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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Un joli matin réchauffait légèrement le jardin radieux alors que la jeune femme, toujours habillée de sa robe favorite, marchait dans les rues de la ville, descendant jusqu’au Centre-ville et donc pour le Concessionnaire Shinra. Pour Lulu, les dernières semaines s’étaient bien passées. Non seulement l’Éclaireur avait accepté de lui donner un poste haut en responsabilités, mais elle avait trouvé une location agréable aux alentours de l’ancienne forteresse. Une zone qui avait été ravagée et dont la reconstruction avait pris un certain temps. Considérant sa position dans la ville et par rapport au centre, les résidences y étaient plus prolétaires qu’ailleurs, mais avec le goût consul. La ville n’avait pas vraiment de misères architecturales à cacher depuis la fin des dix ans de reconstruction du lieu.

Lulu avait écrit quelques jours plus tôt un éditorial, nommé pompeusement « l’heure du peuple » en deuxième page du journal écrit de l’Éclaireur, dans l’hebdomadaire. Et si elle-même n’avait pas vraiment considéré l’impact, l’ampleur de cette lecture sur le peuple, l’Éclaireur l’avait rassurée. Le directeur, Kent Brockman, s’était empressé de la féliciter pour l’article qu’il avait qualifié d’explosif, puisque l’éclaireur avait reçu, peu après la diffusion du journal, de nombreuses lettres de soutien au projet et à la motivation qu’elle avait présentées. Et pour Lulu, c’était une satisfaction. Le fait d’être, pour la première fois de sa vie, vraiment sous les projecteurs, gagner une notoriété populaire, lui était tout à fait égal. Elle n’avait aucune soif de reconnaissance mais avait rédigé ce texte pour une bonne raison : faire un constat d’inquiétude. Le peuple avait-il perdu sa capacité à questionner les choix de ses dirigeants ?

Force était de constater que non, ce qui la motivait à aller jusqu’au bout. Voyant poindre dans le ciel la silhouette de Menrva, la sorcière l’appela d’un geste distrait. La chouette fondit jusqu’à elle, se posa sur son épaule nue, plus délicatement qu’à Hill Valley et se laissa balloter par ses pas. Comme autre compagnon, Lulu avait bien sûr une peluche, et pas des moindres. Durant la Journuit, elle avait trouvé son marchand de peluches, un artisan incroyablement habile, qui avait fait certaines réalisations qui l’avaient touchée. Aussi se promenait-elle ce jour-là avec un ourson à l’effigie de Chen Stormstout, l’ambassadeur du Moulin Rouge. Le choix était assez logique et ne l’avait pas beaucoup fait hésiter. Pour sa mission, cela pouvait sembler risqué, compte tenu de l’affiliation que l’on pourrait deviner en la voyant porter un symbole consul. Mais elle était, après tout, journaliste et en droit de représenter les valeurs qui lui plaisaient, dussent-elles concerner le consulat ou non.

Lulu atteignit un hangar vide. D’un léger sursaut de l’épaule, elle fit décoller Menrva.
« Nous allons démarrer. » La chouette fit quelques battements d’ailes avant de produire un flash blanc et se transformer en vaisseau. Elle entra dedans, habituée, mais toujours aussi curieuse. Lorsqu’elle aurait fini cette tâche, elle pourrait accorder du temps à l’énigme que représentait l’oiseau de Barthandelus. Le vaisseau démarra peu de temps après. Il avait en mémoire, à présent, les coordonnées géodésiques de chaque monde connu, sans qu’elle n’ait vraiment fait la démarche pour les y installer. Elle gardait en tête la possibilité qu’elle n’avait pas su bien chercher en quittant le domaine enchanté, et que le hasard l’avait sauvée depuis.

Sur le pont, les yeux rivés sur l’espace, attirée par cette vieille curiosité, elle prononça du bout des lèvres :
« Les premières images que tu as filmées, s’il te plait. » Et la vidéo apparut sur un coin de l’écran du vaisseau, dans le cockpit, suffisamment grand pour qu’elle ne gêne pas sa vision.

Lulu l’avait déjà vue de nombreuses fois. Des animaux anthropomorphiques, un monde très coloré, dans une place que gouvernait un chêne lui cachant une partie de l’image de ses feuillages. « Peux-tu passer en vision thermique ? » Un message d’erreur apparut. Visiblement, les premières images dataient d’une époque où Menrva n’était pas pourvue de tous les instruments de capture d’image qu’elle avait maintenant. Soit. Menrva avait peut-être des siècles d’existence, des années de vidéos capturées… et elles commençaient toutes ici, par une scène sans importance. Et pourquoi ? C’était le banal en ce qu’il avait de mystérieux. Elle se retrouvait à chercher des indices, des éléments qui pouvaient avoir un sens, dans un moment anodin de la vie d’inconnus.

Enfin… anodin, non peut-être pas. Il y avait un petit attroupement et une agitation certaine. Un léger nuage de poussières semblait flotter et retomber lentement, dans les alentours du chêne, alors que de nombreuses personnes semblaient interroger pour une télévision, un individu qu’elle distinguait à peine, caché par la voûte de l’arbre. Il semblait petit et blanc. Et en y regardant de plus près, bien sûr, ou en attendant de voir ce que Menrva filmait ensuite, on pouvait s’apercevoir que la situation cachait quelques secrets. La ville qu’avait filmée la chouette semblait se relever d’un tremblement de terre tant le désordre, les fumées, les destructions, y étaient nombreuses. Toutes ces voitures dans la ville étaient mal garées, parfois arrêtées au milieu de la route.

D’accord. Elle pouvait tolérer l’idée que ce jour devait être important pour ce monde. Mais pour Menrva ? Une petite panique locale ne représentait guère un choix cohérent pour commencer à filmer.

Mais bien sûr, il y avait l’hypothèse la plus probable, celle qui lui revenait toujours à l’esprit. Quelqu’un, Barthandelus, sans doute, avait pu effacer la mémoire de la chouette avant cette scène. Des données très sensibles, cruciales peut-être, pouvaient avoir précédé ce point 0. Et pour les retrouver… à vrai dire, Lulu n’imaginait guère de solution.

La vidéo continua, lentement, montrant une ville qui au fil des minutes reprit son calme. La sorcière haussa les épaules et se concentra sur l’espace. Une heure plus tard, le château de la lumière apparut sur ses écrans. Elle n’était jamais venue. Ici s’était déroulés de grands événements : la destruction de la pierre angulaire, la déclaration de guerre du Consulat, l’alliance avec le Sanctum. Bien sûr, elle avait mesuré le risque certain qu’à l’entrée du château l’attendraient des templiers ou des paladins. Rien ne la protégeait vraiment. Nul n’avait jamais osé, jusqu’ici, s’attaquer à un éclaireur, vu la presse extrêmement négative qui pourrait en découler, de quoi être toujours sali. Mais elle avait une prime sur sa tête, particulièrement importante. Beaucoup pouvaient être tentés et, sans même y craindre les soldats de la lumière, certains soldats du Sanctum avaient pu y être dépêchés pour s’occuper d’elle. Officiellement, elle était une criminelle pour les contrées du domaine enchanté, même si elle espérait compter un certain soutien de toutes les personnes abusées par la politique de Matthew.

En s’approchant, le vaisseau s’engouffra dans un des accès pour le spatioport. Elle en sortit sans hésiter, sans davantage se soucier de ce qu’il y avait à venir. Autour de ce vaisseau, dans ce hangar aux cloisons de fer, parsemé de tuyaux, de rouages, d’échafaudages colorés à l’image de la technologie gummie inventée et perfectionnée ici-même. D’autres machines d’un genre différent l’accueillaient en la personne de quelques gardes stationnés ici, à juste titre. D’une pensée, Menrva produisit ce flash blanc avant de se transformer à nouveau en une chouette qui vint se poser sur son épaule, scrutant de son œil perçant les différents gardes plus alertes. La sorcière s’approcha d’eux.


« Lulu, rédactrice de l’Éclaireur. » Elle présenta son badge, levant à peine le menton pour fixer les deux garçons plus grands qu’elle qui lui prêtaient leur attention. Dans ses bras, la peluche de Chen Stormstout levait elle aussi un bras triomphant pour montrer une pièce d’identité invisible. « Prévenez la générale Cissneï de mon arrivée, je souhaite m’entretenir avec un responsable, des événements ayant eu lieu au Palais des Rêves. » Ils se regardèrent. « Madame… »

« Non, vas-y. » le coupa l’autre, tout en la regardant à nouveau. « Je reste ici. Madame, je vais vous demander d’attendre ici. »

Elle hocha la tête et fit volte-face, faisant tournoyer ses tresses autour de ses épaules. Lulu fit quelques pas et s’immobilisa pour faire apparaître d’un simple geste de sa main une chaise pliante sur laquelle elle s’assit avant de poser une nouvelle fois son regard sur le garde, en poste devant elle.
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Cissneï sursaute lorsqu'elle entendit les coups frappés à la porte de son bureau. Rien n'était prévu aujourd'hui, c'était pour cela qu'elle buvait tranquillement son café en relisant les rapports de mission de Famfrit. Le soldat ne rechignait jamais et accomplissait toujours les tâches qui lui étaient données – un excellent élément, quoique mystérieux. « Entrez. » dit-elle.

Ce fut un soldat de la Lumière qui ouvrit la porte ; un salut, il attendit la permission de parler. Cissneï la lui donna bien évidemment. « Une rédactrice de l'éclaireur souhaite vous voir, elle attend dans le hangar Gummi !»

« De l'éclaireur ? » Il hocha la tête à cette mention ; « Elle veut parler du Palais des Rêves ! »

Cissneï resta silencieuse quelques instants. Elle ne portait rien de digne à une entrevue avec qui que ce soit, son vieux jean et son t shirt avec un chat dessus n'étaient absolument pas convaincants. Elle ouvrit la bouche, mais resta muette quelques secondes avant de se diriger elle-même vers la sortie «  Prépare de quoi la faire attendre dix minutes, des rafraichissements, tout ce qu'elle veut ! J'arrive ! 
- Dans le hangar, Générale ?
- N'importe où mais pas dans le hangar !! Dans le salon, celui avec le tableau de la Reine Minnie !

Et merde. C'était tout ce qui tournait dans sa tête désormais. Le tout en songeant qu'un jean était bien moins pratique que son costume habituel pour courir dans les couloirs. Elle poursuivit son chemin jusqu'à sa chambre, ayant viré le t shirt avant même d'entrer – a la grande horreur des gardes qu'elle rassura à grands coups de « C'est rien ! C'est rien, repos, repos j'ai dit je fais que passer ! »

Elle se rua sur la salle de bains pour sommairement se laver la tronche. Retour vers les placards ; une chemise propre. « Noël est pas morte pour çaaaa... » jurait-elle. Elle n'était pas dévote d'Etro mais elle avait bien trop entendu cette réplique pour ne pas la sortir inopinément. Elle prit une chemise noire ; pourquoi ? Parce que son soutien,-gorge avait un motif coccinelle et hors de question qu'il se voie sous une chemise blanche.

« Générale ? » tenta une officière de patrouille. « Puis-je savoir ce qui se passe ? »

Cissneï, le bouchon de son eyeliner dans la bouche, lui répondit simplement par un borborygme qu'elle ne comprit pas. Devant son air circonspect, la jeune femme tourna légèrement la tête sur le côté. « Pardon ? »

Cissneï reprit l'eyeliner en main après avoir enfilé sa chemise. « L'éclaireur ! »

« Mais pourquoi ?
- Pour le Palais des Rêves ! »

Les minutes s'écoulaient ; Cissneï regrettait de ne pas être extralucide. Elle aurait apprécié allonger son café avec quelque chose comme cette boisson qu'ils avaient servi dans les Enfers ; la pub était passée un millier de fois à la télé... Mais non, elle allait devoir faire avec les moyens du bord. Brossage de dents, deux-trois coups de brosse à cheveux.... le résultat moutonneux fut vite caché dans un joli chignon qui n'avait de grâce que par les boucles de ses cheveux. Un nombre impressionnant de mèches s'en échappait. Ça rendait passablement bien, pas du tout déconvenue. Sobre, comme d'habitude, c'était tout ce qu'elle recherchait.

Tout au long de son échappée furieuse, elle avait songé à quoi dire et bien peu lui était venu. Elle connaissait les grandes lignes de son discours bien sûr, et cela ne ferait que faciliter cette ligne de franchise qu'elle voulait exprimer. Ce n'était plus l'heure de rester dans son coin et cette entrevue venait se poser comme une évidence devant elle.

Elle prit le chemin du salon, espérant n'avoir pas trop tardé. Elle savait que c'était faux de toutes manières. Il lui avait bien fallu dix minutes pour faire ce maquillage que seule une sorcière pouvait réussir du premier coup, les petites virgules à la con que tout le monde abordait sur leurs photos. Elle regrettait déjà.

Elle attendit quelques secondes devant la porte ; le garde amorça un geste afin de lui ouvrir la porte mais elle le stoppa d'un geste. Elle reprit d'abord son souffle, gardant contenance. Ce ne fut qu'après ces quelques secondes qu'elle lui fit un signe de tête, d'un sourire confiant, puis elle entra.

« J'espère ne pas vous avoir trop fait attendre » dit-elle avec un air neutre, un léger sourire aux lèvres.

Les soldats n'avaient pas mentionné son nom ; peut-être ne l'avait-elle pas entendu ? Elle s'approcha et tendit sa main en signe de bienvenue vers cette femme dont la présence nimbait le salon blanc aux dimensions moyennes. Elle ne l'avait pas choisi pour être tape-à-l'oeil, il avait tout d'un boudoir.
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La sorcière attendait patiemment dans un salon  très agréable et  coquet. Elle inspecta la décoration. Le Consulat et le Sanctum n’avaient sans doute jamais été reçus dans un pareil endroit. La pièce n’était guère grande, et pour ne rien arranger, le mobilier et les décorations occupaient un tel espace qu’il n’y avait pas assez de place ici pour faire les cent pas ou pour un tant soi peu de désordre. Ce n’était pas vraiment un environnement ou un style qu’elle avait connu jusqu’ici. Il y avait devant elle un guéridon en marbre blanc sur lequel avait été déposée une vaisselle en porcelaine, blanche aussi, agrémentée d’un fin contour rose pâle. Lulu hocha la tête, les jambes collées l’une à l’autre et ses deux mains croisées sur ses cuisses, alors que la peluche Chen regardait elle aussi la décoration, balayant l’espace de ses yeux noirs et inexpressifs. Ce devait être le salon de la reine, dont la représentation en peinture trônait. Sa Majesté la reine Minnie était peinte sur un trône d’or, souriante et radieuse, avec comme seule compagnie un chat noir couché sur ses genoux et prenant bien soin de montrer son visage heureux.

C’était étrange, en définitive. Si elle se situait bel et bien dans un salon de thé royal, comme elle en avait le sentiment, c’était une première. Lulu avait servi son Roi et sa Reine avec ferveur et amour pendant des années, elle avait approché le plus grand pouvoir du Sanctum, décidant la stratégie d’une des opérations de plus grande envergure de l’histoire du domaine enchanté, mais n’avait jamais été invitée à boire un simple thé dans leurs appartements. À vrai dire, elle n’avait jamais pu leur parler plus de quelques secondes.

Il y avait à apprendre de tout cela. Il serait intéressant pour la jeune femme, lors d’une autre occasion, de comparer les deux monarchies, car les deux avaient au final perdu leur hégémonie au profit d’un groupe qui prenait les décisions désormais. Elles n’existaient que pour la stabilité et l’apparat. Pour respecter les traditions et évoquer une vieille sympathie au peuple. Lulu respectait beaucoup ce maintien de l’institution. À vrai dire, si elle devait critiquer quelque chose, il y aurait plus de chance qu’elle s’en prenne aux différents groupes, au regard de ce qu’elle avait découvert ces dernières années.

Lulu, assise sur un fauteuil blanc, ignora les meringues que lui apporta un peu plus tard dans son attente, sur une petite desserte. Elle ne voulait pas avoir la bouche pleine lorsqu’arriverait la générale de la lumière, Cissneï. Cela lui nuirait.
Une jeune femme qu’elle ne reconnut pas de suite fit son apparition un peu plus tard. La voir habillée d’une chemise noire et non blanche, et coiffée autrement, avait déconcerté quelques secondes la journaliste. Même elle, qui se tenait loin de la presse télévisée, devait bien reconnaître s’être fait une image mentale de la générale de la lumière trop rigide. La sorcière se leva et serra la main de la jeune femme, contente de voir que celle-ci avait décidé de se déplacer en personne. Elle ne lui en aurait pas voulu d’envoyer un attaché mais se déplacer elle-même montrait qu’elle prenait peut-être enfin la situation au sérieux.


« Ce n’est rien. » La sorcière se rassit, sans attendre que la générale ne l’y autorise. « Je n’avais renseigné ni le jour, ni l’heure de mon arrivée. » Nul besoin de se faire trop prévisible pour le Sanctum. « Je vous propose que nous commencions, générale. » Oui. À croire que sa vie se résumait à fréquenter des militaires. Il fallait bien entendu que ceux-ci gouvernent le monde. Et quand ce n’était pas eux, c’était visiblement pire. « J’aimerais savoir ce qu’il s’est passé au Palais des Rêves. Je ferai un article dans un prochain hebdomadaire pour expliquer tout cela au peuple, vous serez citée. » La jeune femme laissa Chen Stormstout se lever et sauter sur le guéridon pour commencer à se promener sur son étroite surface, alors qu’elle sortît un calepin et un crayon.

« Un bal a été organisé au Palais des rêves. Expliquez-moi pourquoi la lumière s’y est rendue, dans quelles circonstances et dans quel but. »
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C'était une question à laquelle elle s'était tout à fait attendue. La situation étant cependant telle qu'elle prit quelques bonnes secondes pour répondres. Ces dernière s'écoulèrent lentement alors qu'elle voyait dans la périphérie de sa vision les volutes de vapeur du thé qui avait été servi. Elle ne le regardait pas directement -surtout ne pas quitter la journaliste du regard ! Mais elle voyait ce petit panache qui s'envolait paresseusement. Cela ajoutait à la déconcentration, la peluche que la journaliste tenait aussi, d'ailleurs. Une peluche vivante.

A l'instant, Cissneï regretta de ne pas mener elle-même l'interview. Cette femme semblait fascinante, il y avait quelque chose dans ses traits qui trahissait une confiance et une grande sagacité. Bien entendu, il ne lui serait jamais venu à l'esprit de l'interviewer dans une situation quelconque, autre que celle-ci. C'était Lulu qui posait les questions. Et quelle entrée en matière !

«  Et bien, pour vous expliquer la chose le plus simplement possible, il faut remonter avant le début de ce bal – de son annonce même. La Lumière était présente dans ce monde et enquêtait sur les faits et gestes de la Coalition Noire. »

Rien de plus vrai. Elle avait expliqué posément la situation ; se remémorant le temps où le Palais des Rêves n'était pas encore un tas de poussière au détour des routes stellaires.

La pensée envoya un frisson glacé à travers son échine ; Cissneï joignit ses mains sur ses genoux et se tint ainsi, jambes croisées. Elle reprit son explication.

«  La Lumière n'était pas au fait de l'entièreté de l'emprise qu'avait la Coalition sur ce monde, à ce moment là. L'impératif était d'agir avant qu'il ne soit trop tard. »

Elle pouvait très bien utiliser les mots comme « nous », plutôt que « la Lumière » mais qui est-ce que cela impliquait vraiment ? Elle avait l'impression que toutes ses paroles pourraient aisément être retournées contre elle. Cissneï songeait à ce qui pouvait arriver ; à ce qui pouvait lui être reproché.

Bien entendu, il y avait eu une part personnelle dans cette mission, une implication qui n'avait pas de lien avec la Coalition. Mais intéressait-elle l’Éclaireur ? Non, songea la jeune femme.
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Tard. Suite à ce dernier mot prononcé par la générale, cette dernière reçut un regard étrange de la part de Lulu, les sourcils légèrement froncés, les lèvres entrouvertes, prêtes à délivrer un mot. Sur son calepin étaient écrites quelques lignes griffonnées, dictées par son interlocutrice. Elle hésita quelques instants, avant de regarder la peluche du brasseur du Consulat, couchée sur le ventre, écrivant avec précaution, à l’aide d’un crayon imaginaire, sur un calepin imaginaire, pour l’imiter. Elle pouvait ressentir un silence à peine perturbé par le fouet répétitif de l’aiguille faisant sa couse dans une pendule qu’elle n’avait pas encore repérée dans ce petit espace. Mais à dire vrai, ce qui la perturbait le plus, c’était cette impression qu’elle ressentait : la peluche trouvait visiblement plus à écrire dans ce que disait la générale Cissneï qu’elle. Car à cette question féconde, qu’elle avait posée, qui concernait le contexte global de l’événement ayant découlé sur la destruction du Palais des rêves, elle avait entendu la réponse la plus vide et générique qui lui avait été donnée d’écouter. Face à un autre, la sorcière aurait été agacée. Mais venant de la générale de la lumière, figure emblématique de l’imbroglio et du secret, elle considérait peut-être ne pas avoir été assez claire dans son édito.

La sorcière referma le calepin sur le crayon, tout en maintenant une pression sur la reliure d’une main pour éviter à l’un et à l’autre de tomber. Elle se pencha légèrement en avant, laissant quelques tresses de ses cheveux tomber devant sa poitrine.
« Générale. Ce n’est pas une interview. Je suis là pour des explications. » Son regard glacial se planta dans celui de la 1ère personnalité de la lumière comme s’il avait été celui du 1er contremaître d’un radeau de pêcheur. « Vous me dites que vous enquêtiez. Que vous ne saviez rien. Et que vous avez décidé d’agir avant qu’il ne soit trop tard. » Lulu fit une pause, le visage parfaitement immobile, sans cligner des yeux. « Vous ne m’avez rien dit, en somme. »

Elle aurait pu laisser à la générale son rythme et son confort de reine en son monde. Toutefois, si elle n’était pas venue pour accabler cette femme ou la lumière, elle refusait de perdre son temps. Lulu se redressa, ouvrit son calepin et donna à ce témoin une deuxième chance d’être utile. C’était précisément ce qu’elle reprochait dans son papier, à la lumière précisément. Cette nation s’était si longtemps réfugiée sous son apparence de sauveuse des mondes qu’à l’heure de rendre des comptes, elle se rendait compte qu’elle n’avait jamais appris à être transparente, à communiquer.

« Reprenons. Vous aviez donc… des renseignements sur la situation de ce monde avant l’organisation de ce bal. Et vous vouliez agir. Tout d’abord, ce qui m’intéresse, c’est de savoir pourquoi. Je sais que vous êtes bien sûr en guerre avec la Coalition noire mais. » Une nouvelle fois, la sorcière s’interrompit pour écrire un mot dans son calepin. « Quelles sont les exactions commises par la Coalition noire qui vous ont poussés à réfléchir une action ? Ensuite, j’aimerais que vous me parliez de ce que vous comptiez faire, vu votre manque d’informations. »

La sorcière n’avait pas de réelle expérience de journaliste mais elle avait mené quelques enquêtes au domaine enchanté et mené une opération d’information et de désinformation majeure auprès de Swain, durant la période de troubles au Domaine enchanté. Si la générale avait conçu une belle histoire de toutes pièces, pour les caméras, expliquant la destruction du Palais des rêves, de nombreuses questions, même simples, auraient des chances de révéler des maladresses, des erreurs. Du reste, c’était une précaution, une marque du peu de confiance qu’elle avait en n’importe lequel de ces phénomènes héroïques qui alimentaient les chaînes quotidiennes, bien que la générale de la lumière elle-même ne lui inspirât pas une mauvaise impression. Elle semblait honnête. Profondément inconsciente, incompétente et irréfléchie, mais relativement honnête. Tout le monde n’était pas fait pour diriger, après tout. Lulu avait secondé un homme qui n’avait rien à faire à la tête d’un État, s’était proposée pour les mêmes services auprès d’un successeur bien pire. En somme… il ne restait que peu de personnes pour bien porter la couronne.
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« Non, je ne vous ai rien dit » répondit la jeune femme, simplement. Lulu avait raison. « Mais quelle raison ai-je de vous parler de ceci sinon que vous êtes journaliste ? »

Elle n'avait pas de secrets à dévoiler.

La seconde question de la journaliste aux peluches fut bien plus simple.

« Vous me demandez pourquoi la Lumière est en guerre contre la Coalition Noire. Dans cette simple phrase vous avez déjà la réponse. Nos deux groupes sont antithétiques et tout ce que représente la Lumière, c'est ce que recherche a détruire la Coalition, et vice-versa. Ils cherchent le pouvoir, s'insinuent dans les mondes comme des ombres, déchaînent le chaos et la mort partout où ils vont. Tant que la Coalition restera telle qu'elle, il n'y aura pas simplement de raisons de la combattre. Juste le bon sens de chercher a la détruire.»

Catégorique, elle répondant néanmoins poliment. Mais elle était excédée. Qu'est-ce que cette femme savait de la Lumière ? Pas plus qu'elle-même ne le savait, probablement. Pas plus que Ravness, pas plus que Roxas... qui était-elle pour lui poser des questions aussi évidentes ? Cherchait-elle à la prendre en porte-à-faux ? Cette idée vint à Cissneï avec la brusquerie d'un coup de vent. Son dos se raidit. Ce n'était pas une conversation autant qu'elle l'aurait voulu. Cette petite table avec ses charmantes petites tasses de porcelaine blanche, le plateau et la théière en émail. Ils étaient aussi ternes qu'un no man's land. Le sucre pouvait cacher des clous ; le boire lui ferait le même effet.

« Ce n'est que lorsque la Coalition a lancé son bal maudit qu'on a pu se rendre compte de la toute puissance de ce groupe dans ce monde. Il n'y avait aucun doute même avant ce événements que le monde était au bord de la chute vers les ténèbres. Vous n'allez probablement pas répondre à ma question puisque c'est mon rôle, mais je vous la pose pour la forme. Que faire dans ce cas là, sinon essayer d'arrêter la source de ce problème, de juguler l'hémorragie ? »

Ses yeux étaient fixés sur ceux de son interlocutrice. Un feu nouveau s'était emparée d'elle.

« La Lumière n'a que trop attendu. En soi, ce n'est pas une raison ni une excuse. Mais la tournure des événements sont tels qu'il n'y a pas d'autre solution. Nous sommes en guerre contre la Coalition Noire. Et nous nous opposons à elle et à ses plans. »
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Lulu écrivit ce que la générale de la lumière lui dit, avec précision et fidélité. Les mots qu’elle entendait lui semblaient trop graves pour qu’elle soit incapable, quelques jours plus tard, de les reconstituer avec exactitude. Mais rien ne pouvait empêcher le trouble de saisir ses mains et son attention durant cette tâche, alors que fourmillaient dans son esprit des milliers d’interrogations, de questions qu’elle aurait aimé poser à l’instant même à son interlocutrice. Lulu, cependant, n’avait ni le droit de se précipiter, ni celui de transformer cette affaire en quelque chose de plus personnel.
Et pourtant, il y avait de quoi. Le silence s’installa, uniquement brisé par le bruit du crayon sur le calepin, par le souffle imperceptible des deux femmes, et encore, toujours, par le tintement métallique d’une aiguille dans son abri de bois. Celle-ci eut sûrement le temps de claquer l’air une soixantaine de fois, avant que la sorcière n’eût fini, avant qu’elle ne reposât une nouvelle fois le crayon contre la reliure de son calepin. Ses yeux détaillèrent la générale avec un soupçon de différence dans le regard. Car si elle avait déjà fixé cette femme de bien des manières en l’espace de quelques minutes, la rédactrice trouvait une nouvelle perspective à chaque instant de la discussion. Elle l’avait pensée responsable de s’être présentée elle-même à cette entrevue ; Irresponsable de ne pas prendre la situation au sérieux ; Incompétente pour être incapable de répondre clairement à une question claire et féconde.

Mais à cet instant, Lulu jugeait cette personne, cette éminence politique, dangereuse. Dangereuse… comme Matthew l’avait elle-même considérée lorsqu’ils s’étaient rencontrés. L’ironie n’échappa pas à la Sorcière et peut-être ressentit-elle le début d’une empathie envers le Primarque.
La générale avait dit de nombreuses sottises. Encore une fois, elle s’était illustrée par ses propos inconsistants et inappropriés, car jamais Lulu ne lui avait demandé pourquoi la lumière était en guerre avec la Coalition noire. Peut-être était-ce une incompréhension de la part de Cissneï, probablement stressée, cependant la journaliste ne pouvait ignorer la possibilité qu’il s’agisse là d’une grotesque tentative de détournement de sujet et d’extrapolation. Jamais Lulu n’avait critiqué la prise de position de la lumière ou même du Sanctum envers Death et ses soldats noirs. Elle-même avait combattu Tian-Long pour défendre la citadelle. Elle-même avait vu Angeal mourir.
Comme pour illustrer ses pensées, Chen Stormstout trônait sur le guéridon, debout, et faisait un non sévère de la tête à plusieurs reprises.

Avec cela, la générale de la lumière, comme la surnommaient les journaux, avait pu répondre magistralement, avec une certaine implication émotionnelle, une certaine violence, à une question qui n’avait jamais été posée. Certains auraient pu se faire prendre mais d’aucuns savaient que cela ne ferait qu’accroître la détermination de Lulu d’accéder à une vérité brute, pure. Sans discours larmoyant.


« Donc… Vous saviez qu’ils organisaient un bal. » Cela avait déjà été dit à plusieurs reprises. Finalement, il n’y avait qu’une seule chose à retenir de tout ce discours. « Et vous saviez le monde proche de succomber. » Les sourcils de la journaliste se froncèrent, traduisirent son mépris, car c’était finalement les seules informations un tant soit peu pertinentes à prélever de cet échange. Et puisque la jeune Cissneï n’avait pas expliqué le plan qu’ils avaient décidé d’adopter, Lulu se voyait obligée de revenir à la charge avec des questions plus précises, espérant juste ne pas perdre la militaire dans une nouvelle déclaration sans queue ni tête. Avant cela, la rédactrice écrivit une question dont elle devait impérativement se souvenir, pour plus tard.

« Par rapport à votre plan, générale, je vais vous poser trois questions. Tout d’abord, quelle était la composition de l’équipe envoyée sur place ? Ensuite, quel était votre objectif ? Finalement pourquoi est-ce au lieu du bal qu’a eu lieu la bataille ? »

Derechef, Cissneï pouvait répondre de nombreuses choses ou peu. Mais il ne faisait nul doute que la sorcière saurait comment réagir si la suite de la discussion allait dans le même sens que son début.

Dernière édition par Lulu le Ven 10 Avr 2020 - 0:40, édité 1 fois
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« Je vais être transparente avec vous, Lulu. » c’en était trop. Elle voulait des réponses, elle allait les avoir. Sans se départir de son calme, Cissneï était prête. Ces évènements étaient passés et, au vu de leur prix, il était désormais plus que temps de les dévoiler. « L’équipe se composait de Maître Aqua, de Roxas et de moi-même. Nous étions séparés car nos buts étaient différents. Dans cette mission, Aqua était au manoir de Monsieur de la Tulyp, chez qui se passait le bal, Roxas était excentré, je l’accompagnais pour éliminer la sorcière Bernkastel. »

Les images dans la brume lui revinrent. Sommairement, d’un coup tel un saut dans le vide. Les cadavres et les sans-cœurs, des souvenirs qu’elle aurait préférés enfouis.

Elle les enterra à grands coups. La Générale prit la théière et servit deux tasses. « Du sucre ? Du lait peut-être ? »

L’exorcisme. L’enfouissement, que les autres appellent cela comme ils veulent. Le trou noir qui logeait dans le creux de sa poitrine et qui la bouffait de l’intérieur, il fallait qu’elle le fasse taire. Elle s’en occuperait plus tard – mais là, ce n’était pas pour éviter un travail pénible qu’elle se disait ceci. C’était nécessaire.

« La sorcière, donc – » reprit-elle. Une gorgée de thé, brûlant et acre. « tenait le prince sous son influence – Aqua avait bien tenté de lui proposer notre aide, l’aide de la Lumière. Aide qu’il refusa, nous faisant réaliser qu’il était sous son emprise. La Coalition, elle, manipulait les paysans et les nobles. La Princesse de cœur n’était plus là, bien évidemment, elle avait été capturée par la Coalition elle-même. »

Exposition de faits nécessaire.

« Tuer la sorcière couperait ses illusions et son emprise sur le pouvoir décisionnel de ce monde. Je n’étais là que pour apporter un soutien aux deux partis, pendant que Roxas se chargeait de la sorcière, je gardais un contact avec Aqua, qui était au bal. » Cissneï reposa la tasse. « Roxas a éliminé la sorcière. »

Il avait arraché son dos et avait étendu ses poumons comme deux ailes sanglantes à ses côtés. Comment avait-elle pu oublier ce détail, même un instant ? Elle pondéra l’effet d’une telle déclaration. Trop superflue. Mais pour une petite connasse comme ça, voir son triste sort ébruité au travers de l’univers – cela lui aurait plu. Une fin à la hauteur de sa pourriture. Elle espérait qu’elle eut survécu ne serait-ce qu’un peu, dans cette horrible situation. Que la monnaie se sa pièce lui soit rendue, au moins un peu.

« C’est à partir de ce moment que tout a tourné au plus mal. Roxas est parti vers le château. Dans un état second. Il m’a conseillé de partir. Ce qu’il a fait au château est… probablement bien plus horrible que le sort qu’il a réservé à Bernkastel. Nous nous sommes rejoints après, j’ai pris le vaisseau et je les ais récupérés. A ce moment, le monde allait se faire avaler par les ténèbres et il n’y avait pas assez de place pour nous tous dans le vaisseau. Je me suis proposée pour rester, pour leur laisser le temps de filer. Roxas avait repris conscience. » ça, c’était peut-être le plus important. « C’est lui qui est resté. »




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La sorcière Bernkastel. Ce n’était pas la première fois qu’elle entendait cette appellation. Deux occurrences lui revinrent en tête, l’une plus clairement que la deuxième. C’était un nom qu’elle avait dû entendre à une reprise, deux éventuellement, lorsqu’elle était au domaine enchanté, avant son emprisonnement. Mais cela datait déjà, et son temps en tant que responsable des archives n’avait pas duré assez pour qu’elle se documente sur cette personne. Plus nettement, elle se souvenait de ses cours d’histoire des grandes sorcières des deux siècles derniers, lorsqu’elle était à l’Institut de la Sorcellerie et de la Féerie. Si les sorcières avaient mauvaise réputation, cela n’était pas que par le fait de Maléfique. D’autres avaient consolidé l’impiété de ce mot. Une légende sur Bernkastel avait traversé les siècles. Cette sorcière avait indirectement plongé un royaume dans le chaos. En forçant un roi à chercher l’assassin de sa fille, il s’était fait tellement d’ennemis que sa femme-même, éprise de chagrin et de haine envers son époux, s’était donné la mort. Et d’une dynastie prospère n’avait survécu qu’un roi morose et éteint.

Bernkastel. La sorcière des… Lulu tapota le dos de son calepin de ses longs ongles, cherchant le complément du nom qui manquait à ce titre. Ce pouvait être une piste à creuser. Si cette sorcière profondément mauvaise avait survécu jusqu’à ce jour du bal, l’on pouvait s’interroger sur toutes les catastrophes humaines qui avaient eu lieu sous son influence ; Finalement, il pouvait être intéressant d’un jour discuter de tout cela avec l’ancien membre de l’Organisation XIII, Roxas.

Lulu finit d’écrire ce qu’elle comprenait des mots de la générale, plutôt fidèlement. Il lui fallait admettre qu’elle s’était montrée bien plus claire, honnête et intéressante durant ces vingt dernières secondes qu’elle ne l’avait été au début de cette entrevue. La sorcière avait sûrement dû épuiser sa patience ou sa pitié. La journaliste saisit la anse de la tasse de thé et en but une gorgée, espérant que les herbes n’avaient pas infusé trop longtemps. Mais force était de constater que le personnel du château de la lumière avait plus de compétence que certains de ses officiers.


« Donc. » Elle reposa la tasse sur la table basse devant elle, alors que Chen Stormstout sauta de son perchoir pour prendre le relai et s’approcher du récipient, faisant semblant de ses petits bras et de son museau de boire lui aussi. « Vous vouliez libérer, d’une part, le Prince de l’emprise de la sorcière Bernkastel pour qu’il ne puisse plus faire souffrir ce monde. Et vous vouliez, d’autre part, libérer les paysans et les nobles de l’influence de la Coalition noire. Rétrospectivement, avez-vous eu raison de diviser vos hommes ainsi ? N’était-il pas plus judicieux de laisser le problème du prince pour plus tard ? »

C’était ce qui la gênait le plus, si ce n’est bien sûr ce qu’avait insinué la générale sur Roxas, le maréchal de la lumière. Le Prince était devenu fou depuis la perte de la princesse, c’était notoire. La lumière ne pouvait-elle le laisser perdre la raison un jour de plus, voire le sacrifier, pour assurer la réussite de l’entreprise ? Certes, Lulu se savait influencée. Elle avait aimé son roi et s’était retrouvée pourtant l’une des instigatrices d’une révolte limitant ses pouvoirs. Bien sûr, à ses yeux, il était plus important de faire pérenniser le peuple et la terre plutôt que la couronne sur le crâne d’un fou.

« Je vais vous demander ce qu’a fait Roxas au manoir de… » Lulu regarda prestement ses notes. « de Monsieur de la Tulyp. Décrivez, s’il vous plait, l’état second dans lequel il était. Vous m’avez dit que le monde était mourant. Je peux le comprendre mais si la Coalition noire projetait d’y faire un bal, c’est qu’il n’était pas sur le point de succomber dans la journée. Estimez-vous que le combat engagé là-bas a directement causé l’extinction de ce monde ? »
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« Je pense que oui. » répondit la jeune femme, posément. « Séparer nos forces était la meilleure des solutions à cet instant précis. Nous avions deux buts différents, ce n'était pas d'abord l'un puis l'autre. Peu importe ce que vous pouvez en penser. Pour en venir à ce bal, je pense même que c’était la principale raison pour laquelle nous devions agir vite, sans perdre plus de temps. Il n’y avait pas trente raisons pour que la Coalition choisisse ce moment plutôt qu’un autre. »

Encore aujourd’hui, cette petite démonstration de force de la Coalition Noire lui restait en travers de la gorge. L’avoir gâchée, même par erreur et au prix d’un massacre, c’était une joie infime. Sale, répugnante même, mais une joie tout de même. C’était de bonne guerre.

« Pour ce qui est du combat…. Je pense qu’il ne faut pas se leurrer, oui, si l’état du monde était déjà fragile depuis quelques temps, le combat l’a achevé et l’a fait basculer dans les ténèbres. Je ne pense pas qu’il aurait été possible de le sauver, en rétrospective. Même s’il avait encore un sursis ; il était condamné. »

Lulu voulait qu’elle entre dans les détails. Détails qu’elle avait – peut-être pas aussi complets que la presse pouvait désirer, cela dit. Bien qu’elle n’ait jamais eu à rougir de sa mémoire, les événements de cette soirée était tantôt trop précis tantôt vagues, nébuleux. Elle pouvait se souvenir dans un détail percutant les illusions de la sorcière, comme elles lui apparaissaient encore certains soirs, intruses dans ses pensées. Mais la suite des événements, elle les avait lus dans les rapports d’Aqua. Elles n’en discutaient pas ensemble. Pas en privé.

« Après avoir éliminé la sorcière, Roxas… est entré dans un état second, en effet. » Un côté d’elle avait envie de raconter les faits sans en cacher la nature terrible. Une part d’elle savait que la personne qu’elle avait vue tuer Bernkastel était une ombre, et pas le Roxas qu’elle connaissait. C’était bien plus compliqué que cela. C’était également au-delà de ses capacités de diplomatie.

Cissneï connaissait ses capacités. Réduites physiquement depuis sa rencontre avec Jecht. Mentalement depuis celle de Bernkastel. Elle demeurait tout de même apte au travail. Elle connaissait cependant ses limites, et ces dernières s’incarnaient en cette femme. Dans ses yeux écarlates et son air calme, presque placide dans sa recherche sans limite d’informations.

« Il pouvait encore parler. Mais je n’ai aucun doute qu’il n’était plus dans son état normal. Des rapports que j’ai pu avoir, il a combattu Death, qui avait pris une forme de dragon. Maître Aqua a ensuite pu le ramener à son état normal. »

Elle ne préférait pas mentionner qu’à aucun moment, elle n’avait été sur les lieux. C’était évidemment sous-entendu. A ce moment-là, elle était dans le vaisseau et était loin de maîtriser tous ses sens. Se souvenir des détails de cette soirée lui coûtait. Elle ne se faisait pas d’illusions et savait que la journaliste pouvait le remarquer. Elle avait calmement croisé ses chevilles, comme si elle éprouvait l’inconfort de se retrouver devant une court martiale. Ses mains jointes lui rappelaient à chaque instant que ses nerfs étaient à vif. Elle avait peu à dire de cette soirée ; car chaque détail l’envoyait au supplice.
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Ce n’était pas dans son caractère que de s’estimer chanceuse d’avoir ces renseignements, ou encore d’éprouver une quelconque joie à l’idée d’être la première personne à entendre ce récit. Toutefois, si Lulu restait avant tout consternée par le tribut humain qu’avait dû payer ce monde pour si peu de choses… il lui apparaissait que le prochain édito s’écrivait tout seul. Elle en avait du moins les grandes lignes et l’intention, car de toutes les choses qu’avait pu dire Cissneï, certaines étaient particulièrement graves. Cependant, comme elle l’avait promis, elle ne souhaitait pas écrire un nouveau pamphlet mais bien un déroulé des événements qu’elle espérait le plus précis possible. Et en se questionnant, il lui semblait qu’elle avait à présent les renseignements nécessaires pour pouvoir raconter la dernière journée d’un monde. Certaines choses ne seraient pas dites plus tard, compte tenu des opportunités que la générale avait eues jusque-là pour les préciser.

Il était intéressant de se pencher par ailleurs sur l’implication de la Maître Aqua dans tout ce conflit, qui, s’il pouvait sembler immaculé et clair, dénotait avant tout une erreur abyssale de la part de la lumière. La Maître de la Keyblade avait trop d’expérience et de réputation pour qu’on l’en tienne innocente. À dire vrai, avoir permis qu’une seule personne soit envoyée pour combattre, potentiellement, la Coalition noire dans son entièreté, était absurde. La générale n’avait pas été bavarde sur les actions d’Aqua avant que Roxas n’arrive dans le manoir de la Tulyp. Et il était tout à fait probable, en prenant en compte le personnage en question, qu’elle ne s’était pas battue. Mais la générale avait été claire : ce n’était pas d’abord l’un puis l’autre. Les deux unités de la lumière devaient être capables d’agir simultanément et sans soutien. D’un côté contre la Dame Bernkastel, échec cuisant, et de l’autre contre Death et ses nombreux sbires, sans doute. Ce deuxième conflit était tout aussi ardu que le premier, voire davantage, et on l’avait confié à une seule personne se tenant relativement éloignée des combats depuis quelques années.

Lulu continua d’écrire, bien des secondes après la fin de l’explication de la générale, notant aussi bien ses pensées que des bribes de discussion qu’elle venait d’avoir, et cela même si elle les avait déjà écrites. Bien sûr, a posteriori, on pouvait trouver bien pire dans ce conflit que cette erreur stratégique, à commencer par le risque de mener un combat dans un monde sur le point de mourir. Mais il témoignait d’une chose. La Lumière avait tant misé sur son maréchal qu’elle n’avait pas réellement évalué la possibilité de devoir régler le conflit sans lui. Lulu n’était pas stratège et n’avait ni l’expérience militaire, ni la formation tactique des trois concernés, mais elle ne pouvait réprimer un sentiment. La victoire de la lumière lors de ce bal dépendait de trois facteurs : la présence de Roxas, l’état de Roxas, et l’état de la planète. Si ce dernier point pouvait être difficile à évaluer sur le moment-même, la Générale avait tout de même admis qu’il ne faisait aucun doute pour sa faction que le monde était au bord de l’extinction. Quant aux deux premiers, en admettant même que le champion de la lumière arrive à temps, suite à son combat contre la Dame Bernkastel, combat qu’il lui fallait déjà gagner… Il était tout aussi important qu’il arrive suffisamment en forme pour un affrontement aussi monumental et éreintant que la nuit de Swain ou l’attaque de la Coalition noire sur la citadelle. En bref, il ne fallait pas réfléchir longtemps pour se rendre compte que sans l’aide de Roxas, la Maître Aqua avait très peu de chances d’arriver à ses fins, et que l’aide de Roxas était un atout à imaginer au conditionnel.


« Et depuis… Roxas a disparu. » conclut-elle, se fiant à des commérages, toutefois confirmés par la dernière révélation de son interlocutrice. Il était difficile d’imaginer la Lumière sans son meilleur atout martial, mais il était tout aussi difficile de la penser se traînant encore et encore le fardeau de son héros. Quoique l’on pensât, il était utile de se rappeler qu’il était la cause avancée par le Consulat pour déclarer la guerre à la Lumière. Et à présent, le Jardin Radieux ne serait plus seul à douter de la valeur ou des compétences de cet élu.

« Merci, Générale. » dit Lulu en se levant, alors que la peluche, d’un saut, se réceptionna sur son bras. « Vous êtes occupée et je ne veux pas prendre davantage de votre temps. » Elle serra la main de la jeune femme et hocha la tête. « Je vous enverrai une copie de mon papier quelques jours avant de le publier, pour que vous ne soyez pas prise au dépourvu. »

La sorcière se retourna et quitta la pièce, pour se retrouver dans un couloir où un garde l’attendait pour la conduire jusqu’à la station gummi.
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