Tortuga sous un ciel nuageux et noir, sans lune ni étoiles, les seules lumières venant des torches qui trônent sur chaque bâtiment, ici et là quelques feux de joies éclairant les rues. Des pirates de tout poil y trainent chaque nuit et chaque jour, s'organisent pour leurs prochains raids ou font la fête avant de repartir à l'action. Des pirates mais pas que, on y trouve beaucoup de trafiquants de toutes choses, des prostitués et leurs proxénètes, des gens qui sont simplement là pour faire la fête. Les gens boivent, dansent, font affaires ou préparent leurs prochains coups... les mercenaires sont là aussi bien sûr, pas tant pour assurer la sécurité comme à Port Royal... mais surtout pour toucher une part. Surkesh s'y balade ce soir-là, une bouteille à la main et un grand sourire aux lèvres pour faire illusion... puis aperçoit un pauvre homme qui n'a pas supporter les festivités de cette île, ivre mort dans la rue ! « Putain Roger ! » S'écrit-il alors ! « T'es censé tenir le bar demain bordel ! » Surkesh lui met quelques claques, le voit cligner des yeux mais pas se réveiller pour autant. Tant pis pour lui. « Putain, va falloir que je ramène ton gros cul à Port Royal ?! Dès que t'es réveillé, je te botte le cul. » Surkesh embarque alors l'homme sur ses épaules puis part avec lui jusqu'en dehors de la ville, bien dissimulé dans la flore dense et tropicale qui envahit toutes les coins des caraïbes où les humains n'ont pas construits de ville. Le sans-cœur plonge ses griffes dans sa poitrine, sans une goutte de sang, sa main passant au travers d'un portail noir. Ce portail s’agrandit alors, dévorant alors le cœur de l'homme qui ne laisse qu'un peu de lumière sous formes de lucioles qui convergent vers le corps du sans-cœur, absorbé comme de l'eau sur une éponge. Sans attendre, Surkesh assassine le cabot qui nait de sa victime, ne souhaitant aucune trace.
Comme si de rien n'était, le sans-cœur revient en ville, une bouteille à la main et un grand sourire aux lèvres pour faire illusion ! Dans sa marche, celui-ci se fait interpeller par une prostituée. Oh...

« Écoute je... j'adore faire ça en pleine nature... genre... dans la nature sauvage, ça réveille la bête en moi, tu vois le truc ? »

« Et me retrouver le cul pleins de fougères ? Ça va te couter grave plus cher ! »

Et ils se retrouvent en pleine nature, à l'ombre des palmiers. Cette fois-ci, Surkesh plonge ses griffes dans son poitrail, un sourire aux lèvres alors qu'il lui dévore le cœur de la même façon qu'avec l'ivrogne et, encore une fois, détruit le sans-cœur mineur qui en nait. Comme si de rien n'était, le sans-cœur revient en ville, une bouteille à la main et un grand sourire aux lèvres pour faire illusion ! Et la nuit continue ainsi, un long moment, tout prétexte étant bon pour emmener un être humain en pleine nature, sans personne pour regarder. Finalement, Surkesh est rassasié... mais chaque nuit, il lui en faut un peu plus. Son principal problème ? Personne n'a de cœur très marqué à Port Royal et les rares fois où ça arrive, c'est souvent du côté des ténèbres. Par ici, les gens ne sont ni trop dans la lumière, ni trop dans les ténèbres... là où un sans-cœur cherche le plus lumineux cœur possible. A défaut de grives, on mange des merles... mais au petit matin, la foule de la Tortuga se dissipe... c'est toujours aussi agité mais bien moins remplis, on remarque beaucoup plus les solitaires. C'est l'heure où Surkesh s'arrête de chasser, suffisamment bien nourri pour rester prudent.

Le futur mercenaire, du moins il l'espérait, se met à sillonner le port... des gens embarquent ou débarquent... d'autres font la criée à l'attention de qui voudrait voyager. Parmi toutes les embarcations, Surkesh choisit par pur gourmandise une barque... il n'y a de la place que pour deux et celui qui embarque a beau payer, ça ne l'empêchait pas de devoir ramer lui aussi. Qu'importe ! Surkesh embarque, rame sans écouter le marin qui ne fait que parler... les bras de plus en plus lourds, il faut un long moment pour que le marin comprenne enfin que son passager ne l'écoute pas.

« Hey ! Tu m'écoutes au moins ?! »

« Ouais, bien sûr ! J'adore tes histoires. C'est Port Royal là-bas ? »

Le marin se retourne, observant l'île qui se dessine au loin... de Port à Royal à Tortuga, c'est une sacrée trotte... Surkesh ne sent plus ses bras depuis un moment déjà.

« Ouais ! Regarde-la bien, ça t'aidera à ramer ! Donc, comme je te disais, j'avais acheté ma première dent en or et... »

« Oh mon dieu ! » Hurle Surkesh au comble du bonheur et lâchant les rames, libéré de deux efforts : ramer et écouter ses conneries ! « Si tu savais comme tu m'as saoulé avec tes conneries ! » Surkesh lui plonge alors ses griffes dans la poitrine et vous connaissez la suite... puis continue de ramer... avec des bras en matière noir cette fois, usant de magie sans plus la moindre goutte de sueur. Tant que l'île n'était pas en vue, le sans-cœur ne pouvait se passer du marin de peur de se perdre mais là, enfin, il peut se dispenser d'écouter ses conneries sans intérêts. Enfin, il ne les écoutait pas mais ça le rend tellement heureux... comme si un grésillement venait de s'arrêter. Après encore un petit bout de voyage, Surkesh laisse ses bras de matières noirs disparaitre et saute directement de la barque jusqu'au quais de bois. Son embarcation dérive alors vers le grand large mais des dizaines de personnes se jettent déjà à l'eau pour la récupérer.

Surkesh se rend ensuite au Centurio, y arrive rapidement et se dirige vers le comptoir... bien vite interpellé par Fred.

« Oswald de Trillier, ça te dit quelque chose ? »

« Bonjour... ? » Lance Surkesh sur ton de vexation peu convainquant, mimant à sa façon une certaine humanité. « Non, rien du tout. Pourquoi ? »

« Pour rien. »

« Elle s'achète cette information ? »

« Non. »

« Ça a un rapport avec... tu sais... le piège du Palais des Rêves ? »

« Comment t'es au courant de ça toi... ? »

« Les gens parlent. Les gens boivent et parlent encore plus, sans forcément faire attention à qui pourrait entendre ce qu'ils racontent. Port Royal et les rumeurs, tu sais bien. »

« Et qu'est-ce que tu as entendu exactement ? »

« Un mercenaire mort et un autre qui a bien eu de la chance. La Coalition Noire serait à l’œuvre et... je m'étonne que personne soit venu me sonner les cloches. Je peux savoir qui a survécu ? »

« Pourquoi tu saurais ça, au juste ? »

« Je me sens seul tu sais... je cherche des gens avec qui j'ai des points communs... et on est pas si nombreux à survivre à la Coalition Noire. D'ailleurs, que vous pensiez que je sois une taupe ou pas, ce sont les mercenaires qui ont décidé de se jeter dans le piège. On m'a même pas mis au courant de ce contrat... et bon, va bien falloir me faire confiance un jour parce que... qui connait la Coalition Noire mieux que moi ici ? »

« C'est bien parce que tu la connais qu'on ne te fait pas confiance. »

« Vous avez reçu un message. »

« On a perdu l'un des nôtres et l'autre... »

« L'autre a survécu, si ça n'était pas pour vous transmettre le message, il serait mort. »

« T'as survécu aussi. »

Pas vraiment mais ça, Surkesh ne pouvait pas lui expliquer.

« Ouais. Ça serait bien que le prochain mercenaire qui croise des coalisés y survivent, non ? Allez... »

« Écoute... peut-être que... peut-être que tu la verras, y a de fortes chances même. »

« La ? »

Quelque chose percute violemment le crâne de Surkesh... si fort que celui-ci en tombe raide à terre... se faisant soudainement mou comme une poupée de chiffon alors qu'il perd connaissance.

« Il s'y connait en magie donc vous me l'immobilisez complètement les gars. Il ne doit pas pouvoir faire le moindre geste et ne doit pas pouvoir parler non plus... je déconne pas, s'il peut faire oui ou non de la tête, c'est déjà trop. »