Assis dans ma brasserie, la lumière d’une bougie comme seul éclairage, j’observais une page blanche. La nouvelle était tombée hier, les journalistes se sont empressés à prévenir chacun que les mères avaient disparu et il était impossible de compter les enfants laisser pour compte dans cette histoire. Comment c’était possible, j’avais l’impression d’avoir bu un verre de trop et de me réveiller dans le pire des cauchemars. Il suffisait de regarder dans les rues pour comprendre l’ampleur du problème, les maris tirant des têtes de six-pieds de long et les enfants pleurant toutes les larmes de leur corps. Autant dire que l’humeur n’était pas au beau fixe entre les tonneaux, et même dedans…
La brasserie était à l’arrêt, comme la plupart des commerces, le coeur n’était pas là pour travailler.
Les chefs de groupe s’étaient concertés, instaurant une trêve le temps de résoudre cette affaire. Cela me rassurait, qu’importent les idéaux, les gens étaient capables de passer outre les vieilles querelles afin de travailler ensemble sous la même bannière. Peut-être que rien n’était perdu, il y avait une chance que cette guerre ne voit jamais le jour après de pareil événement.
Et pendant ce temps, alors que d’autre personne travaillant ensemble pour rétablir la situation, je restais enfermé dans ma brasserie à ne pas savoir si ma propre mère faisait partie des disparus. J’attrapais finalement mon stylo, et d’une main lasse, je dessinais les courbes sur le papier à destination de mon père afin de savoir ce qu’il en ressortait. Incapable d’écrire le moindre mot à mes parents après trois années, et il faut que ma mère disparaissent pour que je décide enfin de prendre des nouvelles. Tu parles d’un fils. Une dizaine de minutes plus tard, je quittais enfin la brasserie et partis poster ma lettre en même temps que de prendre le vaisseau en direction de la Cité des Rêves. Ils nous manquaient des informations, et j’allais rejoindre un petit groupe ayant pour mission d’en récolter le plus. Si les ennemis étaient devenus des alliés, autant assistés à cela et entrevoir la paix, même si cela ne dure qu’un instant.
Marchant dans les rues de Paris, je lisais le rapport que Genesis m’avait envoyé dans la matinée, m’indiquant qu’il avait offert le toit du Moulin Rouge afin d’accueillir les enfants et pères délaissés. C’était par là que nous allions commencer avec mon groupe pour recueillir des informations, deux autres personnes devaient me rejoindre dans cette entreprise. Il suffisait d’interroger les enfants et les pères et récolter ce qu’ils savaient, personnes ne pouvaient disparaître sans laisser de traces, sauf les victimes d’un sans-coeur peut-être. Sauf que dans ce cas, nous aurions retrouvé des sans-coeur dans tous les mondes et ce n’était pas le cas.
Vraiment, c’était incompréhensible.
Je franchissais les portes de l’établissement et ne pouvais que constater le nombre de personne présente, à en faire pâlir de jalousie les plus grosses soirées du cabaret. L’effervescence et la joie en moins. Au loin, je distinguais Chariffa et ses deux soeurs en train de s’occuper d’enfant autour d’une table alors que Lacy était sur scène et apprenait quelques pas de danse aux intéressés. Quant à moi, quitte à attendre, autant le faire bien. Je m’approchais du barre tenue par Dolly, lui fis la bise m’assis sur un tabouret, dos au bar à regarder la scène bien différente de mes habitudes.
Comme d'habitude ?
J’acquiesçais d’un geste de la tête, attendis une minute et attrapai la chope de bière que m’avait servit la danseuse. Ce n’est pas un mal de boire un coup en attendant que les autres, d’ailleurs, de qui il pourrait bien s’agir ? Du moment que ce n’est pas un homme de la Coalition Noire prêt à passer les pauvres gens à tabac, ça me va. J’apportais alors le verre à mes lèvres, observant la porte d’entrée d’un oeil distrait.