Je crois... que je tiens. Je crois que c'est tenable. C'pas non plus l'truc le plus agréable du monde, mais... ça me dérange plus. 'fin j'sais pas comment te dire. C'est bizarre.

Belle avait sa main posé sur mon torse, près de mon cœur. Il était quinze heures, et comme chaque jour on essayait d'me guérir de c'te merde qui m'habitait. Au début, c'était une galère sans nom. Rien qu'd'être à côté, j'te jure ça m'cassait les couilles. J'ressentais rien de particulier, mais ça m'agaçait de ouf. J'voulais m'barrer, pas la croiser ni rien du tout. Alors quand elle me touchait.... j'te jure que c'était vénère. J'avais l'impression de cuire de l'intérieur, mon cœur me serrait, des fois même j'avais l'impression qu'il convulsait à l'intérieur.

Si tu t'demandes c'que j'foutais depuis tout ce temps... bah t'as ta réponse. J'me « soignais », à la dure. J'compte plus les fois où j'ai failli lui mettre un pain, plus par reflexe qu'autre chose. Ces derniers mois, j'ai souvent pensé à laisser tomber. J'avais l'impression de pas pouvoir revenir, que c'était mort. Non, j'te jure ça fait un peu fiotte dit comme ça, mais si tu l'vis pas tu peux difficilement piger c'que j'raconte. J'me disais que tant pis, c'était l'prix à payer, que j'pourrais vivre avec. Riku avait réussi à les accepter les siennes, donc j'pouvais faire pareil.

Mais j'avais réussi. Après cent ans de galère, j'avais réussi à plus ou moins me guérir de cette saloperie. Mais c'était clairement pas grâce à moi. C'était grâce à Jecht, tout d'abord qui m'avait bien sorti de l'impasse, et puis aussi grâce à Belle et à Alice finalement, qui avaient fait le plus gros du travail.

Je discutais un peu avec Belle. J'me prennais le même sermon que tout les jours presque. Fallait pas croire qu'avec le temps ça s'était arrangé. J'avais pété un monde, le monde d'une de ses potes en plus. Non, clairement elle me kiffait pas des masses. Nos interactions étaient toujours assez tendax. Comprendre : je fermais ma gueule et j'disais amen à c'qu'em' disait, attendant juste la cure et priant pour pas qu'elle me bute. Bref, elle me disait que j'avais fait des progrès. Qu'elle m'avait aidé du mieux qu'elle le pouvait et que maintenant c'était à moi et moi seul de me reprendre en main. J'me frottais l'arrière du crane, j'pigeais pas tout.

En fait, elle pouvait pas annihiler mes ténèbres, elle... les avait juste repoussées sur le seuil de la porte s'tu veux. Elle pouvait pas aller plus loin, c'était mon cœur pas le sien quoi. Alors, c'était un peu comme la nouvelle année, j'commençais déjà à prendre des bonnes résolutions alors que j'étais même pas encore parti. J'me sentais plein de bonne volonté. J'allais arrêter d'me foutre sur la gueule avec le premier connard venu, j'allais arrêter de buter des gens, j'allais essayer de préserver mon cœur en fait.

Et puis, retour à la réalité j'pouvais pas me ranger. J'pouvais pas m'acheter un ranch et traire des vaches. Déjà parce que ça allait me casser les couilles au bout d'un quart d'heure, et surtout parce que... j'étais moi. J'm'étais pas fait rafistoler pour remplir le monde de fleurs. Et même si j'avais voulu tout arrêter, j'pouvais pas les planter. Putain c'était compliqué.

En attendant... tout l'monde me croyait mort dehors. C'était pas plus mal si tu voulais mon avis. Personne pour m'faire chier, personne à qui rendre des comptes... J'sais pas si la Lumière m'avait déclaré mort ou disparu. J'sais pas si y'm'cherchaient ou s'ils s'en battaient les couilles ; s'ils voulaient me coffrer ou m'interroger.

C'est à ce moment où j'pensais enfin m'sentir tranquille qu'un nouvel acte commençait. S'reposer c'était sûrement pour les autres, c'est dingue. A peu de choses près, j'aurai pu regretter le temps de l'orga.

J'ai remercié Belle, j'ai rassemblé les quelques affaires que j'avais, j'les ai fourrées dans un sac et j'me suis tiré, la capuche de mon sweat sur la tête. Pour l'instant, mieux valait éviter qui que ce soit, ami comme ennemi.