Ma première mission ! Le culot avait payé. Ils ne perdent pas de temps chez ses mercenaires. Le petit bonhomme qui avait surgît dans la conversation, se présentait sous le nom de Natsu. Les cheveux roses en pétard, le corps nerveux et les gestes exagérés, il débordait d’énergie. Je souriais avec amusement alors qu’il me donnait sa mission à effet immédiat. Il m’avait offert un verre, que je ne comptais pas refuser, mais au final, l’intitulé de la mission et les explications données, sans m’en rendre compte nous nous étions déplacés tout en discutant vers la porte, et c’est devant celle-ci, refermée, une laisse dans la main, que je me trouvais à cligner des yeux avec un petit sourire interdit.
Je regardais le chien, « mascotte nationale », nommé Daigoro, qu’il m’avait chargé de promener. Somme toute, pas une grosse affaire. S’enquérir de la prochaine livraison de rhum ? Pas bien méchant non plus. Je m’apprêtais à une soirée remplie mais abordable. Je n’avais pas encore conscience de la difficulté réelle de la mission : le cumul des deux ! Comment voulez-vous enquêter discrètement avec un chien qui court partout.
« WHA ! » Mon client s’impatientait.
Je souriais de nouveau avec amusement mais j’eus le tort de lui répondre.
« En route ? »
Le son quitta à peine mes lèvres, que Daigoro s’élança avec enthousiasme dans la course, m’arrachant un hoquet, presque un bras, me coupant le souffle sur le coup de la surprise. J’ai faillis faire la promenade à racler le sol, à manger les pavés de la rue, que nous descendions à grandes enjambées.
« J’aurais dû me méfier. Si Natsu avec son air survitaminé, trouve lui-même Daigoro énergique… »
Me voici donc à courir comme si la mort me poursuivait, juste pour tenir la cadence d’un chien, dans les ruelles étroites de Port Royal, à hurler des injonctions aux passants pour qu’ils dégagent le passage.
Je n’ai pas eu le temps de comprendre un traître mot de ce que braillait, ce gros bonhomme avec son hachoir devant sa boutique que je percutais violemment celui qui en sortait en courant, les bras chargés de victuailles.
Daigoro eût au moins la gentillesse de s’arrêter pour venir voir mon état, sinon nous partions en convoi emberlificoté, cet homme, ses saucisses et moi. Affalée sur lui, je me remettais les idées au clair. Un clochard en haillons, dont émanait des odeurs pestilentielles de vieux rhum, de vieille urine et de vieux vomis qui me piquaient le nez. Sa rapine de charcuterie avait provoqué la rage du commerçant et le hasard l’avait littéralement mis sur mon chemin.
Je me relevais sous les remerciements du boucher qui agitait son hachoir et invectivait le voleur. Il allait passer un sale quart d’heure, assurément. Une idée me traversa l’esprit désormais éveillé.
« Je vous en prie, Monsieur. Les Mercenaires veillent et sont là pour vous. N’oubliez pas de passer au Centurio pour récompenser comme il se doit notre bienveillance….. Je ne plaisante pas. Faites-le. Je vous ai à l’œil….. Je sais où vous habitez. Tout travail mérite salaire après tout. Votre générosité vous honore Monsieur. »
Je fis une révérence, habillée d’un sourire assuré pour égayer mon discours et faire plus facilement passer la pilule, sans oublier d’en profiter pour subtiliser en douce une saucisse, profitant de la longueur de ma jupe pour masquer le méfait. Daigoro méritait bien une récompense. Avait-il conscience de son acte héroïque ? Le voilà, torse bombé, trottinant fièrement à mes côtés alors que nous quittions la ville pour nous rendre à Tortuga.
Au final, j’étais ravie d’être accompagné de Daigoro en traversant Tortuga et son ambiance électrique voir épileptique. Si je m’étais efficacement faufilée dans la taverne de Port Royal en esquivant le passage de plateau des serveuses, il me fallut toute mon attention et des compétences bien supérieures pour tenter d’esquiver un tas d’objet volant pas toujours identifiés.
Je m’arrêtais à temps pour voir s’écraser au sol un poivrot trop fauché, jeté d’un bordel. Sa tête se planta littéralement dans la boue épaisse qui recouvrait le pavé, du moins j’espérais que s’en fût. Daigoro était gagné par l’atmosphère et faisait presque autant de bruit que l’ensemble de la population qui chantait, hurlait, ou se bagarrait.
« Oh pardon ! … Madame, Monsieur … je ne fais que passer, ne vous dérangez pas pour moi »
Je dépassais une prostituée et son client, qui n’ont même pas daignés réagir malgré les aboiements de mon compagnon canin. Il devait penser que la dame, belle comme un vieux navire d’apparat repeint à neuf, se faisait attaquer par le scélérat, en dépit du peu de réaction de la victime. Je me posais la question de savoir qui escorte qui au final en prenant la bête en amitié.
Je glanais des morceaux d’informations auprès des plus ivres, allongés çà et là dans les restes de leur conscience. Ils sont plus faciles à faire parler gratuitement. Ces bribes mises bout à bout, je finis par trouver la direction de la boutique de négociant en spiritueux.
Une bâtisse discrète avec une large porte, de quoi faire passer les tonneaux dans une charrette pour les livraisons. Cependant tout semblait fermé. Je toquais, longuement, sans réaction. Je n’allais pas me mettre à souffler comme Le Loup avec les Cochons, çà aurait été peine perdue mais l’idée me fît sourire.
Je m’éloignais pour questionner un potentiel riverain. Quelques mètres suffirent pour qu’un homme approche d’un pas décidé la boutique, clés en main, pour finir par disparaître dans l’obscurité de la porte qu’il ouvrit et refermer derrière lui.
J’étais intriguée, si c’était le propriétaire, pourquoi cette démarche rapide, discrète, inquiète ? À regarder autour de lui avant d’ouvrir. Je posais les yeux sur Daigoro, occupé à faire sa toilette avec la souplesse remarquable que possèdent ses animaux, et je me demandais comment opérer. L’abandonner attaché quelque part ? Il était assuré d’aboyer en un raffut monstre. L’emmener avec moi n’était pas moins risqué.
Assez rapidement, l’homme ressortit avec tout un équipement de sacs et de bandoulières, de quoi tenir une petite expédition. S’il s’agissait du propriétaire, alors la livraison ne risquait pas d’être effectuée. Il me fallait vérifier tout de même. Je pris Daigoro avec moi pour m’approcher de la porte, une fois l’inconnu disparu du champ de vision. Je fis glisser deux petites aiguilles, habituellement cachées parmi les baleines de mon corset, dans mes mains. Je me mis à genoux devant la serrure évidement gratifiée d’un coup de langue sur la joue par le chien, désormais à hauteur de son museau. Il me fallut alterner grattouilles et tentatives de crochetage pour l’empêcher de devenir impatient.
Heureusement la ville à cette heure-ci était occupée à fêter dans un maximum d’excès, quelques pâtés de maisons bien plus loin. J’entrais en invitant mon comparse à me suivre et refermais la porte derrière moi.
La pièce était plongée dans le noir. Armoires, tonneaux, fût, bouteilles, tout était impeccablement à sa place. Le comptoir séparait la boutique des pièces à vivre. Nous avancions doucement, en silence vers celui-ci. Je fouillais quelque peu sous le comptoir pour trouver le livre des comptes.
Depuis quelques jours, il enregistrait des livraisons entrantes et des commandes mais aucun flux sortant. Le propriétaire n’avait pas l’air pressé d’assurer ses engagements. Là ! La commande du Centurio en attente. Je replaçais le livre à sa place usuelle pour me faufiler dans les quartiers plus privés. Une petite cuisine sans intérêt, une chambre, et un bureau. La demeure était bien déserte.
Je m’attardais sur le bureau pendant que Daigoro fouillait la cuisine librement, allez savoir comment il a réussis à ouvrir un placard ! Je trouvais une carte de la région, annotée de gribouillis, des bouteilles vides, et trois feuilles griffonnées à la hâte dont l’aspect gondolé trahissait le fait qu’elles avaient été roulées et placées dans ses bouteilles.
Des messages à la mer ? Des messages de détresse en tout cas. Non signés, sans destinataire réel, l’homme y avait écrit un mot entouré de point d’interrogation « Princesse ». Les messages étaient eux d’une écriture féminine assez élaborée très différente. Je ne pris rien, ni ne déplaçait quoi que ce soit.
Je récupérais juste Daigoro en refermant le placard dont il avait extrait de la nourriture et nous repartîmes. J’étais bien incapable de ramener à moi seule un chargement complet de rhum et je préférais ne pas risquer une plainte pour vol. Après tout, on me demandait juste de me renseigner sur le retard de livraison.
Sur le retour à Port Royal, Daigoro put de nouveau, courir à son envie. Je me demande tout de même s’il n’a pas volontairement cherché à m’arracher un bras...
Je rentrais au Centurio, lessivée, pour prendre ENFIN ce verre que Natsu m’avait offert et lui rendre sa mascotte. Je lui fis mon rapport. La livraison n’était pas prête d’arrivée, le négociant étant occupé à chasser après une inconnue qui balance des appels à l’aide à la mer.
Je mentionnais également vaguement l’intervention sur le voleur de charcuterie. Il valait mieux ne rien cacher pour le moment. D’ailleurs, il me faudrait également un endroit où dormir si j’étais bel et bien validée. Mon regard alternait entre Natsu et Fred. C’était un bon début, l’endroit n’était pas si mal, et pour le peu que je sois bien payée, je rembourserais rapidement mes boulangers préférés au Pays.
Dim 2 Oct 2016 - 14:32Je regardais le chien, « mascotte nationale », nommé Daigoro, qu’il m’avait chargé de promener. Somme toute, pas une grosse affaire. S’enquérir de la prochaine livraison de rhum ? Pas bien méchant non plus. Je m’apprêtais à une soirée remplie mais abordable. Je n’avais pas encore conscience de la difficulté réelle de la mission : le cumul des deux ! Comment voulez-vous enquêter discrètement avec un chien qui court partout.
« WHA ! » Mon client s’impatientait.
Je souriais de nouveau avec amusement mais j’eus le tort de lui répondre.
« En route ? »
Le son quitta à peine mes lèvres, que Daigoro s’élança avec enthousiasme dans la course, m’arrachant un hoquet, presque un bras, me coupant le souffle sur le coup de la surprise. J’ai faillis faire la promenade à racler le sol, à manger les pavés de la rue, que nous descendions à grandes enjambées.
« J’aurais dû me méfier. Si Natsu avec son air survitaminé, trouve lui-même Daigoro énergique… »
Me voici donc à courir comme si la mort me poursuivait, juste pour tenir la cadence d’un chien, dans les ruelles étroites de Port Royal, à hurler des injonctions aux passants pour qu’ils dégagent le passage.
Je n’ai pas eu le temps de comprendre un traître mot de ce que braillait, ce gros bonhomme avec son hachoir devant sa boutique que je percutais violemment celui qui en sortait en courant, les bras chargés de victuailles.
Daigoro eût au moins la gentillesse de s’arrêter pour venir voir mon état, sinon nous partions en convoi emberlificoté, cet homme, ses saucisses et moi. Affalée sur lui, je me remettais les idées au clair. Un clochard en haillons, dont émanait des odeurs pestilentielles de vieux rhum, de vieille urine et de vieux vomis qui me piquaient le nez. Sa rapine de charcuterie avait provoqué la rage du commerçant et le hasard l’avait littéralement mis sur mon chemin.
Je me relevais sous les remerciements du boucher qui agitait son hachoir et invectivait le voleur. Il allait passer un sale quart d’heure, assurément. Une idée me traversa l’esprit désormais éveillé.
« Je vous en prie, Monsieur. Les Mercenaires veillent et sont là pour vous. N’oubliez pas de passer au Centurio pour récompenser comme il se doit notre bienveillance….. Je ne plaisante pas. Faites-le. Je vous ai à l’œil….. Je sais où vous habitez. Tout travail mérite salaire après tout. Votre générosité vous honore Monsieur. »
Je fis une révérence, habillée d’un sourire assuré pour égayer mon discours et faire plus facilement passer la pilule, sans oublier d’en profiter pour subtiliser en douce une saucisse, profitant de la longueur de ma jupe pour masquer le méfait. Daigoro méritait bien une récompense. Avait-il conscience de son acte héroïque ? Le voilà, torse bombé, trottinant fièrement à mes côtés alors que nous quittions la ville pour nous rendre à Tortuga.
Au final, j’étais ravie d’être accompagné de Daigoro en traversant Tortuga et son ambiance électrique voir épileptique. Si je m’étais efficacement faufilée dans la taverne de Port Royal en esquivant le passage de plateau des serveuses, il me fallut toute mon attention et des compétences bien supérieures pour tenter d’esquiver un tas d’objet volant pas toujours identifiés.
Je m’arrêtais à temps pour voir s’écraser au sol un poivrot trop fauché, jeté d’un bordel. Sa tête se planta littéralement dans la boue épaisse qui recouvrait le pavé, du moins j’espérais que s’en fût. Daigoro était gagné par l’atmosphère et faisait presque autant de bruit que l’ensemble de la population qui chantait, hurlait, ou se bagarrait.
« Oh pardon ! … Madame, Monsieur … je ne fais que passer, ne vous dérangez pas pour moi »
Je dépassais une prostituée et son client, qui n’ont même pas daignés réagir malgré les aboiements de mon compagnon canin. Il devait penser que la dame, belle comme un vieux navire d’apparat repeint à neuf, se faisait attaquer par le scélérat, en dépit du peu de réaction de la victime. Je me posais la question de savoir qui escorte qui au final en prenant la bête en amitié.
Je glanais des morceaux d’informations auprès des plus ivres, allongés çà et là dans les restes de leur conscience. Ils sont plus faciles à faire parler gratuitement. Ces bribes mises bout à bout, je finis par trouver la direction de la boutique de négociant en spiritueux.
Une bâtisse discrète avec une large porte, de quoi faire passer les tonneaux dans une charrette pour les livraisons. Cependant tout semblait fermé. Je toquais, longuement, sans réaction. Je n’allais pas me mettre à souffler comme Le Loup avec les Cochons, çà aurait été peine perdue mais l’idée me fît sourire.
Je m’éloignais pour questionner un potentiel riverain. Quelques mètres suffirent pour qu’un homme approche d’un pas décidé la boutique, clés en main, pour finir par disparaître dans l’obscurité de la porte qu’il ouvrit et refermer derrière lui.
J’étais intriguée, si c’était le propriétaire, pourquoi cette démarche rapide, discrète, inquiète ? À regarder autour de lui avant d’ouvrir. Je posais les yeux sur Daigoro, occupé à faire sa toilette avec la souplesse remarquable que possèdent ses animaux, et je me demandais comment opérer. L’abandonner attaché quelque part ? Il était assuré d’aboyer en un raffut monstre. L’emmener avec moi n’était pas moins risqué.
Assez rapidement, l’homme ressortit avec tout un équipement de sacs et de bandoulières, de quoi tenir une petite expédition. S’il s’agissait du propriétaire, alors la livraison ne risquait pas d’être effectuée. Il me fallait vérifier tout de même. Je pris Daigoro avec moi pour m’approcher de la porte, une fois l’inconnu disparu du champ de vision. Je fis glisser deux petites aiguilles, habituellement cachées parmi les baleines de mon corset, dans mes mains. Je me mis à genoux devant la serrure évidement gratifiée d’un coup de langue sur la joue par le chien, désormais à hauteur de son museau. Il me fallut alterner grattouilles et tentatives de crochetage pour l’empêcher de devenir impatient.
Heureusement la ville à cette heure-ci était occupée à fêter dans un maximum d’excès, quelques pâtés de maisons bien plus loin. J’entrais en invitant mon comparse à me suivre et refermais la porte derrière moi.
La pièce était plongée dans le noir. Armoires, tonneaux, fût, bouteilles, tout était impeccablement à sa place. Le comptoir séparait la boutique des pièces à vivre. Nous avancions doucement, en silence vers celui-ci. Je fouillais quelque peu sous le comptoir pour trouver le livre des comptes.
Depuis quelques jours, il enregistrait des livraisons entrantes et des commandes mais aucun flux sortant. Le propriétaire n’avait pas l’air pressé d’assurer ses engagements. Là ! La commande du Centurio en attente. Je replaçais le livre à sa place usuelle pour me faufiler dans les quartiers plus privés. Une petite cuisine sans intérêt, une chambre, et un bureau. La demeure était bien déserte.
Je m’attardais sur le bureau pendant que Daigoro fouillait la cuisine librement, allez savoir comment il a réussis à ouvrir un placard ! Je trouvais une carte de la région, annotée de gribouillis, des bouteilles vides, et trois feuilles griffonnées à la hâte dont l’aspect gondolé trahissait le fait qu’elles avaient été roulées et placées dans ses bouteilles.
Des messages à la mer ? Des messages de détresse en tout cas. Non signés, sans destinataire réel, l’homme y avait écrit un mot entouré de point d’interrogation « Princesse ». Les messages étaient eux d’une écriture féminine assez élaborée très différente. Je ne pris rien, ni ne déplaçait quoi que ce soit.
Je récupérais juste Daigoro en refermant le placard dont il avait extrait de la nourriture et nous repartîmes. J’étais bien incapable de ramener à moi seule un chargement complet de rhum et je préférais ne pas risquer une plainte pour vol. Après tout, on me demandait juste de me renseigner sur le retard de livraison.
Sur le retour à Port Royal, Daigoro put de nouveau, courir à son envie. Je me demande tout de même s’il n’a pas volontairement cherché à m’arracher un bras...
Je rentrais au Centurio, lessivée, pour prendre ENFIN ce verre que Natsu m’avait offert et lui rendre sa mascotte. Je lui fis mon rapport. La livraison n’était pas prête d’arrivée, le négociant étant occupé à chasser après une inconnue qui balance des appels à l’aide à la mer.
Je mentionnais également vaguement l’intervention sur le voleur de charcuterie. Il valait mieux ne rien cacher pour le moment. D’ailleurs, il me faudrait également un endroit où dormir si j’étais bel et bien validée. Mon regard alternait entre Natsu et Fred. C’était un bon début, l’endroit n’était pas si mal, et pour le peu que je sois bien payée, je rembourserais rapidement mes boulangers préférés au Pays.