« Ici ça ira.

- Tu es sur ? Elle est en plein milieu de la rue là… Ce n’est pas ça qui va l’aider.

- L’aider ? C’est une mercenaire. Elle a signé pour ce qui lui est arrivé. T’es payer pour protéger les intérêts de la Shinra pas pour aider n’importe qui. Elle est chez elle c’est suffisant. »

Le SOLDAT avait déjà lâché la mercenaire pour retourner à son poste. Son collègue n’avait pas trop le choix que de suivre son ordre, malgré les remords d’abandonner en plein milieu de la place la mercenaire dans un état de semi inconscience, ne tenant même pas sur ses genoux.

Sans voix, sans énergie, la peau diaphane contrastant encore plus que d’habitude avec ses cheveux roux et son bandage de fortune sanguinolent, elle luttait ne serait-ce que pour garder les yeux ouvert, perdu dans les souvenirs de la mission qui passait de façon erratique en boucle dans son esprit. Lenore se sentait faible et stupide. De plus en plus faible… On lui arrachait petit à petit ce qu’elle était… Les derniers mots de svetlana martelaient sa culpabilité, ceux de Death déchirait sa conscience.

Le deuxième garde de la compagnie remarqua un gamin blond-ambrée à la casquette de côté qui traînait souvent dans les parages, tapis derrière un mur à les observer. Il lui fit signe mais celui-ci n’approcha pas par méfiance. Il soupira, haussant la voix  à son encontre pour lui intimer l’ordre d’aller chercher du secours, puis il retourna vers la station pour reprendre son poste.


*****

Le gamin entra en furie, bousculant les jambes des présents pour sauter sur le comptoir en urgence. Il se fit attraper en vol par le collet, par un mercenaire réactif à défendre le tavernier. Fred tenta de le calmer, son débit de parole était trop rapide pour être compris. Lorsqu’on lui lâcha enfin le col, le forçant à s’asseoir sur une des chaises hautes du bar, ils comprirent toute l’urgence de la situation.

«  M’dame Lenore ! Elle est vach’ment mal ! Elle est en train de mourir devant la station Shinra ! Faut envoyer quelqu’un vite ! »

Fred siffla rapidement plusieurs mercenaires dont certains pour aller « inviter » le docteur de la ville haute à venir pratiquer immédiatement. Cette situation arrivait bien trop souvent pour qu’il n’ait pas l’habitude d’organiser les choses. Préparer l’endroit, faire les soins urgents plus ou moins lourd et prier pour que cela suffise.

Il se rappela de la dernière mission confiée à la rousse. Elle était partie en territoire noble avec risque de croiser la Coalition Noire mais elle était accompagnée de Svetlana. Pourtant elle revenait seule et en mauvais état. Le tavernier lâcha un lourd soupir, tout ceci annonçait de sérieuses complications. Comme à chaque fois qu’une mission se passait mal avec cette faction, il allait avoir du mal à maintenir le calme et la neutralité si chère au Centurio.


*****

« J’aime pas cette mission. » « Tu vaux moins qu’un villageois de Grimm. » « Tu veux des infos sur le Boucher ? »

La lance tombait lentement, le bruit résonnant dans l’espace obscure en rebondissant, sans couvrir ces trois phrases qui se répétait inlassablement, rehaussées d’un rire sarcastique avant qu’une douleur vive lui brûle la tête.

Un cauchemar dont elle s’éveilla en sueur et désorientée. Elle plissa les yeux à la luminosité de l’après-midi, assise dans des draps froissés. Combien de temps avait-elle passé ici? Des lits vides, des étagères où seuls subsistaient les livres de Svetlana, et une lance déposée contre le mur de son côté.
Lenore se passa la main gauche sur le visage mais le contact râpeux et l’odeur de désinfectant précédèrent une odeur vive. Le bandage était propre sans être vraiment récent.

Tout ce qu’il s’était passé au Palais des Rêves avait été bien réel, lui arrachant une grimace et un début de nausée. Le bandage était conséquent mais ne masquait pas le manque de présence de deux doigts arrachés.


« Tu vaux moins qu’un villageois de Grimm. » Cette phrase la hantait.

Jusqu’ici elle accusait la Coalition Noire du massacre de son village. Sans avoir de nom à blâmer, sans pouvoir focaliser sa tristesse, sa détresse, sa rage. Les membres de ce groupe n'étaient que des pions , pourquoi leur en vouloir particulièrement, si ce n'est le commanditaire? Eux même , mercenires faisaient la même chose, travailler pour quelqu'un.

Maintenant qu’elle avait un nom, une identité, un physique, un comportement même à attribuer au Boucher de Grimm, tous ces sentiments de violence, d’incompréhension, d’injustice resurgissaient en même temps. Un volcan qui ne lui permettait plus aucune vie, rasait tout ce qui avait été perdu, tout ce qui avait été prévu, pour ne laisser qu’une seul obsession.

Elle tuerait Death.
Elle le ferait souffrir.
Elle le priverait de tout ce qu’il croyait posséder.
Ses biens, ses mondes, son pouvoir.
Elle démonterait brique par brique les châteaux de la Coalition Noire pour savourer sa détresse.

Elle voulut se lever de son lit, trop légère, affaiblie, sans sa cape, sans sa tenue, juste sa jupe et sa chemise habituellement plaquée par un bustier, cette fois absent. Sa démarche hasardeuse la força à poser une main contre le mur. Elle saisit la lance de Svetlana trop grande et trop lourde, s’en servant comme un bâton de marche.

Lenore descendit lentement de sa chambre, les étages les uns après les autres. Sous le brouhaha de la vie du Centurio qui se fit chuchotement puis silence au fur et à mesure qu’elle embrassait la salle du regard.
La mercenaire prit le temps de rassembler son énergie dans sa voix. Calme par la détermination, forte par le besoin d’exulter sa douleur.


« Death a tué Svetlana. Cette lance est tout ce qu’il reste d’elle. Il m’a privé d’une main. Dit-elle en montrant son bandage. Pour vous passer un message. Ne vous mêlez pas des affaires de la Coalition Noire. »

Elle se mit à rire doucement puis plus franchement.

«  Je risque bien de perdre encore quelques doigts… parce que je compte bien m’en mêler spécifiquement ! Depuis quand les mercenaires obéissent à un camp ! Il veut être tranquille ? Il aurait dû NOUS laisser tranquille ! Il nous a assez pris sans qu’on réagisse ! Je ne sais pas pour vous… mais en ce qui me concerne... Il devient ma seule et unique proie… »

Elle ponctua la fin de sa phrase en plantant la lance avec le peu de force qu’il lui restait, dans l’affiche de la prime pour Death.

Fred calma l’agitation naissante dans la taverne et s’approcha de Lenore, lui parlant d’un ton calme mais ferme.


« Tu devrais remonter te reposer, tu n’es pas encore en état pour tout ça. Tu es trop faible pour lancer une cabale et embarquer d’autres camarades dans ta petite guerre. »

«  Je ne suis pas faible ! » Hurla la rousse.

«  Tu me le rediras sans trembler des genoux la prochaine fois si tu veux être crédible. » Conclut-il en faisant un signe à un mercenaire aussi large qu’une porte pour qu’il ramène Lenore dans sa chambre, la soulevant sans effort malgré qu’elle se débatte.

Une fois de retour dans la chambre, la mercenaire resta assise contre la porte en bloquant l’ouverture, hurlant longuement et frappant le bois pour exprimer sa rage contenu depuis des années. Elle était faible et stupide. Mais désormais elle avait un but dans sa vie, une obsession, un chemin pour la guider. Elle deviendrait forte, compenserait sa main détruite. Elle fera le nécessaire pour revenir rapidement sur le terrain et lui montrer… à lui… qu’il n’avait rien compris. Tous ses choix le conduirait à sa perte et elle y veillerait personnellement.
Elle deviendrait le monstre qu'il a lui même créer