leurs logements respectifs en ville. Qu’ils se dispersent calmement et en ordre… » dit-elle, peu sûre d’elle-même et les yeux de nouveau rivés sur le cadavre de Lihua.
Francis s’éloigne en silence. Elle l’arrête de nouveau.
« Envoie un messager au Ministère de la Justice… Il faut ouvrir une enquête pour meurtre… D’urgence. Le ou les criminels doivent toujours courir… » conclue-t-elle.
Elle s’approche un peu de moi et pose une main sur mon épaule. Sa voix est émue.
« Gao… Gao… » tente t-elle de dire.
Le père de Lihua arrive enfin. Il s’agenouille à côté du corps de sa fille aînée, sans vie et ravagée par le poison qu’elle a dû ingéré par je ne sais quel procédé. Il n’arrive pas à parler, si ce n’est tenter de faire quelques phrases sans aucun sens…
Les festivités ont pris fin. J’ai fini par déposer le corps de Lihua au sol. Elle sera incinérée selon les vœux de ses parents. Moi ? Je reste sur la scène, déboussolé et secoué par les évènements. Mes parents et ma sœur restent autour de moi tandis que les gardes de la ville commencent à arriver pour mener l’enquête aux côtés de Francis et des soldats des Song. Wen Jing et ses proches sont partis escorter le corps de ma femme chez eux où elle sera préparée pour… La fin.
« Allez Gao… Rentrons à la maison. Cela ne sert à rien de rester ici… Ils attraperont l’assassin. Vient te reposer, s’il te plaît… » tente ma mère.
Après plusieurs tentatives infructueuses, je décide d’accepter les suppliques de mes parents et nous rentrons pour la nuit à leur maison. Nos mines sont sombres et nous commençons déjà à porter le deuil en enfilant nos habits blancs et noirs. Il n’y aura pas de fêtes chez nous avant un long moment…
Certes, c'est mariage arrangé qui a mal tourné mais... Elle avait bien cette femme... Qui aurait l'idée et l'audace de tuer une jeune femme le jour de son mariage ? C'est horrible... Vraiment.
Qu’importe le temps que ça prendra, je trouverai l’assassin et je lui ferai payer l’affront de m’avoir pris ma femme le jour de notre mariage. L’Honneur de la famille Song est en jeu et je le défendrai coûte que coûte. Huayan, Haojun, Francis... Ils m'aideront à chercher le coupable et je le punirai personnellement...
Justice sera faite ! Je le jure !
« 这 一 杯 寂 寞 的 酒,
把 春 意 浇 上 了 头,
恍 惚 间 那 些 温 柔,
再 一 次 和 我 相 守,
模 糊 了 堆 积 的 愁,
看 岁 月 留 了 又 走,
每 一 夜 痛 的 理 由,
是 曾 经 忘 掉 的 忧,
呜 … … »
Elle accompagne la mélodie, ouvrant son éventail et commençant des gestes de danse plutôt classiques mais particulièrement bien exécutées. Toujours avec ce grand sourire, son regard change, à la fois séduisant, amoureux et aimant. C’est une chanson d’amour, définitivement.
Alors que le premier couplet se termine, elle continue de regarder dans la direction de notre table mais je remarque qu’elle effectue un léger geste avec sa main gauche. Lentement, les pétales de roses et de pivoines qui avaient été jetées depuis les toits lors de notre arrivée se relèvent et s’envolent comme ensorcelées par une brise magique.
Les invités sont déjà subjugués par le tour de force, même si moi je sais qu’elle le fait grâce à ses pouvoirs. Les pétales montent pour commencer à former une spirale dans les airs au-dessus du théâtre mêlant leurs couleurs au ciel embrasé par le soleil couchant. C’est sublime.
Huayan continue de se mouvoir sur scène, s’entourant elle-même d’une seconde spirale de fleurs, plus petite celle-ci. Personne ne parle, tout le monde est concentré sur elle, la musique et son tour digne des plus grands envoûteurs.
« 这 一 首 残 留 的 诗,
捅 破 了 窗 户 的 纸,
幻 想 着 你 的 影 子,
包 裹 着 我 的 相 思,
曾 经 的 缕 缕 情 丝,
锁 不 住 一 生 一 世,
如 今 都 变 成 各 自,
遗 忘 的 陈 年 旧 事,
呜 … … »
Un objet commence à se former au centre de la spirale : une large rose rose, écarlate et blanche. Tandis que sur la scène, à quelques dizaines de centimètres, elle forme, ce que les étrangers appellent souvent par méconnaissance, « yin et yang ». Le noir étant ici rouge et le blanc rose.
Elle continue de faire ses petits pas de danse, ensorcelant l’assemblée par son talent et sa beauté. Magnifique. C’est juste… Époustouflant. Elle va bientôt chanter. C’est bientôt à elle ! La musique s’arrête progressivement pour laisser place à sa voix puis repart lorsqu’elle entonne les premières notes.
« 看 镜 中 人 朱 颜 瘦 – Look at the mirror, the face is thin ;
看 爱 与 恨 新 又 旧 – Seeing love and hate, new and old ;
看 灯 如 昼 泪 湿 透 - See the lamp like the day, tears overflowing ;
看 谁 来 约 黄 昏 后 - See who is coming after dusk… »
Lorsqu’elle achève sa dernière phrase, les formes créent à partir des pétales repartent en spirale pour retourner par terre sous les regards émerveillés des invités et de nos familles. Je sens la puissance dans son regard à la fin, sa passion. Elle mêle à sa voix des émotions fortes qui nous ramènent aux nôtres, c’est assez émouvant. C’est exactement ce que je souhaitais voir et entendre. C’est un beau cadeau qu’elle m’a fait offert ici : ma sœur est une femme chinoise « parfaite », elle est toujours dans la retenue -du moins en public- et dans le contrôle. Voir ici ses vrais sentiments investis dans son chant, c’est rare et c’est un geste fort : elle s’expose, quelque part, en faisant cela.
Après quelques instants, les invités applaudissent Huayan pour sa prestation exceptionnelle. Elle se retourne pour les saluer très humblement avec un large sourire puis regagne sa table avec son mari. Nous continuons d’applaudir malgré tout. A ce moment-là, je sais qu’elle joue la comédie mais elle fait semblant d’être très gênée.
Je me tourne vers Lihua pour lui demander ce qu’elle en a pensé :
« Alors, comment as-tu trouvé le numéro de ma sœur ?
- Je… Je ne me sens pas très bien…
- Comment ça ?
- Je… Je… Je manque d’air… Abruti ! »
Lihua se lève brutalement, renversant notre table par terre. Je ne comprends pas exactement ce qui se passe. Elle tombe deux mètres plus loin. Je me précipite vers elle pour la prendre dans mes bras. Elle a les yeux rouges et elle commence à trembler.
« VITE ! UN MÉDECIN ! » crié-je à la foule.
Je me tourne désespérément vers Huayan qui a l’air complètement désemparée par ce qui est entrain de se passer. Elle se met également à appeler à l’aide :
« Mais vite un médecin ! GARDES ! Faites quelque chose ! Haojun, va voir ce qui afflige cette pauvre femme ! Elle est entrain de s'étouffer ! »
Le mari de Huayan s’approche en courant, il regarde impuissant à la scène lui aussi.
« Elle a été empoisonnée ! » crie t-il.
Plusieurs prêtres taoïstes et apothicaires qui étaient parmis les invités arrivent à leur tour pour regarder Lihua. Elle tremble de plus en plus, elle convulse ! De la bave commence à sortir de sa bouche tandis que ses yeux deviennent aussi rouges que le sang. Qu’est-ce qui est entrain de se passer ?!
Huayan s’est levée et s’est approchée pour regarder, elle a les yeux grands ouverts, complètement déconcertée. Je me tourne vers les parents : Wen Jing ne bouge pas de sa chaise, il est paralysé, Papa et Maman sont debout mais n’osent pas venir. La scène est déjà envahie par beaucoup de gens.
« Lihua… Lihua ! Qui t’as fait ça ? Qu’est-ce que tu as… Bu ou mangé ?! » dis-je en essayant vainement d’attirer son attention vers mon visage.
Elle doit avoir perdu la vision, ses yeux ne bougent plus… Non ! Non ! Lihua !
Les médecins et les prêtres se reculent, tête baissée et quittent la scène en silence. L’assemblée est pétrifiée dans la terreur. Même ma famille ne dit rien. Tous sont tournés vers moi et Lihua, regardant un spectacle qui n’a pas lieu d’être…
Qui…
« QUI A BIEN PU FAIRE ÇA ?! » pensé-je.
Ma femme ne bouge plus. Elle est là dans mes bras, inerte. Ses yeux noyés dans son propre sang qui s’échappe désormais de ses oreilles, de son nez et de sa bouche. Je ne peux même plus distinguée son iris. Il n’y a pas un bruit. Le temps semble comme arrêté ici.
Deux larmes s’écoulent de mes yeux. Je me penche et pose mon front contre le sien. Quel monstre peut bien faire une chose pareille à un mariage ? Notre famille n’a jamais causé de problèmes à Chengdu ! Nous avons toujours été des gens sans histoires mauvaises ou louches. Qui aurait osé nous bafouer aussi violemment ? En tuant ma femme le jour de notre union ?!
Je lève les yeux du corps de Lihua, et je regarde Huayan à quelques mètres de là. Elle aussi sous le choc, elle cache une partie de son visage avec son éventail, son mari à côté d’elle, comme pour la soutenir. Haojun porte leur bébé.
« Huayan… » dis-je, complètement perdu.
Elle abaisse son éventail. Elle me regarde, désemparée et sous le choc elle aussi. Elle ouvre la bouche mais rien ne sort. Elle n’arrive pas à parler non plus. Elle fait quelques pas vers moi, hésitante.
Je me tourne vers les invités. Ils sont tous abasourdis, ils ne bougent pas. Même les serviteurs se sont arrêtés, sans voix face à une telle horreur. Tuée une mariée le jour de son mariage ? Quel fou furieux ferait ça ?
« Elle a été empoisonnée… »
Huayan dit enfin quelque chose. Elle se tourne vers Francis, lentement et parle d’une voix faible comme pour éviter de briser ce silence funèbre :
« Elle a été empoisonnée… Fait arrêter le personnel des cuisines et les servants pour les interroger. Encadre les gardes pour qu’ils évacuent les invités convenablement vers leurs logements respectifs en ville. Qu’ils se dispersent calmement et en ordre… » dit-elle, peu sûre d’elle-même et les yeux de nouveau rivés sur le cadavre de Lihua.
Francis s’éloigne en silence. Elle l’arrête de nouveau.
« Envoie un messager au Ministère de la Justice… Il faut ouvrir une enquête pour meurtre… D’urgence. Le ou les criminels doivent toujours courir… » conclue-t-elle.
Elle s’approche un peu de moi et pose une main sur mon épaule. Sa voix est émue.
« Gao… Gao… » tente t-elle de dire.
Le père de Lihua arrive enfin. Il s’agenouille à côté du corps de sa fille aînée, sans vie et ravagée par le poison qu’elle a dû ingéré par je ne sais quel procédé. Il n’arrive pas à parler, si ce n’est tenter de faire quelques phrases sans aucun sens…
Les festivités ont pris fin. J’ai fini par déposer le corps de Lihua au sol. Elle sera incinérée selon les vœux de ses parents. Moi ? Je reste sur la scène, déboussolé et secoué par les évènements. Mes parents et ma sœur restent autour de moi tandis que les gardes de la ville commencent à arriver pour mener l’enquête aux côtés de Francis et des soldats des Song. Wen Jing et ses proches sont partis escorter le corps de ma femme chez eux où elle sera préparée pour… La fin.
« Allez Gao… Rentrons à la maison. Cela ne sert à rien de rester ici… Ils attraperont l’assassin. Vient te reposer, s’il te plaît… » tente ma mère.
Après plusieurs tentatives infructueuses, je décide d’accepter les suppliques de mes parents et nous rentrons pour la nuit à leur maison. Nos mines sont sombres et nous commençons déjà à porter le deuil en enfilant nos habits blancs et noirs. Il n’y aura pas de fêtes chez nous avant un long moment…
Certes, c'est mariage arrangé qui a mal tourné mais... Elle avait bien cette femme... Qui aurait l'idée et l'audace de tuer une jeune femme le jour de son mariage ? C'est horrible... Vraiment.
Qu’importe le temps que ça prendra, je trouverai l’assassin et je lui ferai payer l’affront de m’avoir pris ma femme le jour de notre mariage. L’Honneur de la famille Song est en jeu et je le défendrai coûte que coûte. Huayan, Haojun, Francis... Ils m'aideront à chercher le coupable et je le punirai personnellement...
Justice sera faite ! Je le jure !