Sept jours. Voici plus de sept jours que la domination de la Coalition Noire sur le Palais des Rêves était soldée par un échec cuisant, une perte innommable pour la confédération ainsi que pour son dirigeant. Namtar quittait seulement les entraves de la faiblesse, ignorant les complaintes de l’infirmière pour retrouver un semblant de dignité au sommet des faibles qui pullulait dans ce monde.
Qu’importe le bandage recouvrant la moitié de son visage ou celui visant à cacher le moignon qu’était devenu son bras, au grand jamais il n’admettrait le défaut de cet hôte plaintif.
Il n’aurait fallu d’un rien pour que Death reprenne le contrôle de son corps et de son coeur, le grand maréchal de la Lumière devait l’ignorer. Auquel cas, Namtar ne serait rien d’autre qu’une coquille vaincue dans le coeur d’un geignard. Pourtant, au travers du sifflement constant qui parcourait ses oreilles, les railleries de son hôte l’harcelaient. Death aurait-il été aussi heureux de retrouver un corps en charpie, probablement. Il ne devait attendre que ce moment où il aurait l’occasion de s’avouer vainqueur d’une bataille qu’il avait perdu depuis bien longtemps.
À cause de cela, de l’occupation d’un corps ne lui appartenant pas, le Démon se retrouvait enfermé dans cette pathétique viande à devoir déambuler comme un mort chez les vivants.
Il y avait aussi cette sensation, cette douleur fantôme qui le harcelait à son bras manquant. Il ne comptait plus les instants où il cherchait à agripper son poignet sans succès. Avec dédain, il se retrouvait devant les portes de son bureau, levant son unique main vers la poignée. Il trébuchait en avant, frappant son épaule contre le bois, gémissant de rage en cherchant à ouvrir la porte sous le regard des coalisés présents dans la pièce. Il ne parvenait toujours pas à estimer les distances avec son unique oeil valide. La part d’ombre dans sa vision le dégoutait, grognant de plus belle, il parvenait enfin à entrer dans la pièce.
Par goutte, la sueur perlait sur son front alors qu’il prenait place sur son trône, fixant le vide de l’endroit. Il ne se conterait jamais de cela. Il ne serait pas ce lâche se terrant derrière une armée.
Le regard du Démon se détachait de cette vision, tournant dans la pièce jusqu’à distinguer une chose inhabituelle. Curieux. Il se relevait prestement, s’avançant jusqu’à l’objet de son attention et découvrant une tunique dont il ignorait tout. Les secondes passaient jusqu’à ce qu’un sourire prenne place sur le balafré. Il ne commenterait plus d’erreur, plus maintenant.
— Lenore… Bientôt, nous allons nous retrouver, sauf qu’il me reste une chose à accomplir.
Un rire froid franchissait ses lèvres alors qu’il attrapait les équipements de la rousse, quittant finalement la pièce ainsi que le manoir.
L’odeur du sel, l’embrun marin, la crasse du port. Le Démon s’avançait dans les rues d’une ville qu’il apprécierait de voir tomber. Il avait maintenant les traits fins, loin du baroque que pouvait-être le faciès de Death, les mèches d’une couleur empruntée au crépuscule volant dans les airs.
Deux bras, deux yeux. Un sourire narquois sur son visage.
Il n’y avait aucun intérêt pour le Démon ou la Coalition Noire que la disparition de Lenore soit connue. Du moins, qu’elle soit déjà dévoilée à l’univers. La raison de sa présence à Port-Royal sous les traits de son nouveau jouet. Il prenait un certain plaisir à se retrouver mêler à la marmaille, d’autant plus quand celle-ci ignorait tout du jeu auquel est participait. Il rirait aux éclats, si cela lui était possible. Il attrapait finalement la capuche de sa cape, l’amenant par-dessus ses yeux, marquant la silhouette qu’il plagiait jusqu’au sommet de la ville, vert le fort qui défendait le port et ses concitoyens.
Tromper l’humain, se moquer de l’étourdie. Voilà des années qu’il n’avait plus eu le loisir de profiter de cela, s’écartant avec malice des gens cherchant son attention. Il n’avait d’autre instinct que d’afficher, que d’exhiber son trophée à la vue de tous, qu’ils s’amusent et rient en pensant qu’elle était toujours de leur côté pendant qu’elle croupissait dans les geôles de la Coalition Noire. Ils étaient tous aussi stupide les uns que les autres, il ne pensait à rien d’autre que cela en voyant les mercenaires s’approcher d’elle afin de le questionner.
Heureux sont les simples d’esprit, il se contentait de les repousser d’un geste du bras pour rejoindre l’intérieur du fort. C’est ainsi que sa joie se faisait le plus fort lorsqu’il distinguait le tableau des primes, la véritable raison de sa présence dans en ces lieux. Les mercenaires avaient besoin de fausses pistes, il allait donc s’en donner à coeur joie.
— Putain, t’était passée où ?!
La Bête était restée devant le tableau, observant les contrats de longues minutes alors qu’il savait pertinemment celui qu’il allait s’accaparer tant un nom retenait son attention. Pourtant, il ne bougeait pas pour que chacun remarque sa présence. Dans un soupir, il tendait son bras droit pour arracher l’affiche et ranger celle-ci dans son corset.
Il se retournait ensuite, fixant le nouvel arrivant de la tête aux pieds tout en tenant l’une de ses mains sur les hanches de la rousse. Un inconnu. Inutile moucheron.
— Qu’est-ce que ça peut te foutre, je m’occupe.
— Les gars te demandent, tu l’sais ça, non.
— Qu’ils continuent à attendre, il y en a marre de voir le travail s’accumuler et qu’aucun de vous ne prend la peine de s’occuper de la maison.
Namtar s’avançait alors, bousculant le mercenaire inconnu de son épaule avant de s’écarter. Inutile d’aller plus loin, il en avait vu assez et en avait fait assez.
Il se contentait d’avancer, faisant le sourd devant les railleries ou les paroles des idiots l’entourant. Qu’ils fassent du bruit, il n’en demandait pas tant. Le Démon franchissait les portes du fort et descendait de nouveau dans les rues de la ville, s’engouffrant dans la foule pour finalement disparaitre dans une ruelle perdue. L’excitation de l’instant, la joie de parcourir les mondes sous d’autres traits, se mélangeait à cette indescriptible envie qui parcourait son échine en lisant le contrat qu’il avait en sa possession. La réputation de Surkesh chez les mercenaires était-elle toujours à faire ? Il allait prendre un plaisir sans bornes à s’occuper de tout cela.
Dans un sifflement, le vaisseau du Démon se posait et s’éteignait progressivement. À l’intérieur de celui-ci, Namtar se relevait et se dirigeait vers la passerelle, ayant oublié qu’il n’était pas la bienvenue ici au travers de ce corps. La vision s’obscurcirait de nouveau, son bras redevenait songe et la haine qu’il éprouvait reprenant le pas sur son esprit.
Il franchissait une nouvelle fois les portes de son bureau, reprenant son trône et méditant sur ce qu’il allait céder aux mercenaires. À en voir leur stupidité, ils pourraient croire en tout et n’importe quoi.
Sauf qu’en ce jour, les habitants de Port-Royal se retrouvaient sous sa faux. Le Démon était au sommet de la chaîne alimentaire, ayant le loisir de faire chuter celui qu’il désirer en créant tout ce qu’il pouvait désirer. Qui se soucierait d’un contrat déposé par Lenore ? La Coalition Noire pouvait décider de tous ses champs de bataille, du moins, à l’encontre des mercenaires. La Bête détournait son regard, fixant le téléphone que Rufus Shinra lui avait confié après leur rencontrer. Il serait surement heureux d’apprendre tout cela. Cependant, l’envie d’être seul maître à bord titillait le Démon et il allait attendre avant de divulguer ses cartes à son grand ami.
Il allait commencer en douceur, se limitant à offrir un Cy-bug ainsi qu’une petite note pour savoir ce qu’il allait en faire. Pauvre Surkesh, il n’y avait plus qu’à espérer qu’il s’occupe personnellement du présent de la Coalition Noire, à moins qu’il décide d’en faire un élevage. Il tardait tant à découvrir le potentiel des mercenaires.
Le lendemain, le Démon retournerait à Port-Royal avec son colis. Rien de plus, rien de moins. Les mercenaires seront livrés à la Confédération.
Dernière édition par Death le Mar 2 Oct 2018 - 14:30, édité 1 fois