Les portes de la bibliothèque s'ouvrirent et Sora entra, portant une pile de journaux plus ou moins froissés. Les épaules tombantes, il traina des pieds jusqu'au petit coin qu'il s'était réservé, et où il posait régulièrement les fesses pour s'adosser à l'étagère et entamer sa lecture quasi quotidienne. C'était une habitude qu'il avait prise, à la fois pour apprendre tout ce qui s'était passé pendant son séjour dans la Pierre et pour rester informé de l'actualité au jour le jour.
Hormis Mickey, lorsque le roi avait un peu de temps, quelqu'un d'autre l'aidait à ordonner ce maelstrom d'informations et à en faire sens pour sa petite tête. Non, ce n'était pas Pluto, qui se ruait hors de sa niche, la queue frétillante, pour saluer le jeune homme avec le même entrain que d'habitude. Sora força un sourire et mit les journaux sous son bras pour lui caresser le museau, ce que le toutou commenta d'un jappement appréciateur.
"Jiminy ?"
Oui, c'était bien le grillon, qui l'avait déjà accompagné dans maintes aventures et qui continuait à lui être d'une aide inestimable. Il l'avait recroisé à son retour de Destinée Révolue, ici-même, dans cette bibliothèque. Jiminy était en charge des archives royales, une tâche ingrate et compliquée mais dont il s'acquittait à merveille. Le moindre évènement connu, dans chaque monde connu, était référencé pour consultation ultérieure dans un immense carnet qui rappelait à Sora le journal de bord que Jiminy avait autrefois tenu pour lui.
Lorsqu'il avait vu ce que "son" journal était devenu et comment Sora le tenait à jour, il avait eu un de ses regards déçus, ceux qui avaient le don de faire rapetisser Pinocchio et Sora. Le jeune homme aux épis lui avait promis de mieux s'en occuper, et c'était une des raisons pour lesquelles il venait encore régulièrement ici.
"Jiminy ?"
"Je suis là, Sora ! Je cherche mon haut de forme. Pluto a du me le chaparder, mais je ne le vois nulle part !" fit une petite voix chantante. Sora remonta les étagères des yeux jusqu'a tomber, tout en haut, sur la petite silhouette du grillon. Jiminy sauta de son perchoir et ouvrit son parapluie pour ralentir son vol. Il atterrit sur le bureau du roi duquel Sora s'était également rapproché.
"Comment vas-tu ?" demanda Jiminy, ses grands yeux fixés sur le garçon.
"Bien", fit Sora en détournant le regard.
"Sora... n'oublies pas que je suis devenu un expert en détection de mensonges. Si tu étais Pinocchio, ton nez..."
"Je ne suis pas Pinocchio", trancha Sora en faisant volte-face, direction son coin d'étagère. Jiminy resta interdit un instant et frappa le bureau avec le bout de son parapluie : "Mais tu mens aussi mal que lui." Pas de réponse. Ca commençait à bien faire ! Jiminy sauta du bureau pour rejoindre Sora, qui s'était assis et commençait à ouvrir l'édition papier de l'Eclaireur.
"Ca fait plusieurs semaines que tu n'es pas dans ton assiette. Qu'est-ce qui te tracasse ? Tu sais que tu peux tout me raconter... ainsi qu'à Pluto !" Le chien jappa d'approbation.
"Ce qui me tracasse ?" gronda Sora avant de soupirer. Il n'avait aucune raison de s'en prendre au grillon, qui ne lui voulait que du bien. Il reprit plus doucement en tendant le journal à bout de bras : "Chaque jour, des mauvaises nouvelles de partout. Ils ne devraient pas l'appeler l'Eclaireur, mais l'Affligeant. Ce serait plus logique !" Jiminy et Pluto l'observaient, immobiles, sans répondre. Alors il continua : "D'abord j'apprends qu'Aladin est mort éventré, que Jasmine est prisonnière. Puis que Belle et Alice sont prisonnières. Que Jack a disparu. Qu'au Pays des Merveilles, la Reine est devenue encore plus folle et qu'elle a emprisonné presque tout le monde ! Que la Bête a été chassée de son château par cette fichue Coalition Noire."
Jiminy opinait du chef à chaque énoncé, comme s'il vérifiait mentalement que tout était bien noté dans le registre des évènements. Sora se fâcha d'autant plus : "Et ça n'a pas l'air de choquer beaucoup de monde. Le Consulat et la Lumière se font la guerre. Pourquoi ? Que font nos véritables ennemis pendant ce temps ? La Princesse Ariez est morte, son successeur sera encore pire. Notre Générale a disparu, elle aussi. Qui est parti à sa recherche ? Oh, je sais ce que tu vas me répondre, Jim..."
"Non, tu ne peux pas y aller seul." Il avait dit ça d'un ton ferme et triste, coupant court à la diatribe du jeune homme. Sora soupira de nouveau. La voix de la conscience avait parlé, et il savait que c'était vrai. Après de longues secondes, il plaqua ses cheveux contre les bouquins de l'étagère et scruta le plafond.
"Je ne peux plus y aller seul", corrigea-t-il. Tout était tellement plus simple avant. "J'étais pourtant certain que ça irait mieux après avoir récupéré le fragment de Pierre aux Iles du Destin."
"Destinée Révolue", pointa timidement Jiminy, mais le regard courroucé de Sora coupa court au débat. Pluto s'était affalé à côté du garçon, la tête sur sa cuisse, la mine en peine.
"J'allais mieux, oui... mais ça n'a pas duré longtemps. Ce n'était qu'un fragment parmi... personne ne sait combien. Et personne ne sait où sont les autres."
"Le Roi Mickey cherche encore. Il n'abandonnera jamais, si il y a un espoir de..."
"De récupérer la Pierre ? Où de me sauver ?"
Les lèvres de Jiminy formèrent un 'o' de surprise, et Sora sut qu'il n'aurait pas du dire ça. C'était sorti si vite, froidement, sans qu'il n'y réfléchisse. Comment pouvait-il accuser Mickey de faire passer la Pierre avant lui ? Le roi n'avait fait que prouver le contraire. Mais ce n'était pas le plus grave dans ses propos : depuis quand faisait-il passer son propre bien être avant le bien des autres ? Ça ne lui ressemblait pas, et un drôle de frisson lui remonta l'échine.
"Désolé, Jiminy", glissa un Sora penaud. "C'est juste que je ne supporte pas d'être aussi faible, surtout avec tout ce qui se passe. Regarde, je n'arrive presque plus à...." il tendit le bras, serra une poignée imaginaire, ferma les yeux et crispa ses dents. Au bout de longues secondes, Chaîne Royale apparut. Il la scruta sous plusieurs angles, comme on regarde un être cher dont la mort est annoncée.
"Ne t'inquiète pas, Sora. Il y a toujours un moyen."
A cet instant, Pluto se redressa vivement et aboya de joie avant de se ruer avec entrain vers l'entrée de la bibliothèque, la queue frétillante. Une silhouette très familière venait d'y apparaître. Ayant deviné de qui il s'agissait, Sora sourit et Jiminy fit une petite moue.
Sam 24 Sep 2016 - 18:43Hormis Mickey, lorsque le roi avait un peu de temps, quelqu'un d'autre l'aidait à ordonner ce maelstrom d'informations et à en faire sens pour sa petite tête. Non, ce n'était pas Pluto, qui se ruait hors de sa niche, la queue frétillante, pour saluer le jeune homme avec le même entrain que d'habitude. Sora força un sourire et mit les journaux sous son bras pour lui caresser le museau, ce que le toutou commenta d'un jappement appréciateur.
"Jiminy ?"
Oui, c'était bien le grillon, qui l'avait déjà accompagné dans maintes aventures et qui continuait à lui être d'une aide inestimable. Il l'avait recroisé à son retour de Destinée Révolue, ici-même, dans cette bibliothèque. Jiminy était en charge des archives royales, une tâche ingrate et compliquée mais dont il s'acquittait à merveille. Le moindre évènement connu, dans chaque monde connu, était référencé pour consultation ultérieure dans un immense carnet qui rappelait à Sora le journal de bord que Jiminy avait autrefois tenu pour lui.
Lorsqu'il avait vu ce que "son" journal était devenu et comment Sora le tenait à jour, il avait eu un de ses regards déçus, ceux qui avaient le don de faire rapetisser Pinocchio et Sora. Le jeune homme aux épis lui avait promis de mieux s'en occuper, et c'était une des raisons pour lesquelles il venait encore régulièrement ici.
"Jiminy ?"
"Je suis là, Sora ! Je cherche mon haut de forme. Pluto a du me le chaparder, mais je ne le vois nulle part !" fit une petite voix chantante. Sora remonta les étagères des yeux jusqu'a tomber, tout en haut, sur la petite silhouette du grillon. Jiminy sauta de son perchoir et ouvrit son parapluie pour ralentir son vol. Il atterrit sur le bureau du roi duquel Sora s'était également rapproché.
"Comment vas-tu ?" demanda Jiminy, ses grands yeux fixés sur le garçon.
"Bien", fit Sora en détournant le regard.
"Sora... n'oublies pas que je suis devenu un expert en détection de mensonges. Si tu étais Pinocchio, ton nez..."
"Je ne suis pas Pinocchio", trancha Sora en faisant volte-face, direction son coin d'étagère. Jiminy resta interdit un instant et frappa le bureau avec le bout de son parapluie : "Mais tu mens aussi mal que lui." Pas de réponse. Ca commençait à bien faire ! Jiminy sauta du bureau pour rejoindre Sora, qui s'était assis et commençait à ouvrir l'édition papier de l'Eclaireur.
"Ca fait plusieurs semaines que tu n'es pas dans ton assiette. Qu'est-ce qui te tracasse ? Tu sais que tu peux tout me raconter... ainsi qu'à Pluto !" Le chien jappa d'approbation.
"Ce qui me tracasse ?" gronda Sora avant de soupirer. Il n'avait aucune raison de s'en prendre au grillon, qui ne lui voulait que du bien. Il reprit plus doucement en tendant le journal à bout de bras : "Chaque jour, des mauvaises nouvelles de partout. Ils ne devraient pas l'appeler l'Eclaireur, mais l'Affligeant. Ce serait plus logique !" Jiminy et Pluto l'observaient, immobiles, sans répondre. Alors il continua : "D'abord j'apprends qu'Aladin est mort éventré, que Jasmine est prisonnière. Puis que Belle et Alice sont prisonnières. Que Jack a disparu. Qu'au Pays des Merveilles, la Reine est devenue encore plus folle et qu'elle a emprisonné presque tout le monde ! Que la Bête a été chassée de son château par cette fichue Coalition Noire."
Jiminy opinait du chef à chaque énoncé, comme s'il vérifiait mentalement que tout était bien noté dans le registre des évènements. Sora se fâcha d'autant plus : "Et ça n'a pas l'air de choquer beaucoup de monde. Le Consulat et la Lumière se font la guerre. Pourquoi ? Que font nos véritables ennemis pendant ce temps ? La Princesse Ariez est morte, son successeur sera encore pire. Notre Générale a disparu, elle aussi. Qui est parti à sa recherche ? Oh, je sais ce que tu vas me répondre, Jim..."
"Non, tu ne peux pas y aller seul." Il avait dit ça d'un ton ferme et triste, coupant court à la diatribe du jeune homme. Sora soupira de nouveau. La voix de la conscience avait parlé, et il savait que c'était vrai. Après de longues secondes, il plaqua ses cheveux contre les bouquins de l'étagère et scruta le plafond.
"Je ne peux plus y aller seul", corrigea-t-il. Tout était tellement plus simple avant. "J'étais pourtant certain que ça irait mieux après avoir récupéré le fragment de Pierre aux Iles du Destin."
"Destinée Révolue", pointa timidement Jiminy, mais le regard courroucé de Sora coupa court au débat. Pluto s'était affalé à côté du garçon, la tête sur sa cuisse, la mine en peine.
"J'allais mieux, oui... mais ça n'a pas duré longtemps. Ce n'était qu'un fragment parmi... personne ne sait combien. Et personne ne sait où sont les autres."
"Le Roi Mickey cherche encore. Il n'abandonnera jamais, si il y a un espoir de..."
"De récupérer la Pierre ? Où de me sauver ?"
Les lèvres de Jiminy formèrent un 'o' de surprise, et Sora sut qu'il n'aurait pas du dire ça. C'était sorti si vite, froidement, sans qu'il n'y réfléchisse. Comment pouvait-il accuser Mickey de faire passer la Pierre avant lui ? Le roi n'avait fait que prouver le contraire. Mais ce n'était pas le plus grave dans ses propos : depuis quand faisait-il passer son propre bien être avant le bien des autres ? Ça ne lui ressemblait pas, et un drôle de frisson lui remonta l'échine.
"Désolé, Jiminy", glissa un Sora penaud. "C'est juste que je ne supporte pas d'être aussi faible, surtout avec tout ce qui se passe. Regarde, je n'arrive presque plus à...." il tendit le bras, serra une poignée imaginaire, ferma les yeux et crispa ses dents. Au bout de longues secondes, Chaîne Royale apparut. Il la scruta sous plusieurs angles, comme on regarde un être cher dont la mort est annoncée.
"Ne t'inquiète pas, Sora. Il y a toujours un moyen."
A cet instant, Pluto se redressa vivement et aboya de joie avant de se ruer avec entrain vers l'entrée de la bibliothèque, la queue frétillante. Une silhouette très familière venait d'y apparaître. Ayant deviné de qui il s'agissait, Sora sourit et Jiminy fit une petite moue.