Qui suis-je ?
Des étoiles lointaines retournant une pâle lumière,
Un paysage pourvu de mille univers aussi semblables que différents,
Et soudain, une perturbation inattendue au sein du cosmos inerte
Je regardais au loin mon corps léthargique, comme si ma conscience avait été séparée de ce dernier, fuser telle une météorite à travers le firmament. On pouvait même apercevoir une traînée d’un rouge bordeaux qui s’était formée tout autour de lui.
Les traits de cette jeune femme que je détaillais et la tunique rose qui lui descendait jusqu’à mi-cuisse, par-dessus un top blanc, m’étaient totalement inconnus. Je ne reconnaissais en rien ce visage fin et délicat, ces longs cheveux rouge bordeaux qui restaient mystérieusement collés contre ses épaules. Je ne savais pas non plus d’où lui venait ce petit collier en forme de perle qui brillait de mille feux.
Pourtant l'objet le plus curieux que je pouvais remarquer, c’était la chose en forme d’immense clef qu’elle tenait dans sa main droite. Elle m’évoquait un lointain souvenir qui m’échappait totalement. Elle était constituée de fleurs et d’une partie semblable à de l’eau et du sable.
Je continuais à observer cette course effrénée vers une destination indéterminée. Les minutes me parurent durer des heures, mais finalement l’image de plusieurs îles vint se faufiler au loin. Rapidement, cette demoiselle qui était supposée être moi fut attirée par elles. Sa descente s’amorça plus vite que je ne l’aurai imaginée. La chute fut vertigineuse, mais l’impact sur ce qui devait être la plage de l’île secondaire ne fut pas aussi impressionnant que ça. On aurait même dit qu’il avait été freiné par une force mystérieuse. Il y avait quelques cabanes tout autour de mon corps étendu, ainsi qu’un petit basin d’eau qui était alimenté par une cascade et quelques pontons. J’avais le sentiment que toutes ses choses devaient m’être connues, mais, pourtant, il n’en était rien. Le soleil couchant rendait le paysage somptueux, on lisait une certaine sérénité dans les lieux.
Bientôt, je la vis se réveiller et prendre appui sur sa clef pour se relever avec quelques difficultés. L’autre moi regarda autour d’elle afin de dénicher un repère quelconque, cependant, elle ne trouva rien de concret. Elle se mit à crier un nom, suivi d’un second. Cette fois-là, la conscience que j’étais n’entendit rien. C’était comme un bruit sourd qui venait mourir au creux de mon oreille. Elle commença à marcher en direction de la cabane près de la cascade. Elle hurla de plus belle.
— S… a ! … Ku !
Qui étaient donc les personnes qu’elle pouvait bien chercher à tout prix ? Elle rentra dans le baraquement et ressortit quelques instants plus tard par une porte sur le pont de bois en hauteur. Elle continua d’appeler.
— …Ora ! Ri… !
Elle s’avança vers le petit îlot se trouvant au bout de la passerelle et dont les seuls habitants étaient des palmiers dont l’un était plié, un peu comme un banc naturel qui invitait à s’asseoir dessus.
— Sora ! Riku !
Cette fois-ci, les noms furent clairs. Pourtant, je ne ressentis rien en les entendant, pas de nostalgie ni de tristesse, et encore moins de la joie. Je ne savais définitivement pas qui étaient ses deux personnes. Elle s’était arrêtée au milieu des arbres, scrutant les alentours. Une tempête commença à souffler violemment. La chevelure de la jeune femme se mit à voler dans son dos dans tous les sens sous l’effet du vent. Elle se protégea la tête entre ses bras avant de sentir quelque chose derrière elle qui attira son attention. Une demoiselle à la crinière bleue se tenait au milieu de la structure en bois. Elle avait la mine sérieuse et grave. Elle lui tendit la main au loin. L’autre moi se dirigea vers la femme, mais le vent lui faisait face à présent et cela rendait difficile la manœuvre.
— Était-ce vraiment le bon choix ? C’est important, on a besoin de toi, dit-elle d’une voix douce, mais qui laissait quand même transparaître l’urgence.
La clef fleurie que tenait mon homologue de cher et de sang s’illumina en réaction aux paroles qui venait d’être prononcée avant que la femme ne s’évanouisse dans une gerbe de lumière.
Un peu perdue, je vis mon autre moi s’avancer de quelques pas avant de se tourner vivement sur sa droite et de se manger de plein fouet une horde de Sans-Cœur. Elle trébucha et s’écrasa sur le sable déchaîné en contrebas. Bien vite, elle se remit d’aplomb et affronta les créatures ténébreuses. Elle s’en sortait plutôt bien. La bande avait beau la harceler de tous les côtés, la jeune femme parvenait à esquiver ses assauts et à lui faire perdre un peu plus de cohésion en détruisant une partie des créatures aux yeux jaunes. Ses propres attaques ne manquaient pas de grâce. Sa clef virevoltait dans les airs avec superbe.
Mais, soudainement, les Sans-Cœur formèrent une tour, entrèrent dans une rage certaine et dépassèrent bien vite en termes de force celle de la demoiselle. Elle perdit rapidement la clef qu’elle tenait, et cette dernière fut projetée au loin. Je me sentais impuissante à regarder ce spectacle de loin, quand soudainement tous mes espoirs se ravivèrent concernant son sort. Deux jeunes hommes, sortit de nulle part, vinrent lui porter assistance. L’un d’eux, un avec des cheveux blancs et une clef évoquant l’aile d’une chauve-souris s’efforçait de réduire le nombre d’opposants, tandis que le brun, avec des vêtements sombres et portant une clef grise et au manche d’or, venait se poster devant elle et l’envelopper d’un sort de protection.
— Et quoi, Kairi, c’est tout ce que tu peux donner ? Je te croyais plus résistante que ça, se moqua gentiment son gardien.
C’était donc cela mon prénom ? Bien que je ne m’en rappelle pas, je trouvais qu’il sonnait bien. L’autre moi sourit avant de saisir la main que lui tendait le jeune homme. Il la tira vers lui et la regarda un peu intensément avant de lui rendre sa main qu’il avait gardée dans la sienne.
Subitement, la clef revint se matérialiser dans sa paume et, avec un signe de tête à son ami, repartir tous les deux au combat. À trois, l’affrontement fut nettement plus facile et en alliant leurs pouvoirs, ils vinrent rapidement à bout de cet amalgame d’être ténébreux.
Une fois que les créatures s’évanouirent dans une fumée nuancée par un noir intense et un mauve profond, les deux garçons se regardèrent avant de sourire à la jeune femme.
— Tu nous manques beaucoup, tu sais. Ton aide nous serait précieuse,dit celui avec les cheveux blancs d’un ton calme et posé avant de disparaître dans une lumière vive.
— Riku !
— J’ai toujours ton porte-bonheur à te rendre en plus ! rajouta le deuxième d’un grand sourire et d’un signe de la main avant de s’évanouir lui aussi.
—Sora !
— Riku !
— J’ai toujours ton porte-bonheur à te rendre en plus ! rajouta le deuxième d’un grand sourire et d’un signe de la main avant de s’évanouir lui aussi.
—Sora !
Je les regardais disparaître avant de voir le visage de mon alter ego se vriller de tristesse et ensuite l’image que je pouvais percevoir se brouilla et tout finit par devenir noir.
Un réveil perturbant
Je me réveillai avec peine dans l’appartement que je louais à San Fransokyo. Ma main gauche était tendue devant moi, ma Keybade Appel du Destin matérialisée à l’intérieure, comme en signe de protection. Je pouvais également sentir une larme rouler le long de ma joue. Cela faisait maintenant plus ou moins un an et demi que j’avais atterri dans ce monde, qui ne ressemblait décidément à aucun autre, sans avoir aucun souci particulier. Pourtant, depuis un mois maintenant, j’étais constamment assailli par ce rêve étrange. Mais le plus perturbant, c’est qu’à chaque occurrence, mon réveil se faisait de plus en plus péniblement et les sentiments que je ressentais étaient de plus en plus vivaces. Tristesse, remords, et un peu de honte s’emparaient de moi à chaque fois. J’étais intimement convaincue que les visions de ces trois-là me hantaient afin de mettre en doute la décision que j’avais prise en arrivée ici.
Je chassai ces sombres pensées d’une secousse de la tête, fis disparaître mon arme dans un flash lumineux, et me redressai sur mes coudes afin de regarder l’horloge numérique qui trônait sur ma table de nuit. L’hologramme qu’il projetait affichait seize heures quarante-deux. Je me laissai retomber lourdement sur mon oreiller et poussai un long soupir. J’avais encore trop dormi et mon service allait bientôt commencer. Pourtant, je ne me pressai pas pour sortir et remontai la couette jusqu’à mon visage afin de profiter de la chaleur de mon lit.
Quand mon alarme de dix-sept heures sonna, je me décidai à enfin m’extraire de mon cocon. Je saisis des sous-vêtements propres dans l’armoire non loin de ma couche et je finis par balayer du regard ce qui me servait d’appartement. Je ne louais pas ça bien cher, plus ou moins trois cents munnies par mois, et c’était bien suffisant pour ce que ça contenait. Il n’y avait pas grand-chose dedans. Une simple fenêtre pour laisser passer la lumière, qui se voilait d’elle-même, une fois la soirée arrivée, une commode pour mes vêtements, ma table de nuit, et un écran plat avec capteur de mouvement holographique qui ne recevait pas beaucoup de chaînes. Qu’importe d’ailleurs, car cette dernière ne me servait que pour prendre des nouvelles du monde sur la station d’information gratuite. J’avais placé des posters au-dessus de ma tête de lit afin de rendre un tant soit peu la pièce personnelle. J’avais également une minuscule cuisine et une salle de douche, pas plus grande qu’un trou de nez, mais qui possédait toutes les commodités dont j’avais besoin. C’était d’ailleurs là que j’allais.
Une fois à l’intérieur, j’actionnai le jet d’eau afin qu’il chauffe et je me dévisageai dans le miroir. Il était désormais clair que je ne ressemblais plus à la jeune fille que j’étais à quinze ans. Mes joues s’étaient affinées, mes yeux bleus étaient encore plus intenses. Même mes cheveux avaient poussés de vingt bons centimètres et s’arrêtaient, dorénavant, à la moitié de mon dos. Mais ce n’était pas les seuls changements notables. J’ai aussi pris une dizaine de centimètres et mes courbes s’étaient accentuées, rien de bien affolant, mais on ne serait réfuté que j’étais devenue une jeune femme épanouie physiquement. Je n’étais généralement pas quelqu’un d’orgueilleux ou de fier, mais j’avoue ressentir un certain plaisir à la vue de mon apparence.
De la buée commença à se former sur la glace, signe que la douche était à la bonne température. Alors, sans plus attendre, je m’y glissai. L’eau chaude coulant sur ma peau avait quelque chose de salvateur. Je ne pensais plus à rien, sauf à profiter de l’instant présent. Je finis par étendre le jet et concédai à me savonner le corps et shampouiner la crinière. Une fois lavé de la tête aux pieds, j’entrepris de me rincer et de me sécher. J’enfilai ensuite ma culotte ainsi que mon soutien-gorge et retournai dans ma chambre avec un essuie dans les mains afin de finir d’éponger ma tignasse.
Je m’approchai de ma commode et tirai le premier tiroir, dévoilant plusieurs piles de vêtements. Je jetai nonchalamment ma serviette sur mon lit défait avant de caresser du bout des doigts ma vieille tenue rose datant de mon adolescence. Cela éveilla quelques souvenirs en moi concernant les premières aventures que j’ai vécues en compagnie de mes deux meilleurs amis que je refoulai bien vite. Il était hors de question que je craque. Je poussai à nouveau un soupir et reportai mon attention sur d’autres vêtements.
Je commençai par revêtir un short noir avant d’enfiler par-dessus une jupe bordeaux s’accordant avec mes cheveux. Quelques boutons sont ouverts sur le côté afin d’en faire une jupe fendue. Ensuite vint le tour d’un top crème et d’une veste bordeaux avec des parties violettes. Deux grosses tirettes étaient visibles sur les épaules, permettant d’ouvrir les manches. Je m’assis sur mon matelas et commençai à passer des hautes-chaussettes sur mes jambes. Elles étaient principalement noires, mais leurs parties inférieures sont beiges avec des coutures en coton rouge. Pour aller avec ça, j’enfilai des gants noirs remontant jusqu’aux coudes et dont le maintien était assuré par un ruban bordeaux.
Voilà, j’étais enfin prête. Je saisis en me relevant mon collier en forme de perle qui traînait sur ma table de nuit et l’attache autour de mon cou. C’était le seul lien que je m’autorisais à garder avec mon passé, en plus de ma Keyblade. Pour le reste, j’avais décidé de changer de garde-robes pour faire peau neuve. Et aussi parce que j’avais trop grandi. Je me dirigeai donc vers la porte donnant sur le couloir, regardai une dernière fois derrière moi pour voir si je n’avais rien oublié, me chaussai, et saisis ma sacoche, posée sur le porte-mentaux, que j’attachai ensuite sur mon flanc avant de franchir la porte pour prendre mon bus.
Les notes s'envolent...
Mon trajet de bus n’avait pas été long, vingt minutes tout au plus. C’était ce qu’il y avait de bien entre mon lieu de travail, qui se trouvait dans un petit quartier chique dans la périphérie du centre-ville, et mon appart, qui lui se situait dans le secteur près de la baie de San Fransokyo, c’était que le temps de trajet était dérisoire, pourtant j’avais toujours le plaisir de contempler la vie grouillante du début de soirée de San Fransokyo. Beaucoup de néons s’éveillaient en crépitant, donnant une ambiance plus électrique et vivante à la cité. Les gens commencèrent à s’amonceler autour de différents points d’intérêts tels les bars ou encore des zones de jeux connectés en communauté.
Mais cette fois-ci, la mélancolie avait accaparé mes songes j’avais bien du mal à laisser mon esprit vagabonder. Je ne parvenais pas à réfléchir à autre chose qu’à mes amis d’un temps que je pensais révolu et à celle qui m’avait transmis le don de porter la Keyblade. Enfin, c’était ce que m’avait raconté Sa Majesté, le roi Mickey.
Cependant, une partie de mes tracas s’évanouirent, au moins pour un temps, tandis que je regardais la devanture de ce qui était ma seconde maison ici en ville. La façade du Maverick Jazz Club n’avait rien de prétentieux, mais offrait, par sa construction en bois laqué noir et son nom inscrit en lettrine typique des années folles jugée au-dessus de l’entrée, un sentiment d’authenticité et d’accueil chaleureux à celui qui la contemplait.
C’était notamment ce ressenti qui m’avait poussé à passer cette même entrée près d’un an et demi plus tôt et a postulé pour un job comme serveuse. Pour moi qui n’avais jamais travaillé, cela n’avait pas été de tout repos, mais Marvin, le gérant, avait été tolérant et patient avec moi. Il m’avait appris à faire des cocktails et à servir convenablement les clients. Deux mois après mon arrivée, j’étais complètement familiarisé avec le métier.
Je pris une grande inspiration et poussai les portes du club. Tout de suite, on pouvait ressentir l’ambiance totalement différente de celle de dehors. Autant dans les rues, l’animation était reine et rendait le tout bruyant, un peu comme si la ville ne dormait jamais vraiment, autant ici le calme faisait loi, malgré le jazz en fond sonore qui sortait d’un juke-box. Aussi, le service n’avait pas encore commencé, ça aidait beaucoup. Mais, même quand l’endroit était occupé, il n’y avait quasi jamais de grabuge et cela faisait partie de notre réputation.
La première chose que l’on pouvait voir en entrant, c’était le bar en chêne massif verni avec les pompes à l’ancienne qui permettaient de faire glisser le beau liquide ambré des bières de la ville. Tout juste derrière, il y avait le miroir avec les trois rangées d’alcool à cocktail. Bien sûr, des tabourets avaient été apprêtés au pied du comptoir afin de profiter directement du barman, en d’autres termes, moi. Plusieurs tables avaient été disposées dans la partie restaurant du club pour y desservir les plats cuisinés avec passion par Satori, notre cuistot en chef. On pouvait apercevoir d’innombrables posters de groupe de jazz célèbres afficher çà et là afin de revendiquer un peu plus encore l’orientation musicale que l’on venait écouter ici.
Une dernière partie, la plus intéressante, bien évidemment, constituait le club. C’était celle qui attirait bon nombre de clients épris du son particulier de l’héritier du blues. La salle de concert. C’était une vaste pièce avec des poutres apparentes et dont un grand nombre de tables rondes pourvues de chaises en fer forgé trônaient en son centre. L’estrade qui avait été aménagée dans le fond pouvait accueillir jusqu’à cinq artistes. Un piano droit d’un blanc pur, peut-être aussi vieux que l’établissement lui-même, dormait paisiblement dans le coin de gauche en attendant l’arrivée du premier groupe de la soirée.
Je m’approchai du bar quand je me rendis compte que Marvin était à genoux en train de faire l’inventaire de ce qui se cachait dans les placards.
— Hey miss, va bientôt falloir refaire le stock de citrons verts ! lâcha-t-il de sa voix de baryton.
— Oui, moi aussi je suis content de te voir Marv’, plaisantai-je.
— Oui, moi aussi je suis content de te voir Marv’, plaisantai-je.
Il se redressa et me dévisage avec un sourire un brin paternaliste. J’aurais pus m’en offusquer, mais il était vrai qu’il avait tellement fait ici pour moi que c’était en effet un peu mon père d’adoption. C’était un grand homme noir d’une cinquantaine d’années, toujours flanqué de son éternel complet à carreaux noir et blanc qui le rendait plutôt séduisant pour son âge. Il avait le regard rieur, mais on sentait surtout la passion pour son art, car il avait été jazzman quand celui-ci était revenu sur le devant de la scène, et son métier s’y refléter. Il n’avait plus de cheveu sur le caillou, mais avait une immense moustache touffue qui lui barrait le visage.
— Comme si j’étais pas heureux de voir mon employée préférée ! Tiens d’ailleurs, tant que je finis ici, va préparer la salle.
Il me tendit une tablette avec les noms des différents groupes prévus pour ce soir et, tandis que je m’approchai de lui pour la saisir, se retira rapidement avant de désigner sa joue droite. Je savais ce qu’il attendait. Alors, je croisai les bras et tapai du pied d’une moue boudeuse. Je me résignai bien vite dans un sourire franc, vins déposer un baiser sur sa peau râpeuse et m’emparai de la liste numérique.
En me rendant dans la salle de spectacle, je fis un salut de la main à Satori qui préparait déjà ses instruments avec grand soin et aux différents serveurs et serveuse du club. Une fois arrivée, je rangeai la tablette dans ma sacoche et me mis en branle afin de faire descendre les chaises de toutes les tables. Ensuite, j’y étendis des nappes de couleurs pour les rendre plus attrayantes. Tout cela me prit une bonne demi-heure. Il ne me restait plus qu’à m’approcher du tableau noir dans le coin de l’estrade et d’y indiquer les groupes. Beaucoup étaient des habitués et certains avait une renommée dans la ville, comme Benny Goodman et son orchestre, the speakeasies swing band, Big bad vodoo Daddy. Mais Marvin avait à cœur également de faire connaître des gens qui voulaient se lancer dans le milieu, alors la première partie de la soirée leur était consacrée. On accueillait donc une certaine Carol Emerlad, les Devil dolls, et une autre femme répondant au nom de Jessica Rabbit.
Je regardai autour de moi, satisfaite de mon travail, et constatai que l’horloge numérique, rappelant le design que pouvait bien avoir celle des années folles, affichait déjà dix-sept heures cinquante, pile à temps pour le début du service. Je retournai donc dans l’entrée et, une fois que dix-huit heures point le bout de son nez, allumai le néon qui disait que nous étions ouverts.
Sous l’œil approbateur de Marvin, je m’installai à ma place derrière le bar tandis qu’il partait en direction de son bureau afin de s’occuper des tâches qu’il devait accomplir. Les premiers clients ne mirent pas longtemps à arriver. Certains voulaient simplement manger et choisissaient donc un siège à une table en face de moi, d’autres venaient prendre de l’avance et partirent en direction de la salle de spectacle pour s’asseoir à une table bien positionnée. La première partie de soirée ne commençait pas avant deux bonnes heures, mais la pièce était rapidement complète, d’où leurs empressements. Néanmoins, dans toute cette cohorte, je reconnus la tête de l’un de nos habitués qui se dépêchait de venir vers moi, une immense banane sur le visage.
— Et ben, Eiji, vous êtes sapé comme un pape ! Qu’est-ce qui nous vaut ce beau costume ? dis-je, sur le ton de la complicité, partageant toute la joie qui s’exfiltrait hors de son corps.
C’était un informaticien dans le milieu de la trentaine qui portait la plupart des émotions qui le traversait sur le visage. Ses yeux verts, ses cheveux tournant prématurément au poivre et sel, ainsi que sa barbe touffue encore rousse lui donnait un certain charme indéniable. D’habitude, il affichait qu’une chemise de couleur dans les tons pastel avec un jeans qu’il retenait par des bretelles, mais ce soir il portait un beau costume noir avec une rose écarlate à la boutonnière.
— C’est enfin le grand jour, je vais lui demander sa main !
Au tout début de mon service ici, je ne connaissais rien des gens d’ici, ce qui en soit était normal. Mais avec les mois qui défilaient, les langues finissaient par se délier et les rapprochements par se faire. Eiji était l’un de ceux qui s’épanchaient le plus. Il m’avait un jour raconté comment il avait rencontré sa moitié ici même trois ans plus tôt alors qu’il commençait à fréquenter l’endroit. Et il y a une semaine, il m’a mis dans la confidence. Il allait demander à Sharon de l’épouser dans notre club, là où tout avait démarré à un moment qu’on avait convenu à deux.
Il en était éperdument amoureux, pourtant si cela ne l’empêchait pas de draguer la jeune femme de vingt-cinq ans que j’étais, mais plus par simple complicité que par réel intérêt. Je me prêtais généralement au jeu, mais même moi, de mon côté, je n’étais pas attirée par lui. Il n’y avait qu’une seule personne à avoir pénétré mon cœur de la sorte, et, puisque je m’étais condamné en quelque sorte, il n’était pas près d’en ressortir. Aussitôt, sa chevelure brune indomptable et son regard bleu intense vinrent s’imprimer sur ma rétine. Je chassai cette vision d’une secousse de la tête et repris mes esprits.
— C’est formidable ! Pour la peine, c’est la maison qui offre votre première consommation. Demandez-moi ce que vous voulez.
— Un Brandy Alexander, s’il te plaît !
— Un Brandy Alexander, s’il te plaît !
J’opinai du chef vivement, heureuse pour lui. Je saisis mon shaker, y déposai une bordée de glaçon, trente millilitres de cognac, vingt de crème de cacao, vingt autres de crème à quinze pour cent et secouai le tout avec force pendant une dizaine de secondes. Une fois fait, je filtrai le tout dans un verre à martini grâce à une passoire à glaçon, et servis le tout après avoir râpé une partie de noix de muscade sur le dessus du cocktail. Il prit la coupe entre ses doigts, en huma le parfum et trempa enfin ses lèvres dans le liquide blanc.
— Parfait, comme toujours, commenta-t-il.
Lui souriant de contentement, je le suivis partir en direction de la salle de spectacle après qu’il met fait un signe de la main. Il allait sûrement chercher la table que j’avais réservée pour lui et sa chère et tendre.
Après ça, mon service se retrouva dans son traintrain habituel, discussion banale avec les clients, préparation de divers cocktails et longue attente. Quand vingt heures sonnèrent, les choses prirent enfin une tournure plus festive. Je savais rien qu’à entendre les pas résonner au loin que Marvin venait de monter sur scène et d’attraper le micro vintage qui y trônait. Il s’humectait les lèvres à chaque fois, laissant l’auditoire dans une certaine expectation. Et commençait sa petite introduction de sa voix de baryton.
— Ladies and Gentleman, avant tout chose, laissez-moi vous remercier pour votre présence comme chaque soir. Ça me fait chaud au cœur de voir combien vous êtes fidèle à notre rendez-vous quotidien. Alors sans plus attendre, car je sais que vous êtes impatient, je vais vous demander un tonnerre d’applaudissements pour une petite nouvelle, Carol Emerald !
J’étais coincé à mon bar donc je ne pouvais que deviner ce qui se passait, mais j’étais largement sûr que les musiciens et la chanteuse prenaient place près de leurs instruments respectifs. Enfin, l’air se mit à vibrer au même rythme de la chanson qui commençait.
La musique démarra avec le pianiste, plutôt funky dans l’âme, et le batteur, auquel des tambours basques avaient été rajoutés, jouant de concert l'ubn avec l'autre, s’ensuit l’arrivée discrète d’un saxophone et d’une trompette, venant sporadiquement rythmer le tempo. Une guitare était légèrement audible en fond sonore. Et enfin, celle qu’on attendait le plus se fit entendre. Carol chantait en anglais d’une voix particulièrement claire et à la fois électrique. Cela correspondait plutôt bien au style de la chanson enjoué. Ce n’était pas à proprement parler du jazz, mais du swing, l’un des innombrables enfants qu’il avait engendrés.
À son écoute, je ne pouvais réprimer l’envie soudaine que j’avais de taper du pied sur le tempo qui me parvenait au loin. Je me surpris même à la siffler quand le rythme me fut plus familier. C’était certes des petits nouveaux, pourtant ils avaient déjà un incroyable talent. Je pouvais aisément imaginer la salle entière sous le charme de cette femme et de ses musiciens. J’étais assez déçu d’ailleurs quand ils eurent fini. Une bordée d’applaudissement survint peu de temps après et qui raisonnait jusqu’à l’avant.
Après une petite pause de dix minutes, permettant aux gens de recommander à boire et, accessoirement, me redonnant un peu plus de boulot que d’uniquement servir les personnes devant moi, c’était au tour du groupe suivant de faire son apparition.
Le style ressemblait déjà un peu plus fort à celui qu’on passait, mais quelque chose dénotait quand même et me dérangeait un peu. Mais, il y avait du potentiel et j’étais pratiquement sûr qu’avec encore un peu d’entraînement, il y avait moyen qu’ils obtiennent un meilleur niveau.
La troisième nouvelle décrocha à son arrivée un tonnerre de sifflement, je me suis d’ailleurs demandé pourquoi, car elle n’avait pas encore chanté. Mais une fois qu’elle s’y mit, je compris tout de suite.
Si la voix que j’entendais en ce moment correspondait au physique de la personne, elle devait être incroyablement sexy et sensuelle. La mélodie était enivrante et mystérieuse. J’étais déjà beaucoup plus convaincue par elle. On sentait le jazz couler dans ses veines. Alors, sans grande surprise, une autre ovation eut lieu quand sa chanson s'arrêta. Bien entendu, sa prestation signifiait la fin de nouveau et le retour des habitués.
La soirée s’enchaîna mécaniquement, l’ambiance était au rendez-vous et le travail aussi. Je faisais un nombre incroyable de cocktails, ça allait du simple mojito au Bloody Mary en passant par le Manhattan. Je commençai un peu à fatigue, surtout qu’on n’avait pas fini le service avant une heure du matin et que j’étais pas rentrée avant deux heures. Mais bon, j’avais hâte qu’arrive le moment où Eiji demande en mariage sa compagne, donc je tenais bon. Vers minuit, je m’autorisai enfin une pause. Je me fis un Shirley Temple, ce qui me donnera un coup de fouet pour la suite, et sortit par la porte de derrière.
L’air était frais dehors et cela faisait un bien fou. Je m’asseyais sur le muret à l’arrière du club et commençai à siroter mon cocktail. Je laissai mon esprit vagabonder, me perdant dans les méandres d’une réflexion illogique. Fermant les yeux, j’essayais, par nostalgie, de me souvenir des bruits des vagues s’échouant de mon monde d’adoption. À l’époque, cela avait le don de m’apaiser et de me faire voyager. Je pensais que cela aurait encore le même effet aujourd’hui, cependant ça n’arrivait qu’à m’arracher une nouvelle larme. Mais, je ne voulais pas laisser la tristesse régner en moi pour l’instant. Ce soir devait être tourné vers la joie et le bonheur. Au même moment où je finissais mon verre, Marvin ouvrit la porte.
— Ah, te voilà ! Ça va bientôt être à toi. Ça… va ? me demanda-t-il en remarquant la goutte qui roulait sur ma joue.
— Oui, oui. T’inquiètes pas. Juste un relent d’émotion. Je… je vais aller me préparer.
— Pas avant de m’avoir fait un câlin.
— Oui, oui. T’inquiètes pas. Juste un relent d’émotion. Je… je vais aller me préparer.
— Pas avant de m’avoir fait un câlin.
Il m’attira vers lui et m’entoura de ses bras. Je m’y suis senti bien et c’était rassurant. Quand enfin, je ne ressentis plus rien de négatif. Je le repoussai gentiment et hochai la tête en guise de remerciement.
— Allez, va cassez la baraque.
— Oui ! dis-je, enthousiaste à nouveau. Oh, j’ai payé un verre au nom de la maison à Eiji pour fêter ses fiançailles. T’auras qu’à le retenir sur mon salaire.
— Ton honnêteté m’étonnera toujours, dit-il gentiment, et un peu dans l’espoir de me chambrer.
— Oui ! dis-je, enthousiaste à nouveau. Oh, j’ai payé un verre au nom de la maison à Eiji pour fêter ses fiançailles. T’auras qu’à le retenir sur mon salaire.
— Ton honnêteté m’étonnera toujours, dit-il gentiment, et un peu dans l’espoir de me chambrer.
Il me fit une tape sur l’épaule, comme pour m’encourager, et je repartis à l’intérieure vers les coulisses. C’était un long couloir avec plein de loges pour les artistes et qui rejoignait la scène de concert. La majorité des plaques qui indiquaient le nom des groupes étaient modifiables numériquement, cependant une seule était gravée à l’ancienne et où était affiché mon prénom. Elle faisait en partie ma fierté dans ce monde. Marvin m’en avait fait la surprise peu de temps après que j’ai commencé la musique.
En rentrant dans ma loge, je le vis trôner sur son pied, le saxophone qui avait appartenu à mon patron bien des années avant de me revenir. Je me souvenais encore, comme deux mois après mon arrivée, je l’avais entendu jouer de cet instrument dans son bureau. Par curiosité, j’avais passé la tête pour l’écouter. En voyant que je l’observais avec grande attention, il me proposa d’essayer à mon tour, après qu’il eut fini son morceau.
J’avais accepté, un peu hésitante. Et comme de bien entendu, mon premier test fut désastreux. C’était plutôt compliqué de souffler dans une embouchure. Mais plus j’échouais et plus j’avais du plaisir à persévérer. Et finalement, je parvins, après une bonne heure, à enfin former quelques notes convenables. J’étais fière et Marvin posait sur moi un regard plein d’espoir. Alors, il fut aux anges que je lui demandais pour qu’il me donne des cours.
Tous les jours pendant deux heurs, avant que le service ne commence, il m’entraîna. C’était comme ça que la complicité qui nous lie à présent s’était formée. Il s’était révélé que j’avais un certain talent pour le saxophone alors, quand il avait jugé que mon niveau était convenable, il m’avait proposé de monter sur les planches et de faire ma propre entrée dans le monde du jazz. Avec un peu de traque, mais surtout une bonne dose de courage, j’avais accepté. Ce soir-là, je m’attendais à faire un bide total, mais j’avais été plutôt bien reçue, ce qui galvanisa mon envie de poursuivre dans cette voie.
J’avais donc continué à cultiver mon talent, dans l’espoir de conquérir tous les cœurs avec ma musique. Et, au final, tous ses efforts me valurent la récompense de monter sur l’estrade et de clôturer chaque soir. C’était d’ailleurs ce que je m’apprêtai à faire en ce moment même. M’approchant de mon ami en laiton, je le saisis, l’accrochai à mon cou par sa sangle, et sortis.
À l’extérieur, en marchant vers l’entrée des artistes, je remarquai que trois femmes, bien plus mûre que moi discutait ensemble. Elles étaient toutes les trois incroyablement belles et différentes dans leurs genres. Elles s’approchèrent de moi et je pus les détailler un peu plus.
Celle qui se présenta comme Carol Emerald était la plus petite, mais la plus ronde. Mais son anatomie en huit n’était en rien désagréable à regarder. C’était même une jolie femme dans sa robe noire et ses bas sombres, mettant en avant ses formes. Son maquillage et ses cheveux bruns soulignaient aussi ses traits doux ainsi que ses yeux vert émeraude. Son rouge à lèvres framboise donnait à sa bouche un côté savoureux.
La seconde, la chanteuse des Devil Dolll, Colleen Duffy, était un brin plus grande, mais, surtout, un côté un peu plus vulgaire que Carol. Cela venait peut-être de la façon dont elle mettait son visage en valeur ou bien sa manière de s’habiller. Elle portait un cache-cœur rouge à poids blancs, laissant entrevoir une bonne partie de sa poitrine et le dessus d’un corset noir, ainsi qu’une jupe évasée qui s’arrêtait à hauteur des genoux. Je n’étais pas du genre à juger, mais je n’avais pas un très bon feeling à son sujet.
La dernière, je pouvais le deviner aisément, devait être Jessica Rabbit. Et comme je m’y attendais, son physique correspondait absolument bien à son physique. Elle avait tout pour elle, de magnifiques cheveux roux flamboyant, des grands yeux verts, une bouche parfaitement dessinée, de longues jambes et des courbes à rendre n’importe quels hommes en émois. Sa longue robe fendue rouge à paillettes venait sublimer sa silhouette à la perfection. Je n’étais pas du genre jalouse, mais là, je dois dire que je l’enviais un peu.
Quand je pus enfin détourner mon regard d’elle et que je me présentai à mon tour, elles m’expliquèrent qu’elles avaient décidé de rester ici afin de prendre des conseils des plus grands et de se faire connaître aussi auprès d’eux. Je leur concédais que c’était une excellente idée, qu’il ne fallait pas hésiter à marquer les esprits. Cependant, je m’excusai auprès d’elles, car j’étais attendu sur scène prestement, mais que si jamais elles étaient encore là à la fin du show, je me ferais une joie de discuter avec elle. Carol me fit un signe de la main énergique pour me motiver, Colleen affichait un pouce en l’air, et je n’eus de la part de Jessica qu’un hochement de tête d’encouragement.
Je les quittai donc avec, peut-être, un peu trop d’entrain, mais j’avais hâte de brûler les planches, alors je n’y prêtai pas vraiment d’importance. En entrant sur scène, je constatai que les musiciens qui m’accompagnaient généralement avaient déjà pris leurs places habituelles. Je leur fis un signe de tête et, en me postant un peu plus sur le devant de l’estrade, cherchai Eiji du regard. Une fois que je l’avais trouvé, je lui fis un clin d’œil complice qu’il me rendit.
— Mes dames et messieurs, je voudrais dédicacé cette musique à tous les amoureux.
C’était le moment pour lui d’entrer en action, je le vis alors sortir discrètement un objet de sa poche intérieure. De mon côté, je m’humectai les lèvres avant de faire signe au pianiste de commencer à jouer.
Ce dernier effleura ses blanches et ses noires de façon douce et grave à la fois, conférant déjà une atmosphère particulière au morceau. Fermant les yeux, je posai ensuite ma bouche sur l’embouchure et le rejoignis rapidement dans la mélodie. Je soufflai tout l’air que je pouvais contenir dans mes poumons, laissant mes doigts voltiger sur les différentes touches qui obstruaient les trous de mon instrument. J’essayai d’envelopper le couple de la soirée de tout le romantisme dont j’étais capable.
Je fus agréablement surpris quand, après quelques instants, j’entendis un cri de joie et un grand « OUI » retentir dans toute la salle. Je m’autorisai à ouvrir les yeux et constatai que Sharon avait fondu dans les bras de son compagnon. Je fis un signe du pouce à ce dernier avant de reprendre de plus belle ma litanie.
Au bout d’un moment, je fus complètement plongée dans ce sentiment lyrique. Et je n’arrivais plus vraiment si je célébrais la demande qui venait d’être faite ou si je laissais parler mon propre amour enfui loin dans mon cœur. J’étais tellement dans la tourmente que mon propre esprit commença à me jouer des tours. Je pouvais sentir l’étreinte d’un Sora affectueux se faire atour de mes épaules, ses mains caressant la peau de mes avant-bras.
— Tu me manques énormément. J’aimerais tant te revoir.
J’en avais la chaire de poule. Je le sentais en moi, mon palpitant s’accélérant de plus belle à l’écoute de ces simples mots. Je savais pertinemment que je fantasmais en cet instant, mais je voulais en même temps que cela devienne réel. Était-ce les véritables envies de mon cœur ? Les retrouver?
Quand enfin la fin de la chanson prit fin, mes illusions se dissipèrent et, quand je rouvris les yeux, je fus accueilli par la plus grande ovation que l’on met fit. J’avais tout donné, je sentais les gouttes perler sur mes bras et mon front. Je rougissais face à tant d’acclamations, mais aussi parce que mon cœur me faisait souffrir. Pourtant, alors que je m’apprêtai à m’en aller, ils crièrent tous après un rappel. Un peu désorienté, je jetai un coup d’œil en direction de Marvin, caché dans les coulisses et, quand il m’invita lui aussi à poursuivre mon show, je pris la parole.
— Vous en voulez donc une autre ?
— Oui ! cria le public en cœur.
— Bien, alors faisons monter un peu la température !
— Oui ! cria le public en cœur.
— Bien, alors faisons monter un peu la température !
Je démarrai fort, conférant un petit côté funky à la chanson afin de dénoter avec la précédente. Je fus rapidement rejoint par une contrebasse, une batterie, un harmonica et le piano, changé en mode synthé.
Le rythme était entraînant, je me laissai enivré par lui et commençai à danser tout en soufflant dans mon saxophone. Les musiciens autour de moi se mirent même à pousser la voix de temps à autre. J’invitai sans plus attendre les gens à se lever et à se trémousser ou à frapper dans leurs mains. Beaucoup le firent et j’en étais heureuse. Jamais je n’avais eu d’émotion aussi forte pendant mes représentations. Bien sûr, j’étais toujours attendue en fin de concert, mais jamais on m’avait demandé en rappel. Alors quand vint la fin de mon flot, je m’approchai du bord de la scène et fis humblement une courbette.
— Merci, vous avez été génial ! Et encore félicitations à Eiji et Sharon! applaudis-je tout en versant des larmes de joies, ne pouvant contenir plus longtemps l’émotion que m’avait apporté cette ovation. Pourtant, je le sentais au fond de moi, quelque chose n’allait pas.
...Mais les sentiments restent
Aujourd’hui, c’était le jour du marché dans un des quartiers se situant près du mien. Je profitais du coup généralement de mon jour de congé, qui tombait toujours en même temps, pour y faire mes emplettes. Par chance, il faisait radieux, voire même un poil trop chaud. Cependant, cela n’enlevait rien à la bonne humeur ambiante. Beaucoup d’enfants couraient çà et là dans les rues, se poursuivant avec des pistolets à eau afin de s’amuser et de se rafraîchir en même temps. Plusieurs vieilles personnes s’étaient installées à l’ombre d’un parasol sur la terrasse d’un café et conversaient de tout et de rien.
Mais le plus remarquable était l’animation caractéristique qui régnait dans un marché pour celui qui l’arpentait. Dès les premiers pas à l’orée des premiers stands, on pouvait déjà entendre un brouhaha constant, mais rien de désagréable, juste la marque d’une vie plaisante. Les marchands criaient à tue-tête pour attirer les clients et mettre en avant leurs produits. On pouvait aussi sentir le doux fumet des poulets rôtis ou des poissons dormant sur les étals.
Un sourire apparut sur mon visage en arrivant sur les lieux, mais il se fana bien vite. J’avais de nouveau fait ce rêve et les sentiments qu’il m’avait laissé à mon réveil étaient beaucoup plus intenses qu’hier. Je savais aussi que celui de demain me donnerait une marque encore plus vivace que celui d’aujourd’hui. Un frisson me parcourut l’échine malgré la chaleur, j’appréhendai déjà ce moment. Je me forçai alors à avancer à travers la foule, les lanières de mon sac en papier pour mes achats posés dans le creux de mon coude.
Je savais parfaitement ce dont j’avais besoin, des fruits et légumes frais pour ma semaine ainsi que de la viande du boucher. J’aimais le principe de faire vivre les petits producteurs au lieu des supermarchés. Et puis c’était de bien meilleures qualités. Pourtant ce n’est pas là où je me rendis directement. Flâner avait quelque chose d’attrayant et je me disais que cela pourrait m’aider à me changer les idées.
Laissant mon regard se poser çà et là sur les comptoirs et les cintres, je me surpris à être attirée par un vendeur de vêtements. C’était particulièrement une courte robe à capuche. Elle était élégante, les boutons qu’elle arborait lui donnaient une certaine prestance et j’imaginai que la ceinture qui était située sur sa taille affinerait ma silhouette. Deux poches se trouvaient en dessous de cette dernière et étaient assez évasées, ce qui pouvait s’avérer pratique pour y stocker des objets. En relevant le chaperon, je remarquai qu’il y avait deux petites oreilles cousues qui rendaient le tout mignon. J’en tombais amoureuse à l’instant. En cet instant, la coquetterie que je renfermai en moi prit le pas et me poussa à vouloir l’acheter.
— Bonjour ! Je peux vous aider ? me demanda la propriétaire de l’étal.
– Bonjour, seriez-vous me dire le prix de cette robe s’il vous plaît ?
— Bien sûr, laissez-moi jeter un œil. Deux cents munnies, me dit-elle après avoir vérifié sur une tablette tactile.
– Bonjour, seriez-vous me dire le prix de cette robe s’il vous plaît ?
— Bien sûr, laissez-moi jeter un œil. Deux cents munnies, me dit-elle après avoir vérifié sur une tablette tactile.
Je regardai de nouveau la tenue et il était clair qu’elle ne valait pas autant. Je l’estimai probablement plus autour d’une centaine de munnies plutôt que le montant qu’elle m’avait donné. Je devais donc marchander avec elle. Ce ne fut pas une partie de plaisir, c’était une incroyable commerçante qui connaissait parfaitement les ficelles de son métier. Mais au bout de dix bonnes minutes de propositions et de contre-propositions, j’ai réussi à obtenir la robe pour cent trente-cinq munnies.
J’étais plutôt contente, j’avais fait une affaire. J’étais sûr qu’elle mirait bien. Je n’aurais qu’à alterner de temps en temps avec mes vêtements actuels, parce que j’avoue m’y être attaché à eux aussi. Mon second lieu d’arrêt fut chez le vendeur de fruits et légumes. Quand le tenancier me vit arrivé, son visage s’illumina et m’accueillit avec véhémence.
— Ah, Kairi ! Ce me fait plaisir de te voir. Je me demandais justement quand tu allais venir me rendre visite.
– Salut Yuki, ça sent bon tout ça, dis-je en humant l’air qui émanait des caisses disposées devant moi.
– J’espère bien que ça sent bon ! Qu’est-ce qui te ferait plaisir, aujourd’hui ?
— En fruit, j’aimerai des cerises et des framboises, s’il te plaît. Cinq cents grammes de chaque, demandai-je en laissant vagabonder une dernière fois mon regard sur les fruits, avant de tomber quelque chose qui m’avait échappé jusque-là. Et cette pastèque aussi, je te prie.
— Bien ma petite dame, c’est comme si c’était fait !
– Salut Yuki, ça sent bon tout ça, dis-je en humant l’air qui émanait des caisses disposées devant moi.
– J’espère bien que ça sent bon ! Qu’est-ce qui te ferait plaisir, aujourd’hui ?
— En fruit, j’aimerai des cerises et des framboises, s’il te plaît. Cinq cents grammes de chaque, demandai-je en laissant vagabonder une dernière fois mon regard sur les fruits, avant de tomber quelque chose qui m’avait échappé jusque-là. Et cette pastèque aussi, je te prie.
— Bien ma petite dame, c’est comme si c’était fait !
Il emballa ma commande dans des sacs en plastique, les pesa et colla des étiquettes avec le prix dessus avant de me les tendre.
— Et avec ça, mam’selle ?
– Hum, un kilo de patate, six ou sept carottes, deux bottes de laitues, quatre cents grammes d’haricots verts, une botte d’ail, d’échalote, et d’oignon. Et je pense que cela sera tout pour aujourd’hui.
— Très bien ! Je m’occupe de ça.
– Hum, un kilo de patate, six ou sept carottes, deux bottes de laitues, quatre cents grammes d’haricots verts, une botte d’ail, d’échalote, et d’oignon. Et je pense que cela sera tout pour aujourd’hui.
— Très bien ! Je m’occupe de ça.
Encore une fois, il finalisa ma commande en un temps record, me tendit mes sachets et, enfin, m’annonça le prix total qui s’élevait à cent quarante-deux munnies. Je le payai avec plaisir en lui souhaitant une bonne journée et partis en direction du boucher. Lui aussi était content de me voir arriver, mais s’épancha moins, faute à un caractère un peu plus bourru. Je lui achetai donc de la viande pour une semaine, ce qui me coûta approximativement cinquante autres munnies.
J’avais enfin tout ce qu’il me fallait pour satisfaire mon appétit jusqu’au prochain marché. Je me rendis compte pourtant que la chaleur avait encore augmenté et elle était accablante. Une bonne glace me ferait du bien. Ça tombait bien, il y avait un glacier pas loin de là qui en faisait des excellentes. Je pris donc la direction de sa boutique et, une fois arrivé là, je commandai une glace à l’eau de mer un peu par réflexe. Je me rappelais qu’un jour j’en avais dégusté une à la Cité du Crépuscule en compagnie de Pence, Hayner et Olette. Je me demandais d’ailleurs ce qu’ils devenaient, tout en partant en quête d’un rebord sur lequel me poser.
Mon cœur était lourd en se souvenant de tout ça. Je pensais que me promener dans le marché m’aiderait à oublier mes tracas, mais en fin de compte ce rêve commençait à avoir raison de moi. J’avais besoin de faire le point sur tout ce qui me tourmentait. Alors, une fois assise, débuta une réflexion sérieuse sur la majorité des choses qui s’étaient déroulées depuis que Sora et Riku étaient revenus aux Îles du Destin.
Ces deux-là venaient de vaincre Xemnas, laissant tous nos soucis derrière nous. Enfin, on pensait pouvoir souffler. C’était même pendant ces évènements que j’avais appris ma capacité à manier la Keyblade et que j’avais acquis la mienne des mains de Riku. Je n’avais pas été d’une grande aide en fin de compte. Mais au final, l’histoire avait été réglée une bonne fois pour toutes.
Enfin, jusqu’à ce que Sa Majesté nous apprenne dans une lettre que Xemnas avait survécu et rendu la vie à tous les êtres ténébreux vaincus jusque là. Sans véritablement hésiter, nous avons, mes deux meilleurs amis et moi, pris la décision d’aller affronter la menace. Nos péripéties nous menèrent jusqu’à Agrabah. Mais, nous n’étions plus seuls. Beaucoup de civils avaient voulu s’armer contre l’ennemi. Même Naminé et Roxas avaient décidé de ne pas rester inactifs et se s'étaient séparés à nouveau de nos corps respectifs.
La prise d’Agrabah ne fut pas un franc succès, c’était totalement l’inverse. Xemnas nous avait mis en déroute et forcés à fuir. La dernière chose significative que j’avais faite, c’était de verrouiller la serrure du monde des jouets, rétablissant l’équilibre entre mondes affiliés à la lumière et ceux liés aux ténèbres. Après ça, je m’étais retirée du devant de la scène, préférant m’investir dans des missions plus discrètes, mais utiles pour les petites gens. J’ai tenu trois ans comme ça. Trois ans où je me suis donnée corps et âme à la protection des peuples des différents mondes, à leur conférer espoirs et bienveillance. Je n’hésitais pas à braver le danger si cela était nécessaire. C’est pendant cette période, d’ailleurs, que j’appris de la bouche de Son Altesse les origines du lien que j’avais avec la Keyblade.
Cependant, un jour, une de mes missions tourna au drame. J’escortais un marchand à Agrabah. Je devais le protégé des voleurs et des Sans-cœurs qui pullulaient dans le désert. Je pensais que cela serait facile et très routinier, mais je me trompais lourdement. Un puissant sorcier, apparemment engagé par une bande de brigands et connaissant bien des choses liés à la nature de l’univers qu’il n’y laissait paraître de prime abord. Nous nous battîmes, lui et moi, comme deux acharnés, ne voulant en aucun cas voir sa mission finir en échecs. Pourtant, le destin joua en ma défaveur et je perdis la lutte d’une manière ridicule. Il me mit en difficulté et me jeta un sort cuisant, ce qui me fit perdre conscience.
À mon réveil, je n’étais clairement plus dans la ville du désert. J’étais dans une cité dont je n’avais plus entendu parler depuis bientôt sept ans. J’étais de retour dans la Ville de Traverse, pourtant je pensais qu’après avoir vaincu Ansem et scellé Kingdom Hearts, cela avait ramené les mondes pris par les ténèbres et donc effacé celui-ci. Je devais me tromper, c’était seulement bien plus tard que je compris l’étendue de la réalité des choses. J’avais pris conscience de mon environnement avec un peu de détresse. Je me sentais perdue et affolée. Mais, je m’étais ressaisie rapidement et avais commencé à arpenter le bourg de long en large et en travers. La première chose que j’avais constatée, c’était qu’il y avait plus de districts que dans mon souvenir. Aussi, il n’y avait pas beaucoup, voire pas du tout, de gens dans les rues. Ce qui contraste fortement avec l’ambiance d’il y a sept ans.
Par contre, elle était envahie par d’étranges créatures, des avale-rêves. Certains, les esprits, m’aidaient volontiers dans ma visite de la ville à combattre leurs opposants naturels, les cauchemars. Il m’a fallu quelques jours pour tomber enfin sur quelqu’un. C’était un homme d’une imposante stature, à la mâchoire carrée et aux traits durs. Je ne me souvenais plus de son nom. C’était lui qui m’avait appris que nous étions enfermés dans une version altérée des mondes, emprisonnés dans le royaume du sommeil. J’étais désemparée, ma première réaction fut de céder à une panique certaine. Après tout, je ne savais pas comment revenir chez moi. Mais cet homme avait pris le temps de me calmer et j’avais retrouvé mon sang-froid. Il m’avait aussi expliqué que d’autres mondes existaient dans cette réalité, relié entre eux par des portails.
Au final, on perdait rapidement la notion du temps, je n’arrivais pas à estimer combien de semaines j’ai passées dans cette ville. Tout ce que je savais, c’était que les évènements finissaient par se réinitialiser au bout d’un moment, j’étais donc enfermée dans une sorte de boucle temporelle. La seule chose que je pouvais faire, c’était d’aider les plus démunis, prisonniers avec moi.
J’avais mis un mois à trouver le premier portail menant vers ma prochaine destination. Et là aussi, c’était le même problème, des gens qui avaient désespérément besoin d’assistance. La plupart du temps, j’arrivais à m’acquitter de mon devoir. Combattre des créatures éthérées, cela n’avait rien de bien sorcier. Le plus dur en fait, c’était quand je rencontrais des personnes malveillantes. Rester dans ces lieux pouvait rendre fou, alors certains se laissaient submerger et attaquaient n’importe qui. Cela pouvait même arriver à des porteurs de Keyblade, pris au piège comme moi.
Au fur et à mesure, c’était devenu clair pour moi, j’avais besoin de plus de force pour parvenir à protéger tout le monde. Je m’entraînais tous les jours, une partie de la nuit s’il le fallait. Mais, au final, cela payait. Mes techniques s’en retrouvaient meilleures. Je me battais mieux.
J’avais vu de nombreux mondes, protéger presque autant de gens. Je commençais véritablement à être exténué. Un jour, mes pas m’avaient guidé jusqu’à un San Fransokyo endormi. J’y avais passé peu de temps avant qu’un phénomène étrange s’y déroule. Une lumière avait inondé le monde. Et l’instant d’après, là où il n’y avait avant qu’un monde morne, régnait une ambiance pleine de vie. Ça grouillait de gens un peu partout. Et plus aucun signe d’avale-rêves. Je n’en revenais pas. J’étais enfin sortie de cet enfer. La première chose que j’avais faite, c’était de louer une simple chambre dans un motel et je me suis reposé pendant une semaine entière. Ça avait flingué mes économies, mais je n’avais pas été déçue. J’en avais véritablement besoin. La semaine suivante, un communiqué annonçait que d’autres mondes étaient rentrés en contact avec la ville.
La seconde chose que j’ai faite, c’était de vérifier depuis combien de temps resté emprisonner dans le royaume du sommeil. À ma grande surprise, quatre ans et demi s’étaient écoulés. J’étais sur le cul, je ne pensais pas qu’autant d’années s’étaient écoulées. Je fis d’autres recherches pour savoir ce qui s’était passé dans la galaxie. Et ce que je découvris me dépassa. C’était trop pour moi à ce moment-là. Alors, je pris la résolution de mener une vie simple, sans plus de devoir envers qui que ce soit. Le jour suivant, j’entrais dans le Maverick Jazz Club.
Je fus sorti de mes songes par une grosse goutte de glace fondue qui tomba sur la partie de ma cuisse dénudée. Au vu de la flaque que j’avais aux pieds, cela faisait un long moment que j’étais assise sur ce muret. Je fouillai ma sacoche à la recherche d’un mouchoir pour m’essuyer et descendis de mon perchoir. Il était d’ailleurs temps que je rentre chez moi. Les courses allaient ne plus être fraîches, surtout que j’en avais encore pour un quart d’heure de marche jusqu’à mon appartement. Marchant tête baissée, la seule pensée qui me venait c’était que je n’étais pas plus avancée que ce matin, toujours aussi désemparé.
Mon cerveau finit par passer en mode automatique et je déambulai dans les rues en évitant simplement de me cogner aux gens qui marchaient devant moi. J’étais à quelques centaines de mètres de chez moi quand un cri dans le lointain me sortit de ma transe. En tournant la tête dans tous les sens, je parvins à déterminer qu’il provenait d’une ruelle sombre, perpendiculaire à laquelle je me trouvais. Je levais les épaules et m’apprêtais à reprendre ma route quand soudain un déclic se fit dans ma tête.
D’un coup, je ne me reconnaissais plus. Depuis quand étais-je devenue cette personne lâche au point de ne plus braver le danger et qui ne s’inquiétait plus du sort d’autrui ? Depuis quand mon choix s’était mû en regret et était devenu un poids sans que je m’en aperçoive ? J’avais été heureuse pourtant parmi tous ces gens. J’avais fait de belles rencontres. Mon travail m’avait apporté bien plus que je ne l’aurais jamais espéré. Cependant, il était temps que j’arrête de me mentir et que je redevienne une défenseuse de la lumière digne de ce nom.
Alors, sans hésiter cette fois-ci, je lâchai vigoureusement mes sachets et partis en direction du cri, espérant ne pas arriver trop tard. Pourtant je n’y parvins pas de suite. Quelqu’un ou quelque chose me chargea. Je fus projetée contre le mur le plus proche et fus un peu désorientée. En reprenant, mes esprits, je constatai avec effroi ce que je redoutais depuis longtemps.
— Des Sans-cœur !
Un rondouillard pour être précis. Alors, il avait réussi à arriver jusqu’ici. J’étais effarée. Je devais les avoirs attirés dans cette ruelle et la personne qui s’y trouvait devait s’être fait attaquer alors qu’ils étaient à ma recherche. Je mettais bercée d’illusions trop longtemps. Je savais que ma condition de Princesse de Coeur était trop dangereuse pour ce monde et pourtant j’y suis resté par complaisance.
D’instinct, j’invoquai ma Keyblade. Je connaissais le point faible de cette créature. Il était vulnérable dans son dos, alors qu’aucune attaque ne passait sur son ventre. Assurant mes appuis sur mes jambes, j’essayai de le contourner en faisant une pirouette par-dessus lui. J’y parvins avec difficulté et l’attaquai. J’entaillai un peu son dos, mais il se retourna vivement et je me mangeai son poing dans la face, m’envoyant quelques mètres plus loin en arrière. Il en profita pour me charger à nouveau. Je le parai d’un réflexe éclaire et le projetai dans les airs. Quand il retomba sur le sol, je l’enchaînai de petits coups rapides qui le firent disparaître. Je ne pris pas vraiment le temps de le regarder s’évanouir et partis en courant en direction du cri. Je constatai avec horreur que des Sans-cœur en forme de robots s’en prenaient à une grand-mère qui essayait de les distancer de son mieux.
Voulant ne pas laisser la dame en danger plus longtemps, je lançai mon arme vers eux avant de sauter contre le mur de la ruelle et de la rappeler à moi. Profitant de la gravité, j’abattis ma lame sur les deux plus proches créatures ténébreuses. Elles se désintégrèrent dans une gerbe de fumée noire et deux cœurs apparurent avant de s’envoler dans les airs. L’un des trois derniers robots m’envoya dans les côtes l’un de ses poings à propulsion. J’en eus le souffle coupé. Bon, il était clair que je n’étais plus en si grande forme que ça. Un an et demi sans se battre, ça rouille un peu.
Je fis une ruée en arrière afin de mettre de la distance entre eux et moi. Chose positive, c’est que je les avais détournés de la personne âgée. Ils se mirent à me pourchasser. Je réfléchis rapidement à un plan d’action. J’espérai que ma magie ne s’était pas non plus, elle aussi, atrophiée. Je leur lançai un sort de foudre. Cela les électrocuta et ils restèrent paralysés pendant quelques instants devant moi. J’en profitai pour assez quelques coups de clef à celui qui était le plus proche de moi. J’enchantai ensuite ma Keyblade de lumière et la fis exploser en un éclat radieux. Cela eut pour effet de dissiper les deux derniers Sans-cœur.
J’haletai, ça faisait longtemps que je n’avais pas fait des exercices de la sorte. Il faudrait vraiment que je recommence l'entraînement. Après avoir repris mes esprits, je me dirigeai vers la vieille dame que j’étais venue secourir. En l’approchant, je pus remarquer qu’elle avait le menton qui tremblait et les yeux écarquillés. Elle était en état de choc.
— Ca va, madame ? Vous n’avez rien de cassé ? demandai-je doucement, pour ne pas la brusquer, tout en lui tendant ma main pour l’aider à se relever.
— Ou…Oui…. Je vais bien, me répondit-elle d’une voix encore tremblante, après quelques instants à comprendre ce qu’il se passait. Je… je vous remercie pour votre geste. Sans vous, je ne donnerais plus cher de ma peau. Que puis-je faire pour vous être redevable, mademoiselle ?
— Je n’ai pas fait ça dans l’espoir de recevoir une récompense. Faites simplement plus attention sur le chemin et je serais déjà comblée, je vous assure.
— Bien sûr, mais tenez, je vous en prie. En gage de ma reconnaissance.
— Ou…Oui…. Je vais bien, me répondit-elle d’une voix encore tremblante, après quelques instants à comprendre ce qu’il se passait. Je… je vous remercie pour votre geste. Sans vous, je ne donnerais plus cher de ma peau. Que puis-je faire pour vous être redevable, mademoiselle ?
— Je n’ai pas fait ça dans l’espoir de recevoir une récompense. Faites simplement plus attention sur le chemin et je serais déjà comblée, je vous assure.
— Bien sûr, mais tenez, je vous en prie. En gage de ma reconnaissance.
Elle me fourra une petite bourse dans les mains contenant des cookies. Je voulus les lui rendre, mais elle avait déjà dépassé le coin de l’allée. J’en sortis un de la pochette, un peu décontenancée, et en goûtai un. Il était fondant sous mon palais et je me dis que c’était une récompense qui valait tous
Dernière édition par Kairi le Sam 23 Juin 2018 - 12:00, édité 21 fois