Le champ de débris, morceaux d'îles ou de ruines par douzaines, flotte immobile au beau milieu d'un espace noir, sans astre aucun. Parmi ses fragments de monde, l'un d'eux se distingue... presque plat, spacieux comme une toute petite plaine et la terre saignée de tranchées aussi nettes que profondes. Je me tiens dessus, débout et nerveux, tâchant de contenir mon agressivité. Ce n'est pas de la colère, ça ressemble plus à de la peur. L'objet de ma peur n'est pourtant pas l'être qui a massacré des centaines de mes semblables comme si c'était une promenade de santé. Ce qui m'effraie, c'est cette faim dévorante qui menace de prendre le pas et de me pousser à l'attaquer même en sachant que c'est perdu d'avance. Ce gouffre intarissable qui grandit, devient contrôlable et me dévore comme un trou noir... j'avais presque fini par m'y habituer. Puis le voilà, avec son cœur qui luit comme une lune, brille comme une étoile, m'éblouit comme un soleil. Suis-je seulement capable d'éprouver de la peur ? Une chose est sûre, je ne suis pas serein et j'ai conscience que mon existence est menacé. Mon plan est bon puisque ce cœur, je ne l'obtiendrai en aucun cas par la force, ma puissance ne me le permettant pas. Il me faut alors ruser, raison pour laquelle j'enfile ma forme humaine en déguisement. Après le fracas d'un combat opposant un petit titan à une horde de ma race, le silence morbide de l'explosion d'étoile en devient assourdissant.
Sous cette forme je mesure un mètre soixante-dix environs, un peu plus... mais sous ma véritable apparence aisément plus haute que deux mètres, l'être mystérieux me dominait déjà largement en taille.

« Mon nom est Gilgamesh ! » Déclare l'être, sa voix puissante qui résonne mystique comme mille en cœur. Pourtant, si son intonation paraît celle d'une divinité guerrière, son intonation ressemble à celle d'un naïf aventurier. Le contraste est saisissant... terrifiant de prestance mais rassurant quand à ses intonations. Sous forme humaine, je reste pourtant un sans-cœur sur le qui-vive et les nerfs à vifs. Une attaque lui a suffit à terrasser deux titans et ce ne fut pas plus difficile pour lui, juste plus long, de décimer des centaines de mes semblables. Certes, la cape rouge sang qui le recouvre presque entièrement est en lambeaux, dévoilant les morceaux de son armure bien amochée. Des dégâts, il y en a... des tas... mais pas un seul sur le corps du géant à six bras. Ma main est prise de spasme, instantanément, je la range dans ma poche pour qu'il ne la voit pas. Elle se change en griffes de sans-cœur malgré moi. Je me sens tout petit... et ce n'est même pas parce qu'il fait deux à trois -quatre?- fois ma taille. Si je me sens si insignifiant c'est parce que je souffre incroyablement à la fin des mondes, ma propre demeure et environnement naturelle... pendant que lui, très simplement, est assis si sereinement en tailleur. « Je suis le plus grand des guerriers et un chasseur d'armes uniques sans pareil ! » Je veux bien le croire... « Tu veux te battre petit homme ?! »

« Non ! » Que je réponds du tac au tac, les jambes déjà fléchis pour m'enfuir... ma patte droite toujours dans ma poche. Gilgamesh ne m'a pas posé la question en étant si agressif que ça... juste excité à l'idée, voulant se battre pour le sport apparemment.

« Oh... » Me répond-il, déçu mais aussi très méprisant. Je ne me vexe pas pour si peu, à vrai dire. Moi qui meurt de faim, j'en suis à refuser de tenter ma chance pour ce repas... je ne fais juste pas le poids. « …tu ne m'as pas l'air d'un guerrier de toute façon. Et tu m'as encore moins l'air d'être puissant. »

Je ne tiens plus en place...soit je m'éloigne jusqu'à ne plus ressentir la présence de cette lumière, soit je me jette sur lui. Chaque seconde me paraît une éternité... impossible de me décider. Cette faim est si atroce que je me demande si ça ne vaudrait pas le coup de simplement me faire détruire. Si seulement je pouvais m'y résoudre... mais je ne peux pas ! Mais partir ? Je ne m'y résous pas non plus, l'indécision me tétanise... mourir de faim ou au combat ?  

« Que fais-tu ici, petit homme ? »

« Je... » Je suis perdu ? J'aime bien mentir et baratiner mais ici, ce n'est pas spécialement utile. La sérénité qu'on ressent à dire la vérité m'est un luxe bien trop rare pour que je m'en prive. « Je suis perdu... j'ai échoué ici et n'arrive plus à revenir là d'où je viens. »

« Hum... j'ai une chose ou deux à faire ici et après ça, je vais à la Terre des Dragons. Tu peux me suivre si tu veux. Et si tu peux. »

Je... crois rêver mais l'occasion est inespéré. Ma faim ne faiblit pas pour autant... mais ma détermination grimpe en flèche, j'arrive soudain à plus me concentrer. Je reste quand même plutôt méfiant mais ma patte ne tremble plus, je la sens redevenir lentement une main humaine dans ma poche. Mon corps est moins nerveux... est-ce moi où je vois la lumière au bout du tunnel ? Cette lumière que je me tâte encore à essayer de dévorer, quitte à en brûler.

« Pourquoi tu ferais ça ? »

« Ça ne me coûte rien et t'es pas un adversaire intéressant. Puis comme ça, tu pourras compter la légende du grand Gilgamesh aux hommes ! »

Je dois me retenir. L'occasion est trop belle pour que je cède à l'instinct de survie ou à la faim, je dois... dompter mes sombres instincts. Humain, je n'ai pas su maîtriser mes sombres passions... mais ici, je n'aurais pas moyen de renaître sous quelque forme que ce soit. L'idée qu'un simili de Surkesh existe ne me réconforte pas quand à ma propre disparition.

« C'est quoi ces trucs que tu dois faire au juste ? Je vois pas trop ce qu'il y a à faire ici à part défourailler du sans-cœur... »

« Je t'ai déjà dit que je suis le plus grand chasseur d'armes uniques ?! Regarde un peu ça, tu n'en reviendras pas ! »

Et là... en effet, je n'en reviens pas lorsqu'il me montre son arsenal composé exclusivement d'armes uniques. Je suis pour ainsi dire sur le cul devant un tel étalage de légendes. Gilgamesh est pas peur fier, carrément orgueilleux... c'est quelque chose que je compte exploiter et une faille aussi redoutable que commune. Pourtant, rendu à ce niveau-là, on ne peut pas condamner la vantardise. Sa puissance s'explique enfin et... aiguise particulièrement mon intérêt. Une à une et dans l'ordre, Gilgamesh fait apparaître ses armes uniques du vide. Honnêtement, je n'ai même pas à mimer d'être impressionné, je le suis même si... je sais pas... quelque chose cloche là-dedans. Si je n'avais pas vu sa puissance, j'aurais cru à de la connerie.

« Masamounéné ! L'épée légendaire manier par Sephiroth, l'ange à une aile, le cauchemar... que j'ai récupéré dans une brocante au Jardin Radieux. »

Très longue et effilée de près de deux mètres, la lame est finement forgée aussi parfaitement tranchante que blanche, sans la moindre entaille et très affûtée.

« Excalipur que j'ai décroché d'un rocher sur le monde d'Histoires de Grimm ! »

Une épée à la garde dorée et à la lame resplendissante, typiquement chevaleresque.

« Zanchié, la lame du jugement qui m'a choisi comme élu et a été livrer par un type pas louche du tout ! »

Une longue et épaisse lame très longue, sans pointe, faite d’argent et dont le pommeau est orné d’une pierre précieuse azurée.

« Ygdrassissi, l'épée des chimères que j'ai trouvé par terre à la Terre des Dragons ! »

Une épée longue... neutre et sans fioriture...

« Légendrosse que m'a vendu un marchand mystique au souk d'Agrabah ! »

Une longue et sombre épée batarde, dont la garde est comme un ensemble d'écrous, de mécanismes d'un temps futur.

« L'épée de la guerre que j'ai arraché des mains de son porteur ! »

Une épée en or, effilée...

« Ultimax qui m'a choisi comme élu aussi ! »

Une... keyblade... et là... je sais de suite que c'est vrai. J'en ressent le pouvoir menaçant, l'envie dix fois plus pressente de fuir ou d'attaquer, comprenant à quel point le cœur face à moi est puissant. Le sans-cœur que je suis tremble face à cette clef, mon ennemi naturel. Elle rappelle légèrement la forme de la chaîne royale dans sa pointe et sa poignée, en étant bien entendu bien plus ornée avec foule de détails qui la font incroyablement épaisse.

« Le trident d'argent que j'ai récupéré après avoir vaincu une armée de requins géants ! »

A partir de là... je commence un peu à douter... c'était jusqu'ici assez improbable et soit, sa puissance me faisait dire qu'on se trompait sur les noms des armes uniques. Je ne suis jamais allé à Atlantica donc soit, je veux bien croire. Me semblait pourtant que le trident légendaire du Roi Triton était... en or, tout simplement.

« Soul Back que j'ai trouvé par terre à la Contrée du Départ, dans le Manoir des Maitres de la Clef de Jadis ! »

Vous voyez, là, je sais qu'aussi puissant qu'il soit, toutes ses histoires d'armes uniques... ce n'est que de la connerie et lui, aussi effrayant soit-il, n'est qu'un bon gros pigeon. Et il ne sera pas bien dur à manipuler. Une chose est sûr, c'est vraiment un élu de la clef... mais ce n'est pas Soul Black qui tient. C'était l'arme d'Arachné et à ma connaissance, cette arme unique là a disparu en même temps que la veuve noire et la pierre angulaire. Encore que, ce genre d'histoires peut toujours être fausse.
Par contre, je sais qu'il ne ment pas en disant l'avoir trouvé à la Contrée du Départ... parce que cette keyblade qu'il appelle "Soul Back"... c'était ma clef quand j'étais humain.

« Un ivrogne dans un bar m'a dit qu'un autre ivrogne lui avait raconté que son cousin avait croisé un ivrogne très costaud qui a combattu un sans-cœur chauve-souris, ici-même ! Et ce sans-cœur aurait en sa possession l'épée légendaire de destruction : Ragnagnarock ! Son histoire est flou mais il m'a juré que c'était bien à la fin des mondes et je le crois. Comme c'est vaste ici, on risque de mettre un peu de temps. A côtés de ça, un ami chimère m'a dit avoir confié Zanmatoto, le sabre capable de tout trancher, au défunt Yen Sid. Et nous sommes justement sur les ruines de son monde ! Donc, je récupère les deux armes et après je sors d'ici à la recherche d'un adversaire digne de moi. Je veux affronter de vrais guerriers et pas de vulgaires sans-cœurs. Si tu veux... et si tu peux... je te laisse m'accompagner pour que tu racontes mes exploits. »

Franchement... cet être est bête comme pas permis mais avec lui, je pourrais toujours me cacher et attendre qu'il élimine tout ce qui bouge. Peut-être même qu'après un certain temps, une suite de combats l'aura suffisamment affaibli pour que je puisse dévorer son cœur façon charognard. Si un brocanteur peut lui vendre l'arme de Sephiroth... si un rebeu du souk peut lui refourguer l'arme de Konstantine Angel... et si un type peut lui faire croire qu'il lui file une arme unique... je peux bien faire ce que je veux de ce gars-là.

J'ai toujours faim... mais j'ai tellement de chance de l'avoir croisé... que je pense que je saurais être patient.

« Je suis partant ! » Lui dis-je avec mon plus radieux sourire et une énergie positive sans pareille ! « Je vais écrire un livre sur toi et ta légende... ca s'appellera : Gilgamesh, le plus grand guerrier, le chasseur d'armes uniques et la chose la plus classe de l'univers. Ensuite je sortirais le tome deux : comment ma vie a changé après avoir connu Gilgamesh. Puis bon, comme ça, j'aurais enfin quelqu'un avec qui discuter et toi aussi ! Ca va être cool... bordel, moi qui croyait avoir la poisse, j'ai tellement de chance d'avoir atterrit ici finalement. »

« Okay, ne perdons pas de temps alors ! Je me disais bien que t'avais l'air sympa. »

Je meurs toujours de faim... toujours plus... et chaque seconde un peu plus encore. Je... dois... rester... concentré.