Un joli matin réchauffait légèrement le jardin radieux alors que la jeune femme, toujours habillée de sa robe favorite, marchait dans les rues de la ville, descendant jusqu’au Centre-ville et donc pour le Concessionnaire Shinra. Pour Lulu, les dernières semaines s’étaient bien passées. Non seulement l’Éclaireur avait accepté de lui donner un poste haut en responsabilités, mais elle avait trouvé une location agréable aux alentours de l’ancienne forteresse. Une zone qui avait été ravagée et dont la reconstruction avait pris un certain temps. Considérant sa position dans la ville et par rapport au centre, les résidences y étaient plus prolétaires qu’ailleurs, mais avec le goût consul. La ville n’avait pas vraiment de misères architecturales à cacher depuis la fin des dix ans de reconstruction du lieu.
Lulu avait écrit quelques jours plus tôt un éditorial, nommé pompeusement « l’heure du peuple » en deuxième page du journal écrit de l’Éclaireur, dans l’hebdomadaire. Et si elle-même n’avait pas vraiment considéré l’impact, l’ampleur de cette lecture sur le peuple, l’Éclaireur l’avait rassurée. Le directeur, Kent Brockman, s’était empressé de la féliciter pour l’article qu’il avait qualifié d’explosif, puisque l’éclaireur avait reçu, peu après la diffusion du journal, de nombreuses lettres de soutien au projet et à la motivation qu’elle avait présentées. Et pour Lulu, c’était une satisfaction. Le fait d’être, pour la première fois de sa vie, vraiment sous les projecteurs, gagner une notoriété populaire, lui était tout à fait égal. Elle n’avait aucune soif de reconnaissance mais avait rédigé ce texte pour une bonne raison : faire un constat d’inquiétude. Le peuple avait-il perdu sa capacité à questionner les choix de ses dirigeants ?
Force était de constater que non, ce qui la motivait à aller jusqu’au bout. Voyant poindre dans le ciel la silhouette de Menrva, la sorcière l’appela d’un geste distrait. La chouette fondit jusqu’à elle, se posa sur son épaule nue, plus délicatement qu’à Hill Valley et se laissa balloter par ses pas. Comme autre compagnon, Lulu avait bien sûr une peluche, et pas des moindres. Durant la Journuit, elle avait trouvé son marchand de peluches, un artisan incroyablement habile, qui avait fait certaines réalisations qui l’avaient touchée. Aussi se promenait-elle ce jour-là avec un ourson à l’effigie de Chen Stormstout, l’ambassadeur du Moulin Rouge. Le choix était assez logique et ne l’avait pas beaucoup fait hésiter. Pour sa mission, cela pouvait sembler risqué, compte tenu de l’affiliation que l’on pourrait deviner en la voyant porter un symbole consul. Mais elle était, après tout, journaliste et en droit de représenter les valeurs qui lui plaisaient, dussent-elles concerner le consulat ou non.
Lulu atteignit un hangar vide. D’un léger sursaut de l’épaule, elle fit décoller Menrva. « Nous allons démarrer. » La chouette fit quelques battements d’ailes avant de produire un flash blanc et se transformer en vaisseau. Elle entra dedans, habituée, mais toujours aussi curieuse. Lorsqu’elle aurait fini cette tâche, elle pourrait accorder du temps à l’énigme que représentait l’oiseau de Barthandelus. Le vaisseau démarra peu de temps après. Il avait en mémoire, à présent, les coordonnées géodésiques de chaque monde connu, sans qu’elle n’ait vraiment fait la démarche pour les y installer. Elle gardait en tête la possibilité qu’elle n’avait pas su bien chercher en quittant le domaine enchanté, et que le hasard l’avait sauvée depuis.
Sur le pont, les yeux rivés sur l’espace, attirée par cette vieille curiosité, elle prononça du bout des lèvres : « Les premières images que tu as filmées, s’il te plait. » Et la vidéo apparut sur un coin de l’écran du vaisseau, dans le cockpit, suffisamment grand pour qu’elle ne gêne pas sa vision.
Lulu l’avait déjà vue de nombreuses fois. Des animaux anthropomorphiques, un monde très coloré, dans une place que gouvernait un chêne lui cachant une partie de l’image de ses feuillages. « Peux-tu passer en vision thermique ? » Un message d’erreur apparut. Visiblement, les premières images dataient d’une époque où Menrva n’était pas pourvue de tous les instruments de capture d’image qu’elle avait maintenant. Soit. Menrva avait peut-être des siècles d’existence, des années de vidéos capturées… et elles commençaient toutes ici, par une scène sans importance. Et pourquoi ? C’était le banal en ce qu’il avait de mystérieux. Elle se retrouvait à chercher des indices, des éléments qui pouvaient avoir un sens, dans un moment anodin de la vie d’inconnus.
Enfin… anodin, non peut-être pas. Il y avait un petit attroupement et une agitation certaine. Un léger nuage de poussières semblait flotter et retomber lentement, dans les alentours du chêne, alors que de nombreuses personnes semblaient interroger pour une télévision, un individu qu’elle distinguait à peine, caché par la voûte de l’arbre. Il semblait petit et blanc. Et en y regardant de plus près, bien sûr, ou en attendant de voir ce que Menrva filmait ensuite, on pouvait s’apercevoir que la situation cachait quelques secrets. La ville qu’avait filmée la chouette semblait se relever d’un tremblement de terre tant le désordre, les fumées, les destructions, y étaient nombreuses. Toutes ces voitures dans la ville étaient mal garées, parfois arrêtées au milieu de la route.
D’accord. Elle pouvait tolérer l’idée que ce jour devait être important pour ce monde. Mais pour Menrva ? Une petite panique locale ne représentait guère un choix cohérent pour commencer à filmer.
Mais bien sûr, il y avait l’hypothèse la plus probable, celle qui lui revenait toujours à l’esprit. Quelqu’un, Barthandelus, sans doute, avait pu effacer la mémoire de la chouette avant cette scène. Des données très sensibles, cruciales peut-être, pouvaient avoir précédé ce point 0. Et pour les retrouver… à vrai dire, Lulu n’imaginait guère de solution.
La vidéo continua, lentement, montrant une ville qui au fil des minutes reprit son calme. La sorcière haussa les épaules et se concentra sur l’espace. Une heure plus tard, le château de la lumière apparut sur ses écrans. Elle n’était jamais venue. Ici s’était déroulés de grands événements : la destruction de la pierre angulaire, la déclaration de guerre du Consulat, l’alliance avec le Sanctum. Bien sûr, elle avait mesuré le risque certain qu’à l’entrée du château l’attendraient des templiers ou des paladins. Rien ne la protégeait vraiment. Nul n’avait jamais osé, jusqu’ici, s’attaquer à un éclaireur, vu la presse extrêmement négative qui pourrait en découler, de quoi être toujours sali. Mais elle avait une prime sur sa tête, particulièrement importante. Beaucoup pouvaient être tentés et, sans même y craindre les soldats de la lumière, certains soldats du Sanctum avaient pu y être dépêchés pour s’occuper d’elle. Officiellement, elle était une criminelle pour les contrées du domaine enchanté, même si elle espérait compter un certain soutien de toutes les personnes abusées par la politique de Matthew.
En s’approchant, le vaisseau s’engouffra dans un des accès pour le spatioport. Elle en sortit sans hésiter, sans davantage se soucier de ce qu’il y avait à venir. Autour de ce vaisseau, dans ce hangar aux cloisons de fer, parsemé de tuyaux, de rouages, d’échafaudages colorés à l’image de la technologie gummie inventée et perfectionnée ici-même. D’autres machines d’un genre différent l’accueillaient en la personne de quelques gardes stationnés ici, à juste titre. D’une pensée, Menrva produisit ce flash blanc avant de se transformer à nouveau en une chouette qui vint se poser sur son épaule, scrutant de son œil perçant les différents gardes plus alertes. La sorcière s’approcha d’eux.
« Lulu, rédactrice de l’Éclaireur. » Elle présenta son badge, levant à peine le menton pour fixer les deux garçons plus grands qu’elle qui lui prêtaient leur attention. Dans ses bras, la peluche de Chen Stormstout levait elle aussi un bras triomphant pour montrer une pièce d’identité invisible. « Prévenez la générale Cissneï de mon arrivée, je souhaite m’entretenir avec un responsable, des événements ayant eu lieu au Palais des Rêves. » Ils se regardèrent. « Madame… »
« Non, vas-y. » le coupa l’autre, tout en la regardant à nouveau. « Je reste ici. Madame, je vais vous demander d’attendre ici. »
Elle hocha la tête et fit volte-face, faisant tournoyer ses tresses autour de ses épaules. Lulu fit quelques pas et s’immobilisa pour faire apparaître d’un simple geste de sa main une chaise pliante sur laquelle elle s’assit avant de poser une nouvelle fois son regard sur le garde, en poste devant elle.
Ven 12 Avr 2019 - 18:16Lulu avait écrit quelques jours plus tôt un éditorial, nommé pompeusement « l’heure du peuple » en deuxième page du journal écrit de l’Éclaireur, dans l’hebdomadaire. Et si elle-même n’avait pas vraiment considéré l’impact, l’ampleur de cette lecture sur le peuple, l’Éclaireur l’avait rassurée. Le directeur, Kent Brockman, s’était empressé de la féliciter pour l’article qu’il avait qualifié d’explosif, puisque l’éclaireur avait reçu, peu après la diffusion du journal, de nombreuses lettres de soutien au projet et à la motivation qu’elle avait présentées. Et pour Lulu, c’était une satisfaction. Le fait d’être, pour la première fois de sa vie, vraiment sous les projecteurs, gagner une notoriété populaire, lui était tout à fait égal. Elle n’avait aucune soif de reconnaissance mais avait rédigé ce texte pour une bonne raison : faire un constat d’inquiétude. Le peuple avait-il perdu sa capacité à questionner les choix de ses dirigeants ?
Force était de constater que non, ce qui la motivait à aller jusqu’au bout. Voyant poindre dans le ciel la silhouette de Menrva, la sorcière l’appela d’un geste distrait. La chouette fondit jusqu’à elle, se posa sur son épaule nue, plus délicatement qu’à Hill Valley et se laissa balloter par ses pas. Comme autre compagnon, Lulu avait bien sûr une peluche, et pas des moindres. Durant la Journuit, elle avait trouvé son marchand de peluches, un artisan incroyablement habile, qui avait fait certaines réalisations qui l’avaient touchée. Aussi se promenait-elle ce jour-là avec un ourson à l’effigie de Chen Stormstout, l’ambassadeur du Moulin Rouge. Le choix était assez logique et ne l’avait pas beaucoup fait hésiter. Pour sa mission, cela pouvait sembler risqué, compte tenu de l’affiliation que l’on pourrait deviner en la voyant porter un symbole consul. Mais elle était, après tout, journaliste et en droit de représenter les valeurs qui lui plaisaient, dussent-elles concerner le consulat ou non.
Lulu atteignit un hangar vide. D’un léger sursaut de l’épaule, elle fit décoller Menrva. « Nous allons démarrer. » La chouette fit quelques battements d’ailes avant de produire un flash blanc et se transformer en vaisseau. Elle entra dedans, habituée, mais toujours aussi curieuse. Lorsqu’elle aurait fini cette tâche, elle pourrait accorder du temps à l’énigme que représentait l’oiseau de Barthandelus. Le vaisseau démarra peu de temps après. Il avait en mémoire, à présent, les coordonnées géodésiques de chaque monde connu, sans qu’elle n’ait vraiment fait la démarche pour les y installer. Elle gardait en tête la possibilité qu’elle n’avait pas su bien chercher en quittant le domaine enchanté, et que le hasard l’avait sauvée depuis.
Sur le pont, les yeux rivés sur l’espace, attirée par cette vieille curiosité, elle prononça du bout des lèvres : « Les premières images que tu as filmées, s’il te plait. » Et la vidéo apparut sur un coin de l’écran du vaisseau, dans le cockpit, suffisamment grand pour qu’elle ne gêne pas sa vision.
Lulu l’avait déjà vue de nombreuses fois. Des animaux anthropomorphiques, un monde très coloré, dans une place que gouvernait un chêne lui cachant une partie de l’image de ses feuillages. « Peux-tu passer en vision thermique ? » Un message d’erreur apparut. Visiblement, les premières images dataient d’une époque où Menrva n’était pas pourvue de tous les instruments de capture d’image qu’elle avait maintenant. Soit. Menrva avait peut-être des siècles d’existence, des années de vidéos capturées… et elles commençaient toutes ici, par une scène sans importance. Et pourquoi ? C’était le banal en ce qu’il avait de mystérieux. Elle se retrouvait à chercher des indices, des éléments qui pouvaient avoir un sens, dans un moment anodin de la vie d’inconnus.
Enfin… anodin, non peut-être pas. Il y avait un petit attroupement et une agitation certaine. Un léger nuage de poussières semblait flotter et retomber lentement, dans les alentours du chêne, alors que de nombreuses personnes semblaient interroger pour une télévision, un individu qu’elle distinguait à peine, caché par la voûte de l’arbre. Il semblait petit et blanc. Et en y regardant de plus près, bien sûr, ou en attendant de voir ce que Menrva filmait ensuite, on pouvait s’apercevoir que la situation cachait quelques secrets. La ville qu’avait filmée la chouette semblait se relever d’un tremblement de terre tant le désordre, les fumées, les destructions, y étaient nombreuses. Toutes ces voitures dans la ville étaient mal garées, parfois arrêtées au milieu de la route.
D’accord. Elle pouvait tolérer l’idée que ce jour devait être important pour ce monde. Mais pour Menrva ? Une petite panique locale ne représentait guère un choix cohérent pour commencer à filmer.
Mais bien sûr, il y avait l’hypothèse la plus probable, celle qui lui revenait toujours à l’esprit. Quelqu’un, Barthandelus, sans doute, avait pu effacer la mémoire de la chouette avant cette scène. Des données très sensibles, cruciales peut-être, pouvaient avoir précédé ce point 0. Et pour les retrouver… à vrai dire, Lulu n’imaginait guère de solution.
La vidéo continua, lentement, montrant une ville qui au fil des minutes reprit son calme. La sorcière haussa les épaules et se concentra sur l’espace. Une heure plus tard, le château de la lumière apparut sur ses écrans. Elle n’était jamais venue. Ici s’était déroulés de grands événements : la destruction de la pierre angulaire, la déclaration de guerre du Consulat, l’alliance avec le Sanctum. Bien sûr, elle avait mesuré le risque certain qu’à l’entrée du château l’attendraient des templiers ou des paladins. Rien ne la protégeait vraiment. Nul n’avait jamais osé, jusqu’ici, s’attaquer à un éclaireur, vu la presse extrêmement négative qui pourrait en découler, de quoi être toujours sali. Mais elle avait une prime sur sa tête, particulièrement importante. Beaucoup pouvaient être tentés et, sans même y craindre les soldats de la lumière, certains soldats du Sanctum avaient pu y être dépêchés pour s’occuper d’elle. Officiellement, elle était une criminelle pour les contrées du domaine enchanté, même si elle espérait compter un certain soutien de toutes les personnes abusées par la politique de Matthew.
En s’approchant, le vaisseau s’engouffra dans un des accès pour le spatioport. Elle en sortit sans hésiter, sans davantage se soucier de ce qu’il y avait à venir. Autour de ce vaisseau, dans ce hangar aux cloisons de fer, parsemé de tuyaux, de rouages, d’échafaudages colorés à l’image de la technologie gummie inventée et perfectionnée ici-même. D’autres machines d’un genre différent l’accueillaient en la personne de quelques gardes stationnés ici, à juste titre. D’une pensée, Menrva produisit ce flash blanc avant de se transformer à nouveau en une chouette qui vint se poser sur son épaule, scrutant de son œil perçant les différents gardes plus alertes. La sorcière s’approcha d’eux.
« Lulu, rédactrice de l’Éclaireur. » Elle présenta son badge, levant à peine le menton pour fixer les deux garçons plus grands qu’elle qui lui prêtaient leur attention. Dans ses bras, la peluche de Chen Stormstout levait elle aussi un bras triomphant pour montrer une pièce d’identité invisible. « Prévenez la générale Cissneï de mon arrivée, je souhaite m’entretenir avec un responsable, des événements ayant eu lieu au Palais des Rêves. » Ils se regardèrent. « Madame… »
« Non, vas-y. » le coupa l’autre, tout en la regardant à nouveau. « Je reste ici. Madame, je vais vous demander d’attendre ici. »
Elle hocha la tête et fit volte-face, faisant tournoyer ses tresses autour de ses épaules. Lulu fit quelques pas et s’immobilisa pour faire apparaître d’un simple geste de sa main une chaise pliante sur laquelle elle s’assit avant de poser une nouvelle fois son regard sur le garde, en poste devant elle.