« La liberté, ça se prend au vol, comme un baiser… C’est bien ce que tu as dit, non ? » Chuchota-t-il en approchant de ses lèvres.
Puis sa main glissa vers son menton avant de lui échapper, de quitter sa peau ne laissant qu’une sensation fantôme.
« Je dois reprendre ma liberté. »
Le choc émotionnel fit ouvrir d’un coup les yeux de la mercenaire. Le visage de cet homme souriant disparaissait déjà en lui tournant le dos.
« Non ! » La rousse tendait la main vers lui mais il n’était déjà plus qu’un rêve. Ne laissant que la cellule dans laquelle elle était enfermée dans le manoir de la Coalition Noire, sous les ordres de Death.
Son souffle était court. Encore un cauchemar de plus. La tête lui tournait, envahit par la sensation enivrante de la chaleur et de la douceur que ses souvenirs chérissaient précieusement et celle de son absence, déprimante, comme un vide. L’air lui était difficile à respirer, vicié de tant de jours enfermés. Les murs tanguaient, se rapprochant indéfiniment comme une menace perpétuelle sans oser s’effondrer. Elle en arrivait à espérer qu’ils lui tombent sur le dos pour enfin révéler ce qu’il y avait au-delà.
« Je dois reprendre ma liberté... » Murmura-t-elle faiblement alors que la phrase tourna en écho dans sa tête. Qu’aurait-il fait de plus qu’elle ? Elle l’imaginait encore et encore. Sa naïveté avec les filles. Son efficacité en combat. La douceur de ses mots. La dureté de ses choix. Allant toujours de l’avant.
L’odeur de la cigarette commençait à lui manquer. Elle se leva de sa couchette en s’étirant le dos à le faire craquer.
« J’suis trop vieux pour ces conneries. » dirait-il.
Elle s’étira encore un peu en s’approchant de la grille. Bougea la tête de droite à gauche pour détendre ses cervicales. Pieds écartés stables. Mains ouvertes pour amasser sa magie en se concentrant.
« Perdre pied. Se laisser noyer… »
Elle senti la magie s’accumuler le long de ses bras, de ses mains, de ses doigts. Frottant ses mains les unes contre les autres, elle réunissait assez de magie dans ses paumes avant de les imposer sur le verrou de la grille, afin que la rouille recouvre le métal. Quelques secondes suffirent pour que la teinte caractéristique se révèle.
Elle fit un pas en arrière et avec l’élan le lui permettant, déploya un violent coup de pied pour faire sauter la serrure qui céda. Un sourire habilla enfin son visage alors qu’elle ouvrit la porte de sa cellule. C’était grisant de sentir cette puissance dans ses veines. Rien ne pouvait plus l’arrêter.
Elle répéta l’action devant la grille enfermant le sultan, faisant sursauter celui-ci.
« Qu’est-ce que vous faites ? » S’alarma Jasmine avant que le calme ne lui revienne en voyant la même manipulation sur le verrou de sa propre porte.
- C’est pourtant évident Princesse. Vous me suivez docilement et nous allons rejoindre mes gars pour un petit séjour à nos côtés.» Dirait- il avec son sourire le plus engageant avant d’arriver devant la cellule d’Aurore.
- Mais vous êtes folle ! Vous allez nous causer des ennuis ! » Enchérit cette dernière, visiblement peu enclin à quitter la future liberté qui lui était promise.
- Alors toi, tu fermes bien vite ta gueule. Répondrait le médecin en l’extirpant par le bras de sa cage dorée. Ils ne nous ont pas encore remarquées, alors tu restes bien sage et tu me laisses deux minutes pour te sortir de là. Compris ?
Les autres prisonniers, eux, n’avaient aucun intérêt. A peine étaient-ils conscient de leur environnement et malgré les suppliques de Jasmine, c’est vers la porte d’accès que la mercenaire se dirigea, porte qui s’ouvrit en grand devant un garde étonné à peine l’espace de quelques secondes.
Il fallait agir vite. Le garde prit son fusil en inspirant rapidement pour hurler. La mercenaire n’attendit pas qu’il termine de se positionner pour attraper l’arme et l’attirer vers elle au corps à corps. Passant ainsi sur son flanc, elle lui asséna un coup propre et violent dans la trachée de la tranche de la main. La voix coupé, le soldat ne s’effondra pourtant pas, le coup ne fut pas aussi puissant qu’attendu. Cependant il eut la présence d’esprit de repousser de l’épaule la prisonnière.
Celle-ci tituba en arrière, sentant ses forces lui échapper. Elle se sentit plus petite, plus légère, plus faible. Plus ... femme. Elle avait cette réalisation étrange de s’être comportée différemment un instant.
Le garde comptait profiter de ce moment de relâchement pour lui asséner un coup de crosse sur le crâne et mettre immédiatement fin à cette mutinerie. Le cri instinctif de Jasmine l’alarma à temps. Lenore, la vrai Lenore, se déploya comme un fauve en se propulsant sur l’ennemi.
Le combat se poursuivit au sol, il tenta de la maîtriser, son poing frappant de façon répétée dans les côtes, qu’elle désamorça en projetant son crâne dans la mâchoire de son opposant. La douleur résonna dans son crâne, comme dans un étau. Tous deux étaient furieux et pouvaient enfin lâcher la bride à la violence qui étouffait leur cœur. Mais l’un des deux faiblissait, l’énergie, la vie, sapé par une lame noire que la rousse avait insidieusement glissé sous l’uniforme. La fatigue, l’incompréhension dans son regard remplissaient la mercenaire d’une énergie renouvelée, d’une joie, d’un plaisir qu’elle semblait n’avoir plus goûté depuis longtemps.
Elle le frappait au visage, encore et encore alors qu’il n’avait plus la force de se protéger de ses bras, alors qu’il était évanoui.
Elle aurait certainement continué ainsi à s’en rougir la main si un coup de botte ne l’avait pas fait rouler plus loin. Un autre garde qu’elle pris pour cible aussitôt sur ses appuis, malgré la lame qu’il avait sorti. Ils ne pouvaient pas lui tirer dessus, elle en était convaincue, et c’était à son avantage.
Elle esquiva de justesse le mouvement ample qu’il fit pour couper son élan. Elle, au contraire changea de pied d’appui pour ne pas le perdre, utilisant cette force pour sauter au-dessus de son bras et finir aussi lourdement que possible, genoux en avant, sur son épaule. Il s’affaissa sous le poids soudain, dos contre le mur derrière lui, la saisissant par les haillons pour la jeter au sol. Plus que le choc contre la pierre, ce fut une vive douleur irradiant dans son dos qui lui arracha un cri. Le garde n’ayant pas raté l’occasion pour lui donner un coup de pied dans les reins. Elle se retourna vivement et s’enroula autour de cette botte en position fœtale faisant tituber l’agresseur. Elle se hissa le long de la jambe pour aller saisir l’arme de poing dans son étui maintenu à la cuisse. Elle désengagea la sécurité avant de braquer le pistolet vers le garde qui se figea.
Les deux respiraient difficilement après un combat violent mais court. L’étincelle de haine et de mépris qu’elle voyait dans ses yeux ne dura qu’une seconde. Elle n’avait aucune consigne, elle. Avec un sourire en coin, elle baissa le canon de l’arme. Il reprit son souffle. Le coup de feu retentit.
Lenore se releva en laissant le garde agoniser et se vider de son sang alors qu’elle lui avait tiré dans les parties avec une trajectoire ascendante. Elle n’eut pas un regard pour les deux princesses et le sultan, pétrifiés d’effroi, qui se serraient les uns les autres dans les bras. Elle récupéra sa précieuse lame noire sur le garde évanoui et commença à le déshabiller avec difficulté.
Elle retira d’un geste son haillon sans pudeur afin de se revêtir de la tenue du garde. Le pantalon de jean trop grand, son maillot poisseux encore humide, la veste de cuir ample et les gants, ceintures et bottes. Elle sentit de nouveau la chaleur et le réconfort du tissu sur sa peau, savourant cette sensation en raccourcissant d’ourlet les manches et jambes de pantalon. C’était si agréable de se sentir à nouveau une personne. Elle se frotta le visage avec le repli du tissu à son poignet, retirant au maximum de crasse et de sang séché afin de paraître correcte dans son nouveau rôle.
« Prenez leurs armes. » Ordonna-t-elle au groupe en fixant le pistolet et son étui à sa cuisse.
Ils ne bougèrent pas. Elle leva un regard étonné vers eux et croisa leur effroi, lui faisant pousser un soupir las.
- On a pas beaucoup de temps. Que vous le vouliez ou non, vous venez avec moi. Pis merde, je vous libère là oh ! Réveillez-vous ! »
- J’étais libre… » Fit Aurore avec des trémolos dans la voix.
- T’aurais vendu ton monde et tous les tiens à Death contre ta liberté, Boucle-d’Or, jusqu’à ce qu’il pète un plomb et vous tue tous comme pour Cendrillon. Répondit Lenore en ramassant le couteau du soldat en train de mourir exsangue et le passer dans sa ceinture. Là tu seras libre tout court. Et les deux autres aussi. Elle avança vers eux en agitant son pistolet pour les motiver à avancer vers la porte. Moi, j’en ai rien à foutre de vous. Je fais ça que pour l’emmerder LUI, alors profitez-en. Accessoirement, elles pourraient toujours servir de monnaie d’échange ou de bouclier si besoin, pensa-t-elle. Vous irez tous prendre le thé tous ensemble au Domaine Enchanté après ça grâce à moi. Sans rien ne devoir à personne. Insista-t-elle.
Elle les fit s’arrêter devant la porte des cellules, vérifiant malgré tout l’absence de gardes noirs avant de guider le groupe peu rassuré dans les couloirs. Elle gardait en main le pistolet au cas où. Au sol, une trainée légère de sang comme autant de petits cailloux blancs la guidait. Le sang de Naran, emmenée par des membres de la Coalition Noire, pour une raison et un endroit inconnu. Si elle pouvait au moins la retrouver…
Dernière édition par Lenore le Ven 28 Sep 2018 - 22:50, édité 1 fois