Il était temps de quitter le Jardin Radieux. Trois jours que Lenore traînait sur place pour ses achats personnels et déjà elle ne rêvait que de rentrer. Elle tenta de chasser de son esprit la présence de Liam et toutes ses futilités, se concentrant sur son objectif. Ses commandes étaient passées mais prendraient un peu de temps à être réalisées mais elle ne comptait pas rester dans ce monde plus que nécessaire. Elle aurait pu le vouloir avant sa déception, avant qu’il ne la fasse passer pour une idiote. Maintenant, elle voulait fuir. Fuir la présence du temple d’Aphrodite, fuir les danses pour ne pas être détournée de son objectif, fuir ce que cet homme avait fait naître en elle, aussi fugace que cela avait été.
Elle était agacée envers elle-même mais ce sentiment lui serait utile pour jouer son personnage. Elle serait naturellement exécrable et hautaine ou presque, pour le peu qu’elle tombe sur un commercial qui comptait user de son charme. Elle ne se ferait pas avoir cette fois.
Pénétrant dans la station Shinra, son sac en bandoulière toujours contre elle, Lenore se dirigea vers les commodités. Elle comptait se faire passer pour une autre, afin que la société multimondiale ignore qu’un mercenaire s’était payé un vaisseau et éviter les taxes supplémentaires. Malgré la population en transit, elle put s’enfermer un instant pour se changer.
Elle retira sa cape, bataillant dans l’espace exigu, et l’étala sur le couvercle de porcelaine occupant l’espace. Elle plaça dessus son bustier une fois ôté, ses bottes et sa jupe. Elle rectifia la position de Murasama fixée à sa cuisse par des jarretières puis enfila son tailleur droit et noir qu’elle avait acheté pour une mission à Illusiopolis.
La jupe tombant au-dessus des genoux couvrait l’arme sans la dévoiler par son relief à condition qu’elle fasse attention à sa position une fois assise. Elle passa la veste par-dessus sa chemise habituelle, cintrée une fois boutonnée.
La mercenaire extirpa du sac les souliers noirs sans talons qu’elle enfila, récupéra enfin son chapeau, ses gants, son carnet et sa bourse à munnies plus que pleine, pour poser ses deux derniers objets sur ses affaires au creux de sa cape. Elle abandonna le sac à bandoulière dans un coin et rabattit les coins de la cape, les nouant ensemble pour en faire un nouveau sac en toile grise, un peu plus raccord à son allure actuelle.
La rousse enfila ses gants, dont deux doigts de la main gauche était fourrés de coton pour en maintenir le volume. Ce n’était pas parfait mais ça ferait illusion à condition qu’elle évite de se servir de cette main-là. Elle se coiffa devant le miroir en sortant, fixant un chignon parfait avec le peigne que lui avait offert le bijoutier. En cas de besoin, elle pourrait toujours s’en servir pour poignarder quelqu’un avec ses trois longues dents torsadées effilées. Elle termina son déguisement en fixant son chapeau noir à large bord, levant un sourcil devant son reflet austère. Elle était de nouveau Chrystelle Manfield, impresario du Jardin Radieux comme elle l’avait été à Illusiopolis.
Elle qui aimait habituellement changer de rôle, pour le jeu, pour filouter et manipuler les autres, pour une fois elle ne trouvait que cela contraignant. Tout ça parce que la Shinra monopolisait les transports et surchargeait les mercenaires de taxe parce que le Centurio était en conflit commercial avec eux. Elle se demandait bien ce qui avait provoqué cet embargo d’ailleurs, elle devrait en parler avec Fred.
Du coup, elle devait cacher son appartenance au monde de Port Royal, le temps de l’achat du vaisseau. C’était une carte essentielle dans leur projet d’indépendance, ainsi que pour ses projets de vengeance, qui ne serait utile qu’à condition de rester secrète.
D’une certaine façon, il valait mieux que ce soit elle qui s’en charge. Outre le fait qu’aucun de ses collègue ne semblait avoir de notions d’économie et qu’elle payait de ses propres deniers, personne d’autre que la rousse parmi les mercenaires ne semblait réfléchir à ses actes du moins, dans la tentative de dissimuler au minimum son identité pour fuir les conséquences de leurs actions. Elle avait eu la preuve de cette nécessité et cette pensée réveilla la douleur fantôme de sa main gauche, la massant d’un air songeur de l’autre main.
Elle fronça les sourcils, se jetant à elle-même un regard accusateur après quelques secondes de flottement. S’attarder sur le passé ne servait à rien. Elle en avait gagné un objectif clair et devait s’y tenir. Elle allait rapidement faire bouger les choses et montrer que le message avait bien été passé mais pas forcément suivi. Elle sourit en coin, le résultat ne plairait pas à Death mais il ne devait pas s’en douter trop tôt. C’était peut-être un peu pour lui aussi qu’elle se voilait de cette identité pour l’heure.
Lenore jeta son nouveau sac tendance sur son épaule et se dirigea vers le poste d’accueil, résolue et droite, sans attardé son regard sur qui que ce soit. Elle réclama à l’hôtesse le responsable des vente de vaisseaux aux particuliers, insistant pour être reçue rapidement en faisant l’étalage de pseudo rendez-vous et son agacement au fait d’attendre. Une cliente parfaitement pénible d’entrée de jeu. La pauvre hôtesse fit tout son possible pour supporter dans le calme et la bravoure, le caractère extravagant de la dame en noir, prête à la moindre excuse pour faire un scandale en public. La brave hôtesse, droite dans son tailleur discret bleu nuit, affichait un sourire travaillé pour être accueillant mais non moqueur. Ses mains fines étaient posées à plat sur son bureau, afin de se positionner bien face à la cliente pour lui répondre.
« - Aviez-vous pris rendez-vous ? Je suis navrée Madame, mais notre responsable des ventes est actuellement en déplacement à la convention sur les nouveautés technologiques aéronautiques de la Shinra à bord de leur vaisseau-monde, et malgré toute la bonne volonté possible, il ne pourra pas être présent aujourd’hui.
- Mais de quelle convention parlez-vous donc ? Répondit Lenore avec agacement.
- Comme chaque année la Shinra organise un événement promotionnel autour des nouveautés technologiques de sa branche commerciale. Les derniers modèles de transporteurs y sont présentés et mis en vente. Tous les concessionnaires s’y rendent ainsi qu’un important public de connaisseur et de curieux. Dit-elle calmement en présentant d’une main une affiche relatant le congrès.
- Alors qu’attendez-vous ? Cracha Lenore avec impatience en fronçant les sourcils et frappant du plat de la main sur le bureau.
- Pardon ? Sursauta l’hôtesse en clignant des yeux apeuré par le geste violent et soudain de la femme qui lui faisait face, glissant instinctivement les mains vers elle-même.
- Etes-vous donc naturellement si lente à comprendre ? Vous me parlez d’un vaste espace de vente de vaisseau alors que je viens en acheter un spécifiquement ! Et l’idée ne vous traverse même pas l’esprit ??! Préparez moi immédiatement un aller à ce congrès ainsi que le nom, description et position de votre vendeur, que je le trouve sur place. Faut-il donc que je fasse tout le travail moi-même ? Avez-vous ne serait-ce que conscience du temps que je perds et des frais supplémentaires que votre inaptitude me cause ?!»
La brave hôtesse, les mains déjà tremblantes de stress occupées à rapidement préparer des papiers, s’excusa en bredouillant son empressement à organiser le voyage de la cliente. Elle laissa quelques secondes Lenore sur place avant de revenir avec un ticket et de l’escorter personnellement vers un transporteur au départ. Pour se faire pardonner de sa maladresse et de la gêne occasionnée par l’utilisation d’un transport public assez rempli, la société lui offrait évidemment l’aller et le ticket d’entrée au salon.
Et effectivement le vaisseau était plein.
D’ hommes principalement, elle ne reconnut aucuns mercenaires.
Les passagers tous habillés de façon assez moderne, costumes sombre ou clair parfaitement repassés et cravates, des soldats également aux couleurs de différents groupes et même quelques hybrides comme un renard avec des lunettes de soleil en tenue militaire dont un écusson à son épaule annonçait un nom, le sien ou celui de son escouade peut être ? Star Fox. Il glissa ses lunettes sur son nez, le temps de jeter un œil à la rousse au regard insistant de curiosité sur l’hybride, puis, certainement habituer il replaça ses lunettes et se plongea dans l’immobilité et le silence d’un repos léger de ceux qui ont rarement le temps de se reposer dans le feu de l’action et doivent profiter du moindre répit.
Lenore se concentra sur sa position assise afin que sa tenue reste correcte. Jambes jointes et légèrement pliées sur le côté. Elle ne se fit pas prier pour discuter avec ses voisins immédiats tout le long du trajet quelques soit le sujet sans trop s’impliquer, juste pour oublier la surpopulation, l’air restreint, l’étroitesse de la pièce aux murs métalliques.
Le pilote annonça bientôt l’arrivée sur le vaisseau-monde de la Shinra et il était grand temps. La mercenaire commençait à s’impatienter et ressentir les premiers signes de stress du fait de l’enfermement malgré tous les efforts de ses voisins pour la mettre à l’aise et/ou la charmer. Ils commençaient à ses casser les dents sur des réponses de plus en plus froides, fermées et cassantes.
Lenore était consciente qu’elle allait pénétrer dans les entrailles de la société même qui s’était levé en ennemis au Centurio. Elle sentait la tension le danger dans ses veines et son esprit bouillonnant était en alerte. Elle n’avait pas d’autre choix de toute façon pour acquérir son vaisseau. Elle n’avait rien à se reprocher jusqu’ici après tout et il n’y avait aucune raison pour qu’ils l’identifient comme mercenaire.
… Tout allait bien se passer…
Le regard de la rousse se perdit à travers le hublot sur le paysage froid et géométrique du vaisseau-monde. Écarquillant les yeux sur la dimension titanesque de l'habitation artificielle flottant dans l'immensité du sombre espace. Tout un bloc métallique d'une couleur uniforme donc quelques pustules colorés clignotantes faisait officie de lumières repères pour différentier les différents ports d'attaches. Un embriquement accumulé de multitudes d'espaces habitables dont une gigantesque tour se détachait ostensiblement au centre de gravité.
Pas une fenêtre visible. Les minuscules carré de verre qui permettait de rares panorama sur l'espace ne pouvais pas être qualifier de fenêtre.
Pour Lenore, c'était , une gigantesque soute de vaisseau. Immense, dont il faudrait des jours pour faire le tour mais... fermée.
Une boite.
Une prison.
Froide et impersonnelle.
Ce n'était pas un monde.
C'était un cauchemar qu'elle allait devoir endurer pour acquérir son vaisseau.