Cela ne faisait pas bien longtemps que j'étais devenu exécutant. Pour ainsi dire, je ne connaissais pas encore bien les lieux. J'allais et venais régulièrement entre le manoir abandonné et les rues de la cité du crépuscule, profitant du temps libre que j'avais sans ordres afin d'observer discrètement les autres membres de la Coalition. Ce qui m'interpellait particulièrement, c'était la garde noire. Elle allait et venait, patrouillant dans les moindres recoins du monde, toujours avec le même sérieux malgré que les actes rebelles semblaient en baisse. Certains étaient en équipe, d'autres travaillaient seuls, mais les habitants étaient surveillés d'un œil attentif. J'en avais moi-même fait les frais lors de mon arrivée encore récente dans ce monde : je n'avais pu tourmenter qu'une poignée d'habitants, tantôt choisissant d'acquérir leur confiance avant de les quitter froidement en balançant un de leurs secrets aux premiers venus, tantôt en torturant l'un d'eux pour lui extirper des informations de force concernant la coalition... Et c'était ainsi que j'avais été repéré.
Et chaque garde noir que je croisais lors de leurs patrouilles jusqu'alors m'avaient toujours jeté un œil suspicieux. Je m'étais fait énormément remarquer. Cela pouvait m'être certainement profitable tout comme c'était aussi un problème. Je voulais qu'on me reconnaisse pour que je puisse me faire quelques relations que je pourrais utiliser pour glaner quelques informations... Mais le fait que tout le monde soit sur la défensive rendait la tâche difficile. Même une seule personne dont je puisse soutirer des renseignements me suffirait. Et là, devant la gare centrale, j'aperçus une personne différente. Un homme vêtu d'un uniforme militaire, arborant fièrement une grosse moustache blonde, le crâne chauve et surtout... Plus de 2 mètres de haut et des gros muscles ! Ce type avait une carrure surprenante. Près de lui, une vieille dame qui semblait avoir fait tomber le contenu d'un sac entier au sol.
Des petits carnets, un porte-monnaie, deux trousses, une pochette, des clés et un téléphone portable qu'il ramassa et remit à la femme avec une expression bienveillante. La femme le remercia ensuite et s'en alla sans remarquer ma présence, peut-être à cause de problèmes de vue. L'homme en revanche me remarqua bien, me fixant en esquissant un sourire et prenant une posture un peu gênée et humble. Je ne comprenais pas. Pourquoi perdait-il son temps à aider un être périmé ? Pourquoi ne semblait-il pas effrayé par moi ? Ne me connaissait-il pas ?
- Bonjour, que puis-je pour vous ?
Il échangeait même des politesses. Bon, j'allais devoir adopter le même ton qu'avec un citadin. Un ton que je n'appréciais guère, des mots qui sonnent bien faux provenant d'une personne telle que moi. Mais je devais endosser le masque approprié pour les personnes que je rencontrais. Là, parler tel un homme dénué d'ambition et de mauvaises intentions était le plus approprié de manière certaine.
- Bonjour, je m'appelle Kuro. Vous êtes... ?
- Caporal Bach de la garde noire, répondit-il en tenant fièrement l'une de ses moustaches.
Là, j'allais devoir être habile dans mon discours. Étant un de mes "camarades", il n'aurait aucune difficulté à découvrir qui j'étais si je lui inventais un mensonge. J'allais donc devoir lui dire une partie de la vérité. Je devais évoquer le meurtre de son collègue ainsi que la séance de torture et ce, en tentant de renvoyer une image positive de moi. Cela s'annonçait ardu. Pourquoi fallait-il que le seul qui soit réellement disposé à m'adresser la parole soit une personne à bonnes intentions ?
- Je suis un nouvel exécutant, je repris mon souffle un instant, hésitant une dernière fois, pour me faire remarquer, j'ai tué un garde noir et j'ai rejoint ensuite les rangs du groupe.
Je marquais une pause. Je fis de mon mieux, regardant autour de moi, feignant la méfiance, la peur et l'anxiété. Pour montrer davantage d'anxiété, je me rongeai un peu un ongle puis je grimaçai, tentant de montrer un peu de dégoût par rapport à mes actions... Alors que j'en étais fier et qu'il était pour moi plaisant d'en parler, surtout à ce Bach qui semblait empli de bonté.
- J'ai du le torturer de façon sévère. Je devais le faire. Il fallait que je me montre impitoyable afin qu'on n'ose pas se confronter à moi. J'ai encore l'impression d'avoir son sang sur les mains, c'est... Je ne voudrais plus avoir à refaire ça, mais je le devrai sûrement.
Le caporal sembla ému par mes paroles. Cet idiot avait tout gobé, il ne semblait même pas se poser de questions alors qu'il y aurait matière à en poser de nombreuses. Par exemple, la plus évidente, pourquoi diable j'aurais pu rejoindre la Coalition en ayant peur d'avoir du sang sur les mains ? Pourquoi les autres membres m'effraieraient ? Quelles seraient mes motivations au sein du groupe ? Je pouvais par ailleurs lui en renvoyer plusieurs à la figure si je le souhaitais mais cela ne ferait que me rendre suspicieux.
- Je compatis, cela a dû être une dure épreuve de te contraindre à agir de façon si cruelle... Ces barbares seraient prêts à n'importe quoi pour dominer alors que tous les problèmes pourraient se résoudre pacifiquement. Et donc, que puis-je pour toi, Kuro ?
- Une information. Malheureusement, cela m'étonnerait que tu puisses me répondre maintenant : comment s'appelait-il ? Je veux essayer de soutenir ses proches, même ne serait-ce qu'un peu dans cette épreuve.
- Je ne sais pas encore. Peut-être pourrais-tu revenir demain ? Je patrouille régulièrement dans le secteur.
J’acquiesçai puis nous nous échangeâmes un dernier regard avant qu'il me quitte, devant continuer sa patrouille. Moi ? Cela me semblait évident. Je devais le suivre. Il me fallait une information, n'importe laquelle que je pourrais employer contre lui. Il avait certainement une faiblesse et j'avais bien décidé de la découvrir. Dans un premier temps, il fit route vers le centre-ville. Il salua brièvement chaque personne sur son passage, échangea quelques politesses avec des commerçants... Et aida même une petite fille dont le chat s'était égaré on ne savait comment en altitude.
Après avoir fait le tour du centre-ville, il parcourut ruelle après ruelle, scrutant attentivement chaque coin à la fois pour éviter les actes les plus téméraires et aides les personnes dans le besoin. Cela me dégoûtait, mais plus que tout, j'étais dans l'incompréhension. L'incompréhension de ces actes désintéressés. Et là soudainement, je le perdis de vue à l'angle d'une ruelle. Il faisait trop sombre. Le manque de lumière dans les ruelles et la pénombre permanente de ce monde n'aidaient pas à suivre quelqu'un discrètement de loin. Malheureusement, je devrais rentrer bredouille pour cette fois. J'aurais bien des occasions de percer ses secrets à l'avenir.
Et chaque garde noir que je croisais lors de leurs patrouilles jusqu'alors m'avaient toujours jeté un œil suspicieux. Je m'étais fait énormément remarquer. Cela pouvait m'être certainement profitable tout comme c'était aussi un problème. Je voulais qu'on me reconnaisse pour que je puisse me faire quelques relations que je pourrais utiliser pour glaner quelques informations... Mais le fait que tout le monde soit sur la défensive rendait la tâche difficile. Même une seule personne dont je puisse soutirer des renseignements me suffirait. Et là, devant la gare centrale, j'aperçus une personne différente. Un homme vêtu d'un uniforme militaire, arborant fièrement une grosse moustache blonde, le crâne chauve et surtout... Plus de 2 mètres de haut et des gros muscles ! Ce type avait une carrure surprenante. Près de lui, une vieille dame qui semblait avoir fait tomber le contenu d'un sac entier au sol.
Des petits carnets, un porte-monnaie, deux trousses, une pochette, des clés et un téléphone portable qu'il ramassa et remit à la femme avec une expression bienveillante. La femme le remercia ensuite et s'en alla sans remarquer ma présence, peut-être à cause de problèmes de vue. L'homme en revanche me remarqua bien, me fixant en esquissant un sourire et prenant une posture un peu gênée et humble. Je ne comprenais pas. Pourquoi perdait-il son temps à aider un être périmé ? Pourquoi ne semblait-il pas effrayé par moi ? Ne me connaissait-il pas ?
- Bonjour, que puis-je pour vous ?
Il échangeait même des politesses. Bon, j'allais devoir adopter le même ton qu'avec un citadin. Un ton que je n'appréciais guère, des mots qui sonnent bien faux provenant d'une personne telle que moi. Mais je devais endosser le masque approprié pour les personnes que je rencontrais. Là, parler tel un homme dénué d'ambition et de mauvaises intentions était le plus approprié de manière certaine.
- Bonjour, je m'appelle Kuro. Vous êtes... ?
- Caporal Bach de la garde noire, répondit-il en tenant fièrement l'une de ses moustaches.
Là, j'allais devoir être habile dans mon discours. Étant un de mes "camarades", il n'aurait aucune difficulté à découvrir qui j'étais si je lui inventais un mensonge. J'allais donc devoir lui dire une partie de la vérité. Je devais évoquer le meurtre de son collègue ainsi que la séance de torture et ce, en tentant de renvoyer une image positive de moi. Cela s'annonçait ardu. Pourquoi fallait-il que le seul qui soit réellement disposé à m'adresser la parole soit une personne à bonnes intentions ?
- Je suis un nouvel exécutant, je repris mon souffle un instant, hésitant une dernière fois, pour me faire remarquer, j'ai tué un garde noir et j'ai rejoint ensuite les rangs du groupe.
Je marquais une pause. Je fis de mon mieux, regardant autour de moi, feignant la méfiance, la peur et l'anxiété. Pour montrer davantage d'anxiété, je me rongeai un peu un ongle puis je grimaçai, tentant de montrer un peu de dégoût par rapport à mes actions... Alors que j'en étais fier et qu'il était pour moi plaisant d'en parler, surtout à ce Bach qui semblait empli de bonté.
- J'ai du le torturer de façon sévère. Je devais le faire. Il fallait que je me montre impitoyable afin qu'on n'ose pas se confronter à moi. J'ai encore l'impression d'avoir son sang sur les mains, c'est... Je ne voudrais plus avoir à refaire ça, mais je le devrai sûrement.
Le caporal sembla ému par mes paroles. Cet idiot avait tout gobé, il ne semblait même pas se poser de questions alors qu'il y aurait matière à en poser de nombreuses. Par exemple, la plus évidente, pourquoi diable j'aurais pu rejoindre la Coalition en ayant peur d'avoir du sang sur les mains ? Pourquoi les autres membres m'effraieraient ? Quelles seraient mes motivations au sein du groupe ? Je pouvais par ailleurs lui en renvoyer plusieurs à la figure si je le souhaitais mais cela ne ferait que me rendre suspicieux.
- Je compatis, cela a dû être une dure épreuve de te contraindre à agir de façon si cruelle... Ces barbares seraient prêts à n'importe quoi pour dominer alors que tous les problèmes pourraient se résoudre pacifiquement. Et donc, que puis-je pour toi, Kuro ?
- Une information. Malheureusement, cela m'étonnerait que tu puisses me répondre maintenant : comment s'appelait-il ? Je veux essayer de soutenir ses proches, même ne serait-ce qu'un peu dans cette épreuve.
- Je ne sais pas encore. Peut-être pourrais-tu revenir demain ? Je patrouille régulièrement dans le secteur.
J’acquiesçai puis nous nous échangeâmes un dernier regard avant qu'il me quitte, devant continuer sa patrouille. Moi ? Cela me semblait évident. Je devais le suivre. Il me fallait une information, n'importe laquelle que je pourrais employer contre lui. Il avait certainement une faiblesse et j'avais bien décidé de la découvrir. Dans un premier temps, il fit route vers le centre-ville. Il salua brièvement chaque personne sur son passage, échangea quelques politesses avec des commerçants... Et aida même une petite fille dont le chat s'était égaré on ne savait comment en altitude.
Après avoir fait le tour du centre-ville, il parcourut ruelle après ruelle, scrutant attentivement chaque coin à la fois pour éviter les actes les plus téméraires et aides les personnes dans le besoin. Cela me dégoûtait, mais plus que tout, j'étais dans l'incompréhension. L'incompréhension de ces actes désintéressés. Et là soudainement, je le perdis de vue à l'angle d'une ruelle. Il faisait trop sombre. Le manque de lumière dans les ruelles et la pénombre permanente de ce monde n'aidaient pas à suivre quelqu'un discrètement de loin. Malheureusement, je devrais rentrer bredouille pour cette fois. J'aurais bien des occasions de percer ses secrets à l'avenir.