Le soleil, il était devenu noir mais pointait toujours vers le crépuscule.
Dorénavant, les battements se taisaient alors qu’il vacillait en arrière pour s’asseoir et s’appuyer contre un mur ou quelque chose de semblable. Il était revenu. Il n’en croyait pas ses yeux. Fébrilement, il guidait sa main vers son front, essuyant la sueur alors qu’il n’avait toujours pas cligné des yeux.
- C’est pas… Il recommençait à respirer, difficilement. Qu’est-ce que c’est que cette merde !
Il amenait alors sa main aux oreilles, le son sourd d’une cloche résonnait à ses tympans. Un sursaut de peur. Il voulait bouger son bras infirme, le faisant grimacer alors qu’un deuxième coup retentit pour ne s’arrêter qu’au dixième. Le traumatisme passé, il décollait sa main de ses oreilles pour lever le regard vers le ciel. Oui, où pouvait-il d’autre. La pointe du sommet du clocher de la cité du crépuscule le dominait de toute sa hauteur.
Kurt venait de rentrer chez lui, dans le monde l’ayant vue venir à la vie.
- Pourquoi… Il murmurait à lui-même, se redressant difficilement pour s’approcher de la rambarde et fixer la ville en contrebas. Que… Les mots lui manquaient.
D’un geste lent, sa main se glissait dans l’intérieur de sa veste pour en sortir son paquet de cigarettes. Tenant le paquet dans la paume, il usait de son pouce pour l’ouvrir et amener un filtre à sa bouche et profiter ainsi du tabac. La fumée s’élevait, d’abord lentement jusqu’à être emporté par le vent. Il était bien ici, il n’y avait plus aucun doute de permis.
L’air battant son visage, les odeurs qui lui montaient au nez, cette sensation unique qu’il avait en fixant le soleil. Des sensations enfouies dans le plus profond de ses souvenirs. Tout venait de ressurgir.
Impossible. Kurt se répétait ce mot encore et encore jusqu’à ce qu’il rentre dans le clocher et descende les marches une à une. Il était à port-royal et l’instant d’après ? Il se retrouvait au sommet de sa ville natale à observer le paysage. Non. C’était absurde, fantastique, inattendu. Il s’arrêtait au milieu de sa marche. Si tout cela n’était qu’un rêve ? Il repensait à l’image de Lenore, à cette ombre lui ressemblait et au spectre de Surkesh. En une année, il avait tant vécu que cette image lui semblait presque fausse.
Il baissait son regard, observant les lourdes portes menant au clocher. Il fallait qu’il découvre pourquoi. Il devait savoir.
Toujours le bras en écharpe, il poussait les lourdes portes jusqu’à se retrouver dans la rue. Un lampadaire sur sa droite, il n’en avait jamais vu de semblable ailleurs. Tel un gosse, il s’émerveillait devant la simplicité de cette lumière pourtant si froid. Il regardait maintenant ses pieds. Oui. C’était le pavé qu’il avait tant foulé étant gamin. La ville lui avait manqué à ce point ? Il l’ignorait. Il se laissait simplement guider par l’émerveillement, la sensation qu’il n’avait pas eu en arrivant dans cette ville en tant que SOLDAT lors d’une mission.
- Vous là, plus un geste. Kurt se retournait, une troupe d’hommes avec l’arme au poing. Vos mains, j’veux les voir.
Il se retournait alors, guidant sa main gauche à proximité de sa tête pendant que la seconde restait figée dans son attelle de fortune.
- C’est pas possible, encore un manchot ? Un autre homme venait de prendre la parole. Il se passe quoi, il y a un festival dans la ville !? Il rigolait alors, rejoint par un autre homme. Qui êtes-vous ?
- Kurt… Kurt Brown. Il répondait à la question, inutile de provoquer un incident.
- Qu’est-ce qu’il fout ici ? Le premier reprenait la parole, s’approchant pour entamer une fouille.
- Je… Il réfléchissait à toute vitesse. Rien, j’allais à la gare et je voulais rejoindre ensuite la place des fêtes pour...
- Il n’y a pas de spectacle aujourd’hui. Il rangeait son arme. Les gars, un oeil sur lui.
L’homme commençait alors une fouille, posant ses mains sur chaque endroit susceptible de détenir quelque chose. Progressivement, les poches du Turk se vidaient pour que ce soit les mains du garde qui se remplissait. Pistolet, paquet de clopes, briquet, la prime du dernier contrat ainsi que le contrat et les clés de sa chambre au fort.
- La place des fêtes… Il allongeait volontairement les dernières syllabes. Tu nous prends pour des idiots ?
- Non. Toujours la main en l’air, Kurt ne disait rien de plus, observant les gardes à tour de rôle. Pourquoi, je devrais ?
- Un comique. Il se retournait. On le ramène, ce type est louche ! Il fixait de nouveau le prisonnier. Tu ouvres la gueule, tu te retrouves avec la crosse de mon fusil enfoncé dans tes gencives. Compris ?
Silencieux, le traître hochait la tête pour dire qu’il avait bien compris les consignes. Ainsi, la nostalgie du retour en ville venait de laisser place à une escorte armée.
Dernière édition par Cypher le Mer 12 Fév 2020 - 15:30, édité 1 fois