- Mini-série -
Ouais, c'est ça Maddie... Approches un peu... Viens par ici...
À pas lents, j'approchais de l'homme en face de moi. Mes pieds nus faisaient craquer le plancher mais ne faisaient que renforcer le malaise qui s'était installé, tantôt ponctué de gémissements, tantôt de silences insoutenables. Il n'y avait que cet homme au sourire carnassier et moi dans cette chambre.
Allez, ne sois pas timide, rejoins-moi.
Sa voix se voulait tendre, mais son regard le trahissait. Il ne détachait pas ses yeux de mon corps, comme un charognard qui avait repéré sa proie. Comme de ceux qui tournoient dans le ciel et prennent leur temps avant de fondre. Comme de ceux qui savouraient le moment où ils étaient puissants.
Quelques pas de plus me rapprochèrent de lui, jusqu'à ce que je ne sois plus qu'à quelques centimètres. Il se leva d'un bond et me gifla avant de m'attraper par les cheveux. Il s'approcha se mon oreille et se mit à me murmurer quelques mots.
Écoutes-moi bien petite pute ! J'ai payé pour une heure ! Tu sais ce que ça veut dire ? Que pendant une heure tu m'appartiens. Je fais absolument ce que je veux de toi, tu m'entends ? Il se mit à hurler. Alors tu arrêtes d'essayer de gagner du temps et tu fais ce que je te dis, sinon...
Il sortit un canif de sa poche et plaça la lame sous la gorge. Je tentais de retenir mes larmes, mais mon visage, lui, commençait à se déformer.
Oui... oui... Vas-y... Pleures... Supplies....
Toujours en me tenant par les cheveux, il m'asséna un violent coup de poing dans le ventre. Le choc et la douleur fut tels que je me laissais tomber au sol, laissant une poignée de cheveux dans la main de mon bourreau. Allongée sur le sol, recroquevillée sur moi-même, je posais une main sur mon estomac. La douleur était insoutenable et j'haletais. Je tournais la tête pour voir ce qui allait m'arriver ensuite, et je vis son visage tout près du mien avant de sentir la lame de son canif s'enfoncer dans mon abdomen.
Je me réveillais en sursaut. Ce n'était qu'un mauvais rêve. Je jetai rapidement un coup d’œil autour de moi, tout était normal. Roxas était là, juste derrière moi, les même meubles étaient au même endroit, l'extérieur était toujours le même, tout était parfaitement normal. J'étais tentée de le réveiller. Pour discuter... Pour l'entendre... Simplement pour ne pas être seule. Je me redressais et lui secouai le bras.
Roxas... Roxas... chuchotai-je. Je n'eus comme réponse qu'un grognement et le vis se retourner dos à moi. Roxas, s'il te plaît... repris-je.
Il bougea ses jambes, puis ses bras, se remit sur le dos et s'étira, manquant de peu de me mettre un coup. Il ouvrit les yeux et me regarda. Il resta comme ça quelques secondes avant d'ouvrir ses yeux en grand.
Maddie ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu... Je... Euh... me dit-il, l'air définitivement choqué.
Idiot ! répondais-je. Ne vas pas t'imaginer quoi que ce soit ! Je n'étais pas rassurée à l'idée de dormir seule hier soir, je ne voulais pas te savoir trop loin au cas où que... tu sais, que l'épouvantail revienne.
Mais je t'ai dit qu'il ne reviendrait pas, bailla t-il.
Peut-être, oui, mais je n'étais quand même pas à l'aise.
Et puis, m'imaginer quoi ? prononça t-il fermant lentement les yeux et s'apprêtant à se rendormir.
Laisse tomber... Mais ne te rendors pas ! dis-je en lui reprenant le bras pour le secouer. Il rouvrit les yeux, péniblement, et me demanda ce que je voulais. Sur le coup, je fus presque vexée d'une telle réponse de sa part.
J'ai fait un mauvais rêve, avec Port Royal et avant. Je sais que tu m'as dit que j'étais sauvée de tout ça, mais ça continue de me hanter, je voudrais que ça cesse, je voudrais que lorsque je ferme les yeux je sois sûre de ne pas revivre tout ça.
Il te faudra sûrement du temps, répondit-il en posant sa main sur mon bras. Je sais bien, mais je suis à bout de forces. Et puis, il y a autre chose.
Vas-y, je t'écoute. Je crois même que j'ai pas trop le choix, dit-il amusé.
Tu m'as libérée de Tortuga. C'était très gentil de ta part, et je t'en serai infiniment reconnaissante mais... Bientôt tu repartiras, comme tu me l'as dit. Je sais que c'est le mieux pour toi comme pour moi mais, je n'ai plus que toi. Et le fait d'à nouveau me retrouver seule ça me...
Je t'ai déjà dit que c'était impossible, rétorqua t-il l'air impassible. C'est juste impossible. Je ne peux pas t'emmener avec moi.
Mais pourquoi ?!
Parce que, je ne vis pas une vie facile. Je risque constamment ma peau, des gens veulent me voir mort, et tout un tas d'autres trucs. Réfléchis. Si nos liens venaient à être découverts, ne serais-tu pas une cible de choix pour me faire chanter ? Tu vois pourquoi je ne veux pas que tu me suives ? Ce n'est pas parce que je ne t'apprécies pas, justement c'est l'inverse. Je ne voudrais pas que par ma faute, il t'arrive quelque chose.
C'était comme un rêve qui se brisait devant moi. Je savais que négocier avec lui serait difficile, mais là, ça venait carrément de devenir impossible. Quelque part, il avait raison, et même si ses mots me faisaient chaud au cœur, je ne pouvais m'empêcher d'à nouveau me sentir vide... abandonnée.
Je m'en moque ! Je préfère courir le risque ! J'ai quoi moi ? J'ai quoi dans ma vie ? J'ai rien ! Absolument rien ! Alors, à quoi ça me servirait de me cacher ? Qu'est-ce que j'aurai à perdre de toute façon ? T'es la seule personne ! La seule personne à me porter un peu d'attention, la seule à me porter un peu d'affection... C'est tout ce que je demande ! Tu sais combien de temps ça fait que je suis seule ? Tu sais ce que c'est d'être seul ? Je suis sûre que non !
Il se tût. Je continuais de le fixer, et pour la première fois, je le vis baisser son regard. Il fixait les draps, pensif pendant que moi je séchais mes larmes. Cela dura une longue minute où je commençais à avoir des remords quant à ce que je venais de lui dire. Après tout, je ne le connaissais moins que lui ne me connaissait.
Je suis désolée, je ne savais pas.
Ce n'est rien.
Si, il y avait quelque chose. Quelle idiote je faisais ! Pourquoi je ne pouvais pas apprendre à me taire ? Mais pourquoi lui refusait de m'écouter ? Voilà où ça nous menait. Je me rapprocha de lui et m'allongea à côté.
Tu veux en parler ?
Il resta silencieux un moment avant de prendre la parole.
Ça ira. Je vais t'emmener avec moi. Je vais t'emmener au château. Tu as raison... ce que je m'apprêtais à te faire vivre... J'avais oublié ce que c'était que d'être seul. C'est de ma faute. Nous partirons demain matin.
Il était incroyablement froid. Si le Roxas des jours précédents savait rester gai et savait plaisanter en toutes circonstances, celui aux côtés duquel j'étais allongée n'avait rien de tout ça. Il restait figé, fixant le plafond, sans aucune expression sur le visage.
À mon tour, je re-basculais sur le dos et fixais le plafond. Le fait qu'il soit contrarié me rendait triste, d'autant plus que je savais que c'était entièrement ma faute. Je brûlais d'envie d'en savoir plus, je voulais qu'il sache qu'il pouvait se confier, me dire si quelque chose n'allait pas. Mais renfermé comme il l'était, je me doutais bien que c'était impossible. A la moindre question il saurait rester muet, renforçant un peu plus le malaise qui s'était installé en quelques minutes.
Quand je suis né, j'étais seul. J'étais perdu, sans guide, puis l'on m'a recueilli. Au fil du temps, j'ai travaillé pour ces gens... Sauf qu'ils avaient de mauvaises intentions et qu'ils me l'ont caché pendant énormément de temps. Lorsque j'ai découvert la vérité, je me suis enfui sans me retourner, laissant mes amis derrière. Au final, l'un d'eux est mort sans que je ne puisse faire quoi que ce soit, et l'autre à disparue. J'ai erré, encore et encore, jusqu'à trouver la Lumière. Voilà ce que ça donne si je résume ma vie. Tu connais les grandes lignes.
Je ne sus quoi répondre. Finalement, lui et moi n'étions pas si différents. Nous partagions sensiblement la même histoire, mais dans la mienne, c'était lui ma lumière salvatrice. Il m'avait sorti de mes maux, et je me sentais redevable envers lui. Je voulais l'aider. Je voulais l'aider à être heureux, mais comment ? J'étais impuissante face à tout ça.
Ne t'en fais pas, je ne veux pas que tu sois triste pour moi. J'ai appris à faire avec. Puis, ce n'est qu'un pan de ma vie. Je n'ai pas encore la trentaine, j'ai encore du chemin à parcourir ! reprit-il, sa voix récupérant peu à peu de sa chaleur. J'espère que tu ne t'es pas trop attachée à ce monde, car je ne pense pas que l'on y reviendra de sitôt. Prends ce qu'il te plaît on part ce soir.
Je me retournais vers lui et lui sourit avant de me lever et de retourner vers ma chambre.