V’là que j’suis son premier client ! La gamine qui m’donne l’une des bouteilles de sa première cuvée, va falloir que j’la garde bien précieusement pour qu’elle soit ouverte pour une grande occasion. Genre, le moment parfait dans la vie d’un brasseur ou d’un panda.
Du moins, une occasion différente de la sortie de base au Moulin Rouge.
C’est une fois qu’elle termine son câlin de remerciement que j’prends le temps de ranger la bouteille à une boucle de ma ceinture, faisant bien attention à ce qu’elle ne tombe pas et pour qu’elle soit toujours sur moi. Bon, j’enlève mes vêtements pour dormir ! C’qui veut dire quelle sera pas à ma ceinture vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et puis, ce serait un peu bizarre que j’dorme avec la première bière d’une élève. Ne pensons pas à ça.
Roh. Elle est mignonne avec son p’tit sourire sur le visage, j’ai presque envie de lui pincer les joues ! Par contre, elle abuse un peu sur les courbettes, elle va finir par se faire un lumbago.
— Pas la peine d’en faire autant, Lotis, ça m’a fait plaisir d’avoir quelqu’un pour la journée ! Et puis, nous nous sommes bien amusé à faire tout cela.
D’un doigt, j’pointe les bouteilles de sa boisson. Verre non-étiqueté, par ailleurs. Elle donnera un nom à sa boisson en temps voulu, là, elle doit juste conserver l’envie et le plaisir d’avoir travaillé ici.
— Bien, par contre, il me semble que nous avons fini avec ta première cuvée ! Et entre nous, j’espère que ça ne sera pas la dernière.
À mon tour, j’lui donne mon plus beau sourire de panda ! C’qui se limite à hausser la commissure des lèvres et de ne pas montrer trop de croc. Ça ressemble à rien comme ça, parce que j’souris tous les jours, sauf que ça a réchauffé mon coeur de faire tout ça. J’veux dire, quand j’suis au Moulin Rouge, j’aide à ma façon et j’fais plaisir aux gens. Et ici ? J’ai faits exactement la même chose, à la différence que c’était plus proche, j’aime bien être ici et à partager avec quelqu’un.
Tout ça, ça m’rappel pourquoi j’suis venue ici, au Consulat. Pas parce qu’il y avait une place à pouvoir ou pour m’faire un max d’argent. Non. Simplement pour le plaisir de partager avec quelqu’un, de transmettre quelque chose qui va plus loin qu’une simple poignée de main.
Aller, il reste plus qu’un truc à faire et tout sera terminé. D’un geste, j’demande à la gamine d’attendre un instant, le temps que j’prenne un casier en bois qui traine dans un coin. Deux coups de patte pour retirer la poussière et j’la pose sur l’atelier à côté des bouteilles. Faut pas être consul des mathématiques pour comprendre à quoi sert l’outil, sauf qu’avant, faut préparer un p’tit quelque chose pour qu’elle n’oublie pas cette journée. J’le pose sur un côté et reste debout le temps d’attraper un pinceau et d’la peinture noire, il y a vraiment beaucoup de trucs qui trainent dans mes caves, et j’gribouille un truc sur la boîte rapidement.
— Et voilà ! Ça, ce n’est un secret pour aucun consul, il faut quelque chose pour que les gens se souviennent de toi. Une sorte de marque de fabrique, et voilà c’que j’te propose en attendant d’avoir ta propre enseigne au Jardin Radieux ! Bon... C'est une ébauche, soit clémente avec moi.
Rien d’extravagant, il ne s’agit simplement d’un rond avec une paire d’yeux et une bouche souriante surmontée de deux oreilles de louve et une queue qui part à l’arrière. S’il y a bien un truc qu’on remarque chez Lotis, c’est ça ! Alors autant que les gens pensent à elle quand ils achèteront ses produits. Et puis, elle peut changer si ça ne lui fait pas plaisir ! Elle est grande, elle fait ce qu’elle veut.