AFFLICTIA
Identité
- Nom : /
- Prénom : Afflictia.
- Titre : Le Léviathan.
- Âge : 22 ans.
- Camp : Le Consulat.
- Monde d'Origine : Jardin Radieux
- Race : Simili
- Grade désiré : Je demande Maréchal parce que j'aime bien me faire taper dessus, et puis je trouve que ça fait longtemps (en vérité je m'en fiche) (mais les commentaires me manquent).
Histoire
« Donne moi la main, Ari. »
Le fantastique se définit par le surgissement du surnaturel dans un réel qui ne le suppose pas. Il entre en conflit avec le domaine du vraisemblable et s'appréhende d'abord comme une absurdité, avant de s'imposer comme inévitable réponse aux questions qui se sont posées.
« Ari ? »
Il s'agit alors de faire face à la révélation et d'être capable d'encaisser le choc. La démence s'introduit bien souvent par les brisures laissées par l'impact.
« Qu'est-ce que tu fais ? Dépêche toi ! »
Ne pas croire. Ne pas souscrire. Ne pas penser l'inconcevable. La magie ne va pas de soi. Il faut douter des miracles et des catastrophismes.
Ari se persuadait elle-même du bien-fondé du bénéfice du doute ; elle refusait d'adhérer au monde sans-dessus-dessous que ses yeux lui donnaient à voir, cet univers renversé grouillant de monstres aux yeux grands ouverts.
« Je me demande quand même si... » « Arrête de gloser et donne moi la main ! »
Elle acquiesça d'un battement de cils et le suivit doigts embrassés dans sa course vers la porte de l'université.
Ça n'avait été l'histoire que d'une simple poignée de minutes, quelques instants dérisoires qui avaient changé son quotidien en un insupportable cauchemar. C'était pourtant sous le même ciel qu'elle courait, les talons claquant sur le même pavé, suivant des yeux la même route. Tout ça n'avait aucun sens. Une rue d'à peine cinq-cent mètres lui paraissait en mesurer six fois plus. Les bâtiments s'étiraient comme des taches d'encre sur du papier buvard. C'est cela : ils bavaient, et leurs faîtes lui coulaient sur le sommet du crâne. Ses jambes étaient d'une mollesse insoutenable. La perspective de la rue s'étirait avec des airs de boulevard ; elle lézardait entre les murs et se faisait rivière engloutissant le stuc, puis coulait en contrebas, où elle se jetait dans le cours perpendiculaire, l'avenue du Centre d'Etude. Ce n'était pas une avenue. Elle ne savait pas pourquoi.
Le soleil lui croulait sur le crâne.
Elle regarda devant elle dans une tentative de ressaisissement. Il n'y avait que le bras d'Hector, en cordée avec le sien, et ce sentiment de vide sous ses pieds. Quand il se retourna pour la regarder, il lui sembla qu'il pleurait. Ses larmes lui laissèrent un amer sentiment d'incompréhension. Sa main tremblait.
Il trébucha, et emporta Ari dans sa chute, qui tomba à genoux sur le sol de pierre. Le contact du porphyre chaud lui agressa la peau des jambes. Elle s'immobilisa. Il fallait qu'elle élucide ces absurdités, qu'elle donne un sens à cette mascarade. Mais où qu'elle pose les yeux tout lui semblait se dérober à ses regards inquisiteurs. Elle s'accrochait de tout son coeur à la logique qu'elle cultivait comme une fleur triomphante. Elle secoua la paume qu'elle tenait serrée dans la sienne.
Pas de réponse.
« Pourquoi est-ce que de la cire tombe des toits ? » Il lui semblait qu'elle collait au sol, qu'elle ne pouvait plus bouger, que quelque chose la maintenant fermement arrimée sur l'intersection avec l'avenue du Centre d'Etude. Pourtant, ses talons avaient claqué sur le même pavé. Elle avait beau ressasser, réassembler les informations et remettre en marche les processus, toutes les imbrications de calculs logiques qu'elle faisait fonctionner n'ouvraient la porte à aucune issue. C'était inextricable. Alors elle recommençait, les secondes changées en minute par les chocs de l'adrénaline que son corps délivrait par vagues incessantes. « Pourquoi est-ce que je ne peux pas me lever ? Pourquoi est-ce que je ne peux plus marcher ? D'où viennent ces créatures ? Que m'ont-elles fait ? » Il devait y avoir une explication, une réponse à ces questions qui lui vrillaient les nerfs. Elle perdait du temps.
Et Hector qui ne bougeait toujours pas. Pourquoi est-ce qu'il ne bougeait pas ?
« Hector, ne me laisse pas tout seule, tu sais que je ne suis bonne à rien, que je ne fais rien d'autre que réfléchir. Ils arrivent Hector, ne reste pas là, ils pourraient t'effacer avec leurs antennes, je ne veux pas qu'ils t'effacent, je ne sais pas ce qu'ils font, je ne pourrai pas recoller les morceaux. Hector, je ne sais pas, je ne sais pas, cette fois, je ne sais pas, je ne comprends pas, je cherche mais je n'arrive à rien. » Aucune démonstration, aucun syllogisme, aucune élucidation, aucun commentaire, aucune analyse ne les sortirait de ce nid à serpents, de ce monde grouillant de monstres aux yeux grands ouverts.
Elle se retourna. Elle ne voyait plus l'université. Il n'y avait plus qu'elle, les bêtes, Hector, et l'avenue du Centre d'Etude. « Hector... » Ce n'était pas normal. Il devrait bouger. Il était simplement tombé. D'une chute à cette distance du sol, il ne risquait pas plus qu'un bleu et quelques égratignures. Il n'avait même pas trébuché la tête la première. Quelque chose ne tournait pas rond.
Ari attrapa son bras et le secoua de toutes ses forces. Elle sentait sa chaleur à travers le tissu de sa chemise ; mais elle n'obtint de lui aucune réaction. Alors elle s'approcha plus près, le serra tout contre elle le plus fort qu'elle pouvait. Elle n'avait pas la force de le relever. Elle n'était même pas debout.
« Fais quelque chose Hector, fais quelque chose, tu ne les sens pas qui arrivent ? Ne les laisse pas nous faire du mal, je ne veux pas me faire dévorer, je ne veux pas te laisser mourir, je ne sais même pas d'où ils viennent, je ne sais même pas ce qu'ils sont, imagine qu'ils te torturent, imagine, imagine seulement, je refuse qu'ils te torturent, je ne supporte pas les entailles et les égratignures, ils vont te griffer jusqu'au sang, regarde leurs ongles noirs, tu ne vois pas leurs ongles noirs ? Ils me font peur Hector, tu avais raison, j'ai menti, j'ai peur du vide et j'ai peur de la mort, je ne veux pas qu'on m'enterre, je ne sais pas si je me réveillerai un jour dans une chambre froide et j'ai peur que ça m'arrive, mais j'ai encore plus peur qu'il n'y ait rien, rien, rien du tout, pas de réponse, pas de place pour moi, pas de place pour toi, pas de place pour nous, juste un incinérateur et des volutes de fumée »
Ari sentit quelque chose lui mouiller le torse.
Elle avait du sang sur la poitrine.
_____________________________________________________
« À te poser trop de questions, Ari, tu vas t'enfermer dans ta propre tête. » Elle leva les yeux de son livre et les planta dans les siens. La fatigue les avait rendus brillants. « C'est ça ma vie, Hector, tu le sais bien. Et puis ça me convient comme ça. » L'étudiante baissa le regard et retourna à sa lecture, de nouveau absorbée par le travail qu'elle avait commencé : le commentaire d'un traité intitulé « De la méthode scientifique, critique du relativisme dans le domaine des sciences ». Un texte difficile qui lui donnait du fil à retordre -mais d'une importance capitale pour le bon déroulement de sa formation.
Ari aimait depuis toujours plus que tout la philosophie -elle la vivait comme l'espoir d'une réponse, d'une véritable recherche du fond et du sens des choses, quelque chose pour combler les vides laissés par les pourquoi et comment qu'elle empilait comme des briques depuis qu'elle était en âge de penser. Elle désirait plus que tout connaître, comprendre, et expliquer. Née avec la frustration de ne rien saisir, elle s'était enquise de combler le vide laissé par l'ignorance congénitale dévolue aux hommes par la quête de fondements solides pour poser son escalier, celui qui lui permettrait de remonter les parois inhospitalières du gouffre de son absence de savoir. Elle qui n'était qu'une fille des classes moyennes, un individu médiocre en tous points au sens le plus strict du terme, ne vivait qu'au travers de problématiques et de développements enchaînés sur le mode de la course à l'accomplissement.
Hector se courba vers la table où elle travaillait. Il ne trouva qu'un bref coup d'oeil pour l'accueillir. « Hé, Ari, tu devineras jamais ce que... » « Pourquoi est-ce que tu commences toujours tes phrases par une onomatopée ? Tu ne rentres jamais dans le vif du sujet et c'est très perturbant. » Il soupira et posa quelque chose à côté de ses mains affairées à prendre des notes. Puis rien.
Le jeune homme l'interrompit en la prenant dans ses bras. Un sursaut l'arracha à ses méditations. « Qu'est-ce que tu fais ? » « Tu le saurais si t'avais suivi. Regarde devant toi. » La belle ingénue suivit son conseil et prit la peine de tourner les yeux vers ce qu'il avait posé. Il s'agissait d'un petit paquet tout enrubané, présenté comme un camaïeu de couleur crème, dont il lui sembla qu'il contenait quelque chose de précieux. « C'est pour moi ? » « Ouvre-le. » Elle dénoua soigneusement l'empaquetage, qu'elle poussa doucement dans un coin de la table, et découvrit un petit coffret plus large que long, gris perle, griffé Mademoiselle Silk. « Hector... Tu as dû te ruiner... » « Ari, c'est impoli. Ouvre-le, c'est tout. » L'étudiante acquiesça et rabattit la partie haute du contenant.
« Hector... » Elle en sortit une tiare avec toutes les précautions du monde. La couronne miniature était sertie de pierreries montées sur de l'argent poli. C'était un bijou d'orfèvrerie de luxe, qui lui sembla briller comme une étoile filante. La chaleur lui monta jusqu'aux joues -quelque chose de doux, doux comme les bras qu'elle avait gardés autour d'elle. Elle se leva, toute embarrassée, et invita son compagnon à en faire de même. Tout ce temps, il était resté accroupi derrière son tabouret pour pouvoir l'enlacer. Une fois debout, il lui ouvrit lentement les mains, dans lesquelles elle serrait encore son cadeau, s'en saisit, et le lui posa sur la tête. « A nous, à ta bourse, à ta réussite. »
Ari le regarda droit dans les yeux. Elle avait ramé dans les galères toute l'année précédente pour présenter à la commission un projet d'étude qui lui vaudrait une bourse accordée par le Consulat, au point d'en oublier de manger, à poser des questions aux passants dans la rue et à ne pas les laisser partir jusqu'à les avoir forcés à répondre. Elle était devenue proprement insupportable, frustrante et frustrée, compulsivement bavarde et obsessionnelle. Mais Hector n'était pas parti -il avait soigneusement fait son lit tous les matins, couru la chercher quand elle s'absentait sans raison, plié et repassé son linge, fait le ménage dans l'appartement, continué à travailler de son côté au restaurant, seul en cuisine, à construire le succès de sa petite entreprise. Il s'était moins tenu le rôle d'un compagnon que d'une aide de camp.
Et ils avaient réussi. C'était fait. Leur petite mécanique bien huilée avait porté ses fruits.
Quand il la prit à nouveaux dans ses bras, elle en eut le souffle coupé.
________________________________________________
Ari retrouva ses esprits, pas plus certaine qu'avant de saisir ce qu'il se passait autour d'elle. Ce n'était plus qu'une prison de pierre et de noir, de monstres et de pavés gris qui roulaient les uns sur les autres. Des yeux jaunes luisaient tout autour d'elle comme autant de sinistres lampes allumées par Dieu sait qui, sans éclat, seulement des lucioles mi-mortes venues lui danser sa fin.
Que s'était-il passé ? Est-ce qu'elle avait rêvé ? Pourquoi s'être évanouie ?
Ses jambes ne répondaient toujours pas. Elle avait encore du sang sur le torse.
Mais Hector n'était plus sous elle.
Elle chercha dans les alentours en perdant sa tête à gauche et à droite, perdue dans le kaléidoscope d'images fondues et de couleurs mélangées que son univers monochrome lui crachait au visage, coulé dans un mucus qui dégoulinait sur ses cils et venait tomber sur ses yeux.
Est-ce que c'était elle qui saignait, ou bien est-ce que c'était lui ? Est-ce qu'on le lui avait déjà pris, est-ce que tout était déjà fini ? Tout s'était passé si vite. Ces choses avait surgi de nulle part et renversé sur le champ les locaux de l'université, à coups de griffes, à coups de dents ; ils s'étaient répandus comme une peste à dévorer les viscères des murs, à noircir les tableaux et les chaises.
Ari avaient emmené Hector pour lui montrer les locaux, et voilà qu'elle se retrouvait à fuir avec lui, main dans la main, dans une rue qui lui tombait sur la tête et s'écroulait en vrilles de cire.
Elle se perdait encore alors que lui n'était nulle part. L'étudiante regarda ses propres paumes, envahie, nécrosée par une détresse incontrôlable, par la culpabilité de n'avoir pas su contrôler ses propres démons, de n'avoir pas eu le courage de faire taire les questions qui l'envahissaient, ces interrogations intempestives tournées vers le sens du monde qui l'en détournaient pourtant de lui.
Quand elle releva la tête, toujours fermement clouée au sol, elle le vit debout comme une statue gardienne, levé comme un chevalier, dressé comme une barrière entre elle et les créatures.
Comment avait-elle pu ne pas le voir ? Elle aurait presque entendu son coeur battre.
Une ombre lui passa sur le ventre, et il s'échoua lourdement sur les pavés de la rue.
« Hector ? » Elle rampa difficilement jusqu'à son compagnon en s'accrochant au sol avec ses doigts et ses ongles.
il n'y avait plus déjà plus rien à faire.
Elle posa la tête sur son torse et n'entendit rien. Pas un bruit, pas un souffle, pas même l'ébauche d'un coup de vent. Rien. Le silence le plus absolu lui assourdissait les oreilles en tonnant de tout son néant. Elle n'avait jamais rien entendu d'aussi mortifère. Il n'est aucun bruit en ce monde qui soit plus sinistre que le son du corps éteint de la personne qu'on aime.
« Hector ? Hector ? Hector ? » Ari, qui plus que n'importe qui d'autre méprisait les espoirs insensés, se mit à le secouer de toutes les maigres forces qui lui restaient dans les bras que la panique n'avait pas dévorées. « J'ai mal Hector, tu n'as pas le droit de me laisser toute seule, je t'ai dit que j'avais peur, je t'avais prévenu qu'ils nous voulaient du mal, alors pourquoi est-ce que tu n'as rien fait, pourquoi es-tu resté là, tu savais bien qu'ils ne t'épargneraient pas, est-ce que tu t'es pris pour un médiateur, mais Hector tu vois que ces choses n'entendent pas raison, elles ne peuvent pas réfléchir, elles ne peuvent pas ressentir, et maintenant c'est toi qu'elles ont pris, je ne veux pas qu'elles te prennent, reste, reste, Hector, reste » Il commença à se désagréger alors qu'elle agitait encore ses reliques. Mais il n'était plus temps de chérir les restes. « C'est toi qui m'a sauvée de ma propre tête, qui m'a retenue au bord du gouffre, j'allais tomber Hector, j'allais tomber, et quand je n'entendais plus rien d'autre que ma voix qui résonnait tu es venu chercher ma main, tu l'as prise et tu m'as remontée à la force des bras, tu ne vas tout de même pas partir maintenant, tu ne vas quand même pas me trahir, est-ce que je t'ai déjà trahi, moi, est-ce que je t'ai déjà trahi, je ne t'ai jamais laissé tout seul, alors qui te donne le droit de partir, qui te donne le droit de partir en fumée comme ça, c'est trop facile, Hector, c'est trop facile, je n'accepte pas la facilité, tu m'avais dit de te faire confiance, tu m'avais dit que tu me protégerais, et voilà que tu t'en vas, que tu meurs, comme ça, comme un imbécile, debout et les bras balants »
Elle hurlait, sans voir les monstres qui l'encerclaient.
« Tu es un imbécile, Hector, tu m'entends ? Un imbécile ! »
_____________________________________________________
Enfoncé dans les profondeurs des ténèbres, on a tout son temps pour réfléchir. Du temps, Ari n'en avait plus rien à faire. Ce n'était qu'une convention dénuée de sens, un collage composite de durées et d'instants dont elle ne saurait jamais se satisfaire de la facilité ; il y a quelque chose dans le décompte des jours, des heures, des minutes, des secondes, qui tient de la peur de mourir.
Difficile de craindre la mort quand on n'a plus de coeur pour cela.
De ses mésaventures au Jardin Radieux, il ne lui restait pas grand chose d'autre qu'une vue expurgée de tous les délires à demi-maniaques de son esprit semi-dément. Elle se plaisait parfaitement à n'être qu'une part de personne -sa réflexion ne serait dès lors jamais perturbée par les circonvolutions d'un coeur perdu dans les abysses de l'angoisse, et, à cela, elle ne voyait qu'une série d'avantages qui dépassaient de très loin les inconvénients que certains trouvaient à ne savoir plus ressentir. Pour autant, impossible de déterminer clairement les causes : sans doute l'étudiante manquait-elle d'informations sur les origines de la situation. Tout ce qu'elle savait, elle le tirait d'hypothèses établies sur la base de données chiffrées et de statistiques recoupées qu'elle avait réunies par conscience d'étude : 40% de chance qu'il s'agisse d'une expérience ratée -quoique le département de philosophie ne permette pas, par nature, d'établir une corrélation très claire avec l'échec expérimental-, 20 que les événements correspondent à des représailles contre le Consulat dirigées sur les bâtiments de l'Université -mais par qui, et pourquoi ?-, et enfin 40 derniers qui pointaient l'incompétence du groupe à retenir l'avancée inexorable des ténèbres rajeunies par le renouveau de la Coalition.
Elle aurait sans doute souri, si elle en ressentait encore l'intérêt. Il ne lui restait qu'à orchestrer son retour sur le devant de la scène. Elle allait trouver. Bientôt, elle mettrait fin à la ronde des pourquoi.
Pourquoi d'ailleurs parler d'Ari ? Elle n'était plus, elle n'était pas cette gamine écervelée, cette éternelle insatisfaite qui s'était laissée prendre aux jeux des sentiments, y avait joué sa vie, et l'avait perdue pour ne rien gagner. Elle était quelque chose d'autre, quelque chose de plus fort, de plus efficace, de plus capable, de plus apte à déterminer sa place dans l'ordre des choses, de plus résolu aussi à accomplir la mission qui lui incombait, à occuper la position qui lui revenait de droit. Combien cela faisait-il de jours qu'elle n'était plus là et qu'elle avait été remplacée ?
Peu importe.
Les ténèbres laissent toujours la place à la réflexion.
Ou peut-être était-ce autre chose ? Les vitraux des tours du Jugement ne reflètent pas grand chose d'autre que leur propre lumière. Ils sont semblables à des lampes, éclairées de l'intérieur par Dieu sait quelle source, qui diffusent leur lueur sinistre à travers un vide sans fond.
L'étudiante n'aurait jamais voulu croire à l'existence de ce lieu surnaturel. Elle l'aurait questionné, aurait retourné dans sa tête toutes les possibilités d'expliquer rationnellement son inattendu surgissement, comme elle l'avait fait des sans-coeur, alors même qu'elle avait vécu la prise des jardins par les troupes d'Ansem. Mais voilà : elle n'y avait jamais cru. Il ne s'agissait, pour elle, que de l'excuse à un déménagement qui ne pouvait tenir de l'exil forcé. Ces créatures dévoreuses de coeurs ne pouvaient être qu'un hoax, et les magiciens des prestidigitateurs. Après tout, quand elle était revenue de la Ville de Traverse pour étudier, la cité n'était-elle pas aussi belle qu'avant ? Difficile de croire qu'il ait été possible à quelqu'un d'être aveugle à ce point, sinon par déni total.
Sans doute était-ce là l'explication à l'oblitération forcenée qu'elle avait soigneusement maintenue quant à l'assaut des forces de l'autre royaume. Si elle n'avait pas vu ces choses, alors elles n'existaient pas. Point.
Mais sa simili ne reproduirait pas l'erreur. Difficile de perdre son coeur deux fois -et puis, il fallait bien qu'elle admette au moins cet axiome : sinon, comment envisager qu'elle existe encore ? Contrairement à l'humaine dont elle était issue, la simili n'était pas prête à remettre en question sa propre tangibilité, et c'est cela qui la différenciait radicalement du reste de ses semblables. Elle acceptait d'être là sous cette forme. Sans cette certitude-là, elle ne pouvait rien construire.
Elle ne serait plus jamais cette pauvre fille paralysée par la peur, incapable de se lever, écrasée par le poids de l'angoisse, perdue dans ses propres pensées à ne pas se rendre compte qu'elle tenait entre ses bras un corps blessé par les coups. Ari n'avait rien vu, rien compris, aligné les erreurs grossières et les approximations.
Plus jamais.
« Affliger : ruiner par les calamités ». Elle se souvenait avoir rappelé ce sens à Hector quand il avait réduit le mot à une histoire de mortification ou de poids à porter. Elle l'avait contredit. Hier, elle le craignait comme la peste : il ne lui évoquait que fouets et créatures mouvantes, que punitions arbitraires nées du vice d'un coeur égoïste. Aujourd'hui qu'elle n'en avait plus, la pensée d'être celle qui ferait tomber les plaies sur la corruption des hommes la séduisait davantage, dans toute sa grandiloquence et sa prétention. Il n'est pas plus grave péché que d'avoir l'orgueil de juger à la place de Dieu. D'aucuns lui diraient qu'elle n'existait pas. La tâche lui incombait de leur prouver le contraire, qu'elle n'avait pas besoin de foi pour survivre et de culte pour subsister.
La science ne s'appuie que sur la solidité des faits. Elle n'a besoin de personne pour se justifier.
Elle leva la tête et les bras. Elle savait quoi faire. Ce n'était plus l'heure d'expliquer.
« Je m'appelle Afflictia. Je jure solennellement que j'ai compris les lois du monde et que j'accepte d'en faire partie. »
Le Consulat comme point d'appui. Le système comme but. La volonté d'avancer. Toujours implacable. Ne jamais faillir. Ne plus s'entourer d'incapables. Ne plus se laisser berner par le doute. Ne plus s'enfermer dans sa tête. Appliquer la méthode. Ne pas se laisser aller à la déconcentration.
Pas de regrets.
Une ombre de plusieurs fois sa taille se dessina dans son dos, comme une esquisse à l'encre rouge qui déchirait le ciel noir des Tours du Jugement. « Ouvrez-moi ! »
La silhouette frappa et le vitrail se brisa.
Psychologie
Afflictia vit comme une unique mécanique ; elle s'exprime par un système de signes qu'elle aligne, lie, et manipule selon des protocoles programmés. Chaque mot, chaque geste est une ligne de code signifiante qui renvoie à un signifié calculé. S'exprimer relève d'un procédé technique élaboré dont elle a perdu le plus important motif : le coeur. Dès lors que le corps ne se meut plus que par la volonté d'un esprit seul et de ventricules qui battent, le besoin d'un partage sensible s'aplatit devant l'urgence de l'efficacité dans la communication.
Il ne reste plus grand chose de la vie d'Ari Han, si ce n'est l'esquisse d'un rictus de dégoût et les carcasses des lumières éteintes qui brillaient autrefois sous ses paupières fendues -c'est aujourd'hui dans la blancheur maladive de la lueur d'une ampoule d'hôpital que les traits dont elle était si fière se dessinent au schéma de son visage plastifié. La rumeur de la ville qu'elle portait haut dans sa tête et tenait à bouts de bras élevée en trophée s'est tue pour laisser place à des bruits parasites, indistincts, incessants, des grésillements métalliques qui lui courent des oreilles au cerveau et ne se taisent que le soir, quand la nuit se fait trop noire pour penser.
Mais ne vous méprenez pas : de tous les êtres qui foulent les mondes, Afflictia est de ceux qui ne se couchent jamais. Toujours opérationnelle, elle avance, implacable, sur les pavés et les routes stellaires, sans jamais épuiser la vigueur de ses jambes. Ce n'est pas parce qu'elle ne ressent rien qu'elle ne réfléchit pas; mais en absence d'adversaire valable, c'est toujours la raison qui gagne. Alors elle additionne et soustrait les heures, rentabilise tous ses déplacements, et ne s'adonne qu'à un sommeil calculé depuis qu'elle a décidé qu'il s'agissait d'un vulgaire excès.
L'homme, par définition, arrive au terme de la déliquescence personnelle par une série de compromissions suffisantes qui prennent leur source dans des désirs incontrôlables. Sans l'agitation du coeur, qui faisait d'Ari un être sensible, les questions sincères se sont transformées en batteries de problèmes à résoudre, en équations complexes à travers lesquelles Afflictia navigue comme un supercalculateur. Elle organise avec minutie, et force est de constater que sa froideur procédurale lui confère une efficacité auparavant inespérée.
Cependant, celle-ci s'est accompagnée de la perte mécanique des considérations morales et pratiques au profit d'une implacable volonté d'aboutir à des résultats tangibles. Si l'étudiante d'alors souhaitait donner du sens à la vie et à la question des sciences, son simili se sert de l'épistémologie comme base pour faire de l'être humain un objet d'étude dénué de volonté propre, tout à fait déterminé, dont elle peut alors se saisir pour l'ancrer dans un modèle social idéal, c'est à dire purgé des dysfonctionnements qui le rendent si difficile à contrôler. Le libre arbitre n'a pas sa place dans ses théories, pas plus que dans l'argumentaire fallacieux qu'elle exploite pour justifier son entreprise de hiérarchisation.
Ce qu'elle ne parvient pas à voir, ce sont les failles laissées ouvertes par son absence de coeur ; là où Ari était capable de remise en question, ce qui lui permettait d'avancer, la prétention outrancière d'Afflictia la confine à un aveuglement né de l'égocentrisme qu'elle arrivait à contenir avant que toutes ses barrières ne sautent. De l'amertume ressentie face à la perte d'Hector, de la haine du désordre et de ceux qui le causent, c'est à dire autrui dans son intégralité, est née la marche forcée vers le progrès de la non-personne laissée derrière l'apprentie philosophe fauchée dans une attaque des ténèbres. Son vocabulaire, déjà riche, s'est considérablement ampoulé sous l'impulsion d'un incroyable sens du détail et de la précision -d'où une multiplication de discours inaccessibles et de dialogues de sourds que plus personne ne soutient à sa propre exception, qu'il ne lui reste plus alors qu'à alimenter par elle-même, quitte à s'enfoncer toujours plus avant dans des erreurs que personne ne peut plus lui faire remarquer.
Quiconque connaissait la petite Han ne peut que s'émouvoir du spectacle désolant offert par son cadavre animé : mais Hector n'étant plus là pour la pleurer, il ne reste plus grand monde pour savoir qu'elle ne se meut plus que poussée par le sel de la déception. Peut-être lui reste-t-il quelque chose de l'ébauche d'un coeur : l'omniprésence du doute et de la méfiance dans le système de ses pensées court-circuitées par la rumeur de la vie des autres, qu'elle souhaite plus que tout faire taire à jamais.
Il lui semble ne voir que des êtres pleins de leurs sentiments, qui s'accrochent à des impulsions nerveuses et à des cocktails d'hormones, aveugles aux réalités du monde et à la nécessité de maîtriser les flux qui les traversent pour ne pas se jeter aveuglément droit dans le gouffre -mais ils ne retiennent jamais la leçon, et cela précisément elle ne le comprend pas, ne songe même pas à l'admettre, ne peut pas l'envisager.
Si l'erreur est bien humaine, Afflictia se refuse à laisser libre cours à sa prolifération. Un défaut en appelle un autre, un impact est toujours destiné à s'ouvrir davantage si on ne le rebouche pas le plus tôt possible. Quelle sottise que de croire que c'est sur les bases de la liberté que se construit un monde sûr -ceux qui ont le désir de ne pas vivre dans l'incertitude se doivent de réfléchir à la mise en oeuvre d'un système dont l'efficacité ne dépend pas entièrement de variables imprévisibles.
En cela, la simili pense avoir trouvé dans les Cités Dorées le lieu idéal pour faire ses recherches ; elle considère, toutes proportions gardées, que les Consuls entendent construire un empire ordonné et hiérarchisé sous couvert de promotion des arts ; davantage qu'un modèle démocratique, ils prônent une aristocratie qui lui convient tout à fait, et qu'elle est prompte à soutenir. En outre, elle a bonne confiance en ses capacités, qu'elle entend mettre en avant pour suggérer aux hérauts des muses de l'accepter parmi eux, là où elle aura tout loisir de poursuivre ses recherches et de revoir les écrits d'Ari, quitte à se faire passer pour elle.
De scrupules, en effet, il ne lui reste plus beaucoup -la fin justifie les moyens, puisque le but est raisonnablement admis comme le meilleur qui soit. Pas plus, pas moins. Parfois soucieuse d'apparaître toujours comme étant dotée d'un coeur, Afflictia puise dans les impératifs moraux qu'elle a assimilés pour se donner la forme d'une personne normale. Cette entrave à certaines idées qu'elle prône souvent elle-même naît dans la certitude forcenée qu'elle est la détentrice de la meilleure solution, et qu'elle agit par conséquent dans l'intérêt de tous, en ne perdant pas de vue le service du bien commun et de ceux qui profitent de lui.
Pourtant, encore une fois, ce dont elle est rigoureusement inapte à se rendre compte, c'est de l'impulsion profondément personnelle qui la mène à ces conclusions : seul explique l'extrême rigueur de ses prérogatives le traumatisme subi ce jour, avenue du Centre d'Etude, alors qu'elle menait une course contre la mort avec l'homme de sa vie. Elle est incapable de se souvenir de la volonté d'Hector, d'imaginer la honte qu'il ressentirait en la voyant agir de la sorte.
Mais elle n'y pense plus du tout. Une fois le garde-fou du coeur perdu, toutes les barrières sont tombées. Le deuil a été trop bref pour cicatriser ; le reflet auquel Ari a donné naissance, à qui elle a légué son esprit résolument réflexif, ne sait plus questionner sa propre faute -son développement biaisé dès l'introduction l'a mené à la conclusion que son ex-compagnon ne pouvait être que l'unique responsable de l'effondrement de la vie qu'ils menaient, dans cette rue dont il ne se souvient plus qu'elle lui tombait sur la tête.
Ceux qui, comme lui, perturbent le chemin vers la mise en place du système qu'elle a prévu pour le monde, ne constituent que des obstacles qu'il convient de supprimer. Afflictia, de fait, ne rechigne pas à avoir recours à la force pour éliminer les gêneurs -et rare sont ceux capables d'être aussi efficace qu'elle l'est dans la résolution des tâches de nettoyage de terrain. Bien qu'elle considère que ce n'est pas en premier lieu à elle de mener la croisade de front, elle rassemble plus que quiconque les compétences nécessaires à la bonne tenue de la direction des opérations -quitte à sacrifier autant d'éléments qu'elle le juge indispensable.
La simili s'est mise en branle activée par une sorte de but en soi, le triomphe de la réponse aux désordres du monde qu'elle est certaine de tenir enfin : l'ordre, l'ordre en toutes choses et en toutes situations, l'organisation méthodique d'un canevas qui ne laisse la place à aucun écart, la détermination du rôle de chacun et la stricte application d'un principe hiérarchique imperturbable , basé sur le calcul rigoureux de l'intérêt de chaque élément dans le bon fonctionnement du système mis en place. Il est difficile de la contredire : son implacable logique ne connaît aucune variation, aucune hésitation, aucun véritable doute : l'aboutissement de ses recherches passe par la trahison de leurs principes les plus primordiaux, qui sont ceux du doute et du questionnement perpétuel.
Mais Afflictia ne pense pas vraiment, plus au sens philosophique du terme comme le faisait Ari : elle agit dans un but défini, et se sert de toutes les armes qu'elle a rassemblées pour justifier la distorsion de son précieux idéal, qu'elle emploie avec une agressivité presque baroque. Elle tonne, mais elle tonne froid. Rien ne l'arrête, pas même la confusion qui point étrangement dans la redoutable machine idéologique qu'elle a construite avec les éléments à sa disposition. Elle donne l'impression d'avoir tout compris, mais elle est incapable de déterminer, et même de se demander, si le programme ne s'est pas lancé sur un malentendu.
Malheureusement, c'est trop tard. Le massacre a déjà commencé.
La simili n'accorde aucune exception. Si elle a bien gardé quelque choses de ses amours passées, c'est le souvenir cuisant d'une trahison que même son absence de coeur ne parvient pas à combler. Il faut maîtriser l'homme, sans quoi il se rendra responsable des pires méfaits. Et ce n'est pas acceptable.
Pourtant, si sa réflexion la pousse à un mépris mécanique des autres, pourquoi cherche-t-elle sans relâche à construire un monde rigoureusement ordonné ? Qu'a-t-elle à y gagner, sinon des efforts sans fin et la certitude de se heurter à des résistances farouches ? Qu'est-ce qu'un être qui ne ressent rien peut-il bien en avoir à faire ?
Elle ne savait toujours pas ce qu'il était advenu d'Hector. Pourquoi il saignait. Pourquoi elle n'avait rien vu.
De quel droit s'était-il permis d'échouer ? Il avait outrepassé ses prérogatives. Au fond, tout au fond, elle était née avec l'incompréhension que lui avait laissée Ari. Avec son incroyable ignorance. C'est aussi avec la volonté d'en combler l'abyssale profondeur qu'elle a composé les circuits de son système -qu'elle l'a construit pour qu'il ne laisse passer aucune erreur, aucune faute, aucun dérapage.
Certes, elle demeure rigoureusement incapable de comprendre les sentiments de son originale, ne possédant pas de coeur. Pourtant, elle interprète les erreurs de sa vie comme autant de leçons qu'elle a la charge d'assimiler et de corriger.
Afflictia fonctionne à la manière d'une intelligence artificielle programmée par la haine et le désir de contrôle né d'un dérapage fatal. Elle est une application qui a pour mission de réécrire le monde et de le rendre parfaitement tangible, quitte à massacrer des notions qui lui sont tout à fait étrangères. Qu'est-ce qu'un être sensible pour quelque chose qui ne connaît que le corps et la volonté ?
Malgré tout, la simili n'a pas su répondre à toutes les questions. Il lui en reste une seule, une dernière à élucider.
Pourquoi n'a-t-elle pas pu se résoudre à jeter cette tiare ?
Physique
Parfois, étonnamment, le néant agit comme un reflet dans l'eau. Il n'est pas tout à fait fixe ; s'y décomposent des nuances de gris sur fond blanc qui lui donnent l'effet d'un miroir surnaturel, froid comme une table d'opération. Les images glaçantes qu'il projette ne sont que les vestiges du passé de ceux qui se sont perdus dans les méandres de ses couloirs infinis. Y regarder Afflictia serait observer l'évolution d'une intelligence artificielle reprogrammée qui aurait pris la place de la version précédente devenue obsolète dans le modèle-corps qu'il occupait auparavant.
Elle n'a pas les yeux d'Ari. La lueur presque ingénue qui leur donnait tout leur charme s'est mûe en une sorte d'aplat terrible, sans éclat, d'une constance à faire fuir. Son regard ne dévie jamais. Il ne plie pas, ne varie pas, et ne divague jamais. Etablir un contact visuel avec la simili, c'est l'assurance de buter sur un mur de verre qui semble ne pas pouvoir briser, de se heurter à un mur transparent qui tient plus de la cellule d'isolement que de la fenêtre de l'âme.
Ils sont le modèle qui résume la somme de toutes les parties qui l'ont recomposée -tout ce qui faisait la beauté discrète de l'ancienne étudiante, dont elle n'était d'ailleurs pas peu fière, a tourné comme un mauvais vin -il n'en reste que l'acidité d'un vinaigre trop fort. Les interrogations qu'elle lançait à la volée à la manière de ballons échappés se sont tues pour laisser place à une diction brutale, à la fois indéchiffrable et redoutablement schématisée. Même la musique de sa voix s'en trouve radicalement différente : les rondeurs de l'une sont autant chez l'autre une multitude de pointes acérées, prêtes à frapper jusqu'à l'os.
Afflictia marche comme elle parle : en s'avançant avec une évidence terrible. Ce n'est pas ici à proprement parler une question de rigidité, mais davantage d'une sensation d'inexorable, d'inarrêtable, d'inévitable, qui confère à sa démarche la crainte qu'il lui arrive d'inspirer.
Il convient d'admettre, cependant, que cette aura désagréable a fleuri d'autant plus qu'Ari n'a jamais été plastiquement la plus belle femme qui soit ; Afflictia a hérité de sa petite taille et de ses attraits célèbres pour n'être pas les plus séduisants. Poitrine plate, taille marquée aux ciseaux plutôt qu'à la hache, on est loin de l'opulence caractéristique de la femme fatale. Mais là où cela faisait l'intérêt du physique un peu particulier de l'étudiante en philosophie, son simili affiche une physionomie peu amène, qui, ajoutée à son aura froide, ne fait pas d'elle un être charmant.
Le relatif peu d'attirance qu'elle suscite trouve également sa source dans son aspect juvénile, marqué par une frange droite qui lui couvre l'intégralité du front et lui durcit les traits autant qu'elle l'infantilise ; de fait, la simili revêt davantage l'apparence d'une enfant trop bien élevée que d'une jeune femme avenante, et c'est cela aussi qui qui participe activement de la profonde antipathie qu'elle peut susciter.
Il ne faudrait pas se méprendre : la consule n'est pas laide à proprement parler, loin de là. De façon purement objective, on pourrait conclure qu'elle n'est en rien repoussante, mais que toutes les caractéristiques physiques qui sont propres à sa façon d'habiter son corps gâchent absolument tout son potentiel de charme.
Le sort, en plus de cela, lui a gravé sur la face l'expression de son insondable prétention -cet air de constante certitude et d'absolue confiance en soi qui donne envie de lui tordre le cou autant que de fuir sa présence.
Afflictia pourrait se rattraper par l'agrément du vêtement agréable ou de l'élégance discrète, mais elle n'a pas conservé d'Ari le souci qu'elle avait du style et de l'art des ambiances, pour ne rassembler que les restes d'une extravagance tapageuse qui lui reprend épisodiquement quand elle doit entrer dans les mondanités. Autrement, elle range les robes en satin, les nuisettes brillantes et les bijoux cliquants au placard et se contente d'enfiler son armure d'apparence techno-organique, rouge glauque, qui lui a été léguée comme arme une fois devenue une non-personne. Les simili héritent parfois de pouvoirs étranges qu'ils ne possédaient pas étant humains : elle en est un cas d'école. La consule est capable de conjurer une sorte de protection couleur de viande abattue, solide et malléable, qui obéit à sa volonté et embrasse les formes de son corps fragile pour le protéger des assauts du monde. Il s'agit de son accoutrement de prédilection, quoiqu'elle ait la présence d'esprit de ne pas l'arborer dans la rue, sans quoi elle serait immédiatement identifiée comme un monstre à éliminer.
Elle conserve bien une ébauche de grâce, qui naît de l'étonnante faiblesse de sa constitution, de ses épaules étroites, de ses mains croquées à l'encre et de la finesse de ses traits -mais elle est bien vite emportée par la rigidité glaçante de son comportement, et c'est précisément ce décalage profond qui scelle définitivement son allure de monstre. Toutes les sirènes à son approche semblent hurler qu'il faut fuir -ce qu'elle s'embarrasse rarement de dissimuler. Elle éprouve, s'il se peut, une certaine forme de satisfaction à cultiver cette fleur terrifiante.
Son apparence générale connaît également l'influence de sa posture de repos à mi chemin entre l'indolence du mépris et une tendance énigmatique à l'immobilité. Afflictia s'embarrasse du moins de mouvements possible, quitte à demeurer statique en toutes circonstances. C'est un fait d'autant plus marquant quand elle décide d'entrer sur le champ de bataille : parmi les soldats qui font danser leurs lames et les sorciers qui gesticulent, la simili ne bouge pas d'un pouce. Elle paraît fermement rivée sur le sol, comme une statue de marbre fixée sur les dalles d'un temple, aussi imperturbable qu'un pilastre sculpté. Cette attitude surprenante s'explique en partie par sa manière de combattre : elle compte sur l'impressionnante entité engendrée par l'amure qu'elle porte, grande comme une petite maison, pour la protéger et soumettre ceux qui s'opposent à elle. Force est de constater qu'elle n'est pas aussi frêle qu'Ari : il ne faudrait pas la négliger au premier regard et la prendre pour une inapte. Face à l'adversité, l'apprentie philosophe-reine fait honneur à son inhumaine nature. Le reste réside justement au fond de ses yeux, là où semble se cacher la source de ses pouvoirs, une sorte d'ampoule cassée qui se rallume quand on fait appel à elle.
Il vaut peut être mieux subir la sécheresse malaisante de ses orbites glacées plutôt que de les voir briller. Il se pourrait qu'assister au spectacle dont ils ne sont que le premier numéro ne relève pas de l'agréable expérience.
Entre le clown triste et la jeune adulte imbue d'elle-même, Afflictia trouve sa place de simili autour de laquelle souffle un air de malédiction. Une odeur de poussière et de fer, quelque chose d'une matière plastique. Une cathédrale de béton armé. Elle se tient droite sur ses jambes fines, ne balance ses bras blancs qu'avec la certitude de l'avoir voulu, comme une église postmoderne, austère par rejet d'extravagances vulgaires et tordue pour poser question.
Une usine d'industrie chimique qui exhale une fragrance de mort.
Questions diverses
1) Votre personnage est-il capable d’aimer, d’avoir une relation ?
Non
2) Si l’esprit de votre personnage s’incarnait en un animal mythologique ou chimérique ou réel (nuances acceptées). Que serait-il ?
Bah... Un léviathan.
3) Qu’en est-il de la fidélité et de l’esprit de camaraderie de votre personnage ?
Zéro.
4) En vue de votre race, quand pouvez-vous dire que votre personnage a forgé une amitié. Citez quelques unes de vos relations amicales.
Afflictia, aucune. Ari, Hector.
5) Quelle est la devise de votre personnage ? S'il y en a plusieurs, donnez les toutes.
De l'ordre en toutes choses.
6) Vis à vis de votre façon d'écrire, quels sont vos points forts et points faibles?
Aucune idée.
7) Pourquoi incarner ce personnage ?
L'intérêt d'un simili et de ce que la perte du coeur suppose.
Btw j'en profite pour dire que j'aimerais développer l'intégration au Consulat en rp. Ça m'intéresse grave. Un bon petit rp d'intégration.