Sale histoire, bien glauque, comme la Coalition se plait à en collectionner. Tout commence avec ce pauvre batard, Booker Dewitt. Son histoire ne me concerne en rien et pourtant… le fait que ce fut un exécutant, comme moi, m'interpelle tout particulièrement. Les Gardes Noirs ne sont jamais seuls, vous n'en verrez que par paire de deux au minimum. Et quand bien même vous en voyez un seul, il ne l'est pas vraiment, une radio à portée de sa main pour appeller du renfort. Leurs actions sont organisés et groupés. Contrairement à nous autres, exécutants, qui sommes envoyés ici ou là en solitaire, livrés à nous-mêmes. Et quand bien même nous travaillons régulièrement avec des gardes noirs, nous restons étrangers à leurs yeux tout autant qu'ils le sont aux notres. A cause de ça, je me sens "proche" de Booker, quand bien même je ne le connais absoluement pas. Son histoire est la preuve que j'ai bien raison de constamment surveiller mes arrières. C'est bien connu que les exécutants vont et viennent. Certains meurent et d'autres disparaissent ; pour la différence que ça fait. Nous défilons par dizaines, quantités négligeables… pour que seul quelques survivants soient naturellement sélectionnés pour durer.

Ce qui… m'inquiète tout particulièrement dans cette histoire, c'est que Booker n'est pas mort au cours d'une mission. Quelqu'un est venu jusque dans son appartement pour lui laisser une surprise : le corps sans vie de sa fille assassinée. Après ça, le pauvre batard s'est suicidé. Je doute que sa gamine ait mérité un tel sort mais lui ? S'il fait le même boulot que moi, probablement l'a-t-il bien cherché. Vesper Earl elle-même, régente du Château de la Bête en personne, a traqué l'assassin de la petite et lui a réglé son compte. Récemment, j'ai capturé le commanditaire de l'assassinat dont la trace a été retrouver à San Fransokyo. Le truc, ici, c'est que le gars que j'ai ramené dans les geôles est impliqué dans une histoire de sérum. Un produit capable de transformer les gens en monstruosités.
Ce dont j'ai entendu parler sur ce sujet-là fait froid dans le dos… mais la Coalition Noire désire ce sérum. Après quelques tortures, notre invité à cracher quelques informations… mais on a pas pu obtenir la fameuse formule pour transformer les gens en monstre.

Le tortionnaire était en bonne route, pourtant. Il a hélas eu la main un peu lourde et… ça complique sérieusement ma mission. Le scientifique aura besoin de soins et de repos avant d'être interrogé de nouveau, il ne supporterait pas une nouvelle séance de torture si tôt. On a par contre appris des choses intéressantes en le mettant dans cet état. Déjà, on sait que la rébellion l'a financé et aidé dans son entreprise. On a aussi appris qu'il squattait à la Cité du Crépuscule avant de fuir à Port Royal pour finalement partir à San Fransokyo où je l'ai retrouvé avant qu'il ne déménage encore.

Là… ca devient un peu tordu. Après l'enquête de la Garde Noire, l'appartement de Booker a été débarrassé de son cadavre et celui de sa fille puis remis en vente. Un certain "Monsieur Maurice" a loué l'appartement et évidement, cette personne n'est autre que le commanditaire que j'ai attrapé. On suppose qu'il travaillait sur le sérum tout en fuyant les traqueurs de la Coalition. Y a intérêt pour mes fesses, en tout cas. Death veut à tout prix que notre alchimiste synthétise le sérum dans les plus brefs délais. Et c'est à moi de fournir à Salazar ce dont il a besoin pour se faire. Si je ne lui ramène pas la formule et la liste des composants dont il a besoin… alors je ne pourrais plus que lui fournir des cobayes. Or, même avec des cobayes, ca prendrait trop de temps au goût du patron.
Ce qui veut dire que parmis les cobayes, il y aura moi. Chose que je souhaite éviter à tout prix, pour des raisons évidentes.

Me voilà donc planté là, immobile et silencieux devant cette porte menant à l'appartement de Booker Dewitt. Si seulement j'avais su qu'on pouvait mourir d'une hémorragie aussi vite… d'après le médecin légiste, j'ai enfoncé la lame trop profondément et ses poumons se sont gorgés de sangs. La faute à pas de chance, hein ? Prudent, j'enfonce la clef dans la sérrure et l'actionne, déverrouillant la porte. Quelques secondes d'observations précautionneuses… rien ne se passe pour l'instant. Sans fenêtre, le couloir n'est éclairé que de quelques ampoules fatigués dont une qui… clignote soudain, sans raison. Nerveux, j'inspecte de mes yeux grands ouverts chaque coin et recoin du couloir. Apparement, rien.
Du bout du pied, je pousse la porte qui s'ouvre en grand sur un appartement plongé dans l'obscurité. Immédiatement, je chasse d'une main agacé quelques moucherons qui m'assaillent… et observent, dégoutés, des cafards s'échapper de l'habitation.

J'attends un peu… dans l'appréhension qu'un piège ne se déclenche ou pas… mais non. Rien, pour l'instant. L'odeur qui s'échappe de l'appartement est atroce… ca sent la mort, le cadavéreux. La putréfaction hante l'air ; quelque chose de bien pire qu'un simple appartement abandonné. Je suppose que "Monsieur Maurice" est partit en catastrophe en apprenant que des gardes noirs le traquaient. Sans doute a-t-il laissé en plan des vivres qui ont pourris jusqu'à vicier l'atmosphère des lieux. Or, venant d'un gars travaillant sur un sérum capable de changer les gens en monstres… je m'attends à bien pire qu'un peu de bouffe moisi.
J'ai peur de ce qui m'attends dans cet appartement. Surtout parce que j'ai aucune idée de ce qui m'y attends.

Vif, je dégaine une lampe torche de ma main gauche et de l'autre, attrape fermement mon couteau de cuisine. De là d'où je suis, le halo de ma lampe révèle qu'on atterrit presque directement dans le salon en entrant. J'aperçois un canapé usé, une table basse où différentes choses sont posés et la télé… ainsi que des insectes emplissant les lieux en essaim disparate. Un interrupteur me fait de l'oeil… et du bout du doigt, je l'enclanche… pour que ça court-circuite immédiatement. La châtaigne électrique provoque chez moi un réflexe de retirement ; l'électrochoc m'a traversé tout le corps. Un piège ou une malfonction ? Si c'est un piège, il n'est vraiment pas térrible. Me voilà alors dans le selon… de la nourriture périmée fondue sur la table dont se délecte des cafards… une tasse où flotte dans un liquide poisseux du miasme vert couleur lèpre… et cette odeur qui commence à me monter au crâne. Mes boyaux s'en soulèvent, un gout aussi acide qu'amer remonte le long de ma gorge… et pour tromper mon envie de vomir, je dissimule ma bouche et mon nez de mon t-shirt.
Je vous raconte pas l'état de la cuisine, ni l'allure de la pile de vaisselle dans l'évier… et ce n'est pas un peu de tissu noir qui empêche l'odeur putride de m'envahir les narines. L'air lui-même à un goût de mort !

C'est en apnée que mon inspection se poursuit, j'ai la tête qui tourne… chose que j'oublie bien vite en entendant une faible respiration. Ca ne peut pas être la mienne alors que je préfère mourir asphyxier que de subir plus longtemps cette odeur. Qui respire ici au juste ?! J'inspecte la chambre en vitesse, défonçant la porte d'un coup de pied dans la précipitation. Le bruit d'un mécanisme se perd dans le fracas et échappe à mon ouïe ; mon flanc droit se retrouvent assaillis de vieux clous rouillés qui pénètrent ma chair. Dans la panique, je balaye le vide de mon couteau et juste après, sur mes appuis, je me plaque dans un coin pour inspecter la pièce de ma lampe torche. Y a le lit, oui… un bureau et une étagère… des papiers qui trainent un peu partout… un alambic posé sur le bureau… à la va-vite, je ramasse touts les bouts de papiers qui finissent en boules dans mes poches. Un oeil sur la corbeille à papier ; rien sinon des emballages de snacks, chips et autres cochonneries. Ne reste plus que la salle de bain mais un pas me rapelle à toute la ferraille encastrée dans ma chair.
Je marque alors une pause pour enlever, un à un, les vieux clous rouillés dans ma chair… et après inspection de la salle de bain, je ne vois rien.

L'alambic dans la chambre, j'y retourne… il y a encore du liquide dedans et… j'sais pas… l'alchimiste trouvera peut-être ça utile alors je le prends avec moi. Sauf que n'ayant pas quatorze mains, je dois choisir si je range ma lampe ou mon couteau de cuisine… mais non, je préfère garder une lame bien affutée sur moi que de quoi m'éclairer.

Enfin, je sors de cet enfer pour revenir au Manoir. Ici, j'ai l'impression que notre gars a pris la fuite et est partit à la va-vite. Sur les bouts de papiers récupérés, il y a des formules chimiques et autres trucs scientifiques auxquels je ne comprends absoluement rien. Soit c'est inutile… soit c'est laissé là dans la précipitation. J'opterais pour la deuxième option. Il y avait bien un piège… supposément deux si l'interrupteur en étant un. Rien de très élaboré par contre… tout ça ressemble définitivement à un départ en catastrophe pour moi.

Après inspection de l'alchimiste… il y avait bien des infos utiles dans les notes et le liquide de l'alambic est toujours en cours d'analyze. Ce n'est donc pas sans intérêt mais c'est loin d'être suffisant encore… alors je suis bon pour me rendre là où tout le monde voudra ma peau : Port Royal.