L’un des derniers flocons tombait délicatement depuis le ciel uniformément gris au-dessus des Caraïbes. Sans bruit, sans violence, indifférent à son univers. Le regarder était apaisant, irréel, permettait à Lenore se s’échapper une minute dans son esprit pour y trouver un peu de calme. Occultant le décor pour ne voir que ce moment de douceur et de pureté. Ne penser à rien.
Jusqu’à ce qu’il se mêle à la noirceur de la boue à ses pieds. La terre de Port-Royal. Les déchets de sa vie quotidienne. Le piétinement de la neige et de la glace par une activité incessante des quais. L’impatience nourris par l’urgence de libérer le commerce de la banquise qui l’avait empêtré violemment et récemment, surprenant même les plus expérimentés des centenaires du cru. La cendre, la poudre et le sang des combats qui avaient pris la ville à la gorge, la plongeant toujours plus dans un chaos sans nom où chacun luttait pour sa survie. Jusqu’à l’improbable assaut par la mer d’une armée sans nom et sans vie.
Le regard de la mercenaire embrassait de nouveau le monde autour d’elle, son ouïe acceptait de nouveau le râle d’une population dépassée par ces contrecoups, trop violent, trop soudain, trop inattendus et excessifs pour un simple port de commerce.
Maintenant que la rousse et ses camarades d’épopée étaient à nouveau à terre, trébuchant à l’absence de houle, la marche hésitante de fatigue et de blessures. Ils auraient pu aider, organiser, soutenir, guider, donner des ordres pour remettre rapidement ce monde sur pied, ce port, cette ville.
Mais c’était trop même pour Lenore. Elle ne voulait qu’une chose, là de suite, un bain chaud dans le plus grand des calmes. Devait-elle changer de monde pur cela ? Ou se barricader dans la salle de bain de l’étage des filles du Centurio ? Elle aurait été capable de se défendre bec et ongle, au prix de sa vie juste pour pouvoir se plonger dans la chaleur et le calme. Elle en avait déjà bien assez fait. Elle n’avait juste pas envie. En plus elle n’y gagnerait rien. Un peu aux autres de penser et panser.
Elle commença à discrètement abandonner Dathura et son équipage, Natsu et Kurt Brown qui négociaient les termes de sa survie et liberté établi à son insu par Lenore, comme une mauvaise blague. Emmitouflée dans sa cape et sa capuche, rassemblant ses dernières forces autour de la pensée de flamme de bougie, de vapeur s’échappant de la baignoire, de pierres de lave chauffées sur lesquelles étaient posées des serviettes moelleuses, la mercenaire était déjà ailleurs.
Des groupes se formaient, des rumeurs enflaient puis se taisait lourdement, des épaules se baissaient alors qu’elle approchait de l’accès du port vers la ville. Un frisson la parcouru. Un mauvais pressentiment.
La rue pavée dont la pente était rendue difficile par l’excès de neige fondue, résonnait de pas précipités derrière diverses barricades abandonnées. La mercenaire fronçait les sourcils. Natsu et elle étaient partis en mer quand des pillages commençaient mais la présence des autres membres du Centurio aurait dû être suffisante pour maintenir la ville. Qu’est-ce qu’ils avaient encore foutu ! Est-ce que la seule présence des vikings qui avaient débarqués sur la berge justifiait de l’état des rues ?
Elle enjamba le corps sans vie d’un soldat des tuniques rouges. Au moins avaient ils participer à la défense de la ville. Encore des pas précipités au détour d’une ruelle sur sa gauche, trop léger, trop rapide, elle n’eut pas le temps d’esquiver le choc contre son flanc déjà douloureux. Quelque chose agrippait en chuintant. Quelqu’un la serrait en pleurnichant, lui provoquant une grimace. Une tête blonde sauvage désespérée qui ne voulait même pas relever son visage du réconfort de la cape de la rousse.
« Frantz… ? »
Il tremblait comme une feuille, hoquetant de terreur.
« M’dame Lenore… Ils ... Ils … Ils ont…la taverne … tous mort… »
Une angoisse profonde se nouait dans les tripes de la mercenaire empêchant les mots d’en échapper. Il n’était pas du genre à être terrifier facilement bien qu’enfant d'à peine treize ans. Il était toujours à frimer et guetter ses modèles masculins qu’étaient les mercenaires, pas les meilleurs qu’il soit certes. Que racontait-il ? Il devait être plus clair, il fallait le calmer un peu pour mieux comprendre. Ce ne pouvait pas être ce qu’elle imaginait. Ce ne devait pas l’être. A aucun prix.
Elle ouvrit la cape pour le serrer dans ses bras avec le peu de chaleur qu’elle avait encore, lui caressant la tignasse rebelle.
« Frantz… calme toi … de quoi tu parles ? Elle tentait de garder son calme et l’esprit clair malgré d’odieux souvenir qui refaisaient surface. La rumeur, suivi de la terreur d’un témoin… puis ... non, ce ne devait pas être ça, par pitié.
- Le Centurio… il a explosé... avec tout le monde ... dedans… »
…La rumeur, suivi de la terreur… puis l’infâme.
Pétrifiée Lenore sentit son être aspiré dans l’horreur.
Encore…
Elle se détâcha du gamin. L’abandonnant à sa peur dans la rue. Marchant droit devant elle. Incapable de le rassurer.
Encore…
Puis elle se mit à courir. Oubliant la fatigue, les blessures, le souffle.
Elle avait couru à travers les bois, les branches, les roches, les buissons et les racines.
Elle courait désormais à perdre haleine à travers les rues, les barricades, les murets effondrés.
Elle avait couru vers sa famille avec l’espoir en vain.
Elle courait vers sa famille avec la raison brisée.
Encore, une fois, elle arrivait trop tard. Trébuchant sur les débris, tombant à genoux devant les ruines du peu qu’elle possédait.
Les yeux brûlants de ses sentiments emprisonnés dans son esprit.
D’autres mercenaires étaient là, déblayant les planches, sortant les blessés ou les morts. Elle pouvait encore faire quelque chose. Lenore les rejoignit, s’écorchant plus encore les mains, les mâchoires serrées incapables d’émettre le moindre mot. Des planches, des meubles, une main sanglante crispée sur une arme. Elle tentait de libérer rapidement son collègue gémissant. Ses blessures étaient profondes, incompatible avec une simple explosion. Un combat ?
L’angoisse et la douleur se comprimèrent dans sa gorge en une rage brûlante. La Coalition Noire. Son cœur hurlait vengeance plus que jamais. Tout ceci n’avait que bien trop durer. Elle trouva dans cette odieuse sensation l’énergie d’éliminer les décombres. Saisis la lance brisée à sa portée qui avait ressurgit pour s’en servir de levier.
La vie ne devait qu’être une immense ironie, une farce de mauvais gout qui se répétait jusqu’à l’usure. La lance de Svetlana dans ses mains, brisée sous l’explosion ne faisait qu’alimenter son ressentiment. Jusqu’à ce que son regard tombe sur un livre. Un doute traversa son esprit et elle cessa de sauver son camarade. Autour d’elle, un livre, une peluche, un vêtement… les restes de sa chambre. Ses possessions aussi maigres soient elles éparpillées sous ses yeux sans qu’elle ne trouve ce qui chatouillait son sentiment naissant de malaise.
Elle fouilla doucement révélant désormais un livre ouvert dont les pages découpées avaient caché un objet précieux. Ouvrant de grands yeux sous la compréhension soudaine, la rousse se mit à fouiller frénétiquement autour d’elle à la recherche du cristal du faon. Son trésor. Son dernier moyen de raviver sa mémoire de moments doux-amer. Elle devait absolument remettre la main dessus. Viscéralement.
Alors qu’à ses côtés le mercenaire encore en partie ensevelis gémissait pour la rappeler à son secours. Lenore fouillait comme si sa vie en dépendait jusqu’à retrouver la pierre enchantée. Un long soupir s’échappa enfin de ses lèvres, le serrant contre elle. Une image dans sa tête commençait déjà à se former quand elle fut surprise par une main sur son épaule.
Elle se retourna sur la défensive, une main sur sa dague noire et masquant son trésor dans sa cape, quand son regard haineux croisa celui plus calme de Stephan, la poigne serrant doucement son épaule pour la réconforter. Il lui fallut quelques secondes pour calmer sa réaction instinctive, son adrénaline en ébullition, reprendre le fil de sa réflexion et de sa situation.
Lenore rangea l’objet dans une poche avant de demander à son camarade de l’aider à sortir le blessé. Ils le soulevèrent jusqu’à un emplacement à même le sol dégagé pour recueillir l’ensemble des vivants extraits des décombres. Les mercenaires faisaient dans l’urgence. Mais le froid était encore trop mordant pour une telle situation et ils n’avaient réellement aucune habitude d’organisation. Le chaos régnait sur ce monde. Trop de complication en trop peu de temps. Trop de détresse palliée à la va vite. Un désordre nourrissant la confusion.
Elle n’avait pas la force de la plupart de ces hommes, ni les talents de soin du médecin de la Shinra. Mais il y avait quelque chose qu’elle pouvait faire, c’était organiser.
« Stephan… rassemble les hommes. On doit mettre les blessés à l’abri. Tu en prends 3 avec toi pour vider les baraques autour, on les placera par degré de blessure mais ailleurs que sur le sol. Tu réquisitionne tous les tissus, draps, vêtements que tu trouves. »
Il hocha la tête avant de s’assurer qu’elle avait repris le contrôle d’un simple échange de regard, puis il fit le tour des mercenaires pour les convaincre de rejoindre Lenore un instant.
« Qu’est-ce que tu nous veux encore ? Demanda un grand noir au visage balafré du menton jusqu’à l’œil droit. Y a surement encore du monde à sortir de là-dessous.
- Justement, au lieu d’empirer leur situation sur un sol gelé, mettez-les dans les maisons autour, Stephan s’occupe de « prévenir » les propriétaires. Gardez tout ce que vous trouvez en tissu pour des bandages et des couvertures. Il me faut…
- On dirait que tu te prends pour le chef d’un coup. La coupa-t-il.
- Je ne sais pas ... Vous faisiez quoi là tout de suite ? répondit-elle innocemment.
- On sauvait ce qui peut encore l’être.
- Bien … et après ? Vous en faites quoi ? Elle ne reçut qu’un long silence en réponse.
- Voilà justement pourquoi je prends les choses en main… Vous êtes incapable de réfléchir plus loin que le moment présent. Je sais quels sont vos points forts à force de vous observer donc ! Elle fut de nouveau couper.
- Je ne sais pas si t’as remarqué mais le Centurio est mort. Te sens pas obliger de nous faire bosser. Dit-il en un geste ample de la main ers les décombres.
- Le Centurio est là devant moi. Vous tous. Ca ce n’était qu’un superbe tas de bois imprégné d’alcool.
- Fred est mort. C'est lui qui avait les contrats en attendant un chef.
- Certes on devra se passer de sa délicieuse omelette au fromage. Elle hocha la tête avec tout le sérieux feint du monde.
L’âme du Centurio, c’est notre liberté. La force du Centurio, c’est notre organisation. Le cœur du Centurio c’est notre soif d’aventure. Le Centurio a continué sans Teach, il continuera sans Fred, et il continuera même après toi et moi. Si vous voulez fuir faites le tout seul et maintenant. Les contrats, je les ai tellement étudié que je peux vous les citer par coeur. Elle oublia juste de préciser qu'elle ignorait les commanditaires de la plupart.
Si vous voulez être utile, y a de quoi faire partout en ville. Si vous voulez vous venger… Je n’attends que ça mais pas n’importe comment. Les murmures se levèrent entre les pour et les contre.
Alors oui là de suite y a plus urgent. Des blessés à soigner. Miguel, toi et Cathy vous faites le tour de l’île et vous nous ramenez tous les médecins, chirurgiens, rebouteux, coupeur-de-feu et infirmières que vous connaissez.
La présence de Kurt Brown sur le sol de Port-Royal lui revint en mémoire.
- Willem, Tu vas sur le Port, préviens Natsu … essaie de pas le laisser partir en vrille quitte à pas lui dire tout de suite ce qu’il s’est passé. Qu’il se démerde pour passer ses nerfs sur les restes de glace et relancer le port. Et ramène moi le type qui traine avec lui, un soldat… si il est nu trouve lui une couverture et je t’en supplie… ne pose surtout pas de questions… Le mercenaire désigné renfonça ses mains dans ses poches et partit en bougonnant.
- Fenn, dit-elle au grand noir avec le plus de sérieux possible pour le convaincre de la rallié, elle avait besoin de tout le monde. Tu retrouves le gouverneur et les tuniques rouges, tu organise avec lui de suite des patrouilles à deux mercenaires/ deux tuniques rouges. Il faut quadriller la ville comme si on était en état d’urgence. Ce qui est… tout a fait le cas. Aidez les habitants, amenez les ici qu’on les soigne aussi, calmez le jeu et ceux qui veulent aider tu me les envoie. Hors de question d’avoir une révolte de la population après tout ça.
- Pourquoi des patrouilles mixtes ? La plupart sont des pourris fainéants. Grogna-t-il.
- Pour qu’aucun des deux camps ne soit tenté de profiter pour tirer la couverture à lui et se débarrasser de l’autre. Tu veux revenir à la compagnie des indes ? Je ne pense pas. Tu redeviendrais esclave.
- Pour le moment je vais le faire… N’oublie pas la taverne.
- Je n’oublie pas nos blessés non. La taverne, elle, peut attendre.Y a plus important que reconstruire, on est pas au Sanctum. Y a une taverne sur le port qui nous accueillera en attendant. Pour tout le monde, on finit de fouillé les décombres et ensuite, ceux qui ne veulent pas combattre la Coalition Noire, vous irez aider à nettoyer la ville et le port et rebâtir ce qui doit l'être.
- C’n’était pas la Coalition Noire. Fit une voix discrète.
- Pardon ?!
- Y avait juste deux personnes. Certains ont parlé de Pamela, l’ancienne mercenaire. Et d’autre d’un vieillard avec une aile. Il parait que c’est le une grosse huile du Consulat.
- QUOI ?! Lenore eut presque un vertige. Elle s’était tellement mit en tête sa rage contre cet ennemi unique, l’accusant de cette infamie que la nouvelle lui faisait perdre ses moyens.
Mais … pourquoi ? Qu’est-ce que vous leur avez fait ?! Un lourd silence se fit, quelques têtes furent grattées dans la réflexion sans avoir de réponse. Bon toi là, tu fais le tour des blessés et tu récoltes toutes les informations qu’ils peuvent donner avant de mourir. Tu me fais un rapport avant ce soir.
Elle les invita à reprendre leurs recherches, sauvetage et tout ce qu’il y avait encore à faire. Un nouvel ennemi… Mais pour quelle raison ? A force de n’embêter personne, les croyait-on si faible ? Il était grand temps de sortir de l’ombre. Qu’y gagnait le Consulat ? Il lui manquait trop d’élément pour rendre le tout logique. La descente de l’adrénaline tambourinait dans sa tête, les questions en entrainant d’autres. Les besoins s'accumulaient, en vivres, en matériels, en alliés.
Puis l’Eclaireur arriva. Rapace attiré par la mort. Il lui fallait un moment de calme. Elle ne voulait pas être vue, encore moins filmée. Elle se faufila entre deux ruelles discrètes et appela un mercenaire pour le charger de se débarrasser d’eux en les raccompagnant vers la station Shinra et les renvoyer chez eux.
Stephan revint vers elle dans le calme et l’obscurité de sa cachette.
« Les maisons sont prêtes. Que comptes-tu faire après tout ça?
- Un ennemi à la fois. Le temps de comprendre le pourquoi de cette attaque. J’ai quelques comptes à régler.
- Tu comptes partir seule ?
- … Non… Mais je pense qu’avec ça, je trouverais facilement des camarades. Il faut juste… bien les choisir. Elle leva un regard dubitatif sur l’ancien pirate.
- Fred n’as toujours pas levé ta sanction. Je reste ton chaperon. Il réussit à lui extraire un léger sourire nerveux avant de repartir aider à déplacer les blessés qui pouvaient l'être.
- Ils veulent une réaction… Je m’en voudrai de les décevoir. J’ai déjà que trop attendu visiblement.
Mar 3 Oct 2017 - 14:57Jusqu’à ce qu’il se mêle à la noirceur de la boue à ses pieds. La terre de Port-Royal. Les déchets de sa vie quotidienne. Le piétinement de la neige et de la glace par une activité incessante des quais. L’impatience nourris par l’urgence de libérer le commerce de la banquise qui l’avait empêtré violemment et récemment, surprenant même les plus expérimentés des centenaires du cru. La cendre, la poudre et le sang des combats qui avaient pris la ville à la gorge, la plongeant toujours plus dans un chaos sans nom où chacun luttait pour sa survie. Jusqu’à l’improbable assaut par la mer d’une armée sans nom et sans vie.
Le regard de la mercenaire embrassait de nouveau le monde autour d’elle, son ouïe acceptait de nouveau le râle d’une population dépassée par ces contrecoups, trop violent, trop soudain, trop inattendus et excessifs pour un simple port de commerce.
Maintenant que la rousse et ses camarades d’épopée étaient à nouveau à terre, trébuchant à l’absence de houle, la marche hésitante de fatigue et de blessures. Ils auraient pu aider, organiser, soutenir, guider, donner des ordres pour remettre rapidement ce monde sur pied, ce port, cette ville.
Mais c’était trop même pour Lenore. Elle ne voulait qu’une chose, là de suite, un bain chaud dans le plus grand des calmes. Devait-elle changer de monde pur cela ? Ou se barricader dans la salle de bain de l’étage des filles du Centurio ? Elle aurait été capable de se défendre bec et ongle, au prix de sa vie juste pour pouvoir se plonger dans la chaleur et le calme. Elle en avait déjà bien assez fait. Elle n’avait juste pas envie. En plus elle n’y gagnerait rien. Un peu aux autres de penser et panser.
Elle commença à discrètement abandonner Dathura et son équipage, Natsu et Kurt Brown qui négociaient les termes de sa survie et liberté établi à son insu par Lenore, comme une mauvaise blague. Emmitouflée dans sa cape et sa capuche, rassemblant ses dernières forces autour de la pensée de flamme de bougie, de vapeur s’échappant de la baignoire, de pierres de lave chauffées sur lesquelles étaient posées des serviettes moelleuses, la mercenaire était déjà ailleurs.
Des groupes se formaient, des rumeurs enflaient puis se taisait lourdement, des épaules se baissaient alors qu’elle approchait de l’accès du port vers la ville. Un frisson la parcouru. Un mauvais pressentiment.
La rue pavée dont la pente était rendue difficile par l’excès de neige fondue, résonnait de pas précipités derrière diverses barricades abandonnées. La mercenaire fronçait les sourcils. Natsu et elle étaient partis en mer quand des pillages commençaient mais la présence des autres membres du Centurio aurait dû être suffisante pour maintenir la ville. Qu’est-ce qu’ils avaient encore foutu ! Est-ce que la seule présence des vikings qui avaient débarqués sur la berge justifiait de l’état des rues ?
Elle enjamba le corps sans vie d’un soldat des tuniques rouges. Au moins avaient ils participer à la défense de la ville. Encore des pas précipités au détour d’une ruelle sur sa gauche, trop léger, trop rapide, elle n’eut pas le temps d’esquiver le choc contre son flanc déjà douloureux. Quelque chose agrippait en chuintant. Quelqu’un la serrait en pleurnichant, lui provoquant une grimace. Une tête blonde sauvage désespérée qui ne voulait même pas relever son visage du réconfort de la cape de la rousse.
« Frantz… ? »
Il tremblait comme une feuille, hoquetant de terreur.
« M’dame Lenore… Ils ... Ils … Ils ont…la taverne … tous mort… »
Une angoisse profonde se nouait dans les tripes de la mercenaire empêchant les mots d’en échapper. Il n’était pas du genre à être terrifier facilement bien qu’enfant d'à peine treize ans. Il était toujours à frimer et guetter ses modèles masculins qu’étaient les mercenaires, pas les meilleurs qu’il soit certes. Que racontait-il ? Il devait être plus clair, il fallait le calmer un peu pour mieux comprendre. Ce ne pouvait pas être ce qu’elle imaginait. Ce ne devait pas l’être. A aucun prix.
Elle ouvrit la cape pour le serrer dans ses bras avec le peu de chaleur qu’elle avait encore, lui caressant la tignasse rebelle.
« Frantz… calme toi … de quoi tu parles ? Elle tentait de garder son calme et l’esprit clair malgré d’odieux souvenir qui refaisaient surface. La rumeur, suivi de la terreur d’un témoin… puis ... non, ce ne devait pas être ça, par pitié.
- Le Centurio… il a explosé... avec tout le monde ... dedans… »
…La rumeur, suivi de la terreur… puis l’infâme.
Pétrifiée Lenore sentit son être aspiré dans l’horreur.
Encore…
Elle se détâcha du gamin. L’abandonnant à sa peur dans la rue. Marchant droit devant elle. Incapable de le rassurer.
Encore…
Puis elle se mit à courir. Oubliant la fatigue, les blessures, le souffle.
Elle avait couru à travers les bois, les branches, les roches, les buissons et les racines.
Elle courait désormais à perdre haleine à travers les rues, les barricades, les murets effondrés.
Elle avait couru vers sa famille avec l’espoir en vain.
Elle courait vers sa famille avec la raison brisée.
Encore, une fois, elle arrivait trop tard. Trébuchant sur les débris, tombant à genoux devant les ruines du peu qu’elle possédait.
Les yeux brûlants de ses sentiments emprisonnés dans son esprit.
D’autres mercenaires étaient là, déblayant les planches, sortant les blessés ou les morts. Elle pouvait encore faire quelque chose. Lenore les rejoignit, s’écorchant plus encore les mains, les mâchoires serrées incapables d’émettre le moindre mot. Des planches, des meubles, une main sanglante crispée sur une arme. Elle tentait de libérer rapidement son collègue gémissant. Ses blessures étaient profondes, incompatible avec une simple explosion. Un combat ?
L’angoisse et la douleur se comprimèrent dans sa gorge en une rage brûlante. La Coalition Noire. Son cœur hurlait vengeance plus que jamais. Tout ceci n’avait que bien trop durer. Elle trouva dans cette odieuse sensation l’énergie d’éliminer les décombres. Saisis la lance brisée à sa portée qui avait ressurgit pour s’en servir de levier.
La vie ne devait qu’être une immense ironie, une farce de mauvais gout qui se répétait jusqu’à l’usure. La lance de Svetlana dans ses mains, brisée sous l’explosion ne faisait qu’alimenter son ressentiment. Jusqu’à ce que son regard tombe sur un livre. Un doute traversa son esprit et elle cessa de sauver son camarade. Autour d’elle, un livre, une peluche, un vêtement… les restes de sa chambre. Ses possessions aussi maigres soient elles éparpillées sous ses yeux sans qu’elle ne trouve ce qui chatouillait son sentiment naissant de malaise.
Elle fouilla doucement révélant désormais un livre ouvert dont les pages découpées avaient caché un objet précieux. Ouvrant de grands yeux sous la compréhension soudaine, la rousse se mit à fouiller frénétiquement autour d’elle à la recherche du cristal du faon. Son trésor. Son dernier moyen de raviver sa mémoire de moments doux-amer. Elle devait absolument remettre la main dessus. Viscéralement.
Alors qu’à ses côtés le mercenaire encore en partie ensevelis gémissait pour la rappeler à son secours. Lenore fouillait comme si sa vie en dépendait jusqu’à retrouver la pierre enchantée. Un long soupir s’échappa enfin de ses lèvres, le serrant contre elle. Une image dans sa tête commençait déjà à se former quand elle fut surprise par une main sur son épaule.
Elle se retourna sur la défensive, une main sur sa dague noire et masquant son trésor dans sa cape, quand son regard haineux croisa celui plus calme de Stephan, la poigne serrant doucement son épaule pour la réconforter. Il lui fallut quelques secondes pour calmer sa réaction instinctive, son adrénaline en ébullition, reprendre le fil de sa réflexion et de sa situation.
Lenore rangea l’objet dans une poche avant de demander à son camarade de l’aider à sortir le blessé. Ils le soulevèrent jusqu’à un emplacement à même le sol dégagé pour recueillir l’ensemble des vivants extraits des décombres. Les mercenaires faisaient dans l’urgence. Mais le froid était encore trop mordant pour une telle situation et ils n’avaient réellement aucune habitude d’organisation. Le chaos régnait sur ce monde. Trop de complication en trop peu de temps. Trop de détresse palliée à la va vite. Un désordre nourrissant la confusion.
Elle n’avait pas la force de la plupart de ces hommes, ni les talents de soin du médecin de la Shinra. Mais il y avait quelque chose qu’elle pouvait faire, c’était organiser.
« Stephan… rassemble les hommes. On doit mettre les blessés à l’abri. Tu en prends 3 avec toi pour vider les baraques autour, on les placera par degré de blessure mais ailleurs que sur le sol. Tu réquisitionne tous les tissus, draps, vêtements que tu trouves. »
Il hocha la tête avant de s’assurer qu’elle avait repris le contrôle d’un simple échange de regard, puis il fit le tour des mercenaires pour les convaincre de rejoindre Lenore un instant.
« Qu’est-ce que tu nous veux encore ? Demanda un grand noir au visage balafré du menton jusqu’à l’œil droit. Y a surement encore du monde à sortir de là-dessous.
- Justement, au lieu d’empirer leur situation sur un sol gelé, mettez-les dans les maisons autour, Stephan s’occupe de « prévenir » les propriétaires. Gardez tout ce que vous trouvez en tissu pour des bandages et des couvertures. Il me faut…
- On dirait que tu te prends pour le chef d’un coup. La coupa-t-il.
- Je ne sais pas ... Vous faisiez quoi là tout de suite ? répondit-elle innocemment.
- On sauvait ce qui peut encore l’être.
- Bien … et après ? Vous en faites quoi ? Elle ne reçut qu’un long silence en réponse.
- Voilà justement pourquoi je prends les choses en main… Vous êtes incapable de réfléchir plus loin que le moment présent. Je sais quels sont vos points forts à force de vous observer donc ! Elle fut de nouveau couper.
- Je ne sais pas si t’as remarqué mais le Centurio est mort. Te sens pas obliger de nous faire bosser. Dit-il en un geste ample de la main ers les décombres.
- Le Centurio est là devant moi. Vous tous. Ca ce n’était qu’un superbe tas de bois imprégné d’alcool.
- Fred est mort. C'est lui qui avait les contrats en attendant un chef.
- Certes on devra se passer de sa délicieuse omelette au fromage. Elle hocha la tête avec tout le sérieux feint du monde.
L’âme du Centurio, c’est notre liberté. La force du Centurio, c’est notre organisation. Le cœur du Centurio c’est notre soif d’aventure. Le Centurio a continué sans Teach, il continuera sans Fred, et il continuera même après toi et moi. Si vous voulez fuir faites le tout seul et maintenant. Les contrats, je les ai tellement étudié que je peux vous les citer par coeur. Elle oublia juste de préciser qu'elle ignorait les commanditaires de la plupart.
Si vous voulez être utile, y a de quoi faire partout en ville. Si vous voulez vous venger… Je n’attends que ça mais pas n’importe comment. Les murmures se levèrent entre les pour et les contre.
Alors oui là de suite y a plus urgent. Des blessés à soigner. Miguel, toi et Cathy vous faites le tour de l’île et vous nous ramenez tous les médecins, chirurgiens, rebouteux, coupeur-de-feu et infirmières que vous connaissez.
La présence de Kurt Brown sur le sol de Port-Royal lui revint en mémoire.
- Willem, Tu vas sur le Port, préviens Natsu … essaie de pas le laisser partir en vrille quitte à pas lui dire tout de suite ce qu’il s’est passé. Qu’il se démerde pour passer ses nerfs sur les restes de glace et relancer le port. Et ramène moi le type qui traine avec lui, un soldat… si il est nu trouve lui une couverture et je t’en supplie… ne pose surtout pas de questions… Le mercenaire désigné renfonça ses mains dans ses poches et partit en bougonnant.
- Fenn, dit-elle au grand noir avec le plus de sérieux possible pour le convaincre de la rallié, elle avait besoin de tout le monde. Tu retrouves le gouverneur et les tuniques rouges, tu organise avec lui de suite des patrouilles à deux mercenaires/ deux tuniques rouges. Il faut quadriller la ville comme si on était en état d’urgence. Ce qui est… tout a fait le cas. Aidez les habitants, amenez les ici qu’on les soigne aussi, calmez le jeu et ceux qui veulent aider tu me les envoie. Hors de question d’avoir une révolte de la population après tout ça.
- Pourquoi des patrouilles mixtes ? La plupart sont des pourris fainéants. Grogna-t-il.
- Pour qu’aucun des deux camps ne soit tenté de profiter pour tirer la couverture à lui et se débarrasser de l’autre. Tu veux revenir à la compagnie des indes ? Je ne pense pas. Tu redeviendrais esclave.
- Pour le moment je vais le faire… N’oublie pas la taverne.
- Je n’oublie pas nos blessés non. La taverne, elle, peut attendre.Y a plus important que reconstruire, on est pas au Sanctum. Y a une taverne sur le port qui nous accueillera en attendant. Pour tout le monde, on finit de fouillé les décombres et ensuite, ceux qui ne veulent pas combattre la Coalition Noire, vous irez aider à nettoyer la ville et le port et rebâtir ce qui doit l'être.
- C’n’était pas la Coalition Noire. Fit une voix discrète.
- Pardon ?!
- Y avait juste deux personnes. Certains ont parlé de Pamela, l’ancienne mercenaire. Et d’autre d’un vieillard avec une aile. Il parait que c’est le une grosse huile du Consulat.
- QUOI ?! Lenore eut presque un vertige. Elle s’était tellement mit en tête sa rage contre cet ennemi unique, l’accusant de cette infamie que la nouvelle lui faisait perdre ses moyens.
Mais … pourquoi ? Qu’est-ce que vous leur avez fait ?! Un lourd silence se fit, quelques têtes furent grattées dans la réflexion sans avoir de réponse. Bon toi là, tu fais le tour des blessés et tu récoltes toutes les informations qu’ils peuvent donner avant de mourir. Tu me fais un rapport avant ce soir.
Elle les invita à reprendre leurs recherches, sauvetage et tout ce qu’il y avait encore à faire. Un nouvel ennemi… Mais pour quelle raison ? A force de n’embêter personne, les croyait-on si faible ? Il était grand temps de sortir de l’ombre. Qu’y gagnait le Consulat ? Il lui manquait trop d’élément pour rendre le tout logique. La descente de l’adrénaline tambourinait dans sa tête, les questions en entrainant d’autres. Les besoins s'accumulaient, en vivres, en matériels, en alliés.
Puis l’Eclaireur arriva. Rapace attiré par la mort. Il lui fallait un moment de calme. Elle ne voulait pas être vue, encore moins filmée. Elle se faufila entre deux ruelles discrètes et appela un mercenaire pour le charger de se débarrasser d’eux en les raccompagnant vers la station Shinra et les renvoyer chez eux.
Stephan revint vers elle dans le calme et l’obscurité de sa cachette.
« Les maisons sont prêtes. Que comptes-tu faire après tout ça?
- Un ennemi à la fois. Le temps de comprendre le pourquoi de cette attaque. J’ai quelques comptes à régler.
- Tu comptes partir seule ?
- … Non… Mais je pense qu’avec ça, je trouverais facilement des camarades. Il faut juste… bien les choisir. Elle leva un regard dubitatif sur l’ancien pirate.
- Fred n’as toujours pas levé ta sanction. Je reste ton chaperon. Il réussit à lui extraire un léger sourire nerveux avant de repartir aider à déplacer les blessés qui pouvaient l'être.
- Ils veulent une réaction… Je m’en voudrai de les décevoir. J’ai déjà que trop attendu visiblement.