[mini-série]
Il y avait ce soir là… quelque chose d’électrique dans l’air au Jardin Radieux. Je venais tout juste de rentrer d’un voyage au cours duquel j’avais apporté un bien précieux à un riche marchand d’Agrabah, mission périlleuse si l’on considérait qui contrôlait la ville en question. Il était tard, aussi décidai-je de rentrer immédiatement chez moi. Le ciel se préparait à craquer, j’attendais le premier éclair. Je n’arrivai cependant chez moi avant que les premières gouttes se mettent à tomber. La porte que je tentai d’abord d’ouvrir dans un premier temps avec ma clé me résista jusqu’à ce que je me rende compte qu’elle était déjà ouverte. C’était la deuxième fois qu’il me faisait le coup en quelques mois. Je soupirai pour moi-même.
-Chasseur…
Sans montrer ma surprise, je pénétrai dans l’appartement et ne le saluai même pas, tandis que je me débarrassais de ma veste sur un fauteuil. Enfin, je levai les yeux vers lui et compris qu’il attendait depuis déjà longtemps. Il était là, assis à table, affalé sur sa chaise plutôt, affichant ouvertement une expression lourde de sens, presque défaite. Devant lui : quelques papiers, quelques lettres, sorties de leur enveloppe. Je les avais cachées ces enveloppes, ces lettres, je le savais, j’en étais certain. Mais elles étaient là, devant lui, et je sus instantanément qu’il devait me détester et que plus rien, plus rien ne serait pareil. Voyant que je ne disais rien, j’étais à vrai dire… tétanisé, il prit la parole.
-Ne me dis pas que ce n’est pas ce que je crois…
-Attends, Chasseur…
-C’est exactement… Putain, c’est exactement ce que je crois que c’est.
J’hésitai un instant, totalement impuissant, sachant que nier ne servirait à rien, mais ne renonçant pourtant pas à tenter de le raisonner, ou le convaincre… de quoi d’ailleurs ? Il se leva brusquement avant que j’aie terminé de réfléchir et s’avança rapidement vers moi. Je reculai d’un pas, impressionné et effrayé. Je ne pouvais deviner ce qu’il avait en tête. Il se retint, avec très grande difficulté à moins d’un mètre de moi.
-T’as peur de moi, hein ?
Il ricana, c’était plus comme un rire du désespoir qu’une réelle moquerie. N’importe quelle chose pouvant me vexer aurait pu faire l’affaire. Mais je n’étais pas vexé, j’étais… effrayé.
-Je… je suis désolé. Ce n’est pas ce que j’ai voulu…Je
-Attends ! Tu te fous de moi ! T’es vraiment sérieux ? T’as tout fait pour que ça arrive, t’as vraiment rempli toutes les conditions. Moi-même, te donnant des cours, j’aurais pas pu faire mieux ! Non Maxence, je te dis bravo, t’es vraiment un beau connard.
Tout ce que je pouvais dire, absolument tout ne ferait que l’énerver. Parce qu’il me connaissait, parce qu’il savait ce que je voulais, parce que je savais qu’il avait raison, et que j’avais largement cherché ce qui se passait dans ma vie.
-C’est vrai, je… je la voulais.
Un instant de pâleur dans son visage, puis la fureur dans ses yeux, ses poings qui se serrèrent. Je me retins encore de reculer. Etait-il capable de me démolir dans cet état ?
-Putain…
-Et je suis allée la voir, parce qu’elle ne répondait à aucune lettre.
-…Et vous avez…
Je restai muet. Je pouvais lire dans son expression que la chose était insupportable, cela se lisait sur chaque parcelle de son visage contracté, sur son être devenu entièrement fébrile et farouche. Mais l’honnêteté était la seule chose que je pouvais encore faire pour lui, pour ne pas l’insulter plus encore.
-Et elle a… elle est… Putain, elle t’aime…? Il n’y a… il n’y a qu’à lire…
Tandis qu’il désignait les courriers, une vague de chaleur intérieure me parcourut. Oui ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle avait besoin de moi, sans doute, le reste était un mystère. Mais je devais me forcer à ne pas y penser. Il me tourna le dos, abattu et rejoignit d’une allure étrange le fauteuil sur lequel j’avais posé ma veste pour s’écrouler dessus et plonger le visage dans ses mains.
-Je regrette.
-Quoi ?
-Pourquoi je t’ai trouvé il y a plusieurs années ? Pourquoi t’avoir aidé à la trouver, avoir fait en sorte que tu la connaisses et que tu t’entiches dès lors ton premier putain d’amour de jeunesse en rêvant d’elle ou je ne sais quoi.
-Je n’ai jamais voulu te la prendre.
-Je regrette que tu sois la personne qu’elle a pioché au hasard, une personne sans importance pour elle au départ, mais un mec normal, un mec bien en apparence. Bref, que tu sois cette personne qu’elle a choisie pour reprendre un semblant de contact avec ses parents.
-Tu crois vraiment que j’avais prévu que…?
-Ouais je regrette qu’elle ait été attirée par un mec comme toi, un mec qui se nourrit du drame des autres, un mec qui n’a pas de conviction si ce n’est celle qu’il est bon de vivre à travers les autres. Un mec insipide, un mec qui n’a pas été foutu de lui dire la vérité sur l’autre mec, celui qu’elle aimait, et qui l’aimait.
Mon visage s’endurcit à son tour. En ce jour nous en étions là pour une seule et véritable raison. Il n’avait jamais été capable de se présenter devant elle et lui dire qu’il était vivant. Pour une idiote et obscure raison, il n’avait jamais voulu la replonger dans son passé, alors qu’il aurait pu le faire depuis de très longues années, depuis le soir où j’avais fait la rencontre de Vesper Earl.
-TU ! Toi, toi seul as toujours voulu qu’on ne lui dise rien. Tu me l’as interdit. Je n’ai jamais fait que respecter ta volonté…
-Oui, on peut dire que c’était de ma volonté quand tu te l’es tapée.
-Co… connard.
Aucune, il n’y avait aucune chance pour que je regrette le terme que je venais de choisir pour le définir. Je l’avais trahi oui. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Loin de nous, il y avait en ce moment une jeune femme face à ses ténèbres et proche de ses démons, et elle était restée bien trop longtemps seule. Je l’avais désirée et j’étais allé la chercher, oui. Mais quel droit avait-il encore sur elle ? Il avait été bien trop longtemps l’auteur de son malheur.
Il ne répondit pas, il me regardait, toujours assis. Il attendait que je sorte de ma maitrise.
-Tu ne croyais pas que tu pourrais garder le contrôle sur elle et qu’elle resterait fidèle à ton souvenir éternellement ? Tu ne pensais tout de même pas que tu pouvais demander à une femme de moins de trente ans de dévouer sa vie à un homme mort et ce faisant qu’elle n’aurait plus jamais droit au bonheur ?
-Il ne t’est… jamais venu à l’esprit que je… que je voulais revenir vers elle, lui dire la vérité, trouver un moyen pour qu’elle me pardonne et l’emmener loin de la Coalition.
Je ne pus retenir le rire qui suivit, c’était méprisable et méprisant, certes, mais comment faire autrement ?
-Tu crois que tu peux débarquer dans sa vie et tout changer d’un seul claquement doigt, qu’elle te suivra quoi qu’il arrive ? Trop de temps, beaucoup trop de temps a passé depuis.
-Non, bien sûr que non.
-Quelle excuse vas-tu bien pouvoir inventer pour expliquer cette absence, ce mensonge ?
Il se tut, semblant s’interroger réellement sur la question, puis il revint sur l’instant présent.
-Cela ne sert plus à rien maintenant, puisque tu l’as prise.
Il se leva, la mine dépitée, m’adressa à peine un regard et reprenant ses affaires, quitta la pièce, l’endroit. Qu’allait-il faire, qu’allait-il devenir ? Avait-il pensé un instant qu’il était encore temps de dire la vérité ? Une seule certitude me taraudait. Il fallait que Vesper sache. Je ne pouvais continuer ainsi, continuer à vivre dans la crainte qu’il débarque un jour, lui révèle la vérité et que dès lors, tout change, qu’elle sache que moi aussi, je lui avais menti, que j’avais toujours su que H. avait survécu. Lassé de cette culpabilité, je murmurai une réponse qu’il n’entendrait pas, et quand bien même…
-Va te faire foutre…
-Chasseur…
Sans montrer ma surprise, je pénétrai dans l’appartement et ne le saluai même pas, tandis que je me débarrassais de ma veste sur un fauteuil. Enfin, je levai les yeux vers lui et compris qu’il attendait depuis déjà longtemps. Il était là, assis à table, affalé sur sa chaise plutôt, affichant ouvertement une expression lourde de sens, presque défaite. Devant lui : quelques papiers, quelques lettres, sorties de leur enveloppe. Je les avais cachées ces enveloppes, ces lettres, je le savais, j’en étais certain. Mais elles étaient là, devant lui, et je sus instantanément qu’il devait me détester et que plus rien, plus rien ne serait pareil. Voyant que je ne disais rien, j’étais à vrai dire… tétanisé, il prit la parole.
-Ne me dis pas que ce n’est pas ce que je crois…
-Attends, Chasseur…
-C’est exactement… Putain, c’est exactement ce que je crois que c’est.
J’hésitai un instant, totalement impuissant, sachant que nier ne servirait à rien, mais ne renonçant pourtant pas à tenter de le raisonner, ou le convaincre… de quoi d’ailleurs ? Il se leva brusquement avant que j’aie terminé de réfléchir et s’avança rapidement vers moi. Je reculai d’un pas, impressionné et effrayé. Je ne pouvais deviner ce qu’il avait en tête. Il se retint, avec très grande difficulté à moins d’un mètre de moi.
-T’as peur de moi, hein ?
Il ricana, c’était plus comme un rire du désespoir qu’une réelle moquerie. N’importe quelle chose pouvant me vexer aurait pu faire l’affaire. Mais je n’étais pas vexé, j’étais… effrayé.
-Je… je suis désolé. Ce n’est pas ce que j’ai voulu…Je
-Attends ! Tu te fous de moi ! T’es vraiment sérieux ? T’as tout fait pour que ça arrive, t’as vraiment rempli toutes les conditions. Moi-même, te donnant des cours, j’aurais pas pu faire mieux ! Non Maxence, je te dis bravo, t’es vraiment un beau connard.
Tout ce que je pouvais dire, absolument tout ne ferait que l’énerver. Parce qu’il me connaissait, parce qu’il savait ce que je voulais, parce que je savais qu’il avait raison, et que j’avais largement cherché ce qui se passait dans ma vie.
-C’est vrai, je… je la voulais.
Un instant de pâleur dans son visage, puis la fureur dans ses yeux, ses poings qui se serrèrent. Je me retins encore de reculer. Etait-il capable de me démolir dans cet état ?
-Putain…
-Et je suis allée la voir, parce qu’elle ne répondait à aucune lettre.
-…Et vous avez…
Je restai muet. Je pouvais lire dans son expression que la chose était insupportable, cela se lisait sur chaque parcelle de son visage contracté, sur son être devenu entièrement fébrile et farouche. Mais l’honnêteté était la seule chose que je pouvais encore faire pour lui, pour ne pas l’insulter plus encore.
-Et elle a… elle est… Putain, elle t’aime…? Il n’y a… il n’y a qu’à lire…
Tandis qu’il désignait les courriers, une vague de chaleur intérieure me parcourut. Oui ? Je n’en avais pas la moindre idée. Elle avait besoin de moi, sans doute, le reste était un mystère. Mais je devais me forcer à ne pas y penser. Il me tourna le dos, abattu et rejoignit d’une allure étrange le fauteuil sur lequel j’avais posé ma veste pour s’écrouler dessus et plonger le visage dans ses mains.
-Je regrette.
-Quoi ?
-Pourquoi je t’ai trouvé il y a plusieurs années ? Pourquoi t’avoir aidé à la trouver, avoir fait en sorte que tu la connaisses et que tu t’entiches dès lors ton premier putain d’amour de jeunesse en rêvant d’elle ou je ne sais quoi.
-Je n’ai jamais voulu te la prendre.
-Je regrette que tu sois la personne qu’elle a pioché au hasard, une personne sans importance pour elle au départ, mais un mec normal, un mec bien en apparence. Bref, que tu sois cette personne qu’elle a choisie pour reprendre un semblant de contact avec ses parents.
-Tu crois vraiment que j’avais prévu que…?
-Ouais je regrette qu’elle ait été attirée par un mec comme toi, un mec qui se nourrit du drame des autres, un mec qui n’a pas de conviction si ce n’est celle qu’il est bon de vivre à travers les autres. Un mec insipide, un mec qui n’a pas été foutu de lui dire la vérité sur l’autre mec, celui qu’elle aimait, et qui l’aimait.
Mon visage s’endurcit à son tour. En ce jour nous en étions là pour une seule et véritable raison. Il n’avait jamais été capable de se présenter devant elle et lui dire qu’il était vivant. Pour une idiote et obscure raison, il n’avait jamais voulu la replonger dans son passé, alors qu’il aurait pu le faire depuis de très longues années, depuis le soir où j’avais fait la rencontre de Vesper Earl.
-TU ! Toi, toi seul as toujours voulu qu’on ne lui dise rien. Tu me l’as interdit. Je n’ai jamais fait que respecter ta volonté…
-Oui, on peut dire que c’était de ma volonté quand tu te l’es tapée.
-Co… connard.
Aucune, il n’y avait aucune chance pour que je regrette le terme que je venais de choisir pour le définir. Je l’avais trahi oui. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Loin de nous, il y avait en ce moment une jeune femme face à ses ténèbres et proche de ses démons, et elle était restée bien trop longtemps seule. Je l’avais désirée et j’étais allé la chercher, oui. Mais quel droit avait-il encore sur elle ? Il avait été bien trop longtemps l’auteur de son malheur.
Il ne répondit pas, il me regardait, toujours assis. Il attendait que je sorte de ma maitrise.
-Tu ne croyais pas que tu pourrais garder le contrôle sur elle et qu’elle resterait fidèle à ton souvenir éternellement ? Tu ne pensais tout de même pas que tu pouvais demander à une femme de moins de trente ans de dévouer sa vie à un homme mort et ce faisant qu’elle n’aurait plus jamais droit au bonheur ?
-Il ne t’est… jamais venu à l’esprit que je… que je voulais revenir vers elle, lui dire la vérité, trouver un moyen pour qu’elle me pardonne et l’emmener loin de la Coalition.
Je ne pus retenir le rire qui suivit, c’était méprisable et méprisant, certes, mais comment faire autrement ?
-Tu crois que tu peux débarquer dans sa vie et tout changer d’un seul claquement doigt, qu’elle te suivra quoi qu’il arrive ? Trop de temps, beaucoup trop de temps a passé depuis.
-Non, bien sûr que non.
-Quelle excuse vas-tu bien pouvoir inventer pour expliquer cette absence, ce mensonge ?
Il se tut, semblant s’interroger réellement sur la question, puis il revint sur l’instant présent.
-Cela ne sert plus à rien maintenant, puisque tu l’as prise.
Il se leva, la mine dépitée, m’adressa à peine un regard et reprenant ses affaires, quitta la pièce, l’endroit. Qu’allait-il faire, qu’allait-il devenir ? Avait-il pensé un instant qu’il était encore temps de dire la vérité ? Une seule certitude me taraudait. Il fallait que Vesper sache. Je ne pouvais continuer ainsi, continuer à vivre dans la crainte qu’il débarque un jour, lui révèle la vérité et que dès lors, tout change, qu’elle sache que moi aussi, je lui avais menti, que j’avais toujours su que H. avait survécu. Lassé de cette culpabilité, je murmurai une réponse qu’il n’entendrait pas, et quand bien même…
-Va te faire foutre…