À la lueur des torches du camp de Robin, une ombre furetait. Le clocher de Nottingham sonnait seulement son huitième coup et la nuit était déjà bien présente, un soir d’automne, un soir sans lune. La jeune rate avait quitté sa tente, avançant à travers le camp et évitant soigneusement la tente de la Générale ainsi que celle du Shérif. Elle ne voulait qu’ils sachent, ils n’avaient pas besoin de savoir ce genre de chose. D’un saut, elle passa par-dessus la barricade et atterrit sur une branche de chêne. D’un regard en arrière, elle vérifiait que personne ne l’avait suivit avant de continuer sa route, sautant de branche d’arbre en branche d’arbre. Elle était revenue à Sherwood depuis plus d’une année, depuis ce temps, elle cohabitait avec les rebelles à plus de deux lieues de l’endroit qui l’avait vu grandir. Ses terres, sa maison, le seul endroit ou vivait sa honte et ses remords. Elle n’osait toujours pas se rendre chez elle, de toute façon, il ne restait rien que des cendres et la cheminée de pierre construit par son défunt père.
Passant devant une clairière, Freyja s’arrêta un instant pour contempler le vide qu’avait laissé la pyromanie du régent. Écartant une branche d’arbre, elle pouvait voir le tapis de feuilles mortes recouvrant les lopins de terre incendiée. Après autant de temps, la nature n’avait toujours pas repris son droit. Plissant les yeux, elle distinguait avec difficulté quelques faibles pousses d’arbre cherchant à prendre racine. Même dans les cendres, il y avait de l’espoir. Semblable à celui brillant dans le regard des malheureux ayant dernièrement rejoint la bannière du renard. Un léger sourire se dessina sur son visage. Sans un mot, elle réajusta son couvre-chef avant de relâcher son emprise sur la branche et continua sa route en direction de la ville.
Une fois arrivé à la lisière de la forêt, Freyja observait les lumières de la ville. Les hommes de Kefka rodaient au sommet des murailles, éclairant le chemin de ronde à l’aide de leurs torches. Immobile plusieurs minutes, la rate décida finalement de s’asseoir sur la branche la plus épaisse et s’appuya contre le tronc. Son regard se perdait vers le château, sa longue queue balançait dans le vide et se balançait au rythme du vent de cette soirée d’automne. Voici plusieurs soirs qu’elle quittait le camp afin de se rendre ici, ne faisant rien et se contentant d’observer les lumières décrire le même trajet heures après heures.
Peut-être qu’il était là aussi, à observer en direction de la forêt.
Ramenant ses jambes à son torse, la jeune femme s’appuya sur ses genoux et posa son museau sur ses avant-bras, son regard ne quittait pas le spectacle des lumières. Le vent soufflait plus fort que d’habitude, la faisons frissonner sur son perchoir. Et comme chaque soir, elle réfléchissait à ce qu’elle allait faire. Ce qu’elle devait faire. Le Shérif et la Générale étaient d’accord sur un point, ils ne devaient plus tarder à lancer leur attaque contre le régent, ce n’était dorénavant plus qu’une question de jour.
Cela la rendait-elle heureuse ? Elle hésitait. Il y avait de fortes chances qu’au moment de l’attaque, le clown trouve la mort et se retrouve devant Saint-Pierre à répondre de ses nombreux crimes. Et l’autre cas de figure, à l’instant ou les rebelles se jetteront contre les remparts du château, elle pouvait trouver la mort et rejoindre sa mère et son père jusqu’à la résurrection. Freyja glissa sa main dans la poche intérieure de sa veste, empoignant une croix de bois taillé par frère Tuck. Il répandait la parole de Dieu à travers le camp, laissant le loisir à qui écoute d’entendre les refrains de l’homme d’église. La jeune rate n’était pas croyante, du moins, jusqu’à il y a peu. À la différence qu’aujourd’hui, elle avait besoin d’un miracle et elle avait besoin de croire qu’il pouvait se souvenir.
Aiden…
Elle n’arrivait toujours pas à comprendre comment cela était possible. Des années entières, ils avaient été unis. Ils avaient leur propre secret, leur vie cachée et voyaient un avenir ensemble. Le petit garçon qui l’avait rejoint sur la barrière du champ de son père au milieu d’une après-midi d’été et qui était devenu un jeune homme. La seule personne à qui elle n’avait jamais ouvert son coeur. Et aujourd’hui ? Il ne reconnaissait plus la jeune fille avec qui il avait fait la promesse d’une vie. Il avait tenté de la tuer et agissait comme un inconnu envers elle, jamais elle n’oubliera son regard au moment où il tenta de la tuer. Elle frissonna de plus belle, à la différence que le froid n’était pas la cause. D’un geste rapide, elle essuya ses yeux humides et ramena sa queue au niveau de ses pattes.
Elle laissa échapper un rire étouffé quand son regard se posa sur le ruban noué au bout de sa queue, retenant difficilement un pleur.
De longues minutes passèrent, le vide étant comblé par les sanglots de la jeune rate. Difficilement, elle essuya ses larmes et détacha méthodiquement le ruban jaune avant de le tenir dans la paume de sa main, laissant le tissu virevolter avec le vent alors qu’elle le maintenait. Depuis tout ce temps, elle réalisait seulement la valeur de la chose accrochée au bout de sa queue. Comme un flash, elle se souvenait du jour de la disparition de ses parents, il lui avait offert cela comme gage de son amour. Un simple bout de tissu, rien de valeur et pourtant inestimable. Elle se rappelle de ce jour, de la première fois ou ses lèvres se sont posées sur les siennes et qu’un avenir se profilait à l’horizon.
Malheureusement, il ne reste rien de cet instant, un moment égaré dans l’immensité des souvenirs que la rate allait perdre quoi qu’il arrive. Elle n’était pas heureuse. Quand l’attaque surviendra, elle n’aura d’autre choix que de sacrifier pour ce quoi elle se bat. Elle avait pris les armes pour se venger, et elle s’en servira pour tuer la seule personne qui comptait véritablement à ses yeux. Finalement, elle était condamnée. Chaque voie qui s’ouvrait devant elle n’était qu’une impasse, même la mort ne la libérera de ses chaînes. Marche ou crève, ainsi allait être sa vie à partir d’aujourd’hui. Lentement, elle décrispa ses doigts, laissant le morceau de ruban s’agiter avec plus d’entrain au rythme du vent pour finalement s’envoler sous l’ombre de la lune. Au plus noir de la nuit, les espoirs s’évanouissent a la veille d’une guerre à laquelle Freyja n’en sortira pas vainqueur.