Alors que le soleil était déjà bien haut dans le ciel depuis plus de deux heures, un discret rayon de lumière se mit à filtrer au travers de la minuscule fente qui trouait le miteux rideau de l’une des chambres attitrait aux résidents du Centurio. Celui-ci avait lentement progressé au fils de l’élévation de l’astre solaire jusqu’à finir par éclairer l’œil valide de Conrad, un borgne d’une trentaine d’année doté d’une incroyable précision malgré son handicap visuel.
Au bout de quelques secondes à froncer le sourcil tout en grimaçant, le Sniper finit par ouvrir l’œil d’un air bougon, avant de se mettre à soupirer d’exaspération dans un discret juron.

Rejetant sa couette au pied du lit, l’homme à la toison poivre et sel se redressa dans un bâillement avant de laisser son regard faire le tour de sa chambre pour voir où en était ses camarades de chambré : Artur était déjà debout, rien d’étonnant, ce type était une véritable poule a toujours se lever en même temps que le soleil; Sylf continuait encore de comater avec un sceau à ses côtés, pauvre gars….il supporte pas du tout l’alcool mais il peut jamais s’empêcher d’en boire des litres juste pour s’ambiancer avec tout le monde ; et Natsu....n’était plus là…Pour une fois que cet imbécile ne réveillait pas tout le monde avec lui c’était plutôt une bonne nouvelle.

La pièce sentait, comme toujours, le renfermé et la sueur, et l’alcool bon marché qui avait imbibé les murs de la bâtisse n’aidait en rien à améliorer les narines des habitants, qui s’étaient pourtant habitué à cette vie entre opulence et crasse. Conrad était peut-être habitué à ce genre de senteur, mais cela n’empêchait pas qu’il fallait aérer la pièce de toute urgence, n’en déplaise à ce pauvre petit Sylf. La lumière du jour lui donnera une meilleure mine….probablement. Preuve en est qu’il fut chassé de la chambre, manteau long sous le coude, par des semblants de grommèlement peu après qu’il eut ouvert en grand l’unique fenêtre.

Alors qu’il parcourait tranquillement la mezzanine du premier étage pour se rendre à la Taverne au rez-de-chaussée, il aperçut un grand rassemblement de la plupart de ses collègues au niveau du comptoir de Fred. Ça sentait le contrat important ou la nouvelle information extraordinaire du jour. Cela lui aurait plus de prendre un travail bien payé, dernièrement il enchainait les petits boulots faciles. Mais pour l’instant il avait surtout envie d’un bon gros café bien fort pour se remettre les idées en place et d’un petit quelque chose pour lui remplir l’estomac.
Une fois installé à l’une des nombreuses tables rondes du Centurio, il passa commande à Stéphanie, la première serveuse qu’il croisa, avec un léger sourire, sans oublier une once de politesse dans sa formulation. Ça n’avait jamais fait de mal à personne d’être aimable et ça permettait de donner un brin de convivialité avec son interlocuteur.

- Et voilà pour toi Cony ! lui sourit chaleureusement Stéphanie une fois de retour tout en lui déposant son plat. Tu devrais te dépêcher de manger si tu ne veux pas rater une bonne affaire, continua-t-elle en pointa du pouce la masse de Mercenaire. Tous les autres sont plus occupés à discuter qu’à se décider.
- Merci, ça parle de quoi ? lui répondit calmement le trentenaire après avoir soufflé sur son café brulant.
- Une sorte de vente publicitaire de ce que j’en ai compris. Le Maréchal de la Lumière en personne est arrivé ce matin en portant une énorme caisse d’un seul bras. Et puis il a discuté avec Fred pendant presque deux bonnes heures avant de nous laisser sa cargaison.
- Une vente publicitaire ? genre crieur de rue ou colporteur ?
- ‘faut croire oui
- Les gens nous prennent vraiment pour leur boniche. Lâcha-t-il dans un soupir de dépit.
- C’est pas votre crédo de faire tout et n’importe quoi du moment qu’on vous paye ! Le taquina-t-elle en retour tout en retournant servir les autres clients.
- Y’a quand même des limites au foutage de gueule…marmonna-t-il dans sa barbe avant de siroter son café.



Du côté du comptoir, bon nombre de Mercenaires entouraient une large caisse en bois dont le couvercle avait été retiré. A l’intérieur, on pouvait y voir une multitude de chaussures nouées entre elles par pair sous lesquelles était inscrite leur pointure.
Certains des aventuriers véreux avaient pris une des marchandises pour les observer sous toutes les coutures, mais au final, tous préféraient se concerter entre eux plutôt que de prendre une décision trop hâtive. Il fallait dire aussi que l’inscription que l’on pouvait lire sur le couvercle de la caisse laissait à réfléchir. Deux centaine de pair de chaussures y était entassée, remplissant à moitié la caisse, et le commanditaire souhaitait toutes les vendre dans les plus grandes agglomérations de ce Monde dans un projet publicitaire autour de son article : les « Roxas II »

- C’est quoi ce nom tout pourrie ?
- Probablement une idée marketing quand on connaît le bonhomme
- Qui ça ?
- Ben Roxas abrutit
- Hey tu me traite pas d’abrutit connard ! ou je te défonce la tronche !
- Allez faire ça dehors ! intima sereinement Fred tout en préparant quelques commandes de bière. Si vous me cassez quelque chose je vous mets de corvée flotte pour un mois…
- Houla ! mais c’est que notre Fred national est de mauvais poil aujourd’hui.
- Vous n’aidez pas vraiment en restant comme des poules à regarder la marchandise. Alors décidez-vous ou allez voir ailleurs ! On a un business à faire tourner ! Et jusqu’à preuve du contraire la perte de temps ne fait pas gagner d’argent.


Après quelques secondes de silence entre le groupe de Mercenaire, quelques-uns se décidèrent enfin à faire un choix.

- Moi j’veux bien en prendre une dizaine ! j’irais les vendre dans la rue de diseuses de bonne aventure.
- Dans ce cas je viens avec toi ! j’en prends cinq de plus pour lui donner un coup de main.


Le duo nouvellement formé scella leur union dans une franche poignée de main avant d’embarquer leur marchandise.

- Plébius, Vectio, Assia et moi on en prend une vingtaine pour aller au niveau des Drogueries. Y’a pas mal de monde qui passe par là habituellement.
- Dans ce cas autant allez sur le port, émit Jaëlle, épaulé par Nora et Tahys. Des voyageurs ce n’est pas ce qu’il manque là-bas. On en prend une vingtaine nous aussi.
- Pas autant qu’chez les putes de Tortuga ! Brailla Natsu joyeusement en trainant énergiquement Kassim qui peinait à ne pas perdre sa guitar en même temps qu’il bousculait ses camarades avec un sourire perfide pour prendre à tour de bras une vingtaine de pairs avant de s’en aller tous deux.
- Revenez ici bande d’imbécile ! claironna le Tenancier d’un ton autoritaire. Chose qui fit faire marche arrière au Chasseur Ardent. Écoutez-moi bien : le commanditaire demande à ce qu’on vende tous ses produit pour 100 munnies, ça fait un paquet de fric. On gagnera 15% de la vente totale si on arrive à se débarrasser de plus de la moitié de ces machins. Donc vous avez intérêt à ne pas faire n’importe quoi…Comprit Natsu !


Fred pointa bien évidemment ce dernier du doigt avec un regard qui en disait long sur sa punition si jamais il se permettait de mettre le Bazard dans ce Contrat. Le Chasseur Ardent lui répondit par une parodie de salue militaire avant de retourner gaiement au travail accompagné par son acolyte du jour et pendant que le reste des Mercenaires continuait à se partager les reste de chaussures.

- Hey mais c’est qu’il n’a pas tort notre idiot national pour une fois ! émit Willem avec un sourire sarcastique. Tortuga est un coin plein de pigeons qui ne demandent qu’à se faire plumer. Nous aussi on y va ! dans le même instant, Miguel le colosse de l’équipe vint s’emparer d’une quinzaine de chaussure tandis que Cathy, leur comparse en prit une demi-douzaine avec elle.
- Peurdon ! éructa le Chasseur Ardent. Pas question ! c’est mon idée Tortuga ! y’a pas de place pour deux groupes !
- Et ben la prochaine fois ferme-là ! ça t’évitera de te faire plagier. Lui sourit Cathy malicieusement.


Puis le Trio se précipita en dehors du Centurio, bousculant Natsu et son partenaire au passage tout en explosant de rire. Pas de pitié pour la concurrence.

Le petit duo dût perdre du temps à ramasser la marchandise qui venait de s’étaler sur le plancher de la Taverne. Quand Conrad se joignit à eux pour les aider avec un air encore légèrement endormie.

- Je peux venir avec vous les gars ? demanda-t-il à Natsu tout en tendant un pair de chaussure à Kassim.
- Tu sais vendre des machins toi ? répondit le jeune homme aux cheveux roses en levant un sourcil interrogateur.
- Je ne suis pas très bon pour ce qui est de ces choses, admit maladroitement le Sniper en se grattant l’arrière du crâne, mais j’peux toujours compter sur ma belle gueule pour ce qui est du relationnel.
- C’est vrai que Conrad a toujours eu du succès auprès des femmes que n’importe qui dans le Centurio, émit le jeune brun aux yeux du désert. Il pourra toujours charmer quelques Prostitués...
- …Mouai… finit par lâcher Natsu après avoir réfléchit quelques secondes en plissant des yeux. Une paire de corde vocale en plus c’est toujours bon à prendre. Allez tu peux venir !


Une fois l’intégralité de leurs articles en main, le nouveau Trio se pressa de rejoindre le port pour ne pas perdre de temps face à l’équipe de Willem…Enfin c’était ce que désirait Natsu…car au final, cela allait être un travail d’équipe réalisé par une grande partie des Mercenaires. Mais le Chasseur Ardent et ses gamineries habituelles n’avait pas envie de faire cette mission sans mettre un peu de défie pour pimenter le tout.