[MINI-SERIE]
L’hôtel où séjournaient Ian et Alice se trouvait dans un quartier animé de la ville. Là, juste sous leurs fenêtres, passaient mille visages d’ailleurs comme d’ici. Mais l’aspirant ne prit pas le temps d’apprécier la danse folle de cet après-midi. Il se tenait là, devant la porte de sa chambre. Son estomac restait noué d’une crainte. Une crainte qu’il tâchait d’attribuer au fait qu’il avait du mal à faire confiance aux autres. Sa mère l’avait laissé, son père lui avait menti maintes fois sur leur situation, on avait refusé d’aider sa famille lorsqu’elle avait été dans le besoin, les gens de son patelin étaient des faux-culs et ce à quoi il devait sa place au Sanctum… tout ça était fondé sur un mensonge. Un écran de fumée. Alors ce n’était pas nouveau. Ce n’était pas même la faute du prêtre qui lui avait offert sa place dans les ordres. Mais Ian avait du mal à ne pas douter des autres. Ca faisait partie de ce qu’il combattait. Ca, et le fait de réagir en s’emportant : quand il repensait avoir empoisonné les trois malheureux choux d’une vieille… le jeune homme soupira. C’était il y a deux ans mais… il espérait avoir grandi.
Il tourna la poignée, et poussa la porte.
« — ‘Soir Alice ! Alors, ta journée ?
- Ca a été… et toi ?
- Ca a été. »
Ian observa Alice. La robe en il-ne-savait-quoi rouge et blanche qu’elle avait achetée et qui lui tombait jusque sous les genoux, ses pieds nus qui allaient sur le carrelage... son gros sac resté sous le lit. L’aspirant se laissa tomber sur son matelas. Il attendait, le dos un peu vouté, ses coudes posés sur ses genoux. Son amie s’affairait dans leur salle de bain — à quoi il ne le savait pas. Lorsqu’il l’entendit revenir vers lui, il se redressa. Il ne fallait pas qu’il fasse de mauvaises présomptions après tout. « Je pensais qu’on pourrait repartir dans trois heures à peu près ? Ca t’irais ? »
Ah. Pourquoi elle laissait s’installer ce petit flottement ?
« — Ian… dis Ian j'peux te parler un peu ?
- Bien sûr tu peux. Qu’est-ce que t’as ? »
Elle s’assit sur le lit en face de lui.
« — Je crois qu’j’veux rester, dit-elle d'une petite voix.
- Pourquoi ? »
Merde. Il était pas censé demander ça de façon si abrupte.
« — Ca fait longtemps que j’y réfléchis. Y’a… pas grand-chose pour moi encore au Domaine. Je veux pas r'tourner à Mornevie et à la Citadelle j’ai l’impression que j’ferai rien… rien d’ma vie tu vois ? J’ai aidé un peu M’dame Mons. Puis j’ai essayé de travailler aussi. Mais… j’me dis, tu vois… si j’apprends la magie je pourrai faire des choses bien.
- Donc tu veux rejoindre le Consulat.
- C’est pas… c’est pas vraiment ça. J’veux aller à l’Académie, ça veut pas dire que j’rentrerai pas après.
- T’es au courant qu’on part en guerre ?! »
Merde. Il était pas censé hausser le ton. Alice détourna le regard.
« — … oui, souffla-t-elle. Ian se sentait perdre pied. Qu’est-ce qu’il était en train de lui faire ?
- J’suis désolé Alice. J’reviens… j’voulais pas m’énerver. »
Merde ! Il était pas censé s’en aller comme ça. Attend ! Arrête de te lever ! Mais qu’est-ce que tu fous à aller vers cette porte ? Oh, Ian ? Ian !
Dis Ian, tu sais comment ça va finir ? Dis Ian, tu le sais ? Ian. Tu es en train de perdre une amie.
Il claqua la porte derrière lui.
Mais pourquoi avait-il réagi comme ça ? Il se sentait stupide. Alice. Alice Arsenault. Evidemment, elle ne voulait pas rester au Domaine. Qu’est-ce qu’elle y avait après tout ? Un père difficile ? C’était bien un euphémisme ça. Une vie de misère ? La peur de pas maîtriser son Feu ? Parce que tu l’as déjà vue avoir un souci avec sa magie, en personne ? Mais qui était-il pour se poser cette question ? Pour en douter ? Ian marchait sans vraiment regarder devant lui. Il aurait tellement voulu ne pas s’être demandé pourquoi elle avait pris un bagage si imposant. Pourquoi elle avait… Elle est en train de te trahir.
L’aspirant s’arrête pour reprendre son souffle. Que faire ? Que dire ? Ce n’est pas comme s’il a le droit de l’encourager, si ? Ian… Ian tu sais comment ça va se finir ? Dis Ian, tu le sais ? Dans le sang et les larmes, sur un monde en ruines. Mais, pourquoi tu vas t’imaginer ça, tout de suite ? Pourquoi tu penses au drame ? Gars, t’es vraiment, vraiment déprimant aujourd’hui. Comment peut-il réagir, hein ? Comment a-t-il le droit de réagir ? Est-ce qu’il en fait trop ? Non, il n’en fait pas trop. Elle vient du même endroit que lui, elle est son amie. Pourquoi doit-elle choisir d’aller à l’Académie maintenant ? Il revoit les entraînements des templiers et des paladins.
L’odeur des fleurs.
Le jeune homme relève la tête. Le soleil descend tranquillement sur le Jardin Radieux, et la place sur laquelle il arrive se laisse étreindre par cette ambiance de fin de journée d’Eté. Le Jardin Radieux.
Ses rues lumineuses, ses passants.
Son marché aux fleurs.
Ian se laisse choir sur un banc, pensif. L’eau de la fontaine transportée par une douce brise lui apporte un peu de fraîcheur.
Un beau monde, se dit-il.
Elle le pense aussi. Elle choisit l’ennemi plutôt que votre monde. Alors Ian, quoi maintenant ? Eh bien maintenant, il réfléchit. Alice. Quand elle avait débarqué devant sa porte à la Citadelle, il n’avait pas trop compris. Après tout, ils n’étaient pas amis à cette époque. Ils avaient erré dans le château afin de laisser un message au Sire Valeri. Et puis à partir de là ils s’étaient vus, parfois. Puis plus souvent. Il l’avait laissé voir son côté taquin et mauvais perdant. Celui qu’il n’aimait pas montrer à son instructeur. Celui qu’il avait clairement affiché au retour parmi les vivants de M’sieur Agon… Tu es con. Mais qu’est-ce que tu es con !
Sans un mot l’aspirant se relève, et avance vers les étals. Il erre. Il entend le bruit d’un rire, et la voix amère d’une vieille dame en plein marchandage. Sans qu’il sache trop pourquoi, il se sent calme là d’un coup.
Et il trouve ce qu’il cherche.
Il tourna la poignée, et poussa la porte.
« — ‘Soir Alice ! Alors, ta journée ?
- Ca a été… et toi ?
- Ca a été. »
Ian observa Alice. La robe en il-ne-savait-quoi rouge et blanche qu’elle avait achetée et qui lui tombait jusque sous les genoux, ses pieds nus qui allaient sur le carrelage... son gros sac resté sous le lit. L’aspirant se laissa tomber sur son matelas. Il attendait, le dos un peu vouté, ses coudes posés sur ses genoux. Son amie s’affairait dans leur salle de bain — à quoi il ne le savait pas. Lorsqu’il l’entendit revenir vers lui, il se redressa. Il ne fallait pas qu’il fasse de mauvaises présomptions après tout. « Je pensais qu’on pourrait repartir dans trois heures à peu près ? Ca t’irais ? »
Ah. Pourquoi elle laissait s’installer ce petit flottement ?
« — Ian… dis Ian j'peux te parler un peu ?
- Bien sûr tu peux. Qu’est-ce que t’as ? »
Elle s’assit sur le lit en face de lui.
« — Je crois qu’j’veux rester, dit-elle d'une petite voix.
- Pourquoi ? »
Merde. Il était pas censé demander ça de façon si abrupte.
« — Ca fait longtemps que j’y réfléchis. Y’a… pas grand-chose pour moi encore au Domaine. Je veux pas r'tourner à Mornevie et à la Citadelle j’ai l’impression que j’ferai rien… rien d’ma vie tu vois ? J’ai aidé un peu M’dame Mons. Puis j’ai essayé de travailler aussi. Mais… j’me dis, tu vois… si j’apprends la magie je pourrai faire des choses bien.
- Donc tu veux rejoindre le Consulat.
- C’est pas… c’est pas vraiment ça. J’veux aller à l’Académie, ça veut pas dire que j’rentrerai pas après.
- T’es au courant qu’on part en guerre ?! »
Merde. Il était pas censé hausser le ton. Alice détourna le regard.
« — … oui, souffla-t-elle. Ian se sentait perdre pied. Qu’est-ce qu’il était en train de lui faire ?
- J’suis désolé Alice. J’reviens… j’voulais pas m’énerver. »
Merde ! Il était pas censé s’en aller comme ça. Attend ! Arrête de te lever ! Mais qu’est-ce que tu fous à aller vers cette porte ? Oh, Ian ? Ian !
Dis Ian, tu sais comment ça va finir ? Dis Ian, tu le sais ? Ian. Tu es en train de perdre une amie.
Il claqua la porte derrière lui.
Mais pourquoi avait-il réagi comme ça ? Il se sentait stupide. Alice. Alice Arsenault. Evidemment, elle ne voulait pas rester au Domaine. Qu’est-ce qu’elle y avait après tout ? Un père difficile ? C’était bien un euphémisme ça. Une vie de misère ? La peur de pas maîtriser son Feu ? Parce que tu l’as déjà vue avoir un souci avec sa magie, en personne ? Mais qui était-il pour se poser cette question ? Pour en douter ? Ian marchait sans vraiment regarder devant lui. Il aurait tellement voulu ne pas s’être demandé pourquoi elle avait pris un bagage si imposant. Pourquoi elle avait… Elle est en train de te trahir.
L’aspirant s’arrête pour reprendre son souffle. Que faire ? Que dire ? Ce n’est pas comme s’il a le droit de l’encourager, si ? Ian… Ian tu sais comment ça va se finir ? Dis Ian, tu le sais ? Dans le sang et les larmes, sur un monde en ruines. Mais, pourquoi tu vas t’imaginer ça, tout de suite ? Pourquoi tu penses au drame ? Gars, t’es vraiment, vraiment déprimant aujourd’hui. Comment peut-il réagir, hein ? Comment a-t-il le droit de réagir ? Est-ce qu’il en fait trop ? Non, il n’en fait pas trop. Elle vient du même endroit que lui, elle est son amie. Pourquoi doit-elle choisir d’aller à l’Académie maintenant ? Il revoit les entraînements des templiers et des paladins.
L’odeur des fleurs.
Le jeune homme relève la tête. Le soleil descend tranquillement sur le Jardin Radieux, et la place sur laquelle il arrive se laisse étreindre par cette ambiance de fin de journée d’Eté. Le Jardin Radieux.
Ses rues lumineuses, ses passants.
Son marché aux fleurs.
Ian se laisse choir sur un banc, pensif. L’eau de la fontaine transportée par une douce brise lui apporte un peu de fraîcheur.
Un beau monde, se dit-il.
Elle le pense aussi. Elle choisit l’ennemi plutôt que votre monde. Alors Ian, quoi maintenant ? Eh bien maintenant, il réfléchit. Alice. Quand elle avait débarqué devant sa porte à la Citadelle, il n’avait pas trop compris. Après tout, ils n’étaient pas amis à cette époque. Ils avaient erré dans le château afin de laisser un message au Sire Valeri. Et puis à partir de là ils s’étaient vus, parfois. Puis plus souvent. Il l’avait laissé voir son côté taquin et mauvais perdant. Celui qu’il n’aimait pas montrer à son instructeur. Celui qu’il avait clairement affiché au retour parmi les vivants de M’sieur Agon… Tu es con. Mais qu’est-ce que tu es con !
Sans un mot l’aspirant se relève, et avance vers les étals. Il erre. Il entend le bruit d’un rire, et la voix amère d’une vieille dame en plein marchandage. Sans qu’il sache trop pourquoi, il se sent calme là d’un coup.
Et il trouve ce qu’il cherche.