Cortez pénétra avec hâte dans la station Shinra, toujours suivi de son frère et de l’odeur d’égouts qui imprégnait leurs vêtements pourtant si classe. Ils avaient quittés leur situation précaire à San Fransokyo, faite de magouilles sans envergure et de séjour en prison, pour saisir une opportunité unique. Le génie le sentait dans ses tripes quelque part parmi ses nombreux nouveaux mondes qui leur étaient apparus récemment, il y en avait un pour finir sous sa coupe, pour plier sous son génie. Il avait bien tenté de prendre le pouvoir dans ce monde, le premier dans lequel ils avaient atterri après avoir fuis leurs origines, mais la maladresse, la stupidité sans bornes de son boulet de frère avaient fait capoté ses plans comme toujours.
Ce monde superficiel ne méritait pas son super intellect. Ils avaient dû fuir une foule avant que celle-ci ne s’imagine une volonté vengeresse de s’être fait manipulée afin d’entrer dans le château dominant la ville et d’en prendre presque possession s’il n’y avait pas eu ces soldats zélés pour les mettre dehors.
Au moins les soldats de la station ne permettraient aucun débordement dans ses locaux, ce qui les protégerait d’une certaine façon. Le duo s’approcha du quai donnant accès au premier transporteur au départ. Le plus tôt serait le mieux, quelle que soit la destination. Le problème restant le financement du trajet : ils n’avaient pas un rond l’un comme l’autre.
« Bon, va falloir qu’on s’arrange pour se faire payer un voyage par un tiers. Et on a plus de chance de faire ça séparément. Hey oh tu m’écoutes ?! Cortez mit deux petites baffes à son frère pour qu’il réoriente son regard vers lui et non vers la petite vieille luttant avec ses trop nombreux bagages sur leur droite. Concentre-toi un peu sur le plan! Ne me fait pas me répéter… Qu’est-ce que j’ai dit ?
- On paie un tiers du voyage séparément… Mais du coup ça fait un sixième ou deux tiers ? Tu sais que je ne suis pas très doué en math. C’est pour ça que c’est toi qui garde l’argent d’habitude. Dit Mintus avec naïveté.
- Non triple buse ! Tu dois convaincre quelqu’un de te payer ton voyage. Répondit le génie en grinçant des dents. Tiens, regardes comment je m’y prend et fais comme moi… Au pire on s’attend dans l’autre monde. »
L’homme au costume noir repéra une jolie brunette seule, dans la foule en attente du transporteur. Il se recoiffa d’une main, redessina ses sourcils, s’armant d’un sourire assuré et d’une démarche de tombeur sûr de lui.
« Bonjour mademoiselle. S’essaya-t-il d’une voix charmeuse. Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer votre beauté malgré toutes les splendeurs de ce monde… »
Elle soupira, roula des yeux et pivota légèrement pour s’en débarrasser. Une cliente difficile, mais il avait d’autres arguments pour ce genre de cas.
« Je suis persuadé de vous avoir déjà aperçu, seriez-vous une artiste ? Peut-être, êtes-vous passée à la télévision ? Je ne peux oublier un regard comme le vôtre… »
C’était gagné, elle se retournait, bien que passant ses yeux plissés de méfiance de haut en bas, il devait forcément avoir fait mouche. Les femmes étaient pour lui des créatures si faciles à appréhender par son génie.
« Ce n’est pas plutôt vous qui êtes passé à l’écran ? Je vous ai vu… C’est vous qui avez tenté de droguer les journalistes ! Reprit la brune, le forçant instinctivement à s’en éloigner.
– Euh, pardon ? Bien sûr que non enfin… Quoi ? Je ne vois pas du tout de quoi vous parlez ! Bafouilla-t-il avant de se prendre une baffe sonore, la laissant s’éloigner de lui.
Il revint auprès de son frère en se frottant la joue, grommelant une injure envers cette pimbêche, pour s’apercevoir que l’imbécile n’était plus ou il l’avait laissé. Avait-il enfin compris ce que Cortez lui avait demandé ou s’était –il encore fourré dans un merdier pas permis que l’aîné des deux devrait résoudre pour s’éviter des ennuis. Se hissant sur la pointe des pied et tendant le cou, il jeta un coup d’œil aux alentours pour retrouver un Mintus bienveillant aidant la petite vieille qu’il observait tout à l’heure, l’aidant à transporter ses bagages avec ses grands bras dégingandés.
Ce stupide boulet ne pouvait pas s’empêcher de jouer les scouts, les samaritains, et blablabla ma pauv’ dame, et blablabla j’vous y aide gratis… Qu’il se débrouille pour passer de l’autre côté tout seul, pensait Cortez. En attendant, lui repéra une autre victime potentielle, une petite ronde malgré tout coquette, mais qui serait certainement moins regardante que l’autre brunette. Le sourire, la démarche de lover, descendant légèrement ses lunettes noires sur son nez pour plonger son regard dans le sien.
« Bonjour, jolie demoiselle. Je crois… Commença-t-il avant d’être interrompu par la fille.
- Ahin ! No Way ! Fit-elle en claquant des doigts Vous croyez peut être que je vous reconnais pas monsieur le fake? Arnaqueur ! C’est vous qui avez balancé la rumeur de l’invitation du Sommet des Arts. Et maintenant quoi ? Vous allez me faire le coup de l’impresario ? Get Back. Trouvez-vous un autre pigeon.
– Parce que tu crois avoir les moyens de faire ta mijaurée avec ton physique de cookie ? Y a un moment faut être réaliste. » Lâcha-t-il exaspéré, gagnant au passage une autre baffe.
Il avait eu la malchance de tomber sur deux femelles victimes de ses plans précédents. Il tenta une dernière occasion envers une jolie blonde à forte… charisme, mais il n’eut même pas le temps d’ouvrir la bouche qu’il était accueillis par une dernière claque sèche.
« Vous croyez que je ne vous ai pas vu vous essayer sur les autres femmes avant moi ? Pervers. »
Le génie commençait à sentir l’agacement prendre le pas sur sa raison, pour qui se prenaient donc toutes ses nenettes ! Cependant l’agitation attira le regard de soldats gardant le quai. Il fallait passer au plan B. Il chercha de nouveau du regard son frère dans la foule, mais celui-ci c’était rapproché de l’embarquement avec sa vieille radasse.
Se pouvait-il qu’elle lui paie le trajet en remerciement de sa gentillesse et de son aide? Ils papotaient comme deux commères en souriant, pleins de politesse et de complicité. Et ce con allait réussir à embarquer à l’insu de son frère qui se passa la main sur le visage en grommelant.
L’embarquement allait commencer, le génie n’avait plus le temps et devait réagir vite. Son attention fut attirée par un homme en vêtement de travail poussant un chariot de seaux et serpillières vers les toilettes. Il le suivi rapidement, passant dans l’annexe à sa suite malgré ses plaintes, et ainsi hors de la vue de tous, il put passer ses nerfs sur le pauvre travailleur, le passant à tabac, coup de poing, de pied, laissant libre court enfin à sa frustration et sa rage.
Que c’était bon. Enfin calmé, il traîna le bonhomme encore vivant dans l’un des toilettes, le déshabillant pour enfiler son vêtement de travail et revint en poussant le chariot devant lui. Qui passerait davantage inaperçu qu’un homme de ménage dans une foule ? Il plaça un écriteau « HORS SERVICE » devant la porte pour se laisser du temps avant que son crime ne soit dénoncé.
Cortez se pressa autant qu’il put sans avoir l’air suspect pour s’approcher du transporteur, non pas par l’entrée des voyageurs mais par la soute à bagage. Il abandonna son chariot prêt d’une porte et profita que le personnel ait finis de charger et se soit éloigné pour se glisser in extremis dans la soute à bagage.
Une fois de plus il allait faire le trajet en errant sans le sous. Mais pour une fois, l’absence de son frère lui permettrait de fouiller quelques bagages pour récupérer tout ce qui a un peu de valeur. Pendant que Mintus lui est assis confortablement au chaud à papoter et manger des petits gâteaux avec sa petite vieille !